Approche du dénouement

 

La Pâque et la fête des pains sans levain devaient avoir lieu deux jours après. Les grands prêtres et les scribes cherchaient comment arrêter Jésus par ruse pour le tuer. Ils disaient en effet : Pas en pleine fête, de peur qu'il n'y ait des troubles dans le peuple (Mc. 14, 1-2).

La décision est prise : l'affrontement que Jésus avait porté jusque dans la capitale ne peut avoir d'autre issue que son arrestation et sa mise à mort. Ses adversaires sont d'accord sur ce point, leur principale préoccupation est de trouver le moyen de l'arrêter sans provoquer d'émeute dans la ville, en cette période de fêtes pascales, pendant laquelle la foule est très nombreuse à Jérusalem. Puisque Jésus se trouve dans la capitale, ou dans sa proche banlieue, l'occasion est favorable, mais il n'est pas possible aux adversaires de Jésus de procéder publiquement à cette arrestation ; il leur faut agir par ruse, car ils ignorent le nombre de ses partisans présents avec lui dans la ville à cette époque. La proposition de Judas Iscarioth aux grands prêtres arrivera à point nommé pour hâter les événements.

Judas Iscarioth, l'un des douze, s'en alla chez les grands prêtres pour leur livrer Jésus. A cette nouvelle, ils se réjouirent et promirent de lui donner de l'argent. Et Judas cherchait comment il le livrerait au bon moment (Mc. 14, 10-11).

La tradition chrétienne s'est souvent complue à noircir la mémoire de Judas. Les évangélistes eux-mêmes en portent la responsabilité. Si Marc reste très discret sur la personnalité de Judas, il le mentionne néanmoins comme le dernier des douze, en précisant "celui-là même que le livra" (3, 19). Dernier à être appelé à faire partie des disciples privilégiés, il est aussitôt qualifié de traître. Il faut quand même noter que Judas n'a jamais comploté la mort de Jésus. Il ne fait pas partie de ceux qui ont condamné Jésus au supplice... Comment serait-il possible à de fidèles observants de la Loi juive, comme devait l'être Judas, de découvrir dans cet homme sans grande envergure politique le Messie attendu par Israël depuis des générations ? Pourtant, il a trahi son maître, et cette trahison a été durement ressentie par les autres disciples de Jésus qui, dans leur douleur, n'ont pas pu comprendre pourquoi un de ceux qui avaient été choisis par le maître le trahissait.

Tout laisse à croire que Jésus lui-même connaissait le désaccord qui devait l'opposer à Judas, et que le maître s'attendait, à un moment ou à un autre, à la défection de son disciple. Mais alors que les évangélistes s'attardent à souligner sa trahison, ils ne disent rien des motifs qui ont pu le conduire. Matthieu pense que Judas agissait simplement poussé par la cupidité, Luc et Jean estiment que le disciple a été comme possédé par Satan, l'esprit du Mal, et ils soulignent alors le fait que la Passion de Jésus serait le résultat de l'oeuvre démoniaque qui s'oppose à la volonté salvifique de Dieu.

Habituellement, on pense que Judas était affilié au parti des zélotes, qui se révoltaient contre la puissance romaine d'occupation pour des motifs religieux. Judas avait placé toute sa confiance dans la personne de Jésus de Nazareth, en qui il pensait avoir trouvé celui qui allait pouvoir secouer la tutelle romaine, uniquement pour des motifs religieux. Déçu par Jésus, qui refusait de se reconnaître comme celui qui devait être le libérateur messianique, de style politique, qui allait redonner à Israël toute sa dignité royale, sacerdotale et prophétique, Judas aurait alors découvert en Jésus une sorte d'imposteur qui allait empêcher la restauration d'Israël comme une puissance au milieu des autres nations, il lui fallait dénoncer nécessairement cette imposture pour la bien public de la nation juive.

Quoi qu'il en soit, les évangiles ne sont pas très explicites sur les motifs qui ont poussé Judas à agir de la sorte. Ils sont davantage sensibles au fait que Jésus est l'homme en qui peut s'opérer le salut que Dieu réserve à l'ensemble de l'humanité, ce salut s'effectuant dans l'humiliation d'un Messie crucifié, en qui toutes les Ecritures seraient accomplies. La rencontre de Judas et des grands prêtres est l'épisode ultime qui clôt l'affrontement de Jésus aux autorités religieuses.