La formation du canon

 

 

 

et la mise à l’écart de certains textes

 

 

 

 

L’idée d’un canon des Ecritures chrétiennes se fit jour dans le courant du deuxième siècle[1]. L’Eglise s’inspira de la fixation du canon des Ecritures juives qui lui est antérieure[2]. Jusqu'à la fin du deuxième siècle, lorsque les chrétiens parlent d'Ecriture, ce n'est jamais de l'Ecriture chrétienne qu'il s’agit ; c'est toujours de l'Ecriture juive. Le christianisme naissant s'octroyait les Ecritures juives en les réinterprétant. Dans un monde chrétien diversifié, des groupes particuliers que l’on n’appelait pas encore « hérétiques » s’écartaient de la doctrine tel le marcionisme, du nom de son fondateur, Marcion, qui est le premier à élaborer un canon c’est-à-dire à choisir ses ouvrages de référence et en exclure ceux qui ne correspondaient pas à ses pensées : il sélectionna l’Evangile de Luc et les Epîtres de Paul. S’appuyant sur l’idée de Marcion, l’Eglise est amenée à composer sa propre sélection.

Les historiens s’accordent pour affirmer que les quatre évangiles ont été écrits avant l’an 100, autour de 70 pour Matthieu, Marc et Luc et vers 90 pour Jean. En comparaison, les autres évangiles seraient beaucoup plus tardifs[3]. Les communautés chrétiennes du deuxième siècle ont été le lieu d'un foisonnement de production littéraire faisant suite aux premiers écrits chrétiens[4]. L'Eglise va être amenée à opérer un tri, à déterminer le canon des Ecritures. Justin, écrivant à Rome vers 150, témoigne du fait qu’on lisait les « Mémoires des apôtres ». C'est dans la seconde partie du deuxième siècle que s'établit la liste des livres canoniques. Nous en avons le témoignage par un document latin datant de 180 environ, découvert à Milan au dix-huitième siècle, le Canon de Muratori[5]. C'est la liste des livres saints reconnus par l'Eglise de Rome. Sont mentionnés les Actes des Apôtres, les lettres de Paul, quatre évangiles, en particulier Luc et Jean. On voit que l’Eglise de Rome reconnaît exclusivement les quatre évangiles comme inspirés, ainsi que la plupart des écrits du Nouveau Testament. Peu avant l’an 200, Irénée, évêque de Lyon, donne la liste de quatre auteurs Marc, Matthieu, Luc et Jean, dont les écrits constituent la « Bonne Nouvelle » ou Evangile, au singulier. La forme définitive de la Bible a été fixée sous l'empire romain devenu chrétien dans le courant du quatrième siècle. La canonisation des textes[6] s’accompagna dune « standardisation ». La version traduite en latin par saint Jérôme, la Vulgate, a été officialisée par l'Eglise. Auparavant, les théologiens chargés du travail de compilation avaient des choix à faire entre les textes qui seraient intégrés au Nouveau Testament, et ceux qui ne le seraient pas. Parmi les textes existants, figuraient certains écrits parlant de Jésus-Christ, qui n'ont pas été retenus. Il existait donc d'autres sources que la Bible désormais officielle, « canonique » qui s'est constituée.

Les critères de sélection ne sont ni la date[7], ni l'auteur supposé[8], ni le fait d'être apôtre[9]. La sélection se fit quasi naturellement : n'ont été retenus que les textes en usage dans l'ensemble des Eglises, pour la liturgie, la réflexion théologique et dans l'enseignement. Il n’y a pas eu une sorte d'autorité qui a décidé d'un coup : les variantes dans la tradition manuscrite montrent que c'est petit à petit que c'est fait le choix. Le seul critère fut le consensus progressif de l'ensemble des Eglises acquis à la fin du deuxième siècle[10].

Ainsi, dans ce domaine, l’unité s’est faite petit à petit, et même elle ne s’est jamais faite, mais elle a plutôt été affirmée par des conciles, avec une prise de pouvoir décisionnaire par la hiérarchie de l’Eglise, avec les évêques, successeurs des apôtres, puis par l’évêque de Rome. C’est alors que naissent et renaissent sans cesse des déviations (hérésies) qui touchent à des problèmes de fond de la foi : divinité du Christ, résurrection… Ce sont ces questions qui sont posées dans les textes « apocryphes » et qui sont résolues autrement que par l’orthodoxie.

Un dictionnaire de la fin du dix-huitième siècle[11] donne cette définition pour les textes apocryphes : « on appelle apocryphes tous les livres que l'on a voulu autrefois faire passer pour livres sacrés, mais qui n'ont point été reconnus par l'Eglise pour canoniques. On les nomme apocryphes parce qu'ils ont été composés par des auteurs inconnus et sans autorité. Les uns sont pieux et utiles et les Pères les ont cités ; d'autres sont fabuleux et erronés… ». S’il est normal de situer l’apocryphe par rapport au canon, il peut paraître quelque peu étrange de souligner que les auteurs sont inconnus[12] et sans autorité ; on pourrait en dire autant de bien des textes canoniques et en particulier des quatre évangiles.

Si on remonte au sens du mot grec « apocryphos », ce mot veut dire « caché[13] », « secret ». Les livres apocryphes seraient donc des livres secrets. Il est vrai que certains écrits, qui se voulaient une révélation plus approfondie, ont cherché à se présenter comme des livres qu'il ne fallait pas mettre entre toutes les mains. Mais hormis ces cas, qui constituent l'exception, la notion de secret est absente de la littérature apocryphe, ne serait-ce qu'en raison du nombre des manuscrits présents dans les bibliothèques, en aussi grand nombre que ceux du Nouveau Testament. Cela prouve que ces textes étaient lus.

Pour définir ce que sont réellement les textes apocryphes[14], il faudrait dire que ce sont des écrits de genres variés, conservés dans de nombreux manuscrits[15], d'époques diverses, de provenances géographiques multiples, depuis les papyrus les plus anciens que nous possédions avec les manuscrits évangéliques jusqu'au manuscrits du Moyen-âge et même de la Renaissance. Une des caractéristiques des apocryphes est d'avoir mis par écrit certains faits, certaines traditions concernant les personnages ou les évènements fondateurs du christianisme[16]. Il n’y a rien d’étonnant à ce que des textes de diverses origines sur Jésus et la foi chrétienne aient circulé depuis le commencement.

Les textes apocryphes se démarquent des textes apostoliques sur plusieurs points : ils répondent à la curiosité humaine en inventant les histoires que les Evangiles n’ont pas traitées[17], ils contiennent des notions théologiques tardives[18], ils contiennent aussi parfois des notions contraires au Nouveau Testament ; ils sont tous pseudépigraphiques, c’est-à-dire faussement attribués à un auteur connu. Mais alors, que faut-il chercher dans les textes apocryphes ? Si l'on cherche des éléments qui nous en apprendraient plus sur le Jésus historique, sur l'histoire des Apôtres ou sur celle de telle ou telle communauté, on risque d'être déçu. Il s'agit de tout autre chose.

Les évangiles apocryphes n'ont pas été retenus par ce consensus de l'Eglise, soit qu'ils n'avaient pas la sobriété des quatre évangiles, soit qu'ils allaient à l'encontre de la foi commune, soit que, en voulant combler les vides des récits évangéliques, ils versaient dans la fiction. Certains sont d'origine judéo-chrétienne comme celui de Pierre[19], des Hébreux, des Egyptiens, des Ebionites, des douze Apôtres. D’autres se rattachant au courant gnostique : évangiles de Vérité, de Philippe, de Thomas. On a fait beaucoup de bruit en particulier autour de l'évangile de Thomas, présentant cent quatorze paroles de Jésus. Hormis le fait que ce texte soit connu depuis longtemps, il ne mérite pas l'honneur qu'on lui fait[20]. D’autres pourraient être appelés des évangiles-fictions[21] : Protévangile de Jacques, évangile de Joseph, évangile du pseudo-Thomas[22], évangile du pseudo-Matthieu. L'intérêt de ces textes est de nous révéler quelque chose de la vie de l'Eglise des premiers siècles, mais ils n'ajoutent rien aux textes canoniques.

Les apocryphes ont mis par écrit des traditions que l’on appelle « mémoriales ». Dans le monde d'aujourd'hui, la mémoire écrite est privilégiée par rapport à la mémoire orale. Cela ne fonctionnait pas ainsi dans l'Orient antique, en particulier en Palestine au temps de Jésus[23]. Pendant les premières générations, certaines traditions ont été mises par écrit, d'autres ont été conservées oralement ; et il y a toujours des gens qui ont préféré la tradition orale à la tradition écrite[24] qui poursuit la littérature antérieure, en racontant ou en re-racontant des histoires déjà connues. Ces évangiles n'ont pas été retenus par le consensus de l'Eglise, soit qu'ils n'avaient pas la sobriété des quatre évangiles, soit qu'ils allaient à l'encontre de la foi commune, soit que, en voulant combler les vides des récits évangéliques, ils versaient dans la fiction.

Mais, les textes apocryphes constituent une sorte de savoir venu du fond de la mémoire des premiers chrétiens. Leur existence en marge des livres sacrés oblige à demander : pourquoi avoir introduit certains écrits dans le corpus biblique et en avoir écarté d’autres ? Qu’est-ce qui différencie les textes reçus dans le canon des écritures de ces ouvrages parfois plus anciens que les Evangiles autorisés par l’Eglise ? On reproche aux apocryphes d'avoir voulu passer pour écritures sacrées et d'avoir voulu entrer dans le canon[25]. Pourtant, au début du deuxième siècle, et encore en son milieu, personne ne songe à établir un canon des écritures chrétiennes. Quand Irénée parle de canon, il ne fait pas allusion à des textes, il ne s'agit pas du canon des textes bibliques ; ce dont il parle, c'est le « kanon ths alhqeias », le canon de vérité, c'est-à-dire la règle de foi. Autrement dit les évangiles canoniques et tous ces textes, évangéliques ou autres, qui circulaient simultanément entre les mains chrétiennes, n'avaient aucune prétention, ni les uns ni les autres, à entrer dans un quelconque canon. La multiplicité remontait au départ, dès la première écriture chrétienne. La forme première de l'écriture chrétienne, qu'elle ait été apocryphe ou canonique, a appartenu au même régime littéraire[26].

L’étude des apocryphes et de leur réception dans l'Eglise des premiers siècles est une tâche indispensable pour qui veut comprendre la formation du Nouveau Testament, le processus historique de délimitation du « canon » de vingt-sept livres. Cette délimitation résulte d'une maturation prolongée, d'un dialogue épistolaire entre les responsables des Eglises locales. Des livres rangés aujourd'hui parmi les apocryphes ont côtoyé de près les livres devenus canoniques dans l'usage de certaines Eglises[27]. Les apocryphes peuvent contribuer à la compréhension de Nouveau Testament dans la mesure où ils utilisent les mêmes méthodes d'interprétation que les auteurs bibliques et où ils cherchent à éclairer des passages obscurs des récits canoniques[28].

Nous ne possédons pas les manuscrits originaux des textes évangéliques. Ce que nous possédons, ce sont des copies de copies. Il y avait deux supports pour les manuscrits : le papyrus, moins cher mais moins solide, et le parchemin, fait de peau de chèvre ou de mouton, plus résistant mais plus onéreux. Dans les premiers siècles, la situation des communautés est difficile, y compris pécuniairement. C'est donc le papyrus qui est utilisé. A partir de 313[29], les textes sont plus souvent transcrits sur parchemin. Le manuscrit le plus ancien de l'évangile que nous possédons est un fragment de papyrus de six centimètres sur neuf, où l'on peut lire cinq versets du chapitre 18 de Jean[30]. Puis viennent des papyrus, comportant soit quelques versets, soit des textes plus ou moins complets. Les principaux manuscrits sur parchemin, dont les textes apparaissent assez complets sont : le Sinaïticus[31], le Vaticanus[32], l'Alexandrinus[33], le Codex Ephraemi[34], le Codex Bezae[35]. Hormis ce dernier, qui est bilingue (grec et latin), les autres transmettent la Bible en grec. Ils se présentent comme nos livres actuels, sous forme de feuillets et de pages. Les manuscrits plus anciens se présentaient sous forme de rouleaux[36].

Le temps écoulé entre le texte original et ces manuscrits peut paraître long, mais, si on le compare à d'autres textes de l'antiquité, cet intervalle est extrêmement court[37]. Nous ne possédons donc pas les originaux. Cela manque, car la question est de savoir si la transmission a été fidèle. Il revient à une discipline que l'on appelle la critique textuelle de comparer tous ces manuscrits. C'est un travail long et difficile, jamais achevé, à cause de l'abondance des manuscrits, du nombre des variantes et des appréciations diverses des spécialistes. Dès le troisième siècle, on commença à traduire l'évangile en langue populaire : en latin à Rome, car cette langue est redevenue la langue du peuple ; en syriaque, langue apparentée à l'araméen, ou en copte, dérivé de l'égyptien ancien. Mais ces traductions devinrent insuffisantes. La traduction latine de toute la Bible fut l'œuvre de saint Jérôme (347-420). Il la traduisit à partir de l'hébreu pour ce qui est de l'Ancien Testament. Elle porte le nom de Vulgate[38]. Peu après apparut une traduction syriaque, la Peshitta[39]. La Vulgate , au Moyen Age, devint rapidement le texte officiel de l'Eglise d'Occident. Elle servit de base aux premières traductions des évangiles en français. Mais ce ne sont que des traductions de traductions. A l'époque de l'imprimerie, la Vulgate fut le premier livre mis sous presse par Gutenberg. L'imprimerie donna un nouvel essor aux traductions de la Bible[40].

Même avant les décisions conciliaires du quatrième siècle, une sorte d'accord ecclésiastique relativement général finit par s'établir dans l'ensemble des communautés chrétiennes du bassin méditerranéen, avec quelques différences, notamment entre l'Orient et l'Occident[41], pour reconnaître qu'on lisait à peu près la même chose. Le canon se fixa peu à peu. Les textes devinrent quasi-immuables et tout un travail d'exégèse se fit, notamment à partir d'Alexandrie, pour fixer ces textes, pour fixer leur lettre et non pas seulement la liste des livres. De son côté la littérature non canonisée, que l'on appellerait bientôt apocryphe, continua à se développer[42].

Dès l'origine, les apocryphes les plus anciens s'écrivent et se transmettent selon des modalités qui échappent à la fixité. C'est le contraire du canon. Les écrits apocryphes sont marqués dès le début par la variance. Dans la seconde moitié du deuxième siècle, le canon commençait à s'isoler et à se fixer, au milieu des autres écrits. Dès la fin du troisième siècle, exégètes et théologiens recherchent un consensus sur les textes et sur la fixité du canon, sur les traditions dignes de foi. Cela va s'accompagner d'une polémique de plus en plus vive contre les traditions considérées comme douteuses, celles qui ne figurent pas dans la liste des témoins jugés fiables. Ces « autres » traditions deviennent de plus en plus suspectes.

Par la difficulté qu’éprouvent les théologiens à définir les récits apocryphes, le problème que ceux-ci posent aux croyants est mis en évidence : Peut-être ces écrits, qui sont souvent d’une haute spiritualité, n’ont-ils pas été retenus parce qu’ils en disaient trop. Peut-être est-ce à cause de la clarté insoutenable qui en émanait que ces écrits ont été « cachés » pour ne pas dire censurés, et qu’ils sont devenus : « apocryphes[43] » ! Ils disent à voix haute ce qui se murmure dans les quatre Evangiles bibliques en exposant la vérité sans nuance.

Curieusement, au début du quatrième siècle, de même qu'on réorganise et qu'on fixe la littérature chrétienne, on voit qu'il y a une réorganisation du discours dans l'empire romain et que le combat mené contre les apocryphes n'est pas indépendant du discours que l'on tient sur l'histoire. Si les textes « apocryphes » ont été rapidement accusés d'hétérodoxie, voire d'hérésie, c'est lorsque s'est manifesté le désir d'unifier l'Église et de réorganiser son discours, dans le temps même où le pouvoir impérial passait au christianisme. Certains[44] pensent que plus de quatre-vingts évangiles auraient pu figurer dans le Nouveau Testament, mais seulement quatre d’entre eux ont été retenus - ceux de Matthieu, de Marc, de Luc et de Jean. La Bible , telle que nous la connaissons aujourd’hui, a été collationnée par un païen, l’empereur Constantin le Grand (306-337). Il a joué un rôle central dans l’officialisation et l’étatisation du christianisme. Toutefois, lui attribuer la formation du Canon chrétien des Écritures relève de la pure fiction. Le Canon chrétien s’est établi progressivement toujours en lien avec les besoins réels des communautés qui souhaitaient présenter le témoignage des apôtres dans leur enseignement, le retrouver dans leur célébration et l’affirmer contre différentes interprétations du message chrétien. Très tôt donc, les écrits du Nouveau Testament[45] ont eu pour but de créer l’identité chrétienne. Ce qui a fait règle pour retenir les livres canoniques tournent autour de trois choses : l’accord avec le kérygme central de l’annonce de Jésus comme Christ, la référence au témoignage des apôtres, l’acceptation continue et l’usage cultuel par l’Église au sens le plus large. Les textes apocryphes ne se sont pas imposés parce qu’ils ne correspondaient simplement pas à ces critères. Ils ont, pour certains, été lus et utilisés par les chrétiens pour les besoins de leur piété et peuvent témoigner de pratiques ou de croyances.



[1] C’est Tertullien qui, vers 200, forgea l’expression « Nouveau Testament » (littéralement Nouvelle Alliance). Pour être intégré à la collection des livres du Nouveau Testament, un écrit devait provenir des apôtres, ne pas contredire leur enseignement et celui de Jésus, confirmer les écrits de l’Ancien Testament.

[2] La nécessité d’un canon normatif s’est vue accélérée par la destruction du Temple de Jérusalem en 70, qui a provoqué l’urgence d’une cohésion qui maintiendrait la propre l’identité juive et des discussions internes au sein du judaïsme, entre les pharisiens et les sectes juives d’inspiration apocalyptique. Les docteurs du judaïsme devaient aussi réagir à la montée du christianisme qu’ils considéraient comme une secte déviante. Comme les chrétiens prêchaient à partir des Ecritures juives, les rabbins juifs délimitèrent le canon de leurs Ecritures, en excluant plusieurs rouleaux de la « Septante » sur lesquels s’appuyait la prédication chrétienne.

[3] Par exemple, minimum 150, pour les évangiles gnostiques de Thomas et Marie, après l’an 200 pour celui de Philippe.

[4] Tout au long du deuxième siècle, l'Empire romain se montra hostile à cette religion orientale qui gagnait du terrain. L'hostilité ne se manifesta pas seulement par le sang versé. La polémique antichrétienne s'exerça par des intellectuels, qui défendaient un paganisme civique. Par contrecoup, toute une littérature prit naissance pour défendre le christianisme. Mentionnons en particulier Saint Justin (mort à Rome en 165) qui écrivit deux Apologies pour réfuter les attaques portées contre l'Eglise, et son Dialogue avec Tryphon, ouvrage polémique avec un Juif. Il y eut aussi des récits de martyres (le Martyre de Polycarpe, évêque de Smyrne), et surtout les Lettres d'Ignace d'Antioche, presque contemporaines des écrits de Jean.

[5] du nom du prêtre qui l'a découvert.

[6] A côté des Evangiles de Matthieu, Marc, Luc et Jean, existent d’autres récits chrétiens antiques sur Jésus, qui ne furent pas retenus dans le canon. On les appela « apocryphes », termes qui signifie « secret, caché », car l’Eglise s’en méfia, et ils eurent une diffusion bien moindre que les quatre autres.

[7] la Didachè et la Lettre de Clément sont de la même époque que les lettres de Jean.

[8] l'Evangile de Pierre et de Thomas n'ont pas été retenus.

[9] Marc et Luc ne font pas partie des Douze.

[10] Devient apocryphe tout écrit, mais celui-là seulement, qui a essayé du fait de son auteur ou indépendamment de la volonté de celui-ci, de se faire compter au nombre des écrits considérés par l’Eglise chrétienne comme inspirés de Dieu.

[11] Dictionnaire historique des cultes religieux établis dans le monde depuis son origine jusqu'à présent (1770).

[12] En fait, ces textes ne sont pas anonymes, mais adoptent le procédé de la pseudépigraphie, couramment pratiqué dans l'Antiquité. Ces textes, comme beaucoup d'autres, furent attribués à des auteurs. Aujourd'hui on sait que cette attribution n'est pas exacte.

[13] Mais des livres peuvent être tenus cachés pour leur éminence comme pour leur caractère scandaleux.

[14] en oubliant les idées d'anonymat, de fausseté, de pseudépigraphie, d'hérésie, de secret, etc…

[15] composés dans des langues différentes : slave, arménien, araméen, éthiopien, copte, en plus bien sûr du latin et du grec.

[16] Et même plus que les fondateurs, puisque, remontant encore plus loin, les apocryphes mettent en scène le prophète Isaïe, le scribe Esdras et bien d'autres personnages, considérés comme appartenant aux fondements du Christianisme en ce sens qu’ils avaient déjà reçu une révélation qui annonçait le Christ.

[17] l’enfance de Jésus, par exemple, qui contient des histoires peu crédibles…

[18] comme le titre de Mère de Dieu - theotokos - dans le Protévangile de Jacques, titre datant du concile d’Ephèse au cinquième siècle.

[19] Le rejet de l'évangile de Pierre vient sans doute de son manque de sobriété par rapport à la Résurrection : il la décrit, ce dont les autres évangiles se sont bien gardés.

[20] Il contient des paroles qu'on retrouve dans les autres évangiles, mais d'autres qui sont marqués par le mépris du monde créé.

[21] Il est vrai qu'on sait peu de choses sur les trente premières années de la vie de Jésus. Les chrétiens des premiers siècles ont voulu combler ces vides.

[22] L’évangile du Pseudo-Thomas commence par cette annonce : « Moi, Thomas l'Israélite, je crois très utile de faire connaître à tous nos frères d'origine païenne, les actions enfantines de notre Seigneur Jésus-Christ et les merveilles qu'il accomplit après qu'il fut né en notre pays ». Il n’y a rien d'exact dans les nom et titre de ce personnage, à part le terme de « pseudo » Ce « Thomas, philosophe israélite » n'a rien à voir avec le disciple de Jésus ni avec l'évangile de Thomas qui sera présenté plus loin. Israélite ? Ses ignorances font plutôt songer à un chrétien d'origine païenne. Philosophe ? Le récit révèle plus d'imagination que de sagesse, de naïveté que de mystique. Le pseudo-Thomas prête au jeune Jésus des miracles fantaisistes et surtout des réactions de colère qui sont loin de l'esprit des Evangiles.

[23] A la synagogue, on lisait la Bible écrite en hébreu. Elle était traduite immédiatement dans la langue parlée, l'araméen. Ces traductions n'ont été mises par écrit que bien plus tard. Même si une proportion importante de juifs, y compris chez les gens simples, savaient lire et écrire, il paraît invraisemblable que des auditeurs de Jésus aient pris des notes pendant ses discours. Selon toute vraisemblance aucun texte rapportant les paroles et les gestes de Jésus n'a été écrit du vivant de Jésus.

[24] Ainsi en témoigne un texte de Papias cité par Eusèbe : « Je ne pensais pas que les choses qui proviennent des livres fussent aussi utiles que ce qui vient d'une parole vivante et durable ». Papias est un chrétien de la troisième génération : il y a les apôtres, ceux qui ont connu les apôtres et ceux qui connaissent ceux qui ont connu les apôtres, la génération de Papias. En son temps il y a déjà des « livres ». Mais Papias parie sur la mémoire vive, sur la mémoire orale de témoins en témoins. Il est de ceux qui préfèrent la tradition orale à la tradition écrite.

[25] Le terme « canonique » sera utilisé pour la première fois au Concile de Laodicée de Phrygie (360). Il instaure ainsi la règle que «dans l’assemblée on ne doit pas réciter des psaumes privés ou des livres non canoniques, mais seulement les livres canoniques du Nouveau et de l’Ancien Testament ». Les livres canoniques en viendront à recouvrir l’ensemble des livres qui donnent la norme de la foi de l’Église.

[26] Les apocryphes sont simplement les témoins de l'extrême diversité des traditions, des interprétations et des constructions théologiques du christianisme ancien.

[27] Ainsi, il est arrivé que l'Apocalypse de Pierre jouisse du même statut que l'Apocalypse de Jean, que les Actes de Paul soient cités au même titre que les Actes canoniques, ou que l'Epître aux Laodicéens soit copiée parmi les lettres de Paul dans les manuscrits de la Bible latine…

[28] Par exemple, le récit de la passion de l'Evangile de Pierre, tout comme celui des Evangiles canoniques, s'appuie sur certains textes de l'Ancien Testament, dont on découvre l'accomplissement dans la destinée de Jésus. La descente du Christ aux enfers racontée par l'Evangile de Barthélemy repose sur une exégèse narrative de la parole énigmatique de Jésus à Nathanaël : « Vous verrez le ciel ouvert et les anges de Dieu monter et descendre au-dessus du Fils de l'Homme » (Jn. 1, 51). On trouve donc dans certains apocryphes l'équivalent chrétien du « Midrash » juif, de l'explication du texte biblique par le moyen d'une narration.

[29] date de l'Edit de Milan, qui permet à l'Eglise de vivre au grand jour et de disposer de moyens financiers plus importants

[30] Il a été découvert en Egypte et date de la première moitié du deuxième siècle (quarante ou cinquante ans après la date de composition communément admise.

[31] découvert au monastère Sainte Catherine, au Sinaï (d'ou son nom).

[32] conservé à la Bibliothèque vaticane.

[33] conservé au British Museum, à Londres.

[34] conservé à la Bibliothèque Nationale à Paris.

[35] donné à l'université de Cambridge, au XVI° siècle, par le théologien protestant français Théodore de Bèze.

[36] en latin « volumen », d'où le nom de : volume.

[37] Un seul exemple : 900 ans séparent César du plus vieux manuscrit que nous possédons de ses œuvres.

[38] la populaire, de vulgus qui veut dire peuple en latin.

[39] la simple.

[40] Les protestants la traduisirent, non à partir de la Vulgate , mais à partir des langues originelles (hébreu pour l'Ancien Testament, grec pour le Nouveau Testament). Ils ont commencé à diffuser la Bible en langue populaire. Notons la Bible de Darby (milieu du dix-neuvième siècle) et surtout la Bible de Louis Second (première édition en 1880). En 1894, parut la première traduction catholique à partir de l'hébreu et du grec par l'abbé Crampon. Il y eut la Bible des moines de Maredsous, celle du chanoine Osty… Le travail de l'Ecole Biblique de Jérusalem aboutit, en 1955, à la parution de la Bible de Jérusalem. En 1972, la collaboration entre les Eglises chrétiennes permit la publication de la Traduction Œcuménique de la Bible (TOB), qui adopte l'ordre des livres de la Bible hébraïque et inclut les livres deutérocanoniques, non reconnus comme canoniques par les protestants. On estime à environ deux millions le nombre de bibles complètes, traduites en environ quatre cent langues, vendues chaque année. C’est l'ouvrage le plus traduit et le plus diffusé au monde.

[41] on discutait sur l'Apocalypse, le Pasteur d'Hermas.

[42] A partir de ce moment il y a d'une part un bloc immuable et d'autre part un corpus littéraire qui reste ouvert, qui continue de s'accroître et finit par prendre une importance considérable.

[43] L'épithète même d'apocryphes indique le statut qui leur est conféré. Ces évangiles sont interdits parce que... non approuvés.

[44] Parmi lesquels Dan Brown, l’auteur du Da Vinci Code qui préfère se fier aux écrits apocryphes car, selon lui, ces textes ont été rejetés par l’Église officielle puisqu’ils révèlent des vérités dérangeantes pour l’Église. Lorsque Dan Brown suggère que l’empereur Constantin aurait pu « commander et financer » la rédaction d’une nouvelle Bible, et faire disparaître les témoignages plus anciens sur Jésus, il projette sur le quatrième siècle une conception moderne de l’édition… et de la propagande. À l’époque de Constantin, le texte du Nouveau Testament était reconnu comme fidèle à l’enseignement des Apôtres depuis au moins deux siècles. La moindre altération du message aurait été vivement rejetée par les chrétiens répandus dans tout l’Empire. En outre, le texte du Nouveau Testament circulait déjà dans d’innombrables copies, traitées avec vénération par les communautés chrétiennes : il est inimaginable que ces textes aient pu être détruits, ou même altérés, sur les ordres de l’empereur romain.

[45] En se référant à eux, les premiers chrétiens s’identifiaient à l’enseignement reçu des apôtres.