La prédication de Jésus en Galilée

 

 

Après son baptême par Jean sur les bords du Jourdain, et après avoir séjourné quelque temps au désert pour prier et jeûner, Jésus est de retour à Nazareth. Il se rend à la synagogue pour y prêcher, mais il n'y trouve pas l'accueil qu'il pouvait espérer, tant il est vrai qu'aucun prophète n'est bien reçu dans son pays :

Il vint à Nazara où il avait été élevé. Il entra suivant sa coutume le jour du sabbat dans la synagogue pour faire la lecture. On lui donna le livre du prophète Esaïe, et en le déroulant, il trouva le passage où il est écrit : L'Esprit du Seigneur est sur moi parce qu'il m'a conféré l'onction pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres. Il m'a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d'accueil par le Seigneur. Il roula le livre, le rendit au servant et s'assit ; tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il commença à leur dire : Aujourd'hui, cette écriture est accomplie pour vous qui l'entendez. Tous lui rendaient témoignage, ils s'étonnaient du message de la grâce qui sortait de sa bouche, et ils disaient : N'est-ce pas là le fils de Joseph ? Alors il leur dit : Sûrement, vous allez me citer le dicton : Médecin, guéris-toi toi-même. Nous avons appris tout ce qui s'est passé à Capharnaüm, fais-en donc autant ici dans ta patrie. Et il ajouta : Oui, je vous le déclare, aucun prophète ne trouve accueil dans sa patrie. En toute vérité, je vous le déclare, il y avait beaucoup de veuves en Israël aux jours d'Elie, quand le ciel fut fermé trois ans et six mois et que survint une grande famine sur tout le pays ; pourtant ce ne fut à aucune d'entre elles qu'Elie fut envoyé, mais bien dans le pays de Sidon, à une veuve de Sarepta. Il y avait beaucoup de lépreux en Israël eu temps du prophète Elisée ; pourtant aucun d'entre eux ne fut purifié, mais bien Naaman le Syrien. Tous furent remplis de colère dans la synagogue, en entendant ces paroles. Ils se levèrent, le jetèrent hors de la ville, et le menèrent jusqu'à un escarpement de la colline sur laquelle était bâtie leur ville, pour le précipiter en bas. Mais lui, passant au milieu d'eux, alla son chemin (Lc. 4, 16-30).

Jésus commence donc sa mission non pas à Jérusalem, la ville des rois et des pontifes, mais dans l'obscure province méprisée de Galilée, "le carrefour des païens", et particulièrement dans le village où il avait été élevé. Tout juif adulte (c'est-à-dire après sa Bar-Mitzva , aux environs de douze ans) peut prendre la parole dans une assemblée de prière. Habituellement, les autorités de la synagogue confient cette tâche à ceux qui sont compétents dans le domaine des Ecritures. Cela laisse suppose que la renommée et la réputation de Jésus étaient parvenues jusque dans son village. On lui donne à lire un texte du prophète Esaïe. On sait, par les découvertes de Qumran, que ce prophète était très utilisé au temps de Jésus, le plus ancien manuscrit retrouvé dans les grottes de la secte des bords de la Mer Morte étant précisément un rouleau de ce prophète. Immédiatement, Jésus se place sous son patronage, en définissant sa mission comme prophétique : L'Esprit du Seigneur est sur moi.

Dans le langage traditionnel, cette expression implique le fait d'être prophète, ou d'être envoyé par Dieu. Jésus se présente immédiatement comme le porte-parole de Dieu, celui qui a reçu l'onction. Ce terme d'onction, en grec se dit : Chrisma, et le terme d'oint se dit : Christos, le titre de Christ donné à Jésus vient de là. Jésus est cet homme qui a été rempli par l'Esprit Saint de la même manière qu'une huile oint le corps. Le commentaire de Jésus sur cette parole d'Esaïe annonce qu'elle se réalise dans l'aujourd'hui. Ses auditeurs sont saisis : les paroles entendues de la bouche de Jésus sont des paroles de grâce, et sa prédication est d'abord bien accueillie, les hommes écoutant volontiers un homme qui leur parle de choses qui les intéressent. Mais ils n'acceptent pas qu'il leur échappe et que ses talents de prophète et de thaumaturge puissent profiter à d'autres, pas plus qu'ils n'acceptent d'être remis en question dans leurs habitudes. Une question va donc monter de la foule : N'est-ce pas le fils de Joseph ? Si Jésus est prophète, cela doit profiter à son village, et les habitants réclament des signes. Désormais, on ne pourra plus enfermer Jésus dans ce petit trou de Nazareth, sa mission va s'élargir au monde. Ses compatriotes décident de le jeter hors de la ville, ce qui annonce son destin : il sera exécuté hors des murs de Jérusalem. Mais le refus des hommes ne peut pas empêcher Dieu de poursuivre son projet pour eux : Mais lui, passant au milieu d'eux, alla son chemin. D'après les textes évangéliques, il ne semble pas que Jésus ait été un bon "paroissien" par rapport aux offices de la synagogue. Chaque fois qu'il se trouve dans la maison de prière et d'étude (en hébreu Beth-knesset , il arrive des incidents. Certes, ses auditeurs peuvent être surpris de son enseignement ou de sa réputation, surtout les habitants de Nazareth qui le connaissaient pour l'avoir vu grandir au milieu d'eux et pour avoir eu recours à lui ou à Joseph pour leurs travaux de charpente. Jésus enseigne en maître qui a autorité et qui va directement à l'essentiel sans passer par des arguties subtiles, il donne les vraies réponses aux questions essentielles que les hommes se posent...

L'église de la communauté melchite, qui réunit des grecs unis à Rome, serait située à l'emplacement de l'ancienne synagogue de laquelle Jésus fut expulsé. Ce lieu était isolé sur un promontoire rocheux, entouré de pentes abruptes, ce qui permet de comprendre le récit selon lequel les habitants voulurent précipiter Jésus du haut de la colline.

L'évangéliste Jean fait commencer la mission de Jésus par un signe étonnant à Cana, village de Galilée, lors d'un mariage, auquel il fut convié avec ses proches. Plusieurs villages portent le nom de Cana. Celui de l'évangile correspond à de Kefer Cana qui se situe sur la route de Tibériade à Nazareth, à environ 6 kilomètres de Nazareth.

Or le troisième jour, il y eut une noce à Cana de Galilée et la mère de Jésus était là. Jésus lui aussi fut invité ainsi que ses disciples. Comme le vin manquait, la mère de Jésus lui dit : ils n'ont pas de vin. Mais Jésus lui répondit : Que me veux-tu, femme ? Mon heure n'est pas encore venue. Sa mère dit aux servants : Quoi qu'il vous dise, faites-le. Il y avait là six jarres de pierre destinées aux purifications des Juifs, elle contenaient chacune deux à trois mesure. Jésus dit aux servants : Remplissez d'eau ces jarres, et ils les remplirent jusqu'au bord. Jésus leur dit : Maintenant puisez et portez-en au maître du repas. Ils lui en portèrent et il goûta l'eau devenue vin - il ne savait pas d'où il venait à la différence de ceux qui avaient puisé l'eau - aussi il s'adresse au marié et lui dit : Tout le monde sert d'abord le bon vin en premier, et lorsque les convives sont gris, on fait servir le moins bon, mais toi, tu as gardé le bon vin jusqu'à maintenant ! Tel fut, à Cana de Galilée, le commencement des signes de Jésus. Il manifesta sa gloire et ses disciples crurent en lui. Après quoi, ils descendit à Capharnaüm avec sa mère, ses frères et ses disciples, mais ils n'y restèrent que peu de jours (Jn. 2, 1-12).

Toute la tradition chrétienne a vu dans ce signe de Cana un rappel ou une préfiguration du vin eucharistique de la même manière que la multiplication des pains (Jn. 6), expliquée par un discours de Jésus, préfigure l'eucharistie, puisque l'évangile selon saint Jean ne comporte pas de récit de l'institution de l'eucharistie.

Selon Flavius Josèphe, dans les préparatifs de la guerre juive contre les Romains, Cana servit de lieu de rassemblement pour ses troupes. A l'époque byzantine, la tradition a fixé le premier signe de Jésus, qui, sous l'insistance de sa mère, changea l'eau en vin pour la plus grande joie des invités de la noce.

Actuellement, deux églises, proches l'une de l'autre et confiées, l'une aux orthodoxes grecs, l'autres aux franciscains, conservent le souvenir du miracle. On a retrouvé dans l'église franciscaine des vestiges d'une église-synagogue qui fut construite au troisième siècle : des colonnes, des chapiteaux, des pièces d'ornementation et une inscription en araméen : Souvenir du pieux Joseph, fils de Tanhoum, fils de Bota et ses enfants, qui ont fait cette table. Sois pour eux une bénédiction. Amen.