Le chemin de croix

 

 

Le coeur du quartier chrétien de Jérusalem est l'église du Saint Sépulcre qui s'élève sur le tombeau de Jésus et à laquelle on aboutit après une marche le long de la Via Dolorosa, la route des souffrances, puisque c'est par elle que Jésus est passé entre son jugement et son exécution.

L'itinéraire actuel n'est qu'approximativement celui de Jésus, puisque de nombreux changements sont intervenus au cours des temps. Cette Via Dolorosa commence à la Porte des Lions que l'on appelle également porte saint Etienne, car la tradition veut que ce soit en cet endroit que ce diacre de la première communauté chrétienne ait été lapidé devenant le premier martyr de l'Eglise. Cette porte est ornée de hauts-reliefs en forme de panthères, emblèmes d'un sultan du treizième siècle.

Cet itinéraire longe l'église sainte Anne, édifiée sur la maison de Marie, près de la piscine de Bézatha. La Via Dolorosa, le chemin de croix débute avec la chapelle de la flagellation et le Lithostrotos.

Jésus est condamné à mort par le pouvoir politique, comme séditieux, appelant le peuple à la révolte. Son enseignement avait des incidences politiques : il gênait. Dès lors, personne n'essayera de le libérer du sort qui lui était réservé. Pilate porte la responsabilité historique de sa mort. Seul un petit groupe de fidèles assistera à sa mort, impuissant, au pied de la croix, sur un mont extérieur de Jérusalem, le Golgotha ou Calvaire, le lieu dit du Crâne. Devant la foule qui réclamait la mort de Jésus, Pilate n'osa pas prendre une position nette. Il ne trouve rien de condamnable dans sa conduite, dans ses faits et gestes. Pour ne pas perdre son prestige, pour ne pas risquer sa situation, il va céder à la foule, en permettant que Jésus soit flagellé. Pourquoi faire fouetter un homme en qui on ne trouve aucun motif de condamnation ? Jésus est l'innocent qui souffre à la place d'un coupable.

Pilate cherchait à relâcher Jésus, mais les Juifs se mirent à crier et ils disaient : Si tu le relâchais, tu ne te conduirais pas comme l'ami de César. Car quiconque se fait roi se déclare contre César. Dès qu'il entendit ces paroles, Pilate fit mener Jésus à l'extérieur. Il l'installa sur une tribune, à la place qu'on appelle Lithostrotos, en hébreu Gabbatha. C'était le jour de la Préparation de la Pâque, vers la sixième heure. Pilate dit aux juifs : Voici votre roi ! Mais ils se mirent à crier : A mort ! A mort ! Crucifie-le ! Pilate leur dit : Me faut-il crucifier votre roi ? Les grands prêtres répondirent : Nous n'avons pas d'autre roi que César. C'est alors qu'il leur livra Jésus pour être crucifié. Ils se saisirent donc de Jésus. Portant lui-même sa croix, Jésus sortit et gagna le lieu dit du crâne, qu'en hébreu on nomme Golgotha (Jn. 19, 12-19).

Sur la route de son supplice, la tradition veut qu'il rencontra sa mère. La quatrième station du chemin de croix est un petit oratoire arménien, Notre-Dame du Spasme, avec un haut-relief d'un sculpteur polonais évoquant cette rencontre.

Le condamné devait porter lui-même l'instrument de son supplice, le patibulum, jusqu'au lieu de l'exécution. Jésus, après avoir été châtié sans raison, doit quand même être mis en croix. Mais les outrages et les tortures l'ont épuisé. Il n'arrivera sans doute pas au lieu de son exécution. Il ne convient pas que le condamné ne subisse pas son châtiment jusqu'au bout. L'épuisement physique de Jésus explique le fait qu'un passant soit réquisitionné pour porter la croix avec lui. Cet homme sera un certain Simon qui revenait des champs.

Ils réquisitionnent pour porter sa croix un passant, qui venait de la campagne, Simon de Cyrène, le père d'Alexandre et de Rufus (Mc. 15, 21). Cette rencontre est commémorée à ce qu'il est convenu d'appeler la cinquième station, indiquée par une inscription latine : Simoni Cyrenae crux imponitur, au-dessus d'une porte, alors que l'oratoire arménien de Notre-Dame du Spasme, à la quatrième station, évoque une rencontre de Jésus avec sa Mère.

Jésus, portant sa croix, sortit de Jérusalem, en direction du lieu-dit Golgotha. Une sixième halte est marquée par un haut relief rappelant une tradition très ancienne, qui ne trouve aucune référence dans les évangiles canoniques : une femme aurait essuyé le visage de Jésus marqué par les souffrances et défiguré par les mauvais traitements. Véronique a franchi les obstacles qui se dressaient entre elle et Jésus, elle a surmonté la haine des rieurs pour accomplir un geste de tendresse, en prenant le parti de la victime contre les oppresseurs. Le Christ qui est l'image du Dieu invisible, abandonne son visage entre ses mains. Sous l'homme défiguré, elle a découvert l'homme transfiguré en Dieu. Le voile de soie qu'elle a utilisé et sur lequel les traits du visage de Jésus sont restés imprimés fut remis à la basilique saint Pierre de Rome en 707. A l'intérieur de l'église grecque orthodoxe se trouve le tombeau de cette sainte femme.

Un pilier de marbre rouge rappelle la deuxième chute de Jésus. Une croix sculptée sur le mur d'un couvent évoque une rencontre de Jésus qui consola les femmes de Jérusalem : Il était suivi d'une grande multitude du peuple, entre autres de femmes qui se frappaient la poitrine et se lamentaient sur lui. Jésus se tourna vers elles et leur dit : Filles de Jérusalem, ne pleurez pas sur moi, mais pleurez sur vous-mêmes et sur vos enfants. Car voici venir des jours où l'on dira : Heureuses les femmes stériles et celles qui n'ont pas enfanté ni allaité. Alors, on se mettra à dire aux montagnes : Tombez sur nous, et aux collines : Cachez-nous. Car si l'on traite ainsi l'arbre vert, qu'en sera-t-il de l'arbre sec ? (Lc. 23, 27-31).

La neuvième station du chemin de croix, où Jésus est tombé pour la troisième fois, est marquée par un pilier à l'extérieur de l'église éthiopienne dans laquelle il est possible de voir un évangéliaire en forme de croix.

La Via Dolorosa se termine dans le Saint Sépulcre qui recouvre le Golgotha, la colline sur laquelle Jésus fut crucifié et sur laquelle se trouve aussi le tombeau où son corps fut déposé. On entre dans cette basilique par le côté gauche, l'autre côté ayant été condamné par Saladin. A droite, en entrant, se trouve le Golgotha, monticule de forme arrondie, auquel on accède par un escalier abrupt. C'est là que Jésus est dépouillé de ses vêtements, qu'il est mis en croix, qu'il meurt, et qu'il est descendu de la croix.

Dépouillé de tout caractère humain, Jésus va connaître la condition de l'esclave révolté. La crucifixion, comme peine de mort, ne s'appliquait pas aux citoyens romains qui étaient décapités, les juifs, selon leur loi, étaient lapidés. La crucifixion était, à l'origine, le châtiment qui était réservé aux esclaves révoltés. Jésus s'est fait obéissant jusqu'à la servitude. Jésus s'est fait obéissant jusqu'à partager la condition de l'esclave qui refuse de se soumettre à un pouvoir injuste et qui en paye les conséquences.

C'est là qu'ils le crucifièrent, ainsi que deux autres, un de chaque côté et au milieu Jésus. Pilate avait rédigé un écriteau qu'il fit placer sur la croix, il portait cette inscription : Jésus le Nazaréen, le roi des Juifs. Cet écriteau, bien des Juifs purent le lire, car l'endroit où Jésus avait été crucifié était proche de la vielle, et le texte était écrit en hébreu, en latin et en grec. Les grands prêtres des Juifs dirent à Pilate : Il ne fallait pas écrire : le Roi des Juifs, mais bien : Cet individu a prétendu qu'il était le roi des Juifs. Pilate répondit : Ce que j'ai écrit, je l'ai écrit. Lorsque les soldats eurent achevé de crucifier Jésus, ils prirent ses vêtements et en firent quatre parts, une pour chacun. Restait la tunique, elle était sans couture, tissée d'une seule pièce depuis le haut. Les soldats se dirent entre eux : Ne la déchirons pas, tirons plutôt au sort à qui elle ira. C'est ainsi que fut accomplie l'Ecriture : Ils se sont partagé mes vêtements, et ma tunique, ils l'ont tirée au sort. Voilà donc ce que firent les soldats (Jn. 19, 18-24).

Et ils le mènent au lieu-dit Golgotha, ce qui signifie lieu du crâne. Ils voulurent lui donner du vin mêlé de myrrhe, mais il n'en prit pas. Ils le crucifient, et ils partagent ses vêtements en les tirants au sort pour savoir ce que chacun prendrait. Il était neuf heures quand ils le crucifièrent. L'inscription portant le motif de sa condamnation était ainsi libellée : Le roi des Juifs. Avec lui, ils crucifient deux bandits, l'un à sa droite, l'autre à sa gauche (et fut accomplie l'Ecriture qui dit : et il fut compté au nombre des malfaiteurs). Les passants l'insultaient hochant la tête et disant : Hé ! Toi qui détruis le sanctuaire et le rebâtis en trois jours, sauve-toi toi-même en descendant de la croix. De même, les grands prêtres, avec les scribes, se moquaient entre eux : Il en a sauvé d'autres, il ne peut pas se sauver lui-même ! Le Messie, le roi d'Israël, qu'il descende maintenant de la croix, pour que nous voyions et nous croyions ! Ceux qui étaient crucifiés avec lui l'injuriaient aussi (Mc. 15, 21-32).

Pour décrire l'exécution, les évangélistes sont très sobres. Les condamnés, qui devaient subir ce châtiment, habituellement des esclaves révoltés, étaient cloués, les bras étendus sur le patibulum, puis on fixait cette barre transversale sur un poteau vertical, le stipes, préalablement dressé à hauteur d'homme. Les pieds du condamné étaient alors cloués. Une sorte de siège supportait en partie le poids du corps afin que celui-ci n'entraîne pas une déchirure des membres supérieurs fixés préalablement. Le crucifié mettait souvent de très longues heures avant de mourir, non pas par perte de sang, mais plutôt par une lente asphyxie. Les inventeurs de ce type d'exécution sont les Perses et les Phéniciens, puis les Grecs et les Romains l'ont certainement adopté en raison de son caractère très spectaculaire. Jésus, comme vraisemblablement tous les crucifiés, est accablé des sarcasmes de la foule, qui passe et qui regarde la mort faire progressivement son oeuvre.

La mort de Jésus paraît marquée par l'abandon du Père. Dieu qui pouvait libérer son Fils de la mort ne répond pas à sa prière. Rejeté et trahi par les hommes, Jésus semble abandonné par le Père. A son cri de détresse répond le silence de Dieu : Dieu n'est pas la réponse toute faite aux problèmes humains, il se manifeste dans le silence, silence de la nuit de la foi, silence de la mort.

A midi, il y eut des ténèbres sur toute la terre jusqu'à trois heures. Et à trois heures, Jésus cria d'une voix forte : Eloï, Eloï, lama sabaqthani ? ce qui signifie : Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m'as-tu abandonné ? Certains de ceux qui étaient là disaient, en l'entendant : Voilà qu'il appelle Elie ! Quelqu'un courut, emplit une éponge de vinaigre, et, la fixant au bout d'un roseau, il lui présenta à boire en disant : Attendez, voyons si Elie va venir le descendre de là. Mais poussant un grand cri, Jésus expira (Mc. 15, 33-37).

Jésus meurt après six heures de souffrances, non sans avoir suscité une véritable profession de foi de la part d'un centurion de l'armée romaine : Le centurion qui se tenait devant lui, voyant qu'il avait expiré, dit : Vraiment cet homme était Fils de Dieu (Mc. 15, 39).

Cette profession de foi fait suite à la déchirure du voile qui fermait le sanctuaire du Temple : le rideau qui protégeait le Saint des saints se déchire au moment de la mort de Jésus, signe que désormais Dieu est accessible à tous, même aux païens.

La loi mosaïque, en vigueur à Jérusalem, même sous la domination romaine, ne permet pas que des cadavres soient exposés en croix durant la nuit, surtout en période de fête, et encore plus cette nuit-là qui connaissait la grande préparation pascale. Des soldats viennent briser les jambes des condamnés, mais s'apercevant que Jésus est déjà mort, ils ne lui brisent pas les jambes et lui percent le côté d'un coup de lance.

Déjà le soir était venu et comme c'était jour de Préparation, c'est-à-dire une veille de sabbat, un membre éminent du Conseil, Joseph d'Arimathée, arriva. Il attendait lui aussi le Règne de Dieu. Il eut le courage d'entrer chez Pilate pour demander le corps de Jésus. Pilate s'étonna qu'il soit déjà mort. Il fit venir le centurion et lui demanda s'il était mort depuis longtemps. Et, renseigné par le centurion, il permit à Joseph de prendre le cadavre. Après avoir acheté un linceul, Joseph descendit Jésus de la croix et l'enroula dans le linceul. Il le déposa dans une tombe qui était creusée dans le rocher et il roula une pierre à l'entrée du tombeau. Marie de Magdala et Marie, mère de José, regardaient où on l'avait déposé (Mc. 15, 42-47).

Selon la loi romaine également en vigueur, les exécutés politiques pouvaient bénéficier, par grâce spéciale, d'une sépulture honorable. Rien n'empêchait qu'un sympathisant puisse obtenir le corps du crucifié. Joseph d'Arimathée, membre influent du Sanhédrin, en demanda l'autorisation à Pilate. Avec Nicodème, disciple de Jésus mais en secret, Joseph descend le cadavre de la croix, le dépose au pied du Golgotha. C'est là que les femmes firent, selon la tradition, une onction d'huile parfumée au corps de Jésus, avant que celui-ci ne soit conduit dans une tombe creusée dans le roc, dans un jardin proche du lieu de la crucifixion.

Au sommet de la colline du Calvaire, qui présente l'apparence d'un crâne, d'où le nom qui lui était attribué, à une quinzaine de mètres au-dessus du niveau du sol, se trouvent deux chapelles. La première appartient aux catholiques et se situe à l'endroit où Jésus fut dépouillé de ses vêtements et mis en croix, la seconde appartient aux grecs orthodoxes et se dresse sur le lieu de la crucifixion. Au pied du Calvaire, et juste en face de la porte d'entrée du Saint Sépulcre se trouve la pierre de l'onction.

Du Calvaire à la dernière station de la Via Dolorosa, qui n'est autre que le Sépulcre de Jésus, des loges funéraires de l'époque du second temple indiquent que se trouvait à cet endroit un cimetière juif. La tombe que Joseph s'était fait construire ressemblait aux tombes des juifs fortunés, elle comprenait deux chambres, la première servait de lieu de rencontre pour la famille en deuil, et c'est sur une plate-forme de la deuxième chambre que l'on déposait le corps du défunt. La première chambre constitue ce qu'on appelle la chapelle de l'ange au centre de laquelle est conservé dans un cube de marbre un fragment du rocher sur lequel se serait assis l'ange qui annonça aux saintes femmes la résurrection de Jésus. Pour entrer dans la seconde chambre, il faut passer par une porte si basse qu'on ne peut la franchir qu'en se pliant. Une plaque de marbre de deux mètres de long renferme le rocher du sépulcre neuf construit par Joseph. Une icône de la Vierge cache une partie du tombeau primitif taillé dans le rocher.

Les autorités sacerdotales qui avaient réussi à se débarrasser du prophète galiléen se félicitaient d'avoir réussi à éviter des histoires avec le gouverneur, surtout en cette période d'affluence. Elles étaient surtout soucieuses de fêter dignement la Pâque et ne se préoccupèrent pas des déclarations de Jésus qui avait affirmé qu'il ressusciterait le troisième jour. Elles ne se soucièrent pas de l'ensevelissement et n'apposèrent pas les scellés sur la pierre du tombeau.

C'est une donnée commune aux quatre évangélistes que Jésus fut abandonné par ses disciples et que seuls quelques amis, surtout des femmes, furent témoins de ses derniers instants et de sa sépulture. Et ce sont précisément ces femmes qui vont jouer un grand rôle, le premier jour de l'autre semaine.

Quand le sabbat fut passé, Marie de Magdala, Marie, mère de Jacques, et Salomé achetèrent des aromates pour aller l'embaumer. Et, de grand matin, le premier jour de la semaine, elles vont à la tombe, le soleil étant levé. Elles se disaient entre elles : Qui nous roulera la pierre de l'entrée du tombeau ? Et levant les yeux, elles voient que la pierre est roulée, or, elle était très grande. Entrées dans le tombeau, elles virent, assis à droite, un jeune homme, vêtu d'une robe blanche, et elles furent saisies de frayeur. Mais il leur dit : Ne vous effrayez pas. Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié, il est ressuscité, il n'est pas ici, voyez l'endroit où on l'avait déposé. Mais allez dire à ses disciples et à Pierre : Il vous précède en Galilée, c'est là que vous le verrez, comme il vous l'a dit. Elles sortirent et s'enfuirent loin du tombeau, car elles étaient toutes tremblantes et bouleversées, et elles ne dirent rien à personne, car elles avaient peur (Mc. 16, 1-8).

Tous les évangélistes poursuivent en affirmant qu'il est ressuscité, même s'ils ne décrivent jamais le phénomène concret de sa résurrection. Seuls quelques écrits apocryphes font une description du phénomène de la résurrection :

Les scribes, les pharisiens et les anciens s'étaient assemblés, apprenant que tout le peuple murmurait et se frappait la poitrine en disant : Si, à sa mort, d'aussi grands miracles se sont accomplis, voyez combien il était juste ! Les anciens effrayés allèrent trouver Pilate et le prièrent en ces termes : Donne-nous des soldats pour garder son tombeau pendant trois jours, de peur que ses disciples ne viennent le dérocher et que le peuple, le croyant ressuscité des morts, ne nous fasse un mauvais parti. Pilate leur donna le centurion Pétronius et des soldats pour garder le tombeau, et les scribes vinrent avec eux au sépulcre. Avec le centurion et les soldats, ils roulèrent une grande pierre puis tous ensemble, ceux qui étaient là, la placèrent contre la porte du tombeau. Ils y apposèrent sept sceaux et, dressant une tente, ils montèrent la garde. Et, de bon matin, au lever du sabbat, il vint une foule de Jérusalem et des environs pour voir le sépulcre scellé. Or, dans la nuit où se lève le dimanche, tandis que les soldats montaient la garde deux par deux, à tout de rôle, il se fit un grand bruit dans le ciel. Et ils virent les cieux ouverts et deux hommes en descendre, resplendissant de lumière, et s'approcher du tombeau. Or la pierre qu'on avait renversée devant la porte roulant d'elle-même se retira sur le côté. Le sépulcre s'ouvrit et les deux jeunes gens y entrèrent. A cette vue, les soldats réveillèrent le centurion et les anciens qui étaient là aussi, faisant la garde. Comme ils racontaient ce qu'ils avaient vu, ils virent de nouveau trois hommes sortir du tombeau : les deux jeunes gens soutenaient l'autre et une croix les suivait. La tête des deux premiers atteignait le ciel, mais celle de celui qu'ils conduisaient dépassait les cieux. Et ils entendirent une voix venant des cieux qui disait : As-tu prêché aux morts ? Et on entendit de la croix répondre : Oui. Ils se concertèrent donc entre eux pour aller avertir Pilate de ces événements. Ils délibéraient encore quand on vit de nouveau les cieux s'ouvrir et un homme en descendre et entrer dans le tombeau. Ayant vu ces apparitions, le centurion et son entourage se hâtèrent d'aller de nuit chez Pilate, abandonnant le sépulcre qu'ils gardaient. Ils racontèrent tout ce qu'ils avaient vu, fort inquiets et disant : C'est vraiment le Fils de Dieu. Pilate répondit : Je suis pur du sang du Fils de Dieu, c'est vous qui avez décidé cela. S'approchant alors, ils le prièrent tous et supplièrent d'ordonner au centurion et aux soldats de ne parler à personne de ce qu'ils avaient vu. Car il vaut mieux pour nous, disaient-ils, être responsables devant Dieu du plus grand des crimes que de tomber entre les mains du peuple juif et d'être lapidés. Alors Pilate ordonna au centurion et aux gardes de ne rien dire (Evangile de Pierre).

Après le sabbat, au commencement du premier jour de la semaine, Marie de Magdala et l'autre Marie vinrent voir le sépulcre. Et voilà qu'il se fit un grand tremblement de terre. L'ange du Seigneur descendit du ciel, vint rouler la pierre et s'assit dessus. Il avait l'aspect de l'éclair et son vêtement était blanc comme neige. Dans la crainte qu'ils en eurent, les gardes furent bouleversés et devinrent comme morts. Mais l'ange prit la parole et dit aux femmes : Soyez sans crainte, vous ! Je sais que vous cherchez Jésus le Crucifié. Il n'est pas ici car il est ressuscité comme il l'avait dit. Venez voir l'endroit où il gisait. Puis vite, allez dire à ses disciples : Il est ressuscité des morts, et voici qu'il vous précède en Galilée, c'est là que vous le verrez. Voilà, je vous l'ai dit. Quittant le tombeau, avec crainte et grande joie, elles coururent porter la nouvelle à ses disciples. Et voici que Jésus vint à leur rencontre et leur dit : Je vous salue. Elles s'approchèrent de lui et lui saisirent les pieds, en se prosternant devant lui. Alors Jésus leur dit : Soyez sans crainte ! Allez annoncer à mes frères qu'ils doivent se rendre en Galilée, c'est là qu'ils me verront (Mt. 28, 1-10).

Le premier jour de la semaine, à l'aube, alors qu'il faisait encore sombre, Marie de Magdala se rend au tombeau et voit que la pierre a été enlevée du tombeau. Elle court, rejoint Simon Pierre et l'autre disciple, celui que Jésus aimait, et elle leur dit : Ils ont enlevé du tombeau le Seigneur et nous ne savons pas où ils l'ont mis. Alors Pierre sortit, ainsi que l'autre disciple, et ils allèrent au tombeau. Ils couraient tous les deux ensemble, mais l'autre disciple courut plus vite que Pierre et arriva le premier au tombeau. Il se penche et voit les bandelettes qui étaient posées là. Toutefois il n'entra pas. Arrive à son tour Simon-Pierre qui le suivait, il entre dans le tombeau et considère les bandelettes posées là et le linge qui avait recouvert la tête, celui-ci n'avait par été déposé avec les bandelettes, mais il était roulé à part dans un autre endroit. C'est alors que l'autre disciple, celui qui était arrivé le premier, entra à son tour dans le tombeau, il vit et il crut. En effet, ils n'avaient pas encore compris l'Ecriture selon laquelle Jésus devait se relever d'entre les morts. Après quoi, les disciples s'en retournèrent chez eux (Jn. 20, 1-10).

Derrière le sépulcre se trouve le tombeau dit de Joseph d'Arimathée, seul endroit du Saint Sépulcre qui appartienne à la communauté éthiopienne. C'est une ancienne tombe, creusée dans le rocher et de proportions modestes, mais qui indique que l'on se trouve bien dans une nécropole juive.

L'exécution et la mise au tombeau de Jésus auraient eu lieu hors de la ville. En 42, quand Hérode Agrippa fit agrandir Jérusalem, ces sites ont été englobés dans la ville. A la ruine de Jérusalem qui devint Aelia Capitolina, Hadrien fit remblayer en 135 les carrières du Golgotha pour y édifier le forum et le capitole, centre du quartier administratif de la province.

Les chrétiens y eurent accès après la conversion de Constantin. Hélène, sa mère, identifia le site. L'empereur fit équarrir le rocher autour du sépulcre et l'enchâssa dans une rotonde qu'il appela Anastasis, c'est-à-dire résurrection. Une première basilique fut alors édifiée, elle connût bien des infortunes. Détruite par les Perses en 614, reconstruite sans éclat, puis de nouveau ravagée par le calife Hakem, ce qui engendra le grand mouvement des croisades. Les croisés recommencèrent sa construction, et c'est à peu près dans cet état que se trouve la basilique aujourd'hui. En 1808, un incendie ravagea le bâtiment qui, en 1852, fut mis à la disposition des communautés chrétiennes (catholiques, orthodoxes, arméniennes, syriennes, coptes, et abyssines) : la coexistence ne fut pas toujours aisée, ce qui n'a guère favorisé les nécessaires travaux de restauration. A la suite d'un séisme, en 1927, les Anglais, pour sauver l'édifice renforcèrent la façade par des échafaudages. Depuis 1958, les chrétiens qui se partagent l'édifice ont pu trouver un accord en vue de sa restauration.

Un autre site de Jérusalem prétend être le lieu du tombeau de Jésus : c'est le Garden Tomb. En 1842, un pèlerin, Otto Thénius, découvre une tombe. Il croit que c'est la tombe de Jésus, et cette croyance est reprise en 1882 par le général Charles Gordon qui, séduit, par la beauté du lieu, par la colline proche en forme de crâne, pense avoir découvert le véritable emplacement du calvaire. Un groupe de sympathisants lui permet de réunir, dès 1892, des fonds pour acquérir le terrain, dégager la tombe et aménager les lieux. C'est un jardin paisible où règne une ambiance propice à la prière et au recueillement pour les communautés protestantes. Ces lieux donnent une bonne idée de ce que pouvait être la colline où Jésus fut crucifié et sur laquelle se trouvait la tombe où l'on déposa son corps.

Avant de mourir, Jésus avait averti ses disciples qu'il devait quitter cette terre pour leur préparer une place dans le Royaume de Dieu. A Pâques, il dit à Marie de Magdala : Ne me touche pas, car je ne suis pas encore remonté vers mon Père qui est aussi votre Père...

Sur les pentes du mont des Oliviers, à proximité de la Grotte des enseignements, se trouve l'endroit où Jésus donna rendez-vous à ses disciples pour qu'ils puissent assister à son Ascension. Jésus se montre pendant quarante jours à ses amis, continuant son enseignement et les préparant à leur mission. Il les envoie dans le monde proclamer ce qu'ils ont vu et entendu. Ils seront ses témoins. Jésus fait ses adieux avant de rejoindre son Père : Ils étaient donc réunis et lui avaient posé cette question : Seigneur est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? Il leur dit : Vous n'avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité, mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre. A ces mots, sous leurs yeux, il s'éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards. Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s'en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leurs côtés et leur dirent : Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l'avez vu s'en aller vers le ciel (Ac. 1, 6-11).

Cependant, au jour de l'Ascension, contrairement à ce que l'on pense, ce n'est pas le moment où Jésus disparaît, c'est le jour où il apparaît, où il se montre tel qu'il est : le premier des hommes, celui qui les précède, qui le devance près du Père. En partant vers lui, il domine et englobe tout l'univers, il comprend encore mieux les préoccupations des hommes, il partage encore mieux le sens de leur vie. Jésus n'est plus simplement le compagnon des disciples qui marchaient avec lui sur les routes de Palestine, il devient le compagnon de tous les hommes, de tous les pays et de tous les temps. En rejoignant le Père, il devient plus proche des hommes, il est leur compagnon de route dans leur marche vers Dieu. Les apôtres découvriront sa présence mystérieuse sur les chemins de leur mission. Il est avec eux, autrement qu'avant, mais il est là, réellement. Il leur sera présent par l'Esprit qu'il a promis et qui est destiné à tous ceux qui croiront en lui.

On montre encore à Jérusalem sur les pentes du mont des Oliviers l'endroit où Jésus serait monté au ciel, et même la trace de son pied... Un tel signe peut développer la piété. Toutefois, Jésus a laissé des traces bien plus visibles, elles ne sont pas inscrites sur le sol, mais dans le coeur de ceux qui croient. A cet endroit, Constantin fit construire une basilique autour d'une grotte d'où la tradition voulait que Jésus, après avoir achevé son enseignement, fût monté au ciel. Au quatrième siècle, une autre église fut érigée. Les musulmans la convertirent plus tard en mosquée. D'après Paulin de Nole, vers 400, le sol y avait été tellement sanctifié par les pieds du Seigneur qu'il ne pourrait jamais plus être ni couvert ni piétiné. De nos jours, les croyants viennent vénérer les dernières traces laissées par le Seigneur avant son entrée dans la gloire...