L'entrée triomphale à Jérusalem

 

Au cours de sa vie publique, notamment dans le cadre de la capitale, Jésus, par sa prédication et par ses actes, va s'attirer les foudres des représentants du peuple et de la tradition juive. La tradition chrétienne se plaît à dire que Jésus serait entré à Jérusalem par la porte Dorée, ou porte de la Compassion, qui faisait partie de l'enceinte du Temple. Les juifs croient que le Messie viendra par cette porte ; les musulmans, que cette attente messianique inquiétait, bloquèrent cette porte qui fut complètement bouchée lorsque le sultan Soliman le Magnifique fit reconstruire les murailles de la ville.

Les évangélistes résument en une semaine les derniers épisodes de la vie de Jésus : il serait d'abord entré triomphalement à Jérusalem.

Le mont des Oliviers

Face à la muraille du Temple se dresse le mont des Oliviers qui se prolonge au nord par le mont Scopus. Sur ces lieux les souvenirs chrétiens sont très vivants, avec parmi les tombeaux juifs celui qui abrita le corps de la Vierge, l'église de Gethsémani, l'église sainte Marie Madeleine, l'église du Dominus Flevit, le Carmel du Pater Noster, avec la grotte des enseignements, ainsi que la mosquée de l'Ascension. C'est à partir des pentes de ce mont que Jésus est entré triomphalement à Jérusalem :

Lorsqu'ils approchèrent de Jérusalem, près de Bethphagé et de Béthanie, vers le mont des Oliviers, Jésus envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez au village qui est devant vous, dès que vous entrerez, vous trouverez un ânon attaché que personne n'a encore monté. Détachez-le et amenez-le. Et si quelqu'un vous dit : Pourquoi faites-vous cela ? répondez : Le Seigneur en a besoin et il le renvoie ici tout de suite. Ils sont partis et on trouvé un ânon attaché dehors près d'une porte dans la rue. Ils le détachent. Quelques-uns de ceux qui se trouvaient là leur dirent : Qu'avez-vous à détacher cet ânon ? Eux leur répondirent comme Jésus l'avait dit et on les laissa faire. Ils amenèrent l'ânon à Jésus, ils mettent sur lui leurs vêtements et Jésus s'assit dessus. Beaucoup de gens étendirent leurs vêtements sur la route et d'autres des feuillages qu'ils coupaient dans la campagne. Ceux qui marchaient devant et ceux qui suivaient criaient : Hosanna ! Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ! Béni soit le règne de David notre père ! Et il entra à Jérusalem dans le Temple. Après avoir regardé autour de lui, comme c'était déjà le soir, il sortit pour se rendre à Béthanie avec les douze (Mc. 10, 1-11).

L'entrée triomphale à Jérusalem donne lieu à un texte empreint d'une grande simplicité. La venue de Jésus sur un ânon peut être lue comme une indication de la royauté messianique, ainsi que l'écrivait le prophète Zacharie : Voici que ton roi vient à toi, il est juste et victorieux, humble et monté sur un âne (Za. 9, 9).

Dans l'Ancien Testament, l'âne est la monture royale, il désigne également la monture du Messie. De plus, ce récit rappelle d'autres séquences vétéro-testamentaires. Les juifs connaissaient le récit de l'investiture royale de Jéhu : Aussitôt, ils prirent tous leurs manteaux et les étendirent sous lui, à même les degrés. Ils sonnèrent du cor et crièrent : Jéhu est roi ! (2 R. 9, 13).

C'est exactement ce que fait la foule qui accompagne Jésus. L'entrée à Jérusalem apparaît comme la venue du roi-messie.

Hosanna ! C'est la translittération d'un terme hébreu, qui veut dire : donne le salut ! Le mot exprime une supplication instante. Et, dans le cadre de la fête des Tentes, c'était plutôt une prière pour demander la pluie. Par la suite, ce terme est devenu, peut-être dans le judaïsme, mais surtout dans le christianisme primitif, une acclamation liturgique, au même titre que Alléluia ! qui signifie : louez Dieu !

Cette entrée de Jésus dans la ville sainte se déroule dans le cadre de la semaine qui précède la Pâque. Le premier jour, selon l'évangile de Marc, Jésus est entré triomphant dans Jérusalem et dans le Temple, avant de quitter la ville pour la nuit. Le second jour, il revient, maudit au passage le figuier, chasse les vendeurs du Temple, avant de se retirer pour la nuit. Le troisième jour, en revenant à Jérusalem, les disciples constatent que la malédiction du figuier s'est réalisée. Puis Jésus circule dans le Temple, répond à diverses questions, propose un discours sur la fin des temps.

La purification du Temple est un événement majeur de l'activité de Jésus à Jérusalem. C'est l'incident des vendeurs chassés du Temple qui a mis le feu aux poudres, même s'il est vraisemblable qu'il a eu lieu plusieurs mois avant la dernière semaine de Jésus. Par ce geste, Jésus se met au-dessus des plus hautes autorités et s'oppose au culte normal. Toucher au Temple, c'était s'exposer à faire éclater une affaire d'état. Jésus menaçait l'ordre et l'équilibre politico-religieux en prenant la liberté de purifier le Temple et d'annoncer sa destruction en se plaçant au-dessus de la Loi de Moïse : cela menaçait l'ordre établi dont les grands prêtres étaient les garants.

Ils arrivent à Jérusalem. Entrant dans le Temple, Jésus se mit à chasser ceux qui vendaient et achetaient dans le Temple, il renversa les tables des changeurs et les sièges des marchands de colombe, et il ne laissait personne traverser le Temple en portant quoi que ce soit. Et il enseignait et leur disait : Ma maison sera appelée Maison de prière pour toutes les nations. Mais vous, vous en avez fait une caverne de bandits. Les grands prêtres et les scribes l'apprirent et ils cherchaient comment ils le feraient périr. Car ils le redoutaient, parce que la foule était frappée de son enseignement (Marc 11, 15-19).

Sur le fait qu'il se soit passé quelque chose au Temple, que Jésus soit intervenu personnellement pour rappeler la destination première du Temple, les indices ne manquent pas dans les évangiles. L'indice le plus apparent, et non le moindre, réside dans le fait que l'événement est rapporté par les quatre évangélistes. Le trafic commercial à l'intérieur du Temple est très vraisemblable : la scène de vente des objets et animaux nécessaires au culte n'est en rien scandaleuse pour les juifs. De plus, les autorités religieuses devaient avoir pris des mesures pour que le "haut-lieu" du culte ne soit pas profané. L'intervention de Jésus ne peut se comprendre que dans la perspective d'une purification du Temple dans son intégralité : il le purifie pour la venue du Royaume de Dieu, dans une visée eschatologique imminente.

Le trafic commercial à l'intérieur du Temple est vraisemblable, la vente des objets nécessaires au culte et aux sacrifices n'est pas scandaleuse pour les fidèles juifs. Et les autorités religieuses devaient avoir pris des mesures efficaces pour que le Saint des saints, le haut-lieu du culte ne soit pas profané. L'intervention de Jésus ne peut se comprendre que dans la perspective d'une purification du Temple dans sa totalité, dans son intégralité.

Le Temple de Jérusalem n'était pas seulement un lieu sacré (en grec : naos), un lieu dans lequel seuls les prêtres pouvaient entrer, mais le Temple (ieron) constituait un vaste domaine qui entourait le sanctuaire proprement dit. Le Temple, auquel l'épisode fait allusion doit être le parvis des païens, immense esplanade qui bordait le grand côté du sanctuaire. C'était une sorte de place publique, bordée de portiques où régnait, au temps de Jésus, une animation très orientale. Cet espace semble profane, mais en réalité il est déjà séparé du monde extérieur : on pouvait accéder à ce parvis par neuf portes fortifiées. Le sanctuaire proprement dit domine de plusieurs mètres ce marché. Cette fois, l'entrée est interdite aux païens : "qui sera pris sera seul responsable envers lui-même, car mort s'ensuivra". Puis une cour réservée aux femmes qui ne pouvaient aller plus loin, puis un parvis pour les hommes, ensuite un parvis pour les prêtres où se trouvait l'autel des sacrifices, enfin le lieu saint, où les prêtres seuls pouvaient déposer l'encens avec des charbons ardents sur l'autel de l'encens, ce lieu saint précédait immédiatement le "Saint des saints" qui ne renfermait rien, mais dont le grand prêtre, une fois par an, encensait l'intérieur pour se protéger et pour protéger tout le peuple de la Présence divine. C'était là le haut lieu du Temple auquel on ne pouvait accéder qu'en franchissant les limites successives. Le parvis des païens n'était en quelque sorte que la frontière du profane et du sacré.

Le Temple fut détruit lors de la première guerre juive, incendié par les armées de Titus. Il ne subsistera plus de lui qu'un simple mur, le Mur Occidental, dit aussi Mur des Lamentations, ainsi appelé parce qu'après la ruine de Jérusalem et sa colonisation par les romains, dans la cité d'Aelia Capitolina, les juifs ne pouvaient y revenir qu'une fois l'an, pour y pleurer la gloire passée. Ce mur est l'unique vestige du Temple et il demeure le symbole de la foi juive, lieu de rassemblement et de prière en commun, notamment le neuvième jour du mois de Av, à l'anniversaire de la destruction du Temple. Il mesure 28 mètres de long sur 16 mètres de hauteur. Selon le Talmud, c'est le mur décrit dans le Cantique des cantiques : Voici mon bien-aimé qui vient, il se tient derrière la muraille (Ct. 1, 9).

Aussi ne sera-t-il jamais détruit car il est soutenu par l'amour divin. Dans les fentes du Mur, des visiteurs introduisent leurs suppliques. Une prière spéciale témoigne de l'espérance du rassemblement de tous les exilés :

Nous te remercions, Dieu de nos pères, de nous avoir maintenus en vie, de nous avoir conservés et de nous avoir permis de nous approcher de ta Maison, que tu as choisie et que tu as aimée parmi toutes les demeures de Jacob. De même qu'il nous a été donné de voir ses ruines, puissions-nous aussi assister à se reconstruction par le rassemblement des exilés d'Israël.

La grotte des enseignements

Sur le mont des Oliviers, des grottes naturelles pouvaient fournir un excellent abri pour les pèlerins galiléens, notamment lors des fêtes de pèlerinage à Jérusalem. La grotte des enseignements se situe au sommet du mont des Oliviers, à mi-route entre Béthanie et le Temple. Elle se trouve à proximité du lieu de l'Ascension et de celui où, face au Temple, Jésus prophétisa la ruine de Jérusalem. Son authenticité en tant que lieu saint est facile à prouver.

Les premiers chrétiens vénéraient ce lieu qui avait dû servir de refuge habituel à Jésus quand il venait à Jérusalem. C'est là qu'il se retirait la nuit après avoir prêché pendant la journée dans le Temple. Dans une caverne, il expliquait clairement à ses disciples ce qui était hors de portée des auditeurs habituels auxquels il parlait en paraboles. Il y enseigna la prière du Notre Père à ses disciples. Le texte de cette prière se trouve inscrit sur des carreaux de céramique tout autour du cloître du Carmel.

La grotte des enseignements est une des trois grottes mystiques de Terre Sainte avec celle de Bethléem et celle du Saint Sépulcre, qui furent dotées par Constantin d'un édifice somptueux. C'est Hélène, mère de l'empereur, qui fit élever une église sur le mont des Oliviers, église qui reçut d'abord le nom d'église des disciples et des l'Ascension, avant d'être appelée l'Eléona (l'oliveraie). Incendiée en 614 par les Perses, puis rasée par les Arabes musulmans en 638, l'Eléona ensevelit la grotte sous ses ruines. En 1910, des fouilles permirent de mettre au jour la grotte au milieu des décombres de l'église constantinienne.