Les origines de Jésus de Nazareth
Deux
évangélistes seulement rapportent quelques détails sur les origines de Jésus
que ses contemporains considèrent comme venant de Nazareth. Il s'agit de Luc et
de Matthieu. Encore faut-il remarquer que leurs récits ne sont pas similaires,
même si tous les deux font naître Jésus à Bethléem, la cité de David. Une
grande distance temporelle nous sépare des événements concernant la naissance
et l'enfance de Jésus, qui sont pratiquement passées inaperçues aux yeux des
hommes, d'autant plus que leur narration a été faite bien longtemps après le
reste des évangiles. Aucun rédacteur n'était présent au moment de ces
événements, même si chacun d'eux a cherché, à sa manière, à faire
comprendre aux hommes de la fin du premier siècle que ce Jésus qu'ils
considéraient à juste titre comme Dieu était aussi réellement un homme.
Il y avait, en effet, parmi les premiers chrétiens, des hommes qui prétendaient que Jésus n'était pas un homme véritable, mais une simple apparence. Les évangélistes se sont attachés à montrer qu'il était vraiment homme, qu'il était né d'une femme, qu'il avait vécu, qu'il avait lutté pour faire connaître ce qui lui tenait à cœur, qu'il avait souffert, qu'il était mort avant de ressusciter et d'entrer dans la gloire de son Père.
Un exemple de la difficulté de situer Jésus dans la géographie de la Palestine se trouve dans les récits concernant Joseph, l'époux de Marie.
Chez Luc, Joseph habitait à Nazareth. A cause du recensement ordonné par l'empereur, il quitte son village pour se faire inscrire dans la ville de Bethléem, dont sa famille était originaire. Après avoir satisfait aux obligations de la Loi concernant les fils premiers-nés, soit après une période de quarante jours, il revient à Nazareth.
Chez Matthieu, la situation est différente. Joseph habite
Bethléem, lieu où Jésus viendra au monde. Mais Joseph doit fuir avec Marie et
son enfant devant la colère du roi Hérode, lequel avait entendu parler de la
naissance d'un enfant qui pourrait menacer les assises de son trône. La famille
s'enfuit en Égypte pour un certain temps (dont la durée n'est en aucune façon
précisée, sinon que cet exil cesse avec la mort d'Hérode). Après cet exil,
alors que Joseph pensait revenir s'installer en Judée, il est obligé de
s'expatrier de nouveau, pour éviter de se soumettre au régime d'Archélaüs,
le successeur d'Hérode pour cette province. C'est donc presque par hasard, chez
Matthieu, que Jésus sera considéré comme Nazaréen.
Jésus a passé sa jeunesse à Nazareth, en Galilée. Mais on ne sait pratiquement rien de sa vie durant ses trente premières années. Sa vie publique ne commença que vers 27 ou 28, et dura environ deux trois ans. On sait qu'il mourut crucifié, vraisemblablement le 7 avril 30, âgé d'un peu plus de trente ans. Ce village de Nazareth n'était qu'une bourgade obscure, méprisée : Que peut-il sortir de bon de Nazareth ? (Jn. 1, 46), dira Nathanaël. Situé au milieu des collines, Nazareth occupe une place privilégiée dans le coeur des chrétiens, pour être le lieu où Marie entendit l'appel de l'ange lui annonçant qu'elle serait la mère de Jésus.
On ne dispose que de très peu de données sur le passé du village de Nazareth : seule, une source, alimentant la fontaine, laisse supposer que le site fut occupé à une époque lointaine. L'existence d'un village au site actuel de Nazareth est archéologiquement attestée depuis le huitième siècle avant l'ère chrétienne. On peut encore voir ruisseler l'eau de la fontaine à l'intérieur de l'église grecque orthodoxe de Saint Gabriel. On peut facilement imaginer que Marie soit venue y puiser de l'eau comme toutes les femmes du village. C'est là que la tradition grecque a situé la première rencontre de l'ange Gabriel avec la Vierge. Elle serait alors rentrée chez elle, et Gabriel l'aurait suivie. Pour commémorer cette rencontre, les orthodoxes grecs y ont édifié leur église dédiée à l'ange Gabriel.
Le
village fut détruit au temps de la guerre juive contre Rome. Aucune église n'y
fut bâtie avant l'époque de Constantin, et le site n'est pas mentionné avant
570. La première église fut détruite par les Arabes en 636, puis rebâtie par
les Croisés. Alors, la cité devint prospère, mais elle connaît à nouveau la
ruine après la défaite des Croisés à Acre en 1291. Les Franciscains et
quelques familles chrétiennes viennent s'y installer en 1620 afin d'y honorer
dignement le mystère de l'incarnation par une église qui ne fut construite
qu'en 1731. Cette église fut démolie en 1956 pour permettre la création,
entre 1960 et 1968, de la basilique actuelle qui est la plus importante de tout
le Moyen Orient. Les fouilles entreprises au moment de cette reconstruction
permirent d'établir avec certitude l'existence d'un sanctuaire byzantin. Une
inscription « XE, MARIA, réjouis-toi, Marie » atteste l'existence
d'un lieu de culte marial qui remonterait au quatrième siècle. La grotte de
l'Annonciation est située à l'extrémité sud de l'ancien village, où furent
retrouvées de nombreuses installations agricoles, pressoirs à huile ou à vin,
grottes naturelles ou artificielles ayant servi de silos à grains ou
d'étables. La tradition chrétienne voit en ces lieux des dépendances de la
maison de la Vierge ou les vestiges de la maison et de l'atelier de Joseph.
On a découvert à Nazareth des vestiges d'églises
byzantines et des croisés. La basilique actuelle enchâsse dans un même
édifice la grotte de l'Annonciation et les restes des églises anciennes. Avec
son aspect majestueux de tour-phare pour l'ensemble de la chrétienne, cette
basilique établit un contraste saisissant entre l'humilité de l'Incarnation et
la gloire de l'Eglise en marche, telle qu'elle est présentée dans la partie
supérieure où de riches sculptures et peintures évoquent le mystère qui
s'est passé en ces lieux. Vue de près, cette basilique semble trop lourde,
trop solide pour communiquer aux hommes toute la tendresse et le mystère de
l'événement qui s'y est produit. Sa construction a été achevée en 1969, ses
autels sont parmi les plus modernes du monde et dans le chœur principal une
fresque illustre la catholicité, l'universalité de l'Eglise.
Le sixième mois, l'ange Gabriel fut envoyé par Dieu dans une ville de Galilée du nom de Nazareth à une jeune fille accordée en mariage à un homme nommé Joseph de la famille de David. L'ange entra auprès d'elle et lui dit : Sois joyeuse, toi qui as la faveur de Dieu, le Seigneur est avec toi. A ces mots, elle fut très troublée, et elle se demandait ce que pouvait signifier cette salutation. L'ange lui dit : Sois sans crainte, Marie, car tu as trouvé grâce auprès de Dieu. Voici que tu vas être enceinte, tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et sera appelé Fils du Très Haut. Le Seigneur Dieu lui donnera le trône de David, son père, il règnera pour toujours sur la famille de Jacob et son règne n'aura pas de fin. Marie dit à l'ange : Comment cela se fera-t-il puisque je suis vierge ? L'ange répondit : L'Esprit Saint viendra sur toi et la puissance du Très Haut te couvrira de son ombre, c'est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu. Et voici qu'Élisabeth, ta parente, est elle aussi enceinte d'un fils dans sa vieillesse, et elle en est à son sixième mois, elle qu'on appelait la femme stérile. Car rien n'est impossible à Dieu. Marie dit alors : Je suis la servante du Seigneur, que tout se passe pour moi comme tu l'as dit. Et l'ange la quitta (Lc. 1, 26-38).
Un ange, celui de la Présence de Dieu, est envoyé à une jeune fille, une vierge d'après le terme grec. Dans le contexte de l'époque, une jeune fille de douze ans pouvait à la fois être mariée et vierge : elle restait un certain temps sous le toit paternel avant que le mari ne vienne l'introduire dans sa propre maison. L'ange salue Marie, alors qu'il était tout à fait inconvenant de saluer une femme. Bien plus, il la salue en des termes de salutation amoureuse : Favorisée, Bien-aimée, ce qui laisse supposer une manœuvre de subversion entreprise à l'encontre de Joseph. Et c'est bien ce qui arrive dans la réponse de Marie : Je suis la servante du Seigneur, se situant dans la position de la servante-épouse, selon le régime matrimonial courant.
Jésus
est né à Bethléem. Ce fait est attesté par Matthieu et Luc. Les raisons de
sa naissance en ce lieu peuvent être éclairées de plusieurs manières. Tout
d'abord, Bethléem est la ville de naissance du roi David, et Jésus appartient
à la lignée de David. Ensuite, le recensement ordonné par l'empereur romain
obligeait tous les citoyens de Palestine à se rendre dans la ville d'origine de
leur famille pour s'y faire inscrire. De cette manière, la politique romaine
rejoignait la perspective religieuse affirmant que le Messie, sauveur du peuple,
serait originaire de la cité de David : Et toi, Bethléem, tu n'est certes
pas le moindre des cantons de Juda, car de toi naîtra un sauveur (Mi. 5, 1,
cité par Mt. 2, 6).
Le prophète Michée annonçait donc de cette manière la naissance de Jésus dans cette ville. Il est pratiquement certain que la famille de Jésus, comme bien d'autres familles juives, ait été de la descendance de David. Pourtant, Jésus ne se prévaudra jamais de son illustre ascendant...
Mais le village de Bethléem trouve son origine, dans la
Bible, dès l'époque des patriarches. Bethléem, mentionnée dans les lettres
d'El Amarna, se situe à une dizaine de kilomètres de Jérusalem, au milieu des
collines. La ville doit sa naissance à un rassemblement de nomades autour d'une
source. Le nom de Bethléem a deux sens : maison du pain (Beth Lehem, en
hébreu) ou maison de la viande (Beit Lahm, en arabe), mais il se peut aussi que
ce nom vienne d'un sanctuaire au dieu Lahmu, ou à la déesse Lahama, divinité
akkadienne.
Les origines bibliques de ce lieu remontent au temps des patriarches. C'est là que mourut Rachel en donnant naissance à Benjamin. Il y avait encore une certaine distance avant d'arriver à Ephrata quand Rachel enfanta. Ses couches furent pénibles. Comme elle accouchait difficilement, la sage-femme lui dit : Ne crains pas, car tu as un fils de plus. Dans son dernier souffle, au moment de mourir, elle l'appela Ben-Oni, c'est-à-dire : Fils du Deuil, mais son père l'appela Benjamin, c'est-à-dire : Fils de la Droite. Rachel mourut et fut enterrée sur la route d'Ephrata, c'est-à-dire Bethléem. Jacob érigea une stèle sur sa tombe. C'est la stèle de la tombe de Rachel, aujourd'hui encore (Gen. 35, 16-20).
Le monument qui recouvre la tombe, d'après une tradition ancienne, mais erronée, et qui subsiste actuellement ne date que du quinzième siècle. Juifs, chrétiens et musulmans viennent y prier, particulièrement les futures mères de Bethléem et les femmes stériles.
C'est aussi à Bethléem que Ruth, une Moabite, une étrangère à Israël, revenue au pays de Juda avec sa belle-mère, y rencontra Booz qui l'épousa, la faisant devenir l'aïeule du roi David.
Il y eut une famine dans le pays. Du coup, un homme de Bethléem de Juda émigra dans la campagne de Moab, lui, sa femme et ses deux fils. Cet homme s'appelait Elimélek, sa femme Noémi... C'étaient des Ephratéens de Bethléem de Juda. Ils arrivèrent donc dans la campagne de Moab et vécurent là. Voici que mourut Elimélek, le mari de Noémi, et elle resta, elle et ses deux fils. Ils prirent pour femme des Moabites, l'une s'appelait Orpa et la seconde Ruth. Ils demeurèrent là environ dix ans. Puis ils moururent tous les deux, et cette femme resta, sans ses deux enfants ni son mari. Alors elle se leva, elle et ses belles-filles et s'en revint de la campagne de Moab, car elle avait entendu dire que le Seigneur s'était occupé de son peuple pour lui donner du pain. Aussi partit-elle de la localité où elle vivait avec ses deux belles-filles. Elles se mirent en chemin pour retourner au pays de Juda. Mais Noémi dit à ses deux belles-filles : Allez, retournez chacune chez sa mère. Que le Seigneur agisse envers vous avec fidélité comme vous avez agi envers les défunts et envers moi. Que le Seigneur vous donne de trouver un état chacune chez son mari. Et elle les embrassa. Alors elles élevèrent la voix et pleurèrent. Puis elles lui
dirent : Non ! Avec toi, nous retournerons à ton peuple. Mais Noémi dit : Retournez, mes filles. Pourquoi iriez-vous avec moi ? Ai-je encore des fils dans mon ventre qui deviendraient vos maris ? Retournez mes filles, car je suis trop vieille pour appartenir à un homme... Alors elles élevèrent la voix et pleurèrent encore. Puis Orpa embrassa sa belle-mère. Mais Ruth s'attacha à elle. Alors elle dit : Vois, ta belle-sœur s'en est retournée vers son peuple et vers ses dieux. Retourne, à la suite de ta belle-soeur. Mais Ruth dit : Ne me presse pas de t'abandonner, de retourner loin de toi, car où tu iras, j'irai, et où tu passeras la nuit, je la passerai, ton peuple sera mon peuple, et ton dieu mon dieu, où tu mourras, je mourrai et là je serai enterrée. Le Seigneur me fasse ainsi et plus encore si ce n'est pas la mort qui nous sépare. Voyant qu'elle s'obstinait à aller avec elle, elle cessa de lui en parler. Elles marchèrent donc toutes deux jusqu'à ce qu'elles arrivent à Bethléem... Ainsi revint Noémi et avec elle Ruth la Moabite, sa belle-fille, celle qui est revenue de Moab : elles arrivèrent à Bethléem au début de la moisson de l'orge. Or Noémi avait un parent du côté de son mari, un notable fortuné de la famille d'Elimélek, qui s'appelait Booz. Ruth la Moabite dit à Noémi : Je voudrais bien aller aux champs glaner des épis derrière quelqu'un qui me considérerait avec faveur. Elle répondit : Va, ma fille. Elle alla donc et entra glaner dans un champ derrière les moissonneurs. Sa chance fut de tomber sur une parcelle de terre appartenant à Booz de la famille d'Elimélek. Or voici que Booz arriva de Bethléem... (Rt. 1, 1 - 2, 3).
Un descendant de Booz sera David. Et c'est donc à Bethléem qu'est né David qui reçu l'onction royale des mains de Samuel pour qu'il soit roi sur Israël. Bethléem deviendra le symbole de la dynastie davidique.
Si l'on suit les renseignements donnés par les
évangélistes, il est possible de retracer quelques aspects de la naissance et
de la prime enfance de Jésus, même si ces renseignements sont marqués par une
volonté théologique sur l'événement : Or, en ce temps-là, parut un
décret de César Auguste pour faire recenser le monde entier. Ce premier
recensement eut lieu à l'époque où Quirinius était gouverneur de Syrie. Tous
allaient se faire recenser, chacun dans sa propre ville. Joseph aussi monta de
la ville de Nazareth en Galilée à la ville de David, qui s'appelle Bethléem,
parce qu'il était de la famille et de la descendance de David, pour se faire
recenser avec Marie son épouse qui était enceinte (Lc. 2, 1-5).
Or pendant qu'ils étaient là, le jour où elle devait accoucher arriva. Elle accoucha de son fils premier-né, l'emmaillota et le déposa dans une mangeoire parce qu'il n'y avait pas de place pour eux dans la salle d'hôtes. Il y avait dans le même pays des bergers qui vivaient aux champs et montaient la garde pendant la nuit auprès de leur troupeau. Un ange du Seigneur se présenta devant eux, les enveloppa de lumière et ils furent saisis d'une grande crainte. L'ange leur dit : Soyez sans crainte, car voici, je viens vous annoncer une bonne nouvelle, qui sera une grande joie pour tout le peuple : Il vous est né aujourd'hui, dans la ville de David, un Sauveur qui est le Christ Seigneur. Et voici le signe qui vous est donné : vous trouverez un nouveau-né emmailloté et couché dans une mangeoire. Tout à coup, il y eut avec l'ange l'armée céleste en masse qui chantait les louanges de Dieu et disait : Gloire à Dieu au plus haut des cieux et sur la terre paix pour les hommes ses bien-aimés. Or, quand les anges les eurent quitté pour le ciel, les bergers se dirent entre eux : Allons donc jusqu'à Bethléem et voyons ce qui est arrivé, ce que le Seigneur nous a fait connaître. Ils y allèrent en hâte et trouvèrent Marie, Joseph et le nouveau-né couché dans une mangeoire. Après avoir vu, ils firent connaître ce qui leur avait été dit au sujet de cet enfant. Et tous ceux qui les entendirent furent étonnés de ce que disaient les bergers. Quant à Marie, elle retenait tous ces événements et les méditait dans on coeur. Puis les bergers s'en retournèrent, chantant la gloire et les louanges de Dieu pour tout ce qu'ils avaient vu et entendu, en accord avec ce qui leur avait été annoncé (2, 6-21).
Les chrétiens sont tellement habitués à fêter Noël le 25
décembre qu'ils ne se soucient guère de la date de la naissance de Jésus. Il
semble que ce soit vers la fin du règne de Constantin, mort en 337, qu'on
décida de célébrer cette naissance à cette date de l'année. L'empereur
Aurélien aurait fixé cette date en fonction de celle du solstice d'hiver,
c'est-à-dire le moment où la force solaire, jusqu'alors décroissante,
commence à grandir. La fête du Natalis solis invicti , du soleil renaissant et
invaincu. C'est pour christianiser cette fête païenne que l'Eglise décida de
célébrer alors le Dies natalis, d'où vient le mot de Noël, comme le jour de
la naissance du véritable soleil levant. Cette date est donc d'origine romaine,
mais elle s'imposa rapidement au cours du quatrième siècle dans toute la
chrétienté pour
célébrer la gloire de Dieu qui se manifeste en Jésus, lumière qui éclaire
tout homme en venant dans le monde.
Jésus étant né à Bethléem de Judée, au temps du roi Hérode, voici que des mages venus d'Orient arrivèrent à Jérusalem et demandèrent : Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son astre à l'Orient et nous sommes venus lui rendre hommage. A cette nouvelle, le roi Hérode fut troublé et tout Jérusalem avec lui. Il assembla tous les grands prêtres et les scribes du peuple et s'enquit auprès d'eux du lieu où le Messie devait naître. A Bethléem en Judée, lui dirent-ils, car c'est ce qui est écrit par le prophète : Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n'es certes pas le plus petit des chefs lieux de Juda, car c'est de toi que sortira le chef qui fera paître mon peuple Israël. Alors Hérode fit appeler secrètement les mages, se fit préciser par eux l'époque à laquelle l'astre apparaissait et les envoya à Bethléem, en disant : Allez vous renseigner avec précision sur l'enfant, et quand vous l'aurez trouvé, avertissez-moi pour que, moi aussi, j'aille lui rendre hommage. Sur ces paroles, ils se mirent en route. Et voici que l'astre qu'ils avaient vu à l'Orient avançait devant eux jusqu'à ce qu'il vint s'arrêter au-dessus de l'endroit où était l'enfant. A la vue de l'astre, ils éprouvèrent une très grande joie. Entrant dans la maison, ils virent l'enfant avec Marie, sa mère, et, se prosternant, ils lui rendirent hommage : ouvrant leurs coffrets, ils lui offrirent en présent de l'or, de l'encens et de la myrrhe. Puis, divinement avertis en songe de ne pas retourner auprès d'Hérode, ils se retirèrent dans leur pays par un autre chemin (Mt. 2, 1-13).
Hérode fut alors pris de fureur et envoya tuer, dans le territoire de Bethléem, tous les enfants de moins de deux ans :
Alors Hérode, se voyant joué par les mages, entra dans une grande fureur et envoya tuer dans Bethléem et tout son territoire, tous les enfants jusqu'à deux ans, d'après l'époque qu'il s'était fait préciser par les mages. Alors s'accomplit ce qui avait été dit par le prophète Jérémie : Une voix dans Rama s'est fait entendre, des pleurs et une longue plainte : c'est Rachel qui pleure ses enfants et ne veut pas être consolée, parce qu'ils ne sont plus (Mt. 2, 16-18).
Bethléem
se situe à une dizaine de kilomètres de Jérusalem, au milieu des collines. Le
village doit sans doute sa naissance à un rassemblement de nomades autour d'une
source. C'est dans l'un des nombreuses grottes calcaires des environs de
Bethléem qu'il convient de placer le lieu de la naissance de Jésus. Elle
devint très tôt un lieu de culte. Saint Jérôme, qui vécut dans une grotte
à Bethléem de 385 à 420, où il acheva la traduction latine de la Bible,
connue sous le nom de Vulgate, rapporte que, du temps d'Hadrien au règne de
Constantin, ce lieu de culte chrétien fut dédié à Adonis et à Jupiter. Sous
Hadrien, en 135, la grotte de la Nativité, comme le tombeau et le calvaire, fut
profanée. On y planta alors un bois en l'honneur d'Adonis, le dieu de l'amour
et de la beauté. Mais cela permit au moins de continuer à fixer l'endroit de
la naissance. Aux environs de 330, après un pèlerinage en Terre Sainte de sa
mère, le reine Hélène, Constantin, nouveau converti, put retrouver
l'emplacement de la grotte et il commença à faire bâtir l'église de la
Nativité.
La basilique de la Nativité est la plus ancienne église de
Terre Sainte et même de la chrétienté. Ses murs étaient, au Moyen Age, une
sorte d'encyclopédie où l'or et les mosaïques illustraient la théologie de
l'incarnation. De telles richesses excitèrent la convoitise. Sous la domination
turque de Saladin, les marbres furent enlevés pour décorer le dôme du Rocher,
à Jérusalem, et le plomb de la toiture fut fondu pour être transformé en
boulets de canon.
Les communautés chrétiennes se mirent d'accord pour rétrécir la porte d'entrée de la basilique, afin d'en interdire l'entrée à cheval des infidèles. Cette porte, d'une hauteur de 1,20 mètre, est appelée porte de l'humilité. On ne peut entrer dans cette église qu'en baissant la tête, signe de respect pour l'humilité du Dieu qui s'est fait homme.
L'intérieur présente la forme d'une croix de 60 mètres de long sur 30 mètres de large. Dans la grotte proprement dite, propriété des grecs orthodoxes, sous l'autel, une étoile d'argent et une inscription : « Hic de Maria Virgine Jesus Christus natus est », marquent le lieu de la naissance. Sur le côté, une mangeoire serait l'endroit où Marie aurait déposé son fils : elle est nommée l'autel de la crèche. Sainte Hélène y aurait trouvé une mangeoire d'argile vénérée par les fidèles et elle la remplaça par une mangeoire d'argent.
En quittant Bethléem, on découvre cette construction d'Hérode qui, influencé par ses maîtres romains, fut un grand bâtisseur.
Hérode fit en la quinzième année de son règne rebâtir le Temple de Jérusalem avec une dépense et une magnificence incroyables. Il enferma au-dehors deux fois autant d'espace qu'il y en avait auparavant, éleva de font en comble de superbes galeries qui le joignaient du côté du septentrion à la forteresse qu'il ne rendit pas moins belle que le palais royal et nomma Antonia en l'honneur d'Antoine. Il fit faire aussi dans le lieu le plus élevé de la ville un palais avec deux très grands appartements si riches et si admirables qu'il n'y a point même de temples qui leur puisent être comparés, et il nomma l'un de ces deux appartements Césaron et l'autre Aggripion, en l'honneur d'Auguste et d'Agrippa... Après avoir travaillé avec tant de magnificence à rendre les noms de ses amis et des ses parents célèbres pour la postérité, il ne s'oublia pas lui-même, il fit bâtir à l'opposé de la montagne qui est du côté de l'Arabie un château extrêmement fort qu'il nomma Hérodion, et donna le même nom à une colline distante de soixante stades de Jérusalem, qui n'était pas naturelle, mais qu'il fit élever en forme de mamelle, avec de la terre portée, et dont il environna le sommet de tours qui étaient rondes. Il bâtit au-dessus des palais dont le dedans n'était pas seulement très riche, mais le dehors était si superbe qu'on ne le pouvait voir sans admiration. Il y fit venir de fort loin et avec une extrême dépense grande quantité de belles eaux, et l'on y montait par deux cents degrés de marbre blanc. Il fit faire au pied de cette colline un autre palais pour loger ses amis, qui était si spacieux et si rempli de toutes sortes de biens qu'à n'en considérer que la grandeur et l'abondance, on l'aurait pris pour une ville. Flavius Josèphe, La guerre des Juifs.
Les fouilles, entreprises depuis 1962, permettent d'imaginer le luxe et la puissance de cette forteresse qui, occupée par les résistants juifs, lors de la guerre contre les romains, fut détruite en 70, à la fin de la première révolte juive. Ultérieurement, des ermites chrétiens occupèrent l'endroit, comme en témoignent de nombreuses inscriptions ainsi que des pièces de monnaie qui y furent découvertes.