Une classification
des
évangiles apocryphes
Les
évangiles apocryphes regroupent les écrits extracanoniques qui prétendent
transmettre les enseignements terrestres du Christ ou retracer sa vie et celle
de sa famille, soit qu’ils se posent en rivaux des évangiles authentiques,
soit que, plus modestement ils n’aient en vue que de les compléter.
Cela
permet de distinguer dans cette littérature abondante plusieurs groupes
principaux. Tout d’abord, les évangiles de type synoptique qui sont, plus ou
moins posés en rivaux aux évangiles canoniques. Quelques-uns de ces textes
incorporent des traditions anciennes. Ensuite, les évangiles sectaires qui ont
été expressément composés pour défendre des enseignements hétérodoxes, qu’ils
soient faits entièrement d’imagination ou en falsifiant les écrits
canoniques. Enfin, les évangiles suppléments ou fictions qui prétendent
remplir les lacunes de notre connaissance sur les origines et la famille de
Jésus ou sur diverses circonstances de sa passion et de sa résurrection.
Les
évangiles de type synoptique
Le
prologue de Luc rapporte qu’au moment où il rédige son récit, plusieurs
avaient déjà entrepris de composer des révélations de la vie du Christ. Cela
laisse supposer qu’il existait déjà de nombreux textes en circulation, bien
plus que les seules rédactions de Matthieu et de Marc. Dans les milieux
judéo-chrétiens, circulaient des évangiles, dont le nom revient dans les
ouvrages des Pères de l’Eglise : évangile selon les Hébreux, des
Ebionites ou des douze Apôtres, des Nazaréens. Par ailleurs, l’évangile des
Egyptiens est signalé par Origène et Clément d’Alexandrie. Enfin, l’évangile
de Pierre était attesté par les affirmations d’Origène et d’Eusèbe
de Césarée. Quand le texte apocryphe naît en milieu judéo-chrétien non
extrémiste, l’objectif sera de mettre en évidence l’importance de la loi,
en rappelant certaines vérités mises en discussions par des groupes adverses.
Si le texte est en revanche issu d’un milieu gnostique, il ne reflètera pas
la doctrine. La vérité de foi de l’incarnation, par exemple, est ignorée,
tout comme la réalité de la mort et de la résurrection du Christ.
Les
évangiles de type sectaire
Pour
ceux-ci, il convient de distinguer deux groupes : les
pseudépigraphes et les contrefaçons. Les plus importants évangiles
pseudépigraphes sont : l’évangile de Thomas[1],
de Matthias[2],
de Philippe[3],
de Judas[4],
de Barthélemy[5],
de Barnabé[6],
et toute une série d’évangiles gnostiques[7].
Les contrefaçons évangéliques sont des livres composés par les chefs de
secte sous leur nom, en utilisant les canoniques. Ainsi, l’évangile de
Basilide[8]
ou celui de Marcion[9].
Les
évangiles suppléments ou évangiles fictions
Pour
satisfaire la curiosité des fidèles sur plusieurs points auxquels touchaient
à peine les Evangiles canoniques, certains ont compose des textes qui
meublaient les vides… Les écrits extracanoniques, prétendent transmettre les
enseignements de Jésus ou retracer sa vie et celle de sa famille[10].
Ils se posent en concurrents des évangiles « authentiques », ou les
complètent. Cette définition permet de distinguer, dans cette littérature
encombrée, trois groupes principaux.
La
famille de Jésus
Dans
ce genre, le Protévangile de Jacques et ses remaniements[11],
le Transitus Mariae[12],
l’Histoire de Joseph le Charpentier[13]…
Les
enfances de Jésus :
Leurs
auteurs ont voulu écrire sur l’enfance de Jésus, de façon à ce que l’enfant
Dieu manifeste sa divinité soit à l’école, soit à l’atelier, soit avec
ses camarades. Mais c’est surtout par les manifestations d’une puissance, si
l’on ose dire, capricieuse et aveugle. C’est le genre de l’évangile de
Thomas[14],
l’évangile arabe de l’enfance[15].
Le
cycle de Pilate :
C’est
dans ce genre que l’on trouve l’évangile de Nicodème ou Actes de Pilate.
Pilate n’est pas l’auteur du récit, c’est finalement Nicodème qui en est
responsable[16].
Les
nombreux évangiles, comme les autres textes apocryphes, fourmillent de détails
qui viennent « miraculeusement » à point pour compléter certains
aspects de la vie de Jésus, ce qui leur ôte encore plus de véracité ! Tout
ce qu’ils peuvent démontrer c’est la constance dans la construction d’une
forme de mythe... Si les miracles jouent un rôle secondaire dans les évangiles
canoniques, en revanche, dans de nombreux apocryphes, le merveilleux abonde. Les
thèmes autour desquels ils se développent sont semblables aux textes
canoniques : des guérisons et des résurrections. Toutefois, lorsqu'ils
abordent le miraculeux, les auteurs apocryphes n'y vont pas de main morte. Les
guérisons sont nombreuses et s'effectuent parfois à distance et les
résurrections sont plus fréquentes que dans les canoniques.
Les
apocryphes, en parlant de Dieu et de Jésus Christ, présentent le désir d’exprimer
et de rendre accessible un dialogue divino-humain où les attentes de l’homme
sont interceptées par un Dieu proche.
[1]
Signalé
par Origène et Eusèbe
[2]
Signalé
également par Origène et Eusèbe
[3]
Il
se peut que cet écrit soit le même que celui trouvé par Epiphane aux mains
d’une secte égyptienne qu’il appelle tout simplement gnostique.
[4]
Signalé
par Irénée et Saint Epiphane, comme étant aux mains d’une secte gnostique
antinomiste qui exalterait tous les criminels de l’Ancien Testament.
[5]
Cet
évangile est du type des évangiles apocalypses.
[6]
De
courtes citations de cet apocryphe sont recueillies l’une dans un manuscrit
grec et l’autre dans une oraison funèbre de Grégoire de Naziance.
[7]
Epiphane a
trouvé toute une collection de livres apocryphes : un Evangile de la
perfection, un Evangile d’Eve, sans compter d’autres rédigés sous le nom
des disciples comme sous celui de Marie Madeleine.
[8]
Signalé
par Origène, les Stromates, Clément d’Alexandrie
[9]
Les
nombreuses citations que font les pères de l’Eglise tout spécialement
Tertullien et Epiphane de l’évangile marcionite permettent de reconstituer
celui-ci avec une grande approximation.
[10]
Il
est vrai qu'on sait peu de choses sur les trente premières années de la vie
de Jésus. Les chrétiens des premiers siècles ont voulu combler ces vides…
[11]
Cet
évangile parle de la naissance de Marie, de sa vie jusqu’à la naissance de
Jésus. C’est le Christianisme populaire qui s’y reflète
[12]
Cet
apocryphe est un récit de la mort et de l’Assomption de Marie. L’influence
de ce petit ouvrage a été considérable dans l’Eglise grecque et latine
[13]
Sous
ce titre, on possède en copte et en arabe, une narration qui n’est pas sans
intérêt de la vie et surtout de la mort de Joseph. Le tout sous la forme d’un
entretien de Jésus avec ses apôtres.
[14]
On
en a publié deux rédactions grecques, une latine, une syriaque d’ailleurs
fortement divergentes.
[15]
Parce qu’on
ne l’a connu que longtemps dans un texte arabe.
[16]
Il existe, cependant, des lettres soi-disant adressées aux autorités
romaines par Pilate.