L'affrontement de Jésus à Jérusalem
A l'époque de Jésus, Jérusalem était sous domination
romaine depuis la jeunesse du roi Hérode. Simple juif noble et influent, il fut
mêlé à une guerre civile qui opposait, en 40 avant l'ère chrétienne, les
partisans de Rome et ceux des Parthes, alors maîtres de Jérusalem. Hérode
s'échappe dans le désert de Judée avec sa famille et une armée à sa solde,
pour se réfugier sur le plateau de Massada. De là, il partit vers Rome où le
Sénat le nomma roi de Judée. En 37, il revint avec des légions pour s'assurer
de son royaume.
La piscine de Bezatha
Il existait, à la porte des Brebis, au nord de l'enceinte du
Temple de Jérusalem, une piscine ornée de cinq portiques. Ses eaux étaient
réputées guérir. Jésus y rencontra un infirme qui ne pouvait se plonger dans
les eaux miraculeuses de la piscine : A l'occasion d'une fête juive,
Jésus monta à Jérusalem. Or il existe à Jérusalem, près de la porte des
Brebis, une piscine qui s'appelle en hébreu Bezatha. Elle possède cinq
portiques sous lesquels gisaient une foule de malades, aveugles, boiteux,
impotents (qui attendaient l'agitation de l'eau, car à certains moments l'ange
du Seigneur descendait dans la piscine ; l'eau s'agitait et le premier qui
y entrait après que l'eau avait bouillonné était guéri, quelle que fût sa
maladie). Il y avait là un homme infirme depuis trente huit ans. Jésus le vit
couché et, apprenant qu'il était dans cet état depuis longtemps déjà, lui
dit : Veux-tu guérir ? L'infirme répondit : Seigneur, je n'ai
personne pour me plonger dans la piscine au moment où l'eau commence à
s'agiter, et le temps d'y aller, un autre descend avant moi. Jésus lui
dit : Lève-toi, prends ton grabat et marche. Et aussitôt l'homme fut
guéri, il prit son grabat, il marchait (Jn. 5, 1-9).
Des fouilles archéologiques ont mis à jour les fondations d'une installation thermale gréco-romaine, avec deux bassins inégaux, qui étaient entourés de cinq portiques, ceux précisément dont parle l'évangéliste Jean. Comme il n'existe aucune autre installation de ce genre, nous avons là, à Jérusalem, un des rares endroits dont on puisse dire avec certitude que Jésus y est venu. Une église à trois nefs y a été érigée à l'époque byzantine et ses fondations se voient encore.
Près de la piscine, se trouve l'église sainte Anne, construite par les Croisés, à la demande de Mélisandre, épouse du roi Baudouin, à l'endroit habité, selon la tradition, par Anne et Joachim, parents de Marie. Sous l'église, une crypte conserve le souvenir de la Nativité de la Vierge. Devenue école coranique sous le règne de Saladin, elle revint à la France en 1856 après la guerre de Crimée, elle fut confiée aux Pères blancs qui retrouvèrent, sous un amas de décombres, la piscine de Bezatha.
Jésus à Béthanie
Malgré les critiques adressées par Jésus aux pharisiens et
aux légistes, il accepte l'invitation d'un pharisien, signe qu'il n'a pas
d'exclusives. S'il critique les comportements, Jésus ne méprise pas les
personnes. S'il se présente comme un pauvre, il vit aussi au contact de gens
riches, car Simon est un homme riche qui offre un repas de fête dans une cadre
confortable, comme le souligne la description de l'évangéliste Luc : Un
pharisien l'invita à manger avec lui, il entra dans la maison du pharisien et
se mit à table. Survint une femme de la ville qui était pécheresse, elle
avait appris qu'il était à table dans la maison du pharisien. Apportant un
flacon de parfum en albâtre, et se plaçant par derrière, tout en pleurs, aux
pieds de Jésus, elle se mit à baigner ses pieds de larmes, elles les essuyait
avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux du parfum.
Voyant cela, le pharisien qui l'avait invité se dit en lui-même : Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. Jésus prit la parole et lui dit : Simon, j'ai quelque chose à te dire. Parle, Maître, dit-il. Un créancier avait deux débiteurs, l'un lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous les deux. Lequel des deux l'aimera le plus ? Simon répondit : Je pense que c'est celui auquel il a fit grâce de la plus grande dette. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, tu ne m'as pas versé d'eau sur mes pieds, mais elle, elle a baigné mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis qu'elle est entrée, elle n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu ne m'as pas répandu d'huile odorante sur ma tête, mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c'est parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. Il dit à la femme : Tes péchés ont été pardonnés. Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : Qui est cet homme qui va jusqu'à pardonner les péchés ? Jésus dit à la femme : Ta foi t'a sauvée. Va en paix (Lc. 7, 36-50).
L'évangéliste Marc situe la maison de Simon à Béthanie,
tout en précisant que ce Simon était un lépreux, peut-être un de ceux qui
avaient été purifiés par Jésus (Mc. 14, 3-9). L'évangéliste Jean, quant à
lui, donne d'autres précisions sur ce repas, et il identifie cette femme à
Marie, la soeur de Lazare (Jn. 12, 1-3). Au cours de ce repas à Béthanie, il
annonce son ensevelissement : une femme (Marie Madeleine) a posé un geste
prophétique que Jésus a interprété dans le sens de sa mort.
En descendant le Mont des Oliviers, avant d'arriver à l'église de Gethsémani, on peut voir l'église russe de sainte Marie Madeleine, avec ses curieux clochers, pour le pays, en forme de bulbes. Cette église a été construite sur ordre du tsar Alexandre III en 1888, en mémoire de sa mère Marie Alexandrovna.
Ce repas aurait eu lieu à Béthanie, près de Jérusalem. En hébreu, Béthanie signifie : la maison du pauvre, la maison de l'humilité.
Actuellement, bien que sa population soit en majorité
musulmane, ce village a conservé le souvenir du passage de Jésus et d'un signe
étonnant qu'il fit en faveur de Lazare, un habitant du village, connu pour
être l'ami de Jésus, ainsi que celui de deux femmes, Marthe et Marie, que les
évangélistes pensent bien connues des chrétiens auxquels ils s'adressent. Le
village s'appelle aujourd'hui El-Azarîye, et on y montre un tombeau, qui est
faussement identifié à la tombe de Lazare creusée dans le roc. Marthe et
Marie ont rapidement été identifiés aux deux femmes que l'évangéliste Luc
présente dans un court récit : Comme ils étaient en route, il entra dans
un village et une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait
une soeur nommée Marie qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa
parole. Marthe s'affairait à un service compliqué. Elle survint et dit :
Seigneur, cela ne te fait rien que ma soeur m'ait laissée seule à faire le
service ? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit : Marthe,
Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est
nécessaire. C'est bien Marie qui a choisi la meilleure part, elle ne lui sera
pas enlevée (Lc. 10, 38-42).
L'église franciscaine de El-Azarîye rassemble en un seul
lieu tous les souvenirs de Béthanie : l'amitié de Jésus pour la famille
de Lazare, la promesse de la résurrection, le repas chez Simon et la
résurrection de Lazare. Cette église ressemble à un monument funéraire par
son absence de fenêtres ou de vitraux, ce qui l'emplit de pénombre, tandis que
la coupole, inondée de lumière, évoque l'espérance de la résurrection
promise à tous les hommes : Celui qui croit en Jésus, même s'il meurt
vivra, et celui qui vit et croit en lui ne mourra jamais. Tel est l'enseignement
qu'il est possible de retirer de l'évangile de la résurrection de
Lazare : Il y avait un homme malade, c'était Lazare de Béthanie, le
village de Marie et de sa soeur Marthe. Il s'agit de cette même Marie qui avait
oint le Seigneur d'une huile parfumée et lui avait essuyé les pieds avec ses
cheveux. C'était son frère Lazare qui était malade. Les soeurs envoyèrent
dire à Jésus : Seigneur, celui qui tu aimes est malade. Dès qu'il
l'apprit, Jésus dit : Cette maladie n'aboutira pas à la mort, elle
servira à la gloire de Dieu, c'est par elle que le Fils de Dieu doit être
glorifié. Or Jésus aimait Marthe et sa soeur et Lazare. Cependant, alors qu'il
savait Lazare malade, il demeura deux jours encore à l'endroit où il se
trouvait. Après quoi seulement, il dit à ses disciples : Retournons en
Judée. Les disciples lui dirent : Rabbi, tout récemment encore, les juifs
cherchaient à te lapider, et tu veux retourner là-bas ? Jésus
répondit : N'y a-t-il pas douze heures de jour ? Si quelqu'un marche
le jour, il ne trébuche pas parce qu'il voit la lumière de ce monde, mais si
quelqu'un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n'est pas en lui.
Après avoir prononcé ces paroles, il ajouta : Notre ami Lazare s'est
endormi, mais je vais aller le réveiller. Les disciples lui dirent donc :
Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. En fait, Jésus avait voulu parler
de la mort de Lazare, alors qu'ils se figuraient, eux, qu'il parlait de
l'assoupissement du sommeil. Jésus leur dit alors ouvertement : Lazare est
mort, et je suis heureux pour vous de n'avoir pas été là, afin que vous
croyiez. Mais allons à lui ! Alors Thomas, celui que l'on appelle Didyme,
dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui. A
son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau, il y était depuis quatre jours
déjà. Comme Béthanie est distante de Jérusalem d'environ quinze stades,
beaucoup de juifs étaient venus chez Marthe et Marie pour les consoler au sujet
de leur frère. Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant
de lui, tandis que Marthe était assise dans la maison. Marthe dit à
Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort.
Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te
le donnera. Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera. Je sais,
répondit-elle, qu'il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour.
Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en
moi, même s'il meurt, vivra, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais.
Crois-tu cela ? Oui, Seigneur, répondit-elle, je crois que tu es le Fils
de Dieu, celui qui vient dans le monde. Là-dessus elle partit appeler sa soeur
Marie et lui dit tout bas : Le Maître est là et il t'appelle. A ces mots,
Marie se leva immédiatement et alla vers lui. Jésus, en effet, n'était pas
encore entré dans le village, il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe
l'avait rencontré. Les juifs étaient avec Marie dans la maison, et ils
cherchaient à la consoler. Ils la virent se lever soudain pour sortir, ils la
suivirent, ils se figuraient qu'elle se rendait au tombeau pour s'y lamenter.
Lorsque Marie parvint à l'endroit où se trouvait Jésus, elle tomba à ses
pieds et lui dit : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait
pas mort. Lorsqu'il les vit se lamenter, elle et les juifs qui l'accompagnaient,
Jésus frémit intérieurement et il se troubla. Il dit : Où l'avez-vous
déposé ? Ils répondirent : Seigneur, viens voir. Alors Jésus
pleura, et les juifs disaient : Voyez comme il l'aimait. Mais quelques-uns
d'entre eux dirent : Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle n'a pas été
capable d'empêcher Lazare de mourir. Alors, à nouveau, Jésus frémit
intérieurement et il s'en fut au sépulcre. C'était une grotte dont une pierre
recouvrait l'entrée. Jésus dit alors : Enlevez cette pierre. Marthe, la
soeur du défunt, lui dit : Seigneur, il doit déjà sentir... Il y a en
effet quatre jours... Mais Jésus lui dit : Ne t'ai-je
pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? On ôta donc la
pierre. Alors, Jésus leva les yeux et dit : Père, je te rends grâce de
ce que tu m'as exaucé. Certes, je savais bien que tu m'exauces toujours, mais
j'ai parlé à cause de cette foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que tu
m'a envoyé. Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte : Lazare,
sors ! Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains
attachés par des bandes et le visage enveloppé d'un linge. Jésus dit aux
gens : Déliez-le et laissez-le aller. Beaucoup de ces juifs qui étaient
venus auprès de Marie et qui avaient vu ce que Jésus avait fait crurent en lui
(Jn. 11, 1-45).
Lazare n'est pas connu dans l'ensemble de l'Evangile, il ne semble même pas connu des premiers auditeurs de l'Evangile, puisque Jean le présente simplement comme le frère de deux femmes, Marthe et Marie, qui semblent, quant à elles, bien mieux connues des premiers chrétiens. Pourtant, Lazare porte un nom prédestiné : Dieu vient en aide. Et les deux soeurs le disent ami de Jésus. Jésus redonne la vie à Lazare, et cette vie devient le signe d'une autre vie, celle qui sera donnée à tout croyant. Ce dernier signe, dans son ministère, Jésus le réalise devant les juifs : il ne pouvait donner de signe plus éclatant de l'authenticité de sa mission. Il ne s'agit pas seulement de multiplier les pains ou de guérir, mais de faire revenir quelqu'un du monde de la mort, ce qui est un pouvoir propre à Dieu. Jésus en fait ainsi une preuve de sa mission, il est le maître absolu de la vie et de la mort. L'évangile ne dit rien du comportement de Lazare et de ses soeurs après la résurrection. Il est peut-être devenu une sorte d'attraction dans le village. Lors de la préparation de la fête de Pâque, Jean note que les gens venaient à Béthanie, non seulement à cause de Jésus, mais surtout pour voir Lazare qu'il avait ressuscité. Mort ou vivant, Lazare est là pour témoigner de la puissance de vie que Jésus apporte.