Traversée de la Samarie

 

Le mont Thabor

Au nord de la Terre Sainte, le mont Hermon se dresse couvert de neige. D'après certaines traditions, c'est à son sommet que la Transfiguration aurait eu lieu. La tradition byzantine préfère situer cet événement sur le mont Thabor, colline de 520 mètres qui domine la plaine de la Basse Galilée.

Six jours, après, Jésus prend avec lui Pierre, Jacques et Jean, et les emmène seuls à l'écart sur une haute montagne. Il fut transfiguré devant eux, et ses vêtements devinrent éblouissants, si blancs qu'aucun foulon sur terre ne saurait blanchir ainsi. Elie leur apparut avec Moïse, ils s'entretenaient avec Jésus. Intervenant, Pierre dit à Jésus : Rabbi, il est bon que nous soyons ici, dressons trois tentes, une pour toi, une pour Moïse, une pour Elie. Il ne savait que dire car ils étaient saisis de crainte. Une nuée vint des recouvrir, et il y eut une voix venant de la nuée : Celui-ci est mon Fils bien-aimé. Ecoutez-le ! Aussitôt, regardant autour d'eux, ils ne virent plus personne d'autre que Jésus, seul avec eux. Comme ils descendaient de la montagne, il leur recommanda de ne raconter à personne ce qu'ils avaient vu, jusqu'à ce que le Fils de l'homme ressuscite d'entre les morts. Ils observèrent cet ordre, tout en se demandant entre eux ce qu'il entendait par "ressusciter d'entre les morts" (Mc. 9, 2-10).

La montagne est le lieu classique des manifestations divines. Dieu se manifeste à Moïse sur la montagne du Sinaï, il se manifeste à Elie sur le mont Horeb, l'autre nom du Sinaï. En ne donnant aucun nom à la montagne de la Transfiguration, Matthieu, Marc et Luc semblent souligner qu'il ne s'agit pas du mont Sion, alors que le psaume repris par la voix céleste fait allusion à cette montagne de Judée : Dieu a installé son roi sur Sion, sa montagne sainte (Ps. 2, 6).

En choisissant un autre mont que Sion, Jésus découronne la Judée de sa prééminence traditionnelle. Dans son entretien avec la Samaritaine, un motif semblable sera invoqué par Jésus : Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père (Jn. 4, 21).

Moïse et Elie représentent, en leurs personnes, la Loi et les Prophètes, c'est-à-dire l'ensemble de la Révélation de Dieu dans l'Ancien Testament. Tout ce que Dieu a révélé aux hommes, à son peuple, se trouve présent sur cette montagne de la Transfiguration. Moïse et Elie témoignent que Jésus est l'aboutissement du dessein de Dieu. Elie est considéré, dans la tradition juive, comme le précurseur immédiat du Messie, ce qui est advenu en la personne de Jean le Baptiste. Cette référence à Elie, revenue en la personne de Jean, impliquerait alors que Jésus lui-même connaîtrait le martyre. Il convient aussi de noter que ni Moïse ni Elie n'ont eu de tombeau, ayant été emportés par Dieu lui-même au moment de leur mort. Tout laisse supposer que Jésus connaîtra une destinée exceptionnelle, à la manière de ses deux interlocuteurs. Car, au témoignage de Luc, il y a une conversation entre ces trois personnages : ils parlaient de son départ, de son exode, qui devait se réaliser à Jérusalem.

 

 

 

 

   

 

Devant l'étonnante vision dont ils sont les témoins, les apôtres ne comprennent pas. Ils disent n'importe quoi, étant à demi éveillés : l'approche du divin ne se fait d'ailleurs jamais en langage totalement clair. La vision du transfiguré anticipe la gloire du ressuscité, et la voix céleste atteste l'identité filiale de Jésus par rapport à Dieu, elle suggère par le fait sa préexistence divine.

C'est au sud de la colline de Nazareth, sur le mont Thabor, qui se dresse au milieu d'une plaine, que la tradition byzantine a donc choisi de fixer le lieu de la Transfiguration. Sa situation exceptionnelle désignait tout à fait le Thabor pour être l'emplacement d'une citadelle-forteresse ou d'un sanctuaire. Sous la basilique actuelle, la roche porte encore les traces d'une installation cananéenne. Ce sera un lieu de rassemblement pour les Hébreux lors de la conquête du pays. Déborah, la seule femme juge en Israël, y rassembla les troupes israélites pour lutter contre Yavin, roi de Haçor :

Or Déborah, une prophétesse jugeait Israël en ce temps-là. Elle siégeait sous le palmier, entre Rama et Béthel, dans la montagne d'Ephraïm, et les fils d'Israël venaient vers elle pour des questions d'arbitrage. Elle fit appeler Baraq et lui dit : Le Seigneur, Dieu d'Israël, a vraiment donné un ordre. Va, rassemble au mont Thabor dix mille hommes. J'attirerai vers toi, au torrent du Qishon, Sisera, chef de l'armée de Yavin, ainsi que ses chars et ses troupes, et je le livrerai entre tes mains. Baraq lui dit : Si tu marches avec moi, je marcherai, mais si tu ne marches pas avec moi, je ne marcherai pas. Elle dit : Je marcherai donc avec toi... Baraq poursuivit les chars et l'armée jusqu'à Haroshèth-Goïm : toute l'arme de Sisera tomba sous le tranchant de l'épée, il n'en resta pas un seul (Jg. 4, 4...16).

Si le Thabor est vraiment le lieu de la Transfiguration, pourquoi les évangélistes n'ont-ils pas évoqué les grands événements qui se sont déroulés à cet endroit ? La question restera toujours posée...

Samarie

Ce mot désigne, à la suite du schisme politico-religieux consécutif à la succession de Salomon, le royaume du Nord en son entier : Ochozias est "roi de Samarie". Des hauts lieux sont érigés dans les "villes de Samarie" ; des peuplades y sont déportées.

Au temps de Jésus, la Samarie est avec la Judée et la Galilée l'un des trois districts administratifs de la Palestine. Jésus l'a traversé, mais il ne semble pas qu'il ait pénétré dans la ville. La Bonne Nouvelle y fut prêchée par le diacre Philippe. Pierre et Jean s'y rendirent et imposèrent les mains aux convertis pour qu'ils reçoivent l'Esprit.

Paul passa sur la route d'Antioche à Jérusalem. Rattachée par Pompée à la province de Syrie, la Samarie deviendra syrienne après la chute d'Archélaüs. Le nom de Sébaste donné par Hérode subsiste dans l'actuelle Sebastiyeh. C'est le nom qui est donné à la capitale du royaume d'Israël, après le schisme, vers 880. C'est une des rares villes entièrement construites par les Israélites eux-mêmes.

Omri acheta pour deux talents d'argent (68 kg), une colline de 443 mètres de haut, à une dizaine de kilomètres au nord-ouest de Sichem, à un nommé Chèmer, qui devait donner son nom à la cité. Le site était remarquablement choisi, au bord d'une vallée qui conduit à la mer.

Dans ses imprécations, le prophète Isaïe parle de "l'orgueilleuse couronne des ivrognes d'Ephraïm (le royaume du Nord) sur le sommet qui domine la grasse vallée". Seul inconvénient, le manque de sources. Mais le site fut pourvu d'importantes citernes et d'une enceinte extérieure qui enfermait une dizaine d'hectares de terres cultivées : moyennant quoi. Samarie devait soutenir de longs sièges. Le roi-soldat fortifia la position d'un premier mur de 1,40 mètre de large, doublé d'une liée extérieure, large de plus de 10 mètres et garnie de casemates, de tours et de bastions. Les gens de condition aisée demeuraient dans la citadelle, les plus modestes dans la ville basse.

Achab, successeur d'Omri, y ajouta des entrepôts et des magasins. Mais, parce que le climat y était rude, il s'était fait construire à Yizréel une résidence d'été. Plus tard, le palais fut doté par Jéroboam II de meubles incrustés d'ivoire et de pierres précieuses dont Amos dénonça le luxe provocant.

Par deux fois, les rois de Damas assiégèrent Samarie : alors qu'Achab régnait sur Israël, le roi d'Aram Ben-Hadad II monta contre la ville et exigea aussitôt, sans coup férir, une reddition complète. Achab, qui avait d'abord accepté les conditions, consulta le peuple et les Anciens qui lui conseillèrent de résister. Un prophète annonça au roi d'Israël que Dieu lui accorderait la victoire. Ce qui arriva.

Au temps de Joram, vers 845, un second siège fut tenu probablement par le même roi, ou par son successeur. La famine sévit au point qu'on tuait les enfants pour se nourrir. Cette fois c'est le prophète Elisée qui annonça la fin des misères.

Une nuit, les Araméens quittèrent inexplicablement le camp où ils s'étaient retranchés. Le siège fut levé, sans combat.

Il fallut trois ans à l'année assyrienne de Salmanazar V, prés d'un siècle plus tard, pour venir à bout de la fière cité. Celle-ci se rendit au généralissime de Salmanazar, qui fut son successeur, Sargon II, en 721. Le roi Osée fut fait prisonnier, et 27000 Israélites furent déportés. A leur place, le roi d'Assour fit installer des colons originaires des peuples vaincus, et qui allaient former la population composite des Samaritains. Ainsi l'avait annoncé Isaïe. Désormais Samarie ne serait plus qu'une province assyrienne, puis babylonienne, puis perse, En 321 avant Jésus-Christ, Alexandre le Grand y installe une colonie de vétérans de son armée. La ville devint grecque et fut fortifiée. Mais au temps des Hasmonéens, Jean Hyrcan s'en empara et, selon Flavius Josèphe, la détruisit. Les Romains lui donnèrent un nouvel essor. Auguste en fit don à Hérode le Grand, qui la transforma en une cité nommée Sébaste, transcription grecque du nom d'Auguste. Un temple dédié à l'empereur en couronna le sommet, à la place de l'ancien palais royal.

Les Samaritains

Les Samaritains forment la population de Samarie après la chute de la ville : Sargon II en avait déporté la majorité des habitants et y avait installé des colons venus de provinces syriennes, entre autres de Kouta, au nord de Babylone, d'où le nom encore de Koutrins que leur donnent Flavius Josèphe et la littérature rabbinique.

Selon le livre d'Esdras, les successeurs de Sargon, Asarhaddon et Assourbanipal, avaient procédé à la même opération. Les inévitables croisements avec ceux qui avaient échappé à la Déportation formèrent un peuplement hétérogène, où proliférèrent les cultes païens importés par les colons. Pourtant, le roi d'Assyrie, sur la demande de ses colons, envoya à Samarie un des prêtres israélites déportés pour que le culte de YHWH fût remis en honneur.

Les Samaritains se mirent à adorer YHWH tout en conservant les idoles, si bien que ce syncrétisme rejaillit sur ce qui restait des populations autochtones. Une partie semble avoir continué à participer au culte de Jérusalem : elle sera soumise à la réforme d'Ezéchias et à celle de Josias et conviée à célébrer la Pâque organisée par ces pieux rois.

Au retour d'exil des Judéens, les Samaritains prétendirent collaborer à la reconstruction du Temple. Mais Zorobabel et le grand prêtre Josué refusèrent. Furieux de cet affront, les Samaritains mirent toutes sortes d'obstacles à l'entreprise. Bientôt affluèrent vers la Samarie les Judéens qui ne se pliaient pas aux prescriptions d'Esdras de se séparer de leurs femmes étrangères.

Bien que ce temple ait été détruit par Jean Hyrcan en 128 avant Jésus-Christ, le mont Garizim demeurait un lieu de culte dissident au temps du Christ et les Samaritains un objet d'hostilité que Ben Sira nommait déjà "le peuple stupide qui habite à Sichem", plus méprisable que les Edomites et les Philistins.

Les Juifs ne frayaient pas avec les Samaritains. Pour un Juif, le mot "Samaritain" équivalait à "païen", voire à "possédé du démon" ou "suppôt de Satan", comme en témoigne l'injure faite à Jésus par les Juifs. Pour se rendre de Galilée à Jérusalem, on évitait de traverser la Samarie : Jésus et ses apôtres s'y virent un jour refuser le gîte. Mais il est de "bons Samaritains", modèles du comportement vis-à-vis de Dieu, tel le lépreux qui, guéri, rend seul grâce à Jésus ou vis-à-vis du prochain, tel le héros de la parabole. Si, dans un premier temps, Jésus recommande à ses apôtres de ne prêcher qu'aux Juifs, à l'exclusion des païens et des Samaritains, avant son Ascension, il leur enjoint au contraire de s'adresser à eux comme au monde entier : "Vous serez mes témoins dans toute la Judée et dans la Samarie, et jusqu'aux extrémités de la terre". Au lendemain de la Pentecôte, le diacre Philippe et les apôtres Pierre et Jean y porteront la Parole de Dieu et y donneront les premières impositions de l'Esprit.

De nos jours la communauté samaritaine de Naplouse, au pied du mont Garizim, continue à attendre le Messie et à immoler chaque année l'agneau pascal.

La synagogue conserve un manuscrit en caractères hébraïques, dit le Pentateuque samaritain : ils ne reconnaissent pas d'autre livre de la Bible.

Le Mont Garizim

Comme l'Ebal au nord, le mont Garizim au sud (aujourd'hui Djebel El-Tor, 881 mètres) domine le site de Sichem et Naplouse.

L'Ecriture mentionne pour la première fois ces deux sommets de la montagne de Samarie dans les textes afférents à la cérémonie par laquelle Israël renouvelle son engagement à l'égard de Dieu et de sa Loi, après l'entrée dans la Terre promise : du Garizim, les tribus de Siméon, Lévi, Juda, Issachar, Joseph et Benjamin proclament les bénédictions promises à la fidélité du peuple, tandis que de l'Ebal les six autres tribus prononcent les malédictions que mérite l'infidélité.

Au temps des Juges, c'est le Garizim aussi que Yotam, malheureux fils de Yeroubbal Gédéon, rescapé du massacre où ont péri ses frères, choisit comme tribune pour flétrir Abimélek leur assassin, et maudire les habitants de Sichem qui ont fait de celui-ci un roi. Le mont n'est cité nominalement en aucun des écrits relatifs au temps des Rois mais, voué depuis longtemps à des cultes païens, comme l'attestent sur le versant méridional les vestiges d'un temple cananéen (1700-1500 avant Jésus-Christ), il le fut sans doute aussi au cultes suspects des hauts lieux dans l'Israël ancien. Il ne retrouve qu'après l'Exil une célébrité certaine, d'ailleurs de douteux aloi.

Les Samaritains écartés des chantiers du Temple par les chefs de la communauté du Retour et rejoints par les rebelles à la législation, renforcée par Esdras, sur le mariage avec des étrangères, ont pu édifier sur le Garizim un temple rival. Le sanctuaire des samaritains subsista jusqu'au temps des Maccabées. Profané pendant la persécution d'Antiochus Epiphane (167 avant Jésus-Christ), et dédié à Zeus Hospitalier comme le fut à Zeus Olympien celui de Jérusalem, il disparut en 128, détruit par Jean Hyrcan : ses restes probables, recouverts par les décombres d'un nouveau temple à Zeus construit par Hadrien (vers 130 de notre ère), ont été mis au jour sur la pente qui regarde Sichem.

Quant au schisme qui l'avait conçu, il dure toujours, conforté par des légendes bien accréditées à l'époque du Christ. Pour leurs tenants, le mont Garizim est le lieu saint par excellence, le site du jardin d'Eden qui, selon une confuse espérance sera un jour rendu aux justes, l'endroit où Abraham dressa en Canaan le premier autel à Yahvé, où Jacob en érigea un autre, puis Josué, du moins selon le Pentateuque samaritain et selon un livre de Josué fait de textes compilés, seule Ecriture reconnue par la secte ; le nom de Ebaly est remplacé par Garizim dans les passages qui conviennent.

Ainsi la Samaritaine qui rencontre Jésus prés du puits de Jacob, aux portes de l'ancienne Sichem, lui soumet-elle le plus spectaculaire des différends entre la tradition des siens et ce qu'ils tiennent pour une innovation introduite par les Juifs dans la Loi de Yahvé : Nos pères ont adoré sur cette montagne, dit-elle en désignant le Garizim. Et vous (les Juifs), vous dites que c'est Jérusalem, le lieu où il faut adorer.

Sur le lieu où affleure la roche qu'elle vénère, la petite communauté samaritaine de Naplouse se réunit encore à l'occasion des fêtes et célèbre notamment la Pâque selon un rite particulier qui comporte toujours des sacrifices sanglants. Mais aucun sanctuaire n'y remplace celui des temps hellénistiques, ni les derniers monuments du culte yahviste, probablement rasés par Vespasien en l'an 67.

Sur le sommet lui-même, le visiteur d'aujourd'hui ne trouve qu'une petite mosquée bâtie à proximité des ruines d'une basilique byzantine dédiée en 486 par l'empereur Zénon à "Marie mère de Dieu", restaurée et fortifiée dans les années 530 par Justinien Ier, et saccagée par l'invasion arabe.

La Samaritaine

La Samaritaine dont parle l'Evangile, est une femme de Sychar, que Jésus rencontre près du "puits de Jacob". A cette étrangère, appartenant à une "nation" honnie des Juifs, il annonce le mystère du Christ.

Comme il était assis sur la margelle cette femme s'approche pour puiser, et Jésus lui demande à boire. Elle ne refuse pas, mais se fait narquoise : elle a reconnu en lui un Juif orthodoxe, de ceux qui ne fraient pas avec des Samaritains : faut-il qu'il ait soif pour se souiller en lui parlant à elle, une fille du peuple samaritain, que les Juifs considèrent comme hérétique parce qu'il n'adore pas YHWH dans le Temple de Jérusalem, et impur, tout autant que les païens ? Jésus lui répond sur un autre plan : l'eau qu'il peut dispenser, lui, est l'eau vive, source de la vie éternelle selon l'Ecriture. Comme Nicodème, elle donne à ces propos un sens matériel, mais sera bientôt emportée dans les serres de l'aigle. Croyant à quelque eau aux vertus miraculeuses, elle en quémande. Pourtant, une révélation sur sa vie privée la soumet : "Tu es un prophète !" Ce prophète, elle l'interroge. Désignant le mont Garizim où les siens ont un Temple, elle s'enquiert : les Juifs ont-ils raison de considérer ce culte comme schismatique ? Jésus élève le débat : ce n'est pas en un lieu donné qu'il faut adorer Dieu, car Dieu est Esprit ; c'est en esprit qu'il faut le prier. Et à cette étrangère de bonne volonté, il fait la révélation qu'il a tue jusqu'alors à ses disciples il est lui-même le Messie qu'attendent aussi les Samaritains. Voici que surviennent ses compagnons. Ils s'étonnent de le voir parler à une femme, à une étrangère, mais ne posent pas de questions. Quant à elle, saisie, laissant là sa cruche, elle s'en va proclamer dans son village qu'elle a rencontré un homme doué du don de prophétie, et qu'il est peut-être le Messie.

Sichem

C'était une ville cananéenne, dans la montagne d'Ephraïm, entre le mont Ebal et le mont Garizim, d'où son nom, qui en hébreu signifie "épaule" ou "cou". Située à égale distance du lac de Galilée et de la mer Morte, d'une part, de la Méditerranée et de la Transjordanie, d'autre part, elle fut durant l'Antiquité un important noeud de communications. Dés le deuxième millénaire avant Jésus-Christ, elle fut habitée par une peuplade semi-nomade, attirée par la source qui, encore aujourd'hui, alimente le site voisin de Balata.

Les pharaons Hyksos, qui régnèrent sur l'Egypte entre 1739 et 1580, et occupèrent la Palestine, firent de Sichem une véritable ville entourée d'un énorme mur d'enceinte. Après des fortunes diverses, elle fut dotée d'un sanctuaire-forteresse et agrandie sur un tertre artificiel bâti aux dépens du mont Ebal. La place était protégée par une porte gigantesque flanquée de deux tours rectangulaires. L'ouvrage fut détruit par les Egyptiens lors d'une nouvelle invasion de la Palestine vers 1550. Des défenses plus légères furent érigées, qui existaient encore lors de l'entrée des Hébreux en Canaan ; la Bible ne dit rien de la conquête de la ville, qui fut peut-être pacifique.

Première étape d'Abraham "quand il sortit de Harân", c'est là que, pour la première fois, il rencontra des Cananéens et que, pour la première fois aussi. YHWH promit le pays à sa descendance. Déjà centre religieux cananéen, Sichem allait devenir un haut lieu yahviste : Abraham y bâtit un autel à YHWH.

Au retour de Paddfân-Aram, Jacob y parvint, après avoir quitté Soukkot où il semblait avoir séjourné assez longtemps, car ses enfants avaient alors atteint l'âge adulte. Il acheta aux habitants de Sichem, les fils de Hamor, une parcelle du champ où il avait dressé sa tente à son tour pour y élever un sanctuaire qu'il appela El-ElohédIsraël : El est le Dieu d'Israël. Deux de ses fils pillèrent la ville et massacrèrent les habitants pour venger leur soeur Dina. Pourtant, c'est à Sichem qu'un peu plus tard ils firent paître les troupeaux de leur père, et que Jacob envoya son fils Joseph à leur recherche.

Dans ses dernières bénédictions, Jacob fit don aux fils de Joseph d'une "croupe" (en hébreu chelem), jeu de mots pour désigner le champ qu'il avait acquis, et où furent déposés plus tard les ossements de Joseph, quand les Hébreux eurent pénétré en Canaan. La ville fut dévolue aux fils de celui-ci, Ephraïm et Manassé : elle marqua la frontière des territoires donnés en partage aux deux tribus.

Le discours d'Etienne confond cette tombe de Joseph avec la grotte qu'Abraham avait acquise à Makpéla, d'Ephron le Hittite, et où furent ensevelis les patriarches.

Lieu saint des patriarches, Sichem demeura un haut lieu yahviste ; dès le début de la conquête, après la prise d'Aï, Josué y bâtit un autel à YHWH sur le mort Ebal tout proche. Consacrée ville de refuge, elle fut encore proclamée ville lévitique. Josué y convoqua toutes les tribus pour un renouvellement de l'Alliance du Sinaï. Un pacte y fut conclu et consigné et Josué érigea en témoignage une stèle "sous le térébinthe" qui n'était autre que le chêne de Moré. C'est là la première adhésion publique du peuple hébreu à l'alliance, adhésion qui scella son unité". C'est encore sous le chêne de la stèle qui est à Sichem qu'Abimélek, fils que Gédéon avait eu d'une concubine originaire de la ville, se fit proclamer roi par le clan de sa mère, les "maîtres de Sichem", c'est-à-dire les propriétaires terriens, la classe possédante on dit ainsi "les maîtres de Guibéa", "les maîtres de Qeila", "les maîtres de Yabech". Au bout de trois ans de ce règne, les Sichémites se révoltèrent. Dans la guerre civile qui s'ensuivit, la ville fut détruite, et Abimélek y sema le sel pour rendre la terre stérile.

Les fouilles ont mis au jour un silo monumental qui pourrait prouver que Sichem était redevenue importante au temps de Salomon. Roboam, fils et successeur de celui-ci, y fut proclamé roi par l'ensemble des tribus. Lorsque son intransigeance eut provoqué le schisme, Sichem devint la capitale de Jéroboam , premier monarque du royaume du Nord, qui la fortifia. Par la voix du Psalmiste, Dieu se réjouit de recouvrer Sichem pour son peuple. Mais les Assyriens de Salmanazar eurent raison de la ville. Des habitants y demeurèrent encore après la prise de Jérusalem, qui furent massacres par Yichmaël, l'assassin de Godolias, et jetés dans une citerne, à l'exception de dix d'entre eux qui avaient imploré et obtenu leur grâce.

Après le retour d'exil, les Samaritains cherchèrent un site proche de leur montagne sacrée, le mont Garizim, pour y construire un temple, et le lieu reprit vie ; Sichem devint leur métropole et les Samaritains, pour l'ecclésiastique, "le peuple sot qui habite à Sichem". En 128 avant Jésus-Christ, Jean Hyrcan rasa la localité et le temple. Le tell ne fut plus habité, mais une cité romaine fut fondée tout à côté : Flavia Neapolis, l'actuelle Naplouse.

Béthanie

Dans les faubourgs de Jérusalem, se situe la petite ville de Béthanie, où Jésus avait coutume de se rendre : il comptait parmi les habitants de cette cité quelques amis. C'est ainsi que, malgré les critiques qu'il adressait aux pharisiens et aux légistes, il accepte l'invitation d'un pharisien, signe qu'il n'a pas d'exclusives. S'il critique les comportements, Jésus ne méprise pas les personnes. S'il se présente comme un pauvre, il vit aussi au contact de gens riches, car Simon est un homme riche qui offre un repas de fête dans un cadre confortable, comme le souligne la description de l'évangéliste Luc :

Un pharisien l'invita à manger avec lui, il entra dans la maison du pharisien et se mit à table. Survint une femme de la ville qui était pécheresse, elle avait appris qu'il était à table dans la maison du pharisien. Apportant un flacon de parfum en albâtre, et se plaçant par derrière, tout en pleurs, aux pieds de Jésus, elle se mit à baigner ses pieds de larmes, elles les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux du parfum. Voyant cela, le pharisien qui l'avait invité se dit en lui-même : Si cet homme était un prophète, il saurait qui est cette femme qui le touche, et ce qu'elle est : une pécheresse. Jésus prit la parole et lui dit : Simon, j'ai quelque chose à te dire. Parle, Maître, dit-il. Un créancier avait deux débiteurs, l'un lui devait cinq cents pièces d'argent, l'autre cinquante. Comme ils n'avaient pas de quoi rembourser, il fit grâce de leur dette à tous les deux. Lequel des deux l'aimera le plus ? Simon répondit : Je pense que c'est celui auquel il a fit grâce de la plus grande dette. Jésus lui dit : Tu as bien jugé. Et, se tournant vers la femme, il dit à Simon : Tu vois cette femme ? Je suis entré dans ta maison, tu ne m'as pas versé d'eau sur mes pieds, mais elle, elle a baigné mes pieds de ses larmes et les a essuyés avec ses cheveux. Tu ne m'as pas donné de baiser, mais elle, depuis qu'elle est entrée, elle n'a cessé de me couvrir les pieds de baisers. Tu ne m'as pas répandu d'huile odorante sur ma tête, mais elle, elle a répandu du parfum sur mes pieds. Si je te déclare que ses péchés si nombreux ont été pardonnés, c'est parce qu'elle a montré beaucoup d'amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d'amour. Il dit à la femme : Tes péchés ont été pardonnés. Les convives se mirent à dire en eux-mêmes : Qui est cet homme qui va jusqu'à pardonner les péchés ? Jésus dit à la femme : Ta foi t'a sauvée. Va en paix (Lc. 7, 36-50).

Marc situe la maison de Simon à Béthanie, tout en précisant que ce Simon était un lépreux, peut-être un de ceux qui avaient été purifiés par Jésus :

 Jésus était à Béthanie dans la maison de Simon le lépreux et, pendant qu'il était à table, une femme vint, avec un flacon d'albâtre contenant un parfum de nard, pur et très coûteux. Elle brisa le flacon d'albâtre et lui versa le parfum sur la tête. Quelques-uns se disaient entre eux avec indignation : A quoi bon perdre ainsi ce parfum ? On aurait bien pu vendre ce parfum-là plus de trois cents pièces d'argent et les donner aux pauvres ! Et ils s'irritaient contre elle. Mais Jésus dit : Laissez-la, pourquoi la tracasser ? C'est une bonne oeuvre qu'elle vient d'accomplir à mon égard. Des pauvres, en effet, vous en avez toujours avec vous, et quand vous voulez, vous pouvez leur faire du bien. Mais moi, vous ne m'avez pas pour toujours. Ce qu'elle pouvait faire, elle l'a fait d'avance, elle a parfumé mon corps pour l'ensevelissement. En vérité, je vous le déclare, partout où sera proclamé l'Evangile, dans le monde entier, on racontera aussi, en souvenir d'elle, ce qu'elle a fait (Mc. 14, 3-9).

L'évangéliste Jean, quant à lui, donne d'autres précisions sur ce repas, et il identifie cette femme à Marie, la soeur de Lazare. Six jours avant la Pâque, Jésus arriva à Béthanie où se trouvait Lazare qu'il avait relevé d'entre les morts. On y offrit un dîner en son honneur. Marthe servait tandis que Lazare se trouvait parmi les convives. Marie prit alors une livre d'un grand parfum de nard pur, de grand prix, elle oignit les pieds de Jésus, les essuya avec ses cheveux, et la maison fut remplie de ce parfum (Jn. 12, 1-3).

Le simple événement suscite plusieurs interprétations dans les différents récits. Cette femme, qui vient verser du parfum sur la tête de Jésus, n'accomplit qu'un geste de courtoisie commun dans l'Orient ancien, mais encore assez actuel aujourd'hui : elle manifeste ainsi son grand respect pour la personne de Jésus, le reconnaissant d'une certaine manière comme celui qui est "oint", c'est-à-dire le Christ.

C'est parce que Jésus est couché qu'une femme peut lui verser un parfum sur les pieds. En Orient, on peut entrer librement dans une maison où se donne un festin... Le climat chaud explique l'usage du parfum : offrir un parfum rafraîchissant est une marque d'hospitalité. Seulement, la personne qui offre le parfum n'est pas l'hôte, mais une femme anonyme dans ce texte, bien qu'en ville tout le monde la connaisse, y compris Simon. C'est une pécheresse, une femme publique, une prostituée vraisemblablement. Des péchés, elle en a accumulé au long de sa vie, mais elle les regrette et pleure sa conduite, elle pleure en public, tout en couvrant les pieds de Jésus de ses baisers.

Il est évident pour Simon que si Jésus était un prophète il saurait qui est cette femme et il éviterait d'avoir un contact quelconque avec elle, il ne lui permettrait pas de l'approcher, il ne se laisserait pas caresser par les cheveux d'une telle femme, geste particulièrement honteux, puisque les femmes devaient nécessairement se cacher la chevelure sous un foulard, en signe de soumission à l'homme dont elles dépendaient. De ce fait, Jésus devenait impur au regard de la Loi. Mais Jésus va élargir la conception de la pureté et de l'impureté, de la grâce et du péché, en manifestant la miséricorde de Dieu. Il n'est pas le justicier que Jean-Baptiste annonçait, il est celui qui remet les dettes, celui qui pardonne. Plus celui qui est pardonné a conscience de l'importance du pardon reçu, plus il découvre qu'il est pris en charge par celui qui pardonne, plus il aimera, plus il reconnaîtra la valeur du pardon.

La réaction des adversaires de Jésus ne se fait pas attendre : il blasphème, le pardon est réservé à Dieu seul, qui a promis de pardonner les péchés à la fin des temps, lors de la venue de son Royaume et de l'alliance nouvelle.

Les disciples, comme les autres personnes qui devaient se trouver attablés chez Sinon, un inconnu lui aussi dans le reste des évangiles, ne constatent qu'un grand gaspillage, qui aurait pu être évité au profit des pauvres, imaginant peut-être manifester une plus grande fidélité à l'enseignement de Jésus. Mais puisque ses interlocuteurs parlent eux-mêmes des pauvres, Jésus va rectifier une opinion couramment admise : celle de voir tous les pauvres devenir riches au moment de l'ère messianique. Même si les pauvres vont être soulagés, ils seront toujours présents. Mais, lui, Jésus, ne sera pas toujours présent au milieu d'eux. Et il propose alors lui-même une interprétation de cet événement : "elle a parfumé mon corps pour l'ensevelissement".

Alors que la femme pouvait donner à penser qu'elle reconnaissait la royauté de Jésus, alors que les témoins s'interrogeaient plus ou moins consciemment sur la venue des temps messianiques, Jésus pense à sa mort. Sans le vouloir, cette femme a posé un geste qui deviendra porteur de sens et de Bonne Nouvelle : le Christ, celui qui a reçu l'onction, doit mourir pour le salut de tous les pauvres. Et par son geste, cette femme acquiert une immortalité parmi les hommes : "partout où sera proclamé l'Evangile, dans le monde entier" (partout où l'annonce sera faite du Christ mort et ressuscité), on se souviendra d'elle, car elle a anticipé l'ensevelissement du Seigneur.

Sans pouvoir déterminer avec précision les circonstances de sa mort, Jésus semble donc pressentir sa fin prochaine. Au cours de ce repas à Béthanie, il annonce son ensevelissement : une femme a posé un geste prophétique que Jésus a interprété dans le sens de sa mort. Ce repas aurait eu lieu à Béthanie, près de Jérusalem. En hébreu, Béthanie signifie : la maison du pauvre, la maison de l'humilité.

Actuellement, bien que sa population soit en majorité musulmane, ce village a conservé le souvenir du passage de Jésus et d'un signe étonnant qu'il fit en faveur de Lazare, un habitant du village, connu pour être l'ami de Jésus, ainsi que celui de deux femmes, Marthe et Marie, que les évangélistes pensent bien connues des chrétiens auxquels ils s'adressent. Le village s'appelle aujourd'hui El-Azarîye, et on y montre un tombeau, qui est faussement identifié à la tombe de Lazare creusée dans le roc. Marthe et Marie ont rapidement été identifiées aux deux femmes que Luc présente dans un court récit : 

Comme ils étaient en route, il entra dans un village et une femme du nom de Marthe le reçut dans sa maison. Elle avait une soeur nommée Marie qui, s'étant assise aux pieds du Seigneur, écoutait sa parole. Marthe s'affairait à une service compliqué. Elle survint et dit : Seigneur, cela ne te fait rien que ma soeur m'ait laissée seule à faire le service ? Dis-lui donc de m'aider. Le Seigneur lui répondit : Marthe, Marthe, tu t'inquiètes et tu t'agites pour bien des choses. Une seule est nécessaire. C'est bien Marie qui a choisi la meilleure part, elle ne lui sera pas enlevée (Lc. 10, 38-42).

L'église franciscaine de El-Azarîyé rassemble en un seul lieu tous les souvenirs de Béthanie : l'amitié de Jésus pour la famille de Lazare, la promesse de la résurrection, le repas chez Simon et la résurrection de Lazare. Cette église ressemble à un véritable monument funéraire par son absence de fenêtres ou de vitraux, ce qui l'emplit de pénombre, tandis que la coupole, inondée de lumière, évoque l'espérance de la résurrection promise à tous les hommes : Celui qui croit en Jésus, même s'il meurt vivra, et celui qui vit et croit en lui ne mourra jamais. Tel est l'enseignement qu'il est possible de retirer de l'évangile de la résurrection de Lazare :

Il y avait un homme malade, c'était Lazare de Béthanie, le village de Marie et de sa soeur Marthe. Il s'agit de cette même Marie qui avait oint le Seigneur d'une huile parfumée et lui avait essuyé les pieds avec ses cheveux. C'était son frère Lazare qui était malade. Les soeurs envoyèrent dire à Jésus : Seigneur, celui qui tu aimes est malade. Dès qu'il l'apprit, Jésus dit : Cette maladie n'aboutira pas à la mort, elle servira à la gloire de Dieu, c'est par elle que le Fils de Dieu doit être glorifié. Or Jésus aimait Marthe et sa soeur et Lazare. Cependant, alors qu'il savait Lazare malade, il demeura deux jours encore à l'endroit où il se trouvait. Après quoi seulement, il dit à ses disciples : Retournons en Judée. Les disciples lui dirent : Rabbi, tout récemment encore, les juifs cherchaient à te lapider, et tu veux retourner là-bas ? Jésus répondit : N'y a-t-il pas douze heures de jour ? Si quelqu'un marche le jour, il ne trébuche pas parce qu'il voit la lumière de ce monde, mais si quelqu'un marche de nuit, il trébuche parce que la lumière n'est pas en lui. Après avoir prononcé ces paroles, il ajouta : Notre ami Lazare s'est endormi, mais je vais aller le réveiller. Les disciples lui dirent donc : Seigneur, s'il s'est endormi, il sera sauvé. En fait, Jésus avait voulu parler de la mort de Lazare, alors qu'ils se figuraient, eux, qu'il parlait de l'assoupissement du sommeil. Jésus leur dit alors ouvertement : Lazare est mort, et je suis heureux pour vous de n'avoir pas été là, afin que vous croyiez. Mais allons à lui ! Alors Thomas, celui que l'on appelle Didyme, dit aux autres disciples : Allons, nous aussi, et nous mourrons avec lui. A son arrivée, Jésus trouva Lazare au tombeau, il y était depuis quatre jours déjà. Comme Béthanie est distante de Jérusalem d'environ quinze stades, beaucoup de juifs étaient venus chez Marthe et Marie pour les consoler au sujet de leur frère. Lorsque Marthe apprit que Jésus arrivait, elle alla au-devant de lui, tandis que Marthe était assise dans la maison. Marthe dit à Jésus : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Mais maintenant encore, je sais que tout ce que tu demanderas à Dieu, Dieu te le donnera. Jésus lui dit : Ton frère ressuscitera. Je sais, répondit-elle, qu'il ressuscitera lors de la résurrection, au dernier jour. Jésus lui dit : Je suis la résurrection et la vie, celui qui croit en moi, même s'il meurt, vivra, et quiconque vit et croit en moi ne mourra jamais. Crois-tu cela ? Oui, Seigneur, répondit-elle, je crois que tu es le Fils de Dieu, celui qui vient dans le monde. Là-dessus elle partit appeler sa soeur Marie et lui dit tout bas : Le Maître est là et il t'appelle. A ces mots, Marie se leva immédiatement et alla vers lui. Jésus, en effet, n'était pas encore entré dans le village, il se trouvait toujours à l'endroit où Marthe l'avait rencontré. Les juifs étaient avec Marie dans la maison, et ils cherchaient à la consoler. Ils la virent se lever soudain pour sortir, ils la suivirent, ils se figuraient qu'elle se rendait au tombeau pour s'y lamenter. Lorsque Marie parvint à l'endroit où se trouvait Jésus, elle tomba à ses pieds et lui dit : Seigneur, si tu avais été ici, mon frère ne serait pas mort. Lorsqu'il les vit se lamenter, elle et les juifs qui l'accompagnaient, Jésus frémit intérieurement et il se troubla. Il dit : Où l'avez-vous déposé ? Ils répondirent : Seigneur, viens voir. Alors Jésus pleura, et les juifs disaient : Voyez comme il l'aimait. Mais quelques-uns d'entre eux dirent : Celui qui a ouvert les yeux de l'aveugle n'a pas été capable d'empêcher Lazare de mourir. Alors, à nouveau, Jésus frémit intérieurement et il s'en fut au sépulcre. C'était une grotte dont une pierre recouvrait l'entrée. Jésus dit alors : Enlevez cette pierre. Marthe, la soeur du défunt, lui dit : Seigneur, il doit déjà sentir... Il y a en effet quatre jours... Mais Jésus lui dit : Ne t'ai-je pas dit que, si tu crois, tu verras la gloire de Dieu ? On ôta donc la pierre. Alors, Jésus leva les yeux et dit : Père, je te rends grâce de ce que tu m'as exaucé. Certes, je savais bien que tu m'exauces toujours, mais j'ai parlé à cause de cette foule qui m'entoure, afin qu'ils croient que tu m'a envoyé. Ayant ainsi parlé, il cria d'une voix forte : Lazare, sors ! Et celui qui avait été mort sortit, les pieds et les mains attachés par des bandes et le visage enveloppé d'un linge. Jésus dit aux gens : Déliez-le et laissez-le aller. Beaucoup de ces juifs qui étaient venus auprès de Marie et qui avaient vu ce que Jésus avait fait crurent en lui (Jn. 11, 1-45).

Lazare n'est pas connu dans l'ensemble de l'Evangile, il ne semble même pas connu des premiers auditeurs de l'Evangile, puisque Jean le présente simplement comme le frère de deux femmes, Marthe et Marie, qui semblent, quant à elles, bien mieux connues des premiers chrétiens. Pourtant, Lazare porte un nom prédestiné : Dieu vient en aide. Et les deux soeurs le disent ami de Jésus.

L'évangile ne dit rien du comportement de Lazare et de ses soeurs après la résurrection. Il est peut-être devenu une sorte d'attraction dans le village. Lors de la préparation de la fête de Pâque, Jean note que les gens venaient à Béthanie, non seulement à cause de Jésus, mais surtout pour voir Lazare qu'il avait ressuscité.

A la suite de la résurrection de Lazare, les grands prêtres, les pharisiens et les scribes réunissent le Sanhédrin, la grande instance de décision des affaires religieuses juives. Ils reconnaissent que Jésus accomplit beaucoup de signes, peut-être même trop. Et, au lieu de le reconnaître comme le Messie attendu, ils lancent un appel à la prudence : il faut se soucier du bien commun.