Le mont Sion
Le
terme de Sion s'identifiait à l'origine avec la cité édifiée par David, sur
l'Ophel, avant de devenir, dans la littérature biblique un équivalent de
Jérusalem. Il est à peu près assuré que les premières communautés
chrétiennes de Jérusalem se rassemblèrent dans des maisons situes sur le mont
Sion, où la tradition a fixé le Cénacle, connu comme le lieu de l'effusion de
l'Esprit-Saint, au jour de la Pentecôte. Il est même vraisemblable qu'une
petite communauté y survécut après l'effondrement de Jérusalem en 70, même
si le livre des Actes des Apôtres, publié après 80, laisse entendre que
l'idéal de la première communauté est révolu : la primitive Eglise a
disparu avec la génération qui a suivi Jésus. Sur le mont Sion, sont
évoqués des souvenirs religieux, juifs et chrétiens : le tombeau de
David, le Chambre haute ou Cénacle, l'église de la Dormition de Marie, et à
proximité de ce mont se trouve l'Eglise saint Pierre en Gallicante (au chant du
coq).
Le Cénacle
A l'approche de la fête juive de la Pâque, Jésus monte à Jérusalem pour la dernière fois. C'est dans cette ville, au moment de la fête qu'eut lieu la Cène que Jésus eut soin de faire préparer par ses disciples.
Le premier jour des pains sans levains, où l'on immolait la Pâque, ses disciples lui disent : Où veux-tu que nous allions faire les préparatifs pour que tu manges la Pâque ? Et il envoie deux de ses disciples et leur dit : Allez à la ville, un homme viendra à votre rencontre, portant une cruche d'eau. Suivez-le, et là où il entrera dites au propriétaire : Le Maître dit : Où est ma salle où je vais manger la Pâque avec mes disciples. Et lui vous montrera la pièce du haut, vaste, garnie, toute prête, c'est là que vous ferez les préparatifs pour nous. Les disciples partirent et allèrent à la ville. Ils trouvèrent tout comme il leur avait dit et ils préparèrent la Pâque (Mc. 14, 12-16).
Ainsi, quelques jours avant sa mort, peut-être la veille, Jésus demande à ses disciples de préparer la Pâque pour qu'il la mange avec eux. Dans tous les préparatifs de ce repas pascal, l'initiative est toujours prise par Jésus : c'est lui qui envoie ses disciples préparer la salle dans laquelle doit se dérouler le repas, comme si tout avait été organisé d'avance par ses propres soins. La maison où eut lieu cette célébration pascale est inconnue. ce peut être n'importe quelle maison dans le labyrinthe des ruelles de la ville. Et pourtant, en se référant aux indications précises concernant l'homme qui porte une cruche d'eau, il est légitime de situer plus précisément ce lieu dans le quartier des esséniens. En effet porter l'eau était une tâche exclusivement féminine dans le judaïsme de l'époque. Seuls, les esséniens, par souci de pureté rituelle absolue, effectuaient eux-mêmes cette tâche. Les recherches archéologiques récentes confirment l'hypothèse de l'existence d'un quartier essénien sur le mont Sion.
La
salle que l'on propose actuellement comme celle de la Cène, bâtie par les
franciscains au quatorzième siècle, dans le style gothique, est une salle
haute dont la voûte est soutenue par des chapiteaux caractéristiques de
l'époque. Elle se situe à l'endroit où la première communauté chrétienne
s'assemblait après la Pentecôte.
Pendant le repas, qui se déroulait donc selon le climat des grandes liturgies pascales, et donc festives, Jésus annonce qu'un de ceux qui partagent son repas va le trahir. Le soir venu, il arrive avec les douze. Pendant qu'ils étaient à table et mangeaient, Jésus dit : En vérité, je vous le déclare, l'un de vous va me livre, un qui mange avec moi. Pris de tristesse, ils se mirent à lui dire l'un après l'autre : Serait-ce moi ? Il leur dit : C'est l'un des douze, qui plonge la main avec moi dans le plat. Car le Fils de l'homme s'en va selon ce qui est écrit de lui, mais malheureux l'homme par qui le Fils de l'homme est livré ! Il vaudrait mieux pour lui qu'il ne soit jamais né, cet homme-là ! (Mc. 14, 17-21)
Dans le récit de l'institution de l'eucharistie, Marc veut
montrer que Jésus connaît aussi le sens de sa mort et qu'il l'assume
pleinement.
Pendant le repas, il prit du pain, et après avoir prononcé la bénédiction, il le rompit, le leur donna et dit : Prenez, ceci est mon corps. Puis il prit une coupe et après avoir rendu grâce, il la leur donna et ils en burent tous. Et il leur dit : Ceci est mon sang, le sang de l'alliance versé pour la multitude. En vérité, je vous le déclare, jamais plus je ne boirai du fruit de la vigne jusqu'au jour où je le boirai, nouveau, dans le Royaume de Dieu (Mc. 14, 22-25).
Un climat festif a présidé à la Cène. Il ne fait pas de doute que Jésus ait dit beaucoup plus de choses que ce que les évangélistes ont rapporté. Ils n'ont retenu que ce qui était nouveau, soit parce que le rituel juif était assez connu pour les chrétiens venus du judaïsme, soit parce que ce rituel n'offrait que peu d'intérêt pour les chrétiens venus du paganisme.
La fête commence par la bénédiction d'une première coupe de vin, dite coupe de Qiddush : Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, roi des siècles, toi qui nous donnes le fruit de la vigne.
Après un rite d'ablution et de purification, on mange des herbes amères (en souvenir de l'amertume de la captivité en Egypte, avant la première Pâque). C'est alors que commence la liturgie pascale proprement dite : le plus jeune interroge le père de famille ou le maître de maison sur le rituel pascal. Et le président explique : Pâque signifie passage, car Dieu est passé au milieu de son peuple en Egypte. Le pain est azyme, sans levain, car les fils d'Israël sont partis, emportant la pâte qui n'avait pas eu le temps de lever, l'agneau rappelle l'agneau dont le sang avait protégé les maisons d'Israël au passage de l'exterminateur, les herbes amères rappellent l'amertume de la servitude, et l'eau salée, les larmes versées en Egypte par les fils d'Israël. Puis, on chantait des psaumes, le grand Hallel (psaumes 113 et 114), avant de bénir et de partager une seconde coupe de vin, dite coupe de haggadah. Le repas proprement dit commence avec une bénédiction sur le pain qui est alors rompu : Béni sois-tu, Seigneur, notre Dieu, roi des siècles, toi qui fais produire le pain à la terre.
On
mange ensuite l'agneau pascal et on bénit une troisième coupe de vin, la coupe
de bénédiction, afin de bénir Dieu pour les merveilles qu'il avait accomplies
en faveur de son peuple, en le bénissant pour la tendresse et la fidélité
qu'il continue de lui témoigner, en le bénissant aussi pour l'amour qu'il va
encore porter à Israël dans les âges à venir : Béni sois-tu, Seigneur,
notre Dieu, roi des siècles, toi qui nourris le monde dans ta bonté, ta grâce
et ta miséricorde, toi qui donnes sa nourriture à toute chair, car tu nourris
et soutiens tous les êtres et tu procures leur nourritures à toutes les
créatures. Béni sois-tu, Seigneur, toi qui donnes à tous la nourriture. Nous
te rendons grâce, Seigneur, notre Dieu, pour ce pays désirable, bon et vaste,
qu'il t'a plu de donner à nos pères, pour l'alliance dont tu as marqué notre
chair, pour la Torah que tu nous as donnée, pour la vie, la grâce et la
miséricorde, pour la nourriture que tu nous as accordée en toute saison. Pour
tout cela, Seigneur, notre Dieu, nous te rendons grâce et nous te bénissons.
Béni soit ton Nom. Béni soit ton Nom toujours et à jamais. Béni sois-tu,
Seigneur, pour ce pays et pour la nourriture. Aie pitié, Seigneur, notre Dieu
de ton peuple Israël, de ta cité sainte, Jérusalem, de Sion, la demeure de ta
gloire, du royaume de David, ton Oint et de ta grande et sainte maison qui a
été appelée de ton nom. Et puissent Elie et le Messie, le fils de David,
venir en notre vie, le royaume de David retourner en son lieu, et toi-même
régner sur nous, toi seul ! Et veuille nous y conduire, nous y réjouir et
nous consoler en Sion, ta cité. Notre Dieu et le Dieu de nos pères, que le
mémorial de nous-mêmes et de nos pères, le mémorial de Jérusalem, ta cité,
le mémorial du Messie, le Fils de David, ton serviteur, et le mémorial de ton
peuple, de toute la maison d'Israël, se lève et vienne, qu'il arrive, soit vu,
accepté, entendu, rappelé et mentionné devant toi, pour la délivrance, le
bien, la grâce, la compassion et la miséricorde en ce jour de Pâque.
Souviens-toi de nous à son propos, Seigneur, notre Dieu, pour nous faire du
bien. Visite-nous à cause de lui et sauve-nous pour lui, nous vivifiant par une
parole de salut et de miséricorde. Epargne-nous et fais-nous grâce.
Montre-nous ta miséricorde, car tu es un Dieu bon et un roi gracieux et
miséricordieux. Béni sois-tu, Seigneur, toi qui reconstruis Jérusalem ! Formulaire
du Seder Rav 'Amram
En conclusion de ce repas, on chantait de nouveau des psaumes, la fin du grand Hallel (les psaumes 115 à 118). Après avoir chanté les psaumes d'action de grâce, comme c'était la coutume, Jésus se retire au Jardin des oliviers. Et Jésus leur dit : Tous, vous allez tomber, car il est écrit : Je frapperai le berger et les brebis seront dispersées. Mais une fois ressuscité, je vous précéderai en Galilée. Pierre lui dit : Même si tous tombent, eh bien, pas moi ! Jésus lui dit : En vérité, je te le déclare, toi aujourd'hui, cette nuit-même, avant que le coq chante deux fois, tu m'auras renié trois fois. Mais lui affirmait de plus belle : Même s'il faut que je meure avec toi, non, je ne te renierai pas. Et tous en disaient autant (Mc. 14, 26-31).
Après la mort de Jésus, il est plus que vraisemblable que
ses disciples ont trouvé refuge dans cette même salle, et que c'est là qu'ils
seront réunis quand Jésus leur apparaît, le dimanche de Pâques : Le
soir de ce même jour qui était le premier de la semaine, alors que par crainte
des juifs, les portes de la maison où se trouvaient les disciples étaient
verrouillées, Jésus vint, il se tint au milieu d'eux et leur dit : La
paix soit avec vous. Tout en leur parlant, il leur montra ses mains et son
côté. En voyant le Seigneur, les disciples furent tout à la
joie. Alors à nouveau, Jésus leur dit : La paix soit avec vous. Comme le
Père m'a envoyé, à mon tour, je vous envoie. Ayant ainsi parlé, il souffla
sur eux et leur dit : Recevez l'Esprit-Saint, ceux à qui vous remettrez
leurs péchés, ils leur seront remis, ceux à qui vous les retiendrez, ils leur
seront retenus. Cependant, Thomas, l'un des douze, celui qu'on appelle Didyme,
n'était pas avec eux lorsque Jésus vint. Les autres disciples lui dirent
donc : Nous avons vu le Seigneur ! Mais il répondit : Si je ne
vois pas dans ses mains la marque des clous, si je n'enfonce pas mon doigt à la
place des clous et si je n'enfonce pas ma main dans son côté, je ne croirai
pas. Or, huit jours plus tard, les disciples étaient à nouveau réunis dans la
maison, et Thomas était avec eux. Jésus vint, toutes portes verrouillées, il
se tint au milieu d'eux et leur dit : La paix soit avec vous. Ensuite, il
dit à Thomas : Avance ton doigt ici et regarde mes mains, avance ta main
et enfonce-la dans mon côté, cesse d'être incrédule, et deviens un homme de
foi. Thomas lui répondit : Mon Seigneur et mon Dieu. Jésus lui dit :
Parce que tu m'as vu, tu as cru. Bienheureux ceux qui, sans avoir vu, ont cru (Jn.
20, 19-29).
Chez les Juifs, cinquante jours après la Pâque se déroule une autre grande fête, la Pentecôte qui rappelle le séjour du peuple d'Israël dans le désert du Sinaï, là où Dieu avait donné sa Loi par l'intermédiaire de Moïse. De nombreux pèlerins de toutes les nations venaient à Jérusalem pour prier en ce jour. Entre l'Ascension et la Pentecôte, les disciples sont réunis dans la chambre haute d'une maison, avec Marie, la mère de Jésus et quelques intimes. ils sont enfermés par crainte de la réaction des juifs, mais ils restent confiants dans les paroles de Jésus et dans sa promesse de leur donner son Esprit. Ils prient Dieu de les éclairer et de leur donner la force de continuer sur terre l'oeuvre de Jésus. Le livre des Actes des apôtres rappelle ce qui est arrivé à Jérusalem, dix jours après l'Ascension de Jésus.
Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d'un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie. Alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s'en posa sur chacun d'eux. Ils furent tous remplis de l'Esprit Saint et se mirent à parler d'autres langues comme l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Or, à Jérusalem, résidaient des juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. A la rumeur qui se fit, la foule se rassembla et fut en plein désarroi, car chacun les entendait parler dans sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?... Tous, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. Ils étaient tous déconcertés et dans leur perplexité, il se disaient les uns aux autres : Qu'est-ce que cela veut dire ? D'autres s'esclaffaient : Ils sont pleins de vin doux. Alors s'éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze, il s'exprima en cas termes : Hommes de Judée et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l'oreille à mes paroles. Non, ces gens n'ont pas bu comme vous le supposez, nous ne sommes en effet qu'à neuf heures du matin... Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazoréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous cet homme, selon le plan bien arrêté et la prescience divine, vous l'avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies, mais Dieu l'a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n'était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir... Frères, il est permis de vous le dire en toute liberté : le patriarche David est mort, il a été enseveli, son tombeau se trouve encore aujourd'hui chez nous. Mais il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône quelqu'un de sa descendance, issu de ses reins, il a donc vu par avance la résurrection du Christ et c'est à son propos qu'il a dit : il n'a pas été abandonné au séjour des morts et sa chair n'a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu l'a ressuscité, nous tous en sommes témoins. Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l'Esprit Saint promis et il l'a répandu, comme vous le voyez et l'entendez... Que toute la maison d'Israël le sache avec certitude : Dieu l'a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous, vous aviez crucifié. Le coeur bouleversé d'entendre ces paroles, ils demandèrent à Pierre : Que ferons-nous, frères ? Pierre leur répondit : Convertissez-vous, que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint Esprit. Car c'est à vous qu'est destinée la promesse, et à vos enfants ainsi qu'à tous ceux qui sont au loin aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera. Par bien d'autres paroles Pierre rendez témoignage et les encourageait : Sauvez-vous, disait-il de cette génération dévoyée. Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême et il y eut environ trois mille personnes ce jour-là qui se joignirent à eux (Ac. 2, 1-41).
Le
discours de Pierre évoque le tombeau de David. Celui-ci serait situé à
proximité du Cénacle. Et le cénotaphe que l'on montre actuellement à la
vénération des pèlerins est un des lieux saints les plus importants pour
Israël après le Mur Occidental. Sa localisation est liée à une tradition
remontant aux Croisés. La vénération de cette tombe s'est substituée à
celle d'Etienne, le premier martyr, dont la tombe était localisée à cet
endroit à l'époque byzantine, tandis que le tombeau de David était vénéré
à Bethléem.