Le clan d'Abraham

 

Au moment de la chute de Sumer, se trouvait sur place une famille de nomades araméens. Son premier point d'attache avait été vraisemblablement Harran, et c'est vers cette première ville que ce clan repartit, à la suite de Térah, son chef, le père d'Abram. Térah descendait du fils aîné de Noé, Sem, d'où le nom attribué à ce clan, les Sémites. Il entreprit une migration à la suite de la chute de la ville d'Ur entre les mains des Elamites. Il prit donc la tête d'un groupe de réfugiés : Il prit son fils Abram, son petit-fils Loth, fils de Hâran, et sa bru, Saraï, femme d'Abram, qui sortirent avec eux d'Ur des Chaldéens pour aller au pays de Canaan. Ils gagnèrent Harran (Gen. 11, 31).

Térah mourut à Harran, et la position de chef de la tribu revint naturellement à son fils aîné, Abram. Celui-ci avait des idées différentes de celles de son père. Si Térah, comme la plupart des hommes de son temps, était polythéiste, il n'en était pas de même pour son fils, qui brisa avec l'idolâtrie et se mit au service d'un dieu unique, qu'il désigne sous le nom de El, et qu'il considère comme le créateur du ciel et de la terre.

Toute l'histoire d'Abraham sera une longue marche, et particulièrement une marche spirituelle à la découverte du Dieu unique, au cours de la longue migration qui le conduisit d'Ur, à proximité du Golfe Persique, jusqu'à Hébron, à proximité de la Mer Morte.

A la différence des Sumériens et des Akkadiens qui avaient des tendances monolâtriques, le Dieu d'Abraham n'est pas une divinité locale ou un dieu qui aurait une certaine supériorité sur les autres divinités des différentes cités : il est le seul et unique Dieu, en dehors duquel il n'en est point d'autre. Ce n'est pas une divinité de la nature, comme Shemesh, dieu du soleil à Babylone, ou comme Sin, dieu lunaire d'Ur et d'Harran.

Le Dieu d'Abraham est personnel, il a des relations d'intimité avec son fidèle, à qui il donne un nom nouveau : Abram avait quatre-vingt-dix-neuf ans quand le Seigneur lui apparut et lui dit : C'est moi, le Dieu puissant. Marche en ma présence et sois intègre. Je veux te faire don de mon alliance entre toi et moi, je te ferai proliférer à l'extrême.

Dieu parla avec lui et dit : Pour moi : voici mon alliance avec toi, tu deviendras le père d'une multitude de nations. On ne t'appellera plus Abram, mais ton nom sera Abraham, car je te donnerai de devenir le père d'une multitude de nations et je te rendrai fécond à l'extrême, je ferai que tu donnes naissance à des nations et des rois sortiront de toi. Cette alliance perpétuelle fera de moi ton Dieu et celui de ta descendance après toi. Je donnerai en propriété personnelle à toi et à ta descendance après toi le pays de tes migrations tout le pays de Canaan. Je serai leur Dieu (Gen. 17, 1-8).

Abraham s'arracha du milieu païen d'Harran et reprit la migration entreprise par son père, il partit vers Canaan et traversa la Jourdain. C'est là qu'il reçut, ainsi que sa famille, le nom d'Hébreu, car il venait de "l'autre côté du fleuve" selon une étymologie populaire. Mais il est également possible de faire dériver ce terme de la tribu nomade des Habiru qui apparurent en Asie occidentale au cours du deuxième millénaire.

Après un court séjour en Egypte, Abraham s'installa à Hébron, dans la plaine de Mambré. Dieu fit de nouveau alliance avec lui, celle-ci s'accompagnant d'un signe inscrit dans la chair, la circoncision des mâles.

Dieu dit à Abraham : Toi, tu garderas mon alliance et après toi, les générations qui descendront de toi. Voici mon alliance que vous garderez entre moi et vous, c'est-à-dire ta descendance après toi : tous vos mâles seront circoncis, vous aurez la chair de votre prépuce circoncise, ce qui deviendra le signe de l'alliance entre moi et vous. Seront circoncis à l'âge de huit jours tous vos mâles de chaque génération ainsi que les esclaves nés dans la maison ou acquis à prix d'argent d'origine étrangère quelle qu'elle soit qui ne sont pas de ta descendance. L'esclave né dans la maison ou acquis à prix d'argent devra être circoncis. Mon alliance deviendra dans votre chair une alliance perpétuelle, mais l'incirconcis, le mâle qui n'aura pas été circoncis de la chair de son prépuce, celui-ci sera retranché d'entre vous. Il a rompu mon alliance (Gen. 17, 9-14).

Pour répondre à l'appel de Dieu, Abraham a donc quitté son pays et il s'est installé dans le pays choisi par Dieu pour ce qui sera bientôt son peuple. Mais Abraham s'interroge sur l'existence de ce peuple, car il n'a aucune descendance. Sur les conseils de sa femme, il eut d'abord un fils de sa servante Agar. Celui-ci, Ismaël, est considéré comme l'ancêtre des musulmans. Mais il n'était pas destiné à être l'héritier de la promesse divine. Celui qui héritera de la promesse sera le fils de sa femme, Isaac, dont la naissance est annoncée par la visite mystérieuse de trois personnages à Abraham :

Le Seigneur apparut à Abraham aux chênes de Mambré, alors qu'il était assis à l'entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour. Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui. A leur vue, il courut de l'entrée de la tente à leur rencontre, se prosterna à terre et dit : Mon Seigneur, si j'ai pu trouver grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur. Qu'on apporte un peu d'eau pour vous laver les pieds, et reposez-vous sous cet arbre. Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconfortez avant que vous alliez plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur. Ils répondirent : Fais comme tu l'as dit. Abraham se hâta vers la Tente pour dire à Sara : Vite ! Pétris trois mesures de fleur de farine et fais des galettes. Et il courut au troupeau en prendre un veau bien tendre. Il le donna au garçon qui se hâta de l'apprêter. Il prit du caillé, du lait et le veau préparé qu'il plaça devant eux. Il se tenait sous l'arbre, debout près d'eux. Ils mangèrent et lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Là, sous la tente. Le Seigneur reprit : Je dois revenir au temps du renouveau, et voici que ta femme aura un fils. Or Sara écoutait à l'entrée de la tente derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, avancés en âge, et Sara avait cessé d'avoir ce qu'ont les femmes. Sara se mit à rire en elle-même et dit : Tout usée comme je suis, pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux ! Le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi ce rire de Sara ? Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ? A la date où je reviendrai vers toi, au temps du renouveau, Sara aura un fils (Gen. 18, 1-14).

Abraham et Sara auront un fils qu'ils nommeront Isaac, dont le nom signifie : Dieu a souri.

Le Seigneur intervint en faveur de Sara comme il l'avait dit, il agit envers elle selon sa parole. Elle devint enceinte et donna un fils à Abraham en sa vieillesse à la date que Dieu lui avait dite. Abraham appela Isaac le fils qui lui était né, celui que Sara avait enfanté. Il circoncit son fils Isaac à l'âge de huit jours, comme Dieu le lui avait prescrit. Abraham avait cent ans quand lui naquit son fils Isaac. Sara s'écria : Dieu m'a donné sujet de rire ! Quiconque l'apprendra rira à mon sujet. Elle reprit : Qui aurait dit à Abraham que Sara allaiterait des fils ? Et j'ai donné un fils à sa vieillesse (Gen. 21, 1-7).

L'avenir semblait assuré pour la descendance d'Abraham, mais celui-ci croit comprendre que Dieu lui demande de lui sacrifier son fils...

Dieu mit Abraham à l'épreuve. Il lui dit : Abraham ! Celui-ci répondit : Me voici ! Dieu dit : Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et tu l'offriras en sacrifice sur la montagne que je t'indiquerai. Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux de ses serviteurs et son fils Isaac. Il fendit le bois pour le sacrifice et se mit en route vers le pays que Dieu lui avait indiqué. Le troisième jour, Abraham, levant la tête, vit l'endroit de loin. Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne. Moi et l'enfant nous irons jusque là-bas pour adorer, puis nous reviendrons vers vous. Abraham prit le bois pour le sacrifice et le chargea sur Isaac, il prit le feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent ensemble. Isaac interrogea soin père Abraham : Mon père ! Eh bien, mon fils ? Isaac reprit : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? Abraham répondit : Dieu saura bien trouver l'agneau pour l'holocauste, mon fils. Ils arrivèrent à l'endroit que Dieu avait indiqué. Abraham y éleva l'autel et disposa le bois, lia son fils et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. L'ange du Seigneur l'appela du haut du ciel et dit : Abraham ! Il répondit : Me voici ! L'ange dit : Ne porte pas la main sur l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu, tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique. Abraham leva les yeux et vit un bélier qui s'était pris les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils. Du ciel, l'ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham : Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur, parce que tu as fait cela, parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de tes ennemis (Gen. 22, 1-17).

La tradition veut donc que le sacrifice d'Abraham eut lieu au sommet du mont Moriah, au lieu même où Dieu modela l'homme avec la poussière du sol. Ce serait le centre de la terre, le nombril du monde. Et c'est en direction de ce mont que pendant des milliers d'années les juifs, quelle que soit leur résidence, se tournaient pour prier.

Le Dieu qui fait alliance avec Abraham n'est pas semblable aux autres dieux fabriqués de mains d'hommes. Il refuse les sacrifices humains et n'accepte pas que son fidèle lui immole son fils. L'image qu'il est possible de se faire d'Abraham est sans doute celle d'un cheikh oriental traversant le pays avec l'ensemble de ses biens, tentes, troupeaux, bergers, épouse et concubines... La famine le poussa en Egypte pour un court séjour, mais il revint dans le pays de Canaan, car cette région l'avait séduit, et c'est là qu'il avait fait l'expérience du Dieu fidèle. Toutefois il estimait sa culture supérieure à celle des Cananéens, aussi envoya-t-il son serviteur dans son pays d'origine afin qu'il y trouve une femme pour son fils, Isaac.

Au pays de Mambré, Abraham acheta une concession funéraire à Ephron le Hittite, afin d'y enterrer son épouse : La vie de Sara dura cent vingt-sept ans. Sara mourut au pays de Canaan, à Qiryath-Arba, c'est-à-dire Hébron. Abraham vint célébrer les funérailles de Sara et la pleurer. Puis il se releva et s'éloigna d'elle pour parler aux fils de Heth : Je vis avec vous comme un émigré et un hôte. Cédez-moi une propriété funéraire parmi vous pour que j'enterre la morte qui m'a quitté. Ephron était assis parmi les fils de Heth et il dit : Non, mon seigneur, écoute-moi, le champ, je te le donne, la caverne qui s'y trouve, je te la donne... Abraham se prosterna devant le peuple du pays et dit à Ephron : Si tu voulais m'écouter, je te donnerais le prix du champ. Reçois-le de moi... Abraham s'entendit avec Ephron, il lui pesa le prix que les fils l'avaient entendu déclarer, quatre cents sicles d'argent... Après quoi, Abraham enterra sa femme Sara dans la caverne du champ de Makpéla devant Mambré, c'est Hébron au pays de Canaan (Gen. 23, 1...19).

A la mort de son père, Isaac devint le chef de la tribu. Sa personnalité est moins marquante que celle d'Abraham, dont il continua l'oeuvre. Dieu lui renouvela son alliance par la circoncision, signe rituel de consécration à Dieu et aussi désormais signe de l'appartenance à la nation abrahamique.

Isaac, à quarante ans, prit pour femme Rébecca... Il implora le Seigneur pour sa femme car elle était stérile. Le Seigneur eut pitié de lui, sa femme Rébecca devint enceinte, mais ses fils se heurtaient en son sein, elle s'écria : S'il en est ainsi, à quoi suis-je bonne ? Elle alla consulter le Seigneur qui lui répondit : Deux nations sont en ton sein, deux peuples se détacheront de tes entrailles, l'un sera plus fort de l'autre et le grand servira le petit. Quand furent accomplis les temps où elle devait enfanter, des jumeaux se trouvaient en son sein. Le premier qui sortit était roux, tout velu comme une fourrure de bête, on l'appela Esaü. Son frère sortit ensuite, la main agrippée au talon d'Esaü, on l'appela Jacob (Gen. 25, 20-26).

En hébreu, les noms d'Esaü et de Jacob évoquent des jeux de mots. Esaü est un jeu de mots avec roux, tandis que Jacob traduit également un jeu de mots avec talon d'une part et avec le verbe supplanter de l'autre. A sa naissance, Jacob s'est agrippé au talon de son frère qu'il supplantera dans son droit d'aînesse et dans la bénédiction paternelle.

Après Isaac, Jacob, son fils, hérita de la promesse faite à Abraham. Il dut s'expatrier pour avoir extorqué la bénédiction paternelle à son aîné, Esaü. En quittant le pays d'Abraham, pour partir vers Harran, il passa une nuit à Louz et il eut un songe, d'inspiration divine :

Jacob sortit de Béer-Sheva et partit pour Harran. Il fut surpris par le coucher du soleil en un lieu où il passa la nuit. Il prit une des pierres de l'endroit, en fit son chevet et coucha en ce lieu. Il eut un songe : voici qu'était dressée sur terre une échelle dont le sommet touchait le ciel, des anges de Dieu y montaient et y descendaient. Voici que le Seigneur se tenait près de lui et dit : Je suis le Seigneur, Dieu d'Abraham ton père et Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu couches, je la donnerai à toi et à ta descendance. Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre. Tu te répandras à l'ouest, à l'est, au nord et au sud. En toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. Vois ! Je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras et je te ferai revenir vers cette terre car je ne t'abandonnerai pas jusqu'à ce que j'aie accompli ce que j'ai dit. Jacob se réveilla de son sommeil et s'écria : Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! Il eut peur et s'écria : Que ce lieu est redoutable ! Il n'est autre que la maison de Dieu, c'est la porte du ciel. Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre dont il avait fait son chevet, l'érigea en stèle et versa de l'huile au sommet. Il appela ce lieu Béthel, c'est-à-dire Maison de Dieu, mais auparavant le nom de la ville était Louz. Puis Jacob fit ce voeu : Si Dieu est avec moi et me garde dans le voyage que je poursuis, s'il me donne du pain à manger et des habits pour me revêtir, si je reviens sain et sauf à la maison de mon père, le Seigneur deviendra mon Dieu. Cette pierre que j'ai érigée en stèle sera une maison de Dieu et de tout ce que tu me donneras, je te compterais la dîme (Gen. 28, 10-22).

Après avoir vécu auprès de son oncle Laban et avoir épousé Léa puis Rachel, Jacob décide de rentrer au pays de ses ancêtres. Avant de franchir la frontière de ce pays, il dut lutter tout une nuit contre un ange. C'est alors qu'il reçut un nouveau nom, celui d'Israël, dont l'étymologie signifie : il a été fort contre Dieu.

Cette nuit-là, Jacob se leva, il prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq. Il leur fit traverser le torrent et il fit passer aussi tout ce qui lui appartenait. Jacob resta seul. Or quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. L'homme, voyant qu'il ne pouvait pas le vaincre, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant ce combat. L'homme dit : Lâche-moi, car l'aurore est levée. Jacob répondit : Je ne te lâcherai que si tu me bénis. L'homme lui demanda : Quel est ton nom ? - Je m'appelle Jacob. - On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, parce que tu as lutté contre Dieu comme on lutte contre les hommes, et tu as vaincu. Jacob lui fit cette demande : Révèle-moi ton nom, je t'en prie. Il répondit : Pourquoi me demandes-tu mon nom ? Et à cet endroit, il le bénit. Jacob appela ce lieu Penouël, ce qui signifie : Face de Dieu, car il disait : J'ai vu Dieu face à face, et j'ai eu la vie sauve. Au lever du soleil, il traversa le torrent à Penouël. Il resta boiteux de la hanche (Gen. 32, 23-32).

Le nom d'Israël que Jacob reçut après ce combat mystérieux avec l'ange de Dieu devait remplacer progressivement celui d'Hébreux par lequel étaient désignés les descendants d'Abraham.

Jacob-Israël eut douze fils qui furent les ancêtres des douze tribus d'Israël. Avec l'un des plus jeunes, Joseph, le destin de la tribu des descendants d'Abraham allait prendre une dimension nouvelle en entrant dans l'histoire de l'Egypte.

Benjamin était le dernier des fils de Jacob-Israël, il est le seul à être né en Terre promise.

Ils (Jacob et son clan) quittèrent Béthel. Il y avait encore une certaine distance avant d'arriver à Ephrata quand Rachel enfanta. Ses couches furent pénibles. Comme elle accouchait difficilement, la sage-femme lui dit : Ne crains pas, car tu as un fils de plus. Dans son dernier souffle, au moment de mourir, elle l'appela Ben-Oni c'est-à-dire : Fils du Deuil, son père l'appela Benjamin c'est-à-dire : Fils de la Droite. Rachel mourut et fut enterrée sur la route d'Ephrata, c'est-à-dire Bethléem. Jacob érigea une stèle sur sa tombe. C'est la stèle de la tombe de Rachel, aujourd'hui encore (Gen. 35, 16-20).

Après les cycles d'Abraham, d'Isaac, et de Jacob-Israël, s'inaugure dans la Genèse le cycle de Joseph qui conduira ce clan en Egypte. Joseph, fils tardif de Rachel, l'épouse préférée de Jacob, était aussi le fils préféré de son père, ce qui lui valut l'inimitié de ses frères. Tout commence par un cadeau somptueux (une longue tunique) fait par Jacob à Joseph. La jalousie des frères est excitée par le récit des rêves de Joseph, qui traduisent son orgueil et sa prétention. Jacob aurait pu faire passer tout cela pour des enfantillages, mais les reproches qu'il adresse à Joseph sont modérés, et il attendait la réalisation de ces rêves. Les frères complotent de faire mourir le gêneur. Jeté dans une citerne, il en est retiré pour être livré à des marchands de passage qui le vendent comme esclave en Egypte au chef des gardes de Pharaon, Potiphar.

Joseph ne tarde pas à devenir l'homme de confiance de celui-ci parce que le Seigneur était avec lui, faisant de lui un homme efficace. Mais la femme de Potiphar jette son dévolu sur Joseph et lui fait des avances pressantes. Le refus catégorique de Joseph et sa fuite après une entreprise hardie de celle femme mettent celle-ci dans l'embarras. Elle ne s'en tire que par une calomnie, accusant le jeune homme devant Potiphar qui fait jeter Joseph en prison. Mais la grâce de Dieu demeurait sur Joseph qui gagne la confiance du chef de prison, qui en fait vraisemblablement son esclave personnel, l'employant au service des prisonniers.

Grâce aux relations qu'il se fait en prison, Joseph est amené à devenir l'interprète d'un rêve de Pharaon, qui lui confie alors le gouvernement économique de l'Egypte. Joseph, vendu comme esclave par ses frères, passe ainsi de la servitude à la position de vice-roi d'Egypte, grâce à son talent d'interprétation des songes.

L'Egypte était alors sous la domination des Hyksos (entre 1750 et 1580), qui étaient également d'origine sémite, comme Joseph, ce qui lui permit de faire rapidement carrière dans les milieux de la cour royale. Joseph parvient à juguler une famine qui s'abattait sur le pays grâce aux réserves abondantes qu'il avait faites.

Mais la famine s'abat aussi hors d'Egypte. Et Jacob, ayant appris qu'il y avait du grain en Egypte, y envoie ses fils, sauf Benjamin. Les frères ne reconnaissent pas Joseph qui les accuse d'être des espions. Joseph exige que leur plus jeune frère lui soit présenté et garde en otage Siméon.

Après de longues hésitations, mais poussé par la faim, Jacob décide une nouvelle fois d'envoyer ses fils en Egypte avec Benjamin. Joseph les accueille et soigne une mise en scène pour faire accuser de vol Benjamin, dans le sac duquel il fait placer sa coupe d'argent, qui lui servait pour la divination. Arrêtés alors qu'ils regagnaient leur pays, les frères sont ramenés en Egypte. Malgré leurs protestations, Joseph entend faire de Benjamin son esclave. Après une longue plaidoirie de Juda qui évoque le chagrin de leur père si Benjamin ne revenait pas, Joseph, ne pouvant plus se contenir, se fait reconnaître par ses frères.

Joseph ne put se dominer devant tous ceux qui se tenaient près de lui. Faites sortir tous mes gens, s'écria-t-il. Nul d'entre eux n'était présent quand il se fit reconnaître de ses frères. Il sanglota si fort que les Egyptiens l'entendirent, même la maison de Pharaon. Je suis Joseph, dit-il à ses frères. Mon père est-il encore en vie ? Mais ses frères ne purent lui répondre tant ils tremblaient devant lui. Joseph dit à ses frères : Venez près de moi. Je suis Joseph votre frère, moi que vous avez vendu en Egypte, mais ne vous affligez pas maintenant et ne soyez pas tourmentés de m'avoir vendu ici, car c'est Dieu qui m'a envoyé avant vous pour vous conserver la vie... Dieu m'a envoyé devant vous pour constituer des réserves de nourriture dans le pays, vous permettre de vivre, et à beaucoup d'entre vous d'en réchapper. Ce n'est pas vous qui m'avez envoyé ici, mais Dieu. Faites savoir à mon père toute l'importance que j'ai en Egypte et tout ce que vous avez pu y voir. Dépêchez-vous de faire descendre ici mon père (Gen. 45, 1-13).

Jacob n'ose croire à un dénouement aussi extraordinaire, et se décide à partir pour l'Egypte. Le clan d'Israël vient donc s'installer au pays de Goshen, un des meilleurs endroits d'Egypte. Ce clan connaît la prospérité. Avant sa mort, Jacob demande à Joseph d'être enterré en Canaan, près de Mambré, dans la caverne de Makpéla, lieu de la sépulture de Sara, Abraham, Isaac, Rébecca et Léa.

Après cette mort, les frères de Joseph craignent sa vengeance pour le mal qu'ils lui ont fait.

Ses frères allèrent d'eux-mêmes se jeter devant lui et dirent : Nous voici tes esclaves. Joseph leur répondit : Ne craignez point. Suis-je en effet à la place de Dieu ? Vous avez voulu me faire du mal. Dieu a voulu en faire du bien : conserver la vie à un peuple nombreux comme cela se réalise aujourd'hui (Gen. 50, 18-20).

Les derniers versets de la Genèse manifestent que le dessein de Dieu se réalise malgré les défaillances humaines, malgré la méchanceté et les maladresses des hommes. Ils laissent également prévoir le retour vers le pays de Canaan, la terre promise. Une longue période se passe dont la Bible ne dit rien : les hommes heureux n'ont pas d'histoire ! Avant de mourir, Joseph annonce la visite de Dieu dans son peuple et réclame aux siens que ses os soient ramenés en terre de Canaan auprès des siens, ce qui se réalisera plus tard, au temps de l'Exode.