Le Protévangile de Jacques


L'enfance de Marie et la naissance de Jésus font l'objet de plusieurs apocryphes. Le Protévangile de Jacques, par exemple, raconte d'abord comment Marie naît de façon particulière, puis est élevée au Temple, tout-à-fait à part, en vue de son destin futur ; puis raconte la naissance de Jésus. C'est un texte grec, déjà connu à l'époque moderne. On en a aujourd'hui cent quarante manuscrits, tous orientaux, ce qui signifie qu'il fut largement répandu en Orient. Or ce dont parle ce texte, c'est finalement de la divinité de Jésus. Car tous ces textes d'évangiles de l'enfance, si l'on va au delà des circonstances des récits, que veulent-ils dire sinon que, si Jésus est le Fils de Dieu, il ne peut pas être né comme tout le monde et doit avoir une naissance exceptionnelle, tout comme aussi sa mère...

Le nom de « Protévangile[1] » fut donné au seizième siècle par l'humaniste français qui le publia en Occident. Le plus ancien manuscrit[2] connu porte le titre : Nativité de Marie, Révélation de Jacques. Le livre se dit écrit par l'apôtre Jacques le Mineur, frère de Jésus selon l'Évangile, demi-frère selon ce texte. Il est très ancien (milieu du second siècle) et s'inspire librement des récits canoniques de l'enfance.

L'écrit a connu à travers les siècles une grande fortune : il a inspiré d'autres livres du même genre, dont le plus connu est l'évangile du Pseudo-Matthieu[3] qui accroît encore l’aspect des miracles. Il est à l'origine de plusieurs fêtes liturgiques[4] et l'art chrétien[5] y a abondamment puisé. Mais il a surtout permis les développements ultérieurs de la théologie mariale. Il s'agit d'un texte très ancien, qui a donc exercé une influence sur la théologie et sur la foi. Le fait que les rappels évangéliques sont d'une grande fidélité textuelle semble indiquer une dépendance au contenu des Evangiles.

Une opinion classique des philologues est de considérer l'Evangile de l'enfance comme une légende, dénuée de toute valeur historique. Pourtant, il serait possible de discerner trois récits qui auraient pu être indépendants : une nativité de Marie, un texte de la naissance de Jésus, un texte à propos de Zacharie. Et l'examen du style, de la langue, de la composition de ces documents qui composent le Protévangile, n'a révélé aucune différence notable entre ces parties.

Il aurait été écrit par l'Apôtre Jacques le Mineur, ce qui n’est certainement pas vrai, d’autant que « l’auteur » prétend avoir écrit son évangile pendant la période de troubles qui a suivie la mort d'Hérode le Grand[6], ce qui s’avère également erroné. Jacques, dans le Nouveau Testament, peut désigner quatre hommes différents : tout d’abord, le frère de l’apôtre Jean ; tous deux fils de Zébédée, un pêcheur de Galilée, Jésus les avait surnommés « les fils du tonnerre ». Ensuite, Jacques, fils d’Alphée, l’un des douze apôtres ; sa mère, appelée Marie, était l’une des femmes qui accompagnaient Jésus. Le Nouveau Testament mentionne Jacques, père de l’apôtre Jude, mais nous ne savons rien de plus sur lui. Enfin, il y a aussi Jacques, qui ne faisait pas partie du premier groupe d’apôtres, et que Paul, dans sa lettre aux Galates, donne pour frère de Jésus. Les évangiles ne rapportent que deux fois le nom de ce Jacques, mais il est compris parmi les frères du Seigneur, incrédules du vivant de Jésus et qui devinrent ses disciples après sa résurrection. Ce Jacques aurait eu une grande influence sur la communauté juive et aurait été le responsable de l’Eglise de Jérusalem. Sa mission consista à faciliter aux Juifs le passage au christianisme. Il était ce qu’on pourrait appeler un judéo-chrétien. Eusèbe de Césarée décrit le martyre du frère de Jésus. Il fut mis à mort pour avoir « parlé devant la multitude avec une liberté entière et une indépendance qui dépassaient de beaucoup leur attente : il confessa que Jésus notre Sauveur et Seigneur était le Fils de Dieu. Un pareil témoignage, rendu par un tel homme, leur fut insupportable ; car auprès de tous il avait la réputation d’être un juste hors de pair, pour la sagesse et la piété de sa vie ».

Même si le Protévangile de Jacques a été exclu par l'Eglise des livres canoniques, il est, parmi les apocryphes, le texte le plus remarquable par ses qualités littéraires. Les hésitations de la tradition montrent que le Protévangile n'était pas considéré comme un « roman », ou une « légende ». Son auteur n'a pas eu l'intention de créer une histoire fantastique ; autrement il n'aurait pas repris fidèlement les sources néotestamentaires. Le Protévangile a été rédigé parce qu'on croyait retrouver dans le récit des traditions authentiques. Il est certainement une synthèse, dans laquelle on a « rédigé », en utilisant la tradition.

Plan du livre

1-5           Histoire des parents de Marie jusqu'à sa naissance.

6-9          Enfance de Marie, chez elle, puis dans le Temple.

10-16       Conception de Jésus et difficultés de Joseph.

17-21       Naissance de Jésus, épisode de Salomé.

22-25      Poursuite d'Hérode et assassinat de Zacharie.

Ce livre relate donc l'histoire de Marie, c'est-à-dire sa nativité, son enfance, et la nativité de Jésus dans un but apologétique, pour régler, auprès des grecs et des juifs, la question de l’incarnation de Jésus[7]. Comme les récits de Luc et de Matthieu, il met l'accent sur les circonstances merveilleuses de la nativité. Pour donner des fondements encore plus stables au dogme de la virginité de Marie, le Protévangile ne donne pas seulement une preuve de la virginité, mais il affirme aussi que la mère de Jésus a eu une naissance et une enfance miraculeuses[8].

Révélation de Jacques

Les histoires des douze tribus racontent qu'un homme fort riche, Joachim, apportait au Seigneur double offrande, se disant : Le supplément sera pour tout le peuple et la part que je dois pour la remise de mes fautes ira au Seigneur, afin qu'il me soit propice. Vint le grand jour du Seigneur, et les fils d'Israël apportaient leurs présents. Or Ruben se dressa devant lui et dit : Tu n'as pas le droit de déposer le premier tes offrandes, puisque tu n'as pas eu de postérité en Israël. Joachim eut grand chagrin, et il s'en alla consulter les registres des douze tribus du peuple, se disant : Je verrai bien dans leurs archives si je suis le seul à n'avoir pas engendré en Israël ! Il chercha, et découvrit que tous les justes avaient suscité une postérité en Israël. Et il se souvint du patriarche Abraham ; sur ses vieux jours, le Seigneur Dieu lui avait donné un fils, Isaac. Alors, accablé de tristesse, Joachim ne reparut pas devant sa femme, et il se rendit dans le désert; il y planta sa tente et, quarante jours et quarante nuits, il jeûna, se disant : Je ne descendrai plus manger ni boire, avant que le Seigneur mon Dieu m'ait visité. La prière sera ma nourriture et ma boisson. Et sa femme Anne avait deux sujets de se lamenter et de se marteler la poitrine. J'ai à pleurer, disait-elle, sur mon veuvage et sur ma stérilité ! Vint le grand jour du Seigneur. Judith, sa servante, lui dit : Jusqu'à quand te désespéreras-tu ? C'est aujourd'hui le grand jour du Seigneur. Tu n'as pas le droit de te livrer aux lamentations. Prends donc ce bandeau que m'a donné la maîtresse de l'atelier. Je ne puis m'en orner, car je ne suis qu'une servante, et il porte un insigne royal. Anne lui dit : Arrière, toi ! Je n'en ferai rien, car le Seigneur m'a accablée d'humiliations. Et peut-être ce présent te vient-il d'un voleur et tu cherches à me faire complice de ta faute. Et Judith la servante dit : Quel mal dois-je te souhaiter encore, de rester sourde à ma voix ? Le Seigneur Dieu a clos ton sein et ne te donne point de fruit en Israël ! Alors Anne, malgré son désespoir, ôta ses habits de deuil, se lava la tête et revêtit la robe de ses noces. Et vers la neuvième heure, elle descendit se promener dans son jardin. Elle vit un laurier et s'assit à son ombre. Après un moment de repos, elle invoqua le Maître : Dieu de mes pères, dit-elle, bénis-moi, exauce ma prière, ainsi que tu as béni Sarah, notre mère, et lui as donné son fils Isaac. Levant les yeux au ciel, elle aperçut un nid de passereaux dans le laurier. Aussitôt elle se remit à gémir Las, disait-elle, qui m'a engendrée et de quel sein suis-je sortie ? Je suis née, maudite devant les fils d'Israël. On m'a insultée, raillée et chassée du temple du Seigneur mon Dieu. Las, à qui se compare mon sort ? Pas même aux oiseaux du ciel, car les oiseaux du ciel sont féconds devant ta face, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort ? Pas même aux animaux stupides, car les animaux stupides sont eux aussi féconds devant toi, Seigneur. Las, à quoi se compare mon sort ? Non plus aux bêtes sauvages de la terre, car les bêtes sauvages de la terre sont fécondes devant ta face, Seigneur. Las, à quoi se compare mon sort ? A ces eaux non plus, car ces eaux sont tantôt calmes tantôt bondissantes, et leurs poissons te bénissent, Seigneur. Las, à qui se compare mon sort ? Pas même à cette terre, car la terre produit des fruits en leur saison et te rend gloire, Seigneur. Et voici qu'un ange du Seigneur parut, disant : Anne, Anne, le Seigneur Dieu a entendu ta prière. Tu concevras, tu enfanteras et l'on parlera de ta postérité dans la terre entière. Anne répondit : Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, je ferai don de mon enfant, garçon ou fille, au Seigneur mon Dieu et il le servira tous les jours de sa vie. Et voici, deux messagers survinrent, qui lui dirent : Joachim, ton mari, arrive avec ses troupeaux. Un ange du Seigneur est descendu auprès de lui, disant : Joachim, Joachim, le Seigneur Dieu a exaucé ta prière. Descends d'ici. Voici que Anne ta femme a conçu en son sein Aussitôt Joachim est descendu, il a convoqué ses bergers, disant : Apportez-moi ici dix agneaux sans tache ni défaut. Ces dix agneaux seront pour le Seigneur Dieu. Apportez-moi aussi douze veaux bien tendres et les douze veaux seront pour les prêtres et le Conseil des Anciens. Aussi cent chevreaux, et les cent chevreaux seront pour tout le peuple. Joachim arriva avec ses troupeaux. Anne l'attendait, aux portes de la ville. Dès qu'elle le vit paraître avec ses bêtes, elle courut vers lui, se suspendit à son cou et s'écria : Maintenant je sais que le Seigneur Dieu m'a comblée de bénédictions ! Voici : la veuve n'est plus veuve, la stérile a conçu ! Joachim, ce premier jour, resta chez lui à se reposer. Le lendemain, il apportait ses offrandes : Si le Seigneur Dieu m'a été favorable, pensait-il, la lame d'or du prêtre me le révélera. Il présenta ses offrandes, scruta la tiare du prêtre quand celui-ci monta à l'autel du Seigneur ; et il sut qu'il n'y avait pas de faute en lui. Maintenant, dit-il, je sais que le Seigneur Dieu m'a fait grâce et m'a remis tous mes péchés. Et il descendit du temple du Seigneur, justifié, et rentra chez lui. Six mois s'écoulèrent ; le septième, Anne enfanta. Qu'ai-je mis au monde ? demanda-t-elle à la sage-femme. Et celle-ci répondit : Une fille. Et Anne dit : Mon âme a été exaltée en ce jour ! Et elle coucha l'enfant. Quand les jours furent accomplis, Anne se purifia, donna le sein à l'enfant et l'appela du nom de Marie. De jour en jour, l'enfant se fortifiait. Quand elle eut six mois, sa mère la mit par terre, pour voir si elle tenait debout. Or l'enfant fit sept pas, puis revint se blottir auprès de sa mère. Celle-ci la souleva, disant : Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, tu ne marcheras pas sur cette terre, que je ne t'ai menée au temple du Seigneur. Et elle apprêta un sanctuaire dans sa chambre et elle ne laissait jamais sa fille toucher à rien de profane ou d'impur. Et elle invita les filles des Hébreux, qui étaient sans tache, et celles-ci la divertissaient. Quand l'enfant eut un an, Joachim donna un grand festin où il convia les grands prêtres, les prêtres, les scribes, les Anciens et tout le peuple d'Israël. Il présenta l'enfant aux prêtres qui la bénirent : Dieu de nos pères, disaient-ils, bénis cette enfant, et donne-lui un nom, illustre à jamais, dans toutes les générations. Et tout le peuple s'écria : Qu'il en soit ainsi ! Amen ! Et ils la présentèrent aux grands-prêtres, et ceux-ci la bénirent, disant : Dieu des hauteurs, abaisse ton regard sur cette petite fille et bénis-la d'une bénédiction suprême, qui surpasse toute bénédiction. Et sa mère l'emporta dans le sanctuaire de sa chambre et elle lui donna le sein. Anne éleva un chant au Seigneur Dieu : Je chanterai un cantique sacré au Seigneur mon Dieu, parce qu'il m'a visitée et m'a enlevé l'outrage de mes ennemis. Et le Seigneur mon Dieu m'a donné un fruit de sa justice, unique et considérable devant sa face. Qui annoncera aux fils de Ruben qu'Anne donne le sein ? Ecoutez, écoutez, ô les douze tribus d'Israël : Anne donne le sein ! Et elle reposa l'enfant dans le sanctuaire de sa chambre, sortit et servit ses hôtes. Quand le banquet fut achevé, ils descendirent joyeux et ils glorifièrent le Dieu d'Israël.

Les mois se succédèrent : l'enfant atteignit deux ans. Joachim dit : Menons-la au temple du Seigneur, pour accomplir la promesse que nous avons faite. Sinon le Maître s'irriterait contre nous et rejetterait notre offrande. Mais Anne répondit : Attendons sa troisième année, de peur qu'elle ne réclame son père ou sa mère. Joachim opina : Attendons. L'enfant eut trois ans. Joachim dit : Appelons les filles des Hébreux, celles qui sont sans tache. Que chacune prenne un flambeau et le tienne allumé : ainsi, Marie ne se retournera pas et son cœur ne sera pas retenu captif hors du temple du Seigneur. L'ordre fut suivi, et elles montèrent au temple du Seigneur. Et le prêtre accueillit l'enfant et l'ayant embrassée, il la bénit et dit : Le Seigneur Dieu a exalté ton nom parmi toutes les générations. En toi, au dernier des jours, le Seigneur manifestera la rédemption aux fils d'Israël. Et il la fit asseoir sur le troisième degré de l'autel. Et le Seigneur Dieu répandit sa grâce sur elle. Et ses pieds esquissèrent une danse et toute la maison d'Israël l'aima. Ses parents descendirent, émerveillés, louant et glorifiant le Dieu souverain qui ne les avait pas dédaignés. Et Marie demeurait dans le temple du Seigneur[9], telle une colombe, et elle recevait sa nourriture de la main d'un ange. Quand elle eut douze ans, les prêtres se consultèrent et dirent : Voici que Marie a douze ans[10] dans le temple du Seigneur. Que ferons-nous d'elle, pour éviter qu'elle ne rende impur le sanctuaire du Seigneur notre Dieu ? Ils dirent au grand-prêtre : Toi qui gardes l'autel du Seigneur, entre et prie au sujet de cette enfant. Ce que le Seigneur te dira, nous le ferons. Et le prêtre revêtit l'habit aux douze clochettes pénétra dans le Saint des Saints et se mit en prière. Et voici qu'un ange du Seigneur apparut, disant : Zacharie, Zacharie, sors et convoque les veufs du peuple. Qu'ils apportent chacun une baguette. Et celui à qui le Seigneur montrera un signe en fera sa femme. Des hérauts s'égaillèrent dans tout le pays de Judée et la trompette du Seigneur retentit, et voici qu'ils accoururent tous.

Ce texte interprète aussi les textes canoniques et explique, que les soi-disant frères et sœurs étaient des cousins et cousines, en situant Joseph par rapport à Marie. Il faut donc se poser la délicate question de savoir qui étaient ses frères de Jésus dont parlent, au détour de quelques épisodes[11], les évangiles canoniques. Le Protévangile va donc essayer d’apporter sinon la solution, du moins une réponse. Les frères de Jésus seraient les fils de Joseph mais pas nés de Marie. Selon ce point de vue, Joseph était un veuf à l'époque où il épousa Marie. Il avait des enfants d'un premier mariage[12]. Joseph est choisi parmi un groupe de veufs afin de servir de protecteur à Marie, qui était une vierge consacrée à Dieu. Quand il est choisi, Joseph objecte : «j'ai des enfants, et je suis un vieil homme, et elle, une jeune fille ».

L'idée que Joseph aurait eu des enfants d'un premier mariage ne trouve aucun appui dans les évangiles canoniques. L'Evangile du Pseudo-Matthieu donne aux demi-frères de Jésus les noms de Jacques[13], Joseph, Judas et Siméon. L'un des plus anciens apocryphes, l'Evangile de Pierre, semble avoir contenu de semblables affirmations, si l'on en croit Eusèbe de Césarée. Mais les fragments que nous en possédons n'y font pas allusion. On retrouve en revanche les enfants d'un premier mariage de Joseph dans les Actes apostoliques attribués à Abdias, qui datent du sixième siècle. Un autre apocryphe rédigé en grec au quatrième siècle, l'Histoire de Joseph le charpentier, qui se présente comme une vie de Joseph narrée par Jésus à ses disciples, dit à propos de Joseph :

« Il y avait un homme appelé Joseph, qui était de la ville appelée Bethléem, celle des Juifs, qui est la ville du roi David. Il était bien instruit dans la sagesse et dans l'art de la menuiserie. Cet homme (appelé) Joseph épousa une femme dans l'union d'un saint mariage. Elle lui donna des fils et des filles : quatre garçons et deux filles. Voici leurs noms : Jude et Josetos, Jacques et Simon. Les noms des filles étaient Lysia et Lydia. La femme de Joseph mourut selon (qu'il est) imposé à tout homme, et elle laissa Jacques encore en bas âge. Joseph était un juste, qui rendait gloire à Dieu en toutes ses œuvres. Il allait au dehors exercer le métier de charpentier, lui et ses deux fils, (car) ils vivaient du travail de leurs mains selon la loi de Moïse. Et cet homme juste dont je parle, c'est Joseph, mon père selon la chair, celui à qui ma mère Marie fut unie comme épouse ».

Ces récits plus ou moins fantaisistes tiennent pour acquis que Joseph, lorsqu'il connut Marie, était déjà très avancé en âge. Cette représentation de Joseph en vieillard décrépi est fréquente dans les apocryphes[14].

La thèse selon laquelle Joseph aurait eu des enfants d'un premier mariage n'est pas en soi inimaginable. Elle est pourtant impossible à soutenir pour des raisons de critique interne, car elle contredit l'insistance avec laquelle Luc souligne la primogéniture de Jésus. Si Joseph avait déjà été père de famille au moment de son mariage avec Marie, il n'aurait pu aller présenter Jésus au Temple après sa naissance[15] « selon qu'il est écrit dans la Loi du Seigneur : Tout garçon premier-né sera consacré au Seigneur ».

Joseph jeta sa hache et lui aussi alla se joindre à la troupe. Ils se rendirent ensemble chez le prêtre avec leurs baguettes. Le prêtre prit ces baguettes, pénétra dans le temple et pria. Sa prière achevée, il reprit les baguettes, sortit et les leur rendit. Aucune ne portait de signe. Or Joseph reçut la sienne le dernier. Et voici qu'une colombe s'envola de sa baguette et vint se percher sur sa tête. Alors le prêtre : Joseph, Joseph, dit-il, tu es l'élu : c'est toi qui prendras en garde la vierge du Seigneur. Mais Joseph protesta : J'ai des fils, je suis un vieillard et elle est une toute jeune fille. Ne vais-je pas devenir la risée des fils d'Israël ? Joseph, répondit le prêtre, crains le Seigneur ton Dieu, et souviens-toi du sort que Dieu a réservé à Dathan, Abiron et Corê. La terre s'entrouvrit et les engloutit tous à la fois, parce qu'ils lui avaient résisté. Et maintenant, Joseph, crains de semblables fléaux sur ta maison ! Très ému, Joseph prit la jeune fille sous sa protection et lui dit : Marie, le temple du Seigneur t'a confiée à moi. Maintenant je te laisse en ma maison. Car je pars construire mes bâtiments. Je reviendrai auprès de toi. Le Seigneur te gardera. Cependant, les prêtres s'étaient réunis et avaient décidé de faire tisser un voile pour le temple du Seigneur[16]. Et le grand-prêtre dit : Appelez-moi les jeunes filles de la tribu de David, qui sont sans tache. Ses serviteurs partirent, cherchèrent et en trouvèrent sept. Mais le prêtre se souvint que la jeune Marie était de la tribu de David et qu'elle était sans tache devant Dieu. Et les serviteurs partirent et l'amenèrent. Et l'on fit entrer ces jeunes filles dans le temple du Seigneur. Et le prêtre leur dit : Tirez au sort laquelle filera l'or, l'amiante, le lin, la soie, le bleu, l'écarlate et la pourpre véritable. La pourpre véritable et l'écarlate échurent à Marie. Elle les prit et rentra chez elle.

C'est à ce moment-là que Zacharie devint muet et que Samuel le remplaça jusqu'à ce qu'il eût retrouvé la parole. Et Marie saisit l'écarlate et se mit à filer. Or elle prit sa cruche et sortit pour puiser de l'eau. Alors une voix retentit : Réjouis-toi, pleine de grâce. Le Seigneur est avec toi. Tu es bénie parmi les femmes. Marie regardait à droite et à gauche : d'où venait donc cette voix ? Pleine de frayeur, elle rentra chez elle, posa sa cruche, reprit la pourpre, s'assit sur sa chaise et se remit à filer. Et voici qu'un ange debout devant elle disait : Ne crains pas, Marie, tu as trouvé grâce devant le Maître de toute chose. Tu concevras de son Verbe. Ces paroles jetèrent Marie dans le désarroi. Concevrai-je, moi, du Seigneur, dit-elle, du Dieu vivant, et enfanterai-je comme toute femme[17] ? Et voici que l'ange, toujours devant elle, lui répondit : Non, Marie. Car la puissance de Dieu te prendra sous son ombre. Aussi le saint enfant qui naîtra sera-t-il appelé le fils du Très-Haut. Tu lui donneras le nom de Jésus, car il sauvera son peuple de ses péchés. Et Marie dit alors : Me voici devant lui sa servante ! Qu'il m'advienne selon ta parole. Et elle reprit son travail de pourpre et d'écarlate puis l'apporta au prêtre. Et quand le prêtre le reçut, il la bénit et dit : Marie, le Seigneur Dieu a exalté ton nom et tu seras bénie parmi toutes les générations de la terre. Pleine de joie, Marie se rendit chez sa parente Elisabeth et frappa à la porte. En l'entendant, Elisabeth jeta l'écarlate, courut à la porte, ouvrit, et la bénit en ces termes : Comment se fait-il que la mère de mon Seigneur vienne à moi ? Car vois-tu, l'enfant a tressailli et t'a bénie. Or Marie avait oublié les mystères dont avait parlé l'ange Gabriel. Elle leva les yeux au ciel et dit : Qui suis-je, pour que toutes les femmes de la terre me proclament bienheureuse ? Et elle demeura trois mois chez Elisabeth. De jour en jour son sein s'arrondissait. Inquiète, elle regagna sa maison et se cachait des fils d'Israël. Elle avait seize ans, quand s'accomplirent ces mystères. Son sixième mois arriva, et voici que Joseph revint des chantiers ; il entra dans la maison et s'aperçut qu'elle était enceinte. Il se frappa le visage et se jeta à terre sur son sac et il pleura amèrement, disant : Quel front lèverai-je devant le Seigneur Dieu ? Quelle prière lui adresserai-je ? Je l'ai reçue vierge du temple du Seigneur et ne l'ai pas gardée. Qui m'a trahi ? Qui a commis ce crime sous mon toit ? Qui m'a ravi la vierge et l'a souillée ? L'histoire d'Adam se répète-t-elle à mon sujet ? Car tandis qu'Adam faisait sa prière de louange, le serpent s'approcha et surprit Eve seule ; il la séduisit et la souilla. La même disgrâce me frappe. Et Joseph se releva de son sac et appela Marie : Toi la choyée de Dieu, qu'as-tu fait là ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu ? Pourquoi t'es-tu déshonorée, toi qui as été élevée dans le Saint des Saints et as reçu nourriture de la main d'un ange ?

Et elle pleura amèrement, disant : Je suis pure et je ne connais pas d'homme. Et Joseph lui dit : D'où vient le fruit de ton sein ? Et elle répondit : Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, j'ignore d'où il vient. Et Joseph, rempli de frayeur, se tint coi, et il se demandait ce qu'il devait faire d'elle. Si je garde le secret sur sa faute, se disait-il, je contreviendrai à la loi du Seigneur. Mais si je la dénonce aux fils d'Israël, et que son enfant vienne d'un ange, ce dont j'ai bien peur, alors je livre à la peine capitale un sang innocent. Que ferai-je d'elle ? Je la répudierai en secret. La nuit le surprit dans ces réflexions. Voici qu'un ange du Seigneur lui apparut en songe, disant : Ne t'inquiète pas à propos de cette enfant. Ce qui est en elle vient de l'Esprit saint. Elle t'enfantera un fils auquel tu donneras le nom de Jésus. Car il sauvera son peuple de ses péchés. Joseph se réveilla et glorifia le Dieu d'Israël qui lui avait donné sa grâce. Et il garda la jeune fille.

Or le scribe Anne vint le voir et lui dit : Joseph, pourquoi n'as-tu point paru à notre réunion ? - Mon voyage m'avait fatigué, répondit-il, et j'ai passé le premier jour à me reposer. Mais Anne se retourna et vit Marie enceinte. Et il partit en courant chez le prêtre et lui dit : Eh bien, ce Joseph dont tu te portes garant, a commis une faute ignoble. - Quoi donc ? demanda le grand-prêtre. L'autre reprit : Il a déshonoré la jeune fille que le temple du Seigneur lui avait confiée et il l'a épousée secrètement, sans avertir les fils d'Israël ! Et le grand-prêtre lui dit : Joseph a-t-il fait cela ? Et l'autre répondit : Envoie tes gens et tu verras que la jeune fille est enceinte. Des serviteurs partirent et la trouvèrent dans l'état qu'il avait dit. Ils la ramenèrent au temple et elle comparut au tribunal. Le grand-prêtre dit : Marie, qu'as-tu fait là ? Pourquoi as-tu perdu ton honneur ? As-tu oublié le Seigneur ton Dieu, toi qui fus élevée dans le Saint des Saints, et qui reçus nourriture de la main des anges ? Toi qui entendis leurs hymnes et dansas devant eux ? Qu'as-tu fait là ? Et elle pleura amèrement et dit : Aussi vrai que vit le Seigneur Dieu, je suis pure devant sa face et ne connais pas d'homme. Et le grand-prêtre dit : Et toi, Joseph, qu'as-tu fait ? Et Joseph répondit : Aussi vrai que vit le Seigneur et que vivent son Christ et le témoin de sa vérité, je suis pur vis-à-vis d'elle. Le grand-prêtre insista : Ne rends pas de faux témoignage ! Dis la vérité ! Tu l'as épousée en cachette, tu n'as rien dit aux fils d'Israël et tu n'as pas incliné ta tête sous la puissante main qui eût béni ta postérité ! Et Joseph garda le silence. Le grand-prêtre reprit : Rends-nous la jeune fille que tu avais reçue du temple du Seigneur. Joseph fondit en larmes. Le grand-prêtre ajouta : Je vous ferai boire l'eau de l'épreuve rituelle et votre faute éclatera à vos yeux. Le grand-prêtre prit de l'eau, en fit boire à Joseph puis il l'envoya au désert. Or celui-ci revint indemne. Et il fit boire aussi la jeune fille et l'envoya au désert. Et elle redescendit, indemne. Et tout le peuple s'étonna que leur faute n'eût pas été manifestée. Alors le grand-prêtre dit : Puisque le Seigneur Dieu n'a pas révélé de péché en vous, moi non plus je ne vous condamne pas. Et il les laissa partir. Et Joseph prit Marie et rentra chez lui, heureux et louant le Dieu d'Israël.

Comme pour la plupart des vérités de la foi, c'est progressivement que l'Eglise a pris conscience du véritable rôle de Joseph dans l'œuvre du salut. Son culte ne s'est développé que tardivement, surtout à partir du dix-huitième siècle. La maternité de Marie à l'égard de Jésus appelait la paternité de Joseph, qui en est inséparable non pas comme un complément surajouté, mais comme partie intégrante d'une même fonction parentale à l'égard de Jésus. On lui attribue les qualités de « père adoptif, putatif, légal, juridique, nourricier ». Ces titres sont justes et se complètent. Mais ils n'expriment pas la vérité et le mystère d'une paternité à nulle autre pareille. C'est par le lien de la paternité de Joseph que Jésus est reconnu comme relié à son ascendance davidique, la descendance généalogique se transmettant par voie masculine. Conjointement Marie et Joseph vont se consacrer à leur tâche d'accueillir Jésus et de le préparer à sa mission, elle comme mère, lui comme père. Mais la situation de Joseph, père légal, père nourricier et protecteur, mais sans lien naturel avec son fils, et en situation d’infériorité par rapport à lui et à son épouse reste une place assez ambiguë. Sa paternité est dite « putative », c’est-à-dire apparente, destinée à intégrer la Sainte Famille dans la société humaine. Ce statut confère à Joseph une importance fondamentale dans la définition d’une conception chrétienne de la paternité, au croisement entre deux traditions, la juive fondée sur les liens du sang, et la romaine, institutionnelle, permettant l’adoption. D’une part Joseph est le nourricier et le protecteur, ce qui, dans la tradition romaine suffit à définir le père, d’autre part il est l’aboutissement de la descendance de David, ce qui lui confère sa légitimité juive.

Lorsque les catholiques parlent de Marie comme de la Sainte Vierge, ils veulent signifier qu'elle est restée vierge toute sa vie. Lorsque les protestants font référence à Marie en tant que « vierge », ils veulent signifier qu'elle était vierge jusqu'à la naissance de Jésus. Ils croient qu'elle et Joseph ont ensuite eu des enfants dont l'Écriture ferait mention comme « frères du Seigneur ».

Jésus a donc eu des frères et au moins deux ou trois sœurs, ce qui permet d'attribuer à Marie un total de sept ou huit enfants. La conclusion la plus logique et la plus simple à tirer de la lecture des évangiles consiste à dire que, si les textes canoniques attribuent de manière aussi constante des frères à Jésus, c'est que celui-ci en avait. Si Jésus n'avait pas de frères, il n'y aurait en effet aucune raison pour que les évangiles en fassent mention, puisque ces frères ne jouent aucun rôle durant son ministère public. Les frères de Jésus font partie des données figurant dans les évangiles qui n'y auraient certainement pas été placées si elles ne renvoyaient pas à une réalité confirmée par une ancienne tradition.

Une polémique peut naître parmi les chrétiens sur cette simple présentation des frères du Seigneur. Le désaccord s'appuie sur les versets qui utilisent les mots « frère » et « sœur ». En essayant de comprendre ces versets, on voit que le mot « frère » a un large champ d’application dans la Bible. Il n'est pas restreint au seul sens littéral[18] d'un « frère » ou « demi-frère ». L'Ancien Testament montre déjà que ce terme peut faire référence à un quelconque proche de sexe masculin[19] dont on ne descend pas[20] et qui ne descend pas de nous[21], qu’ils soient cousins, membres de la famille par le mariage ou par la loi plutôt que par le sang, ou même amis ou simples alliés politiques. Parce que ni l'hébreu, ni l'araméen, ne possèdent un mot spécifique signifiant « cousin », ceux qui parlaient ces langues utilisaient le mot « frère » ou bien une circonlocution, telle que : « le fils de la sœur de mon frère ». Mais les circonlocutions sont maladroites, ainsi les Juifs utilisaient le mot « frère ».

A l’encontre des protestants, un examen attentif du Nouveau Testament montre que Marie est restée vierge, elle n'a jamais eu d'autre enfant que Jésus. En effet, on ne trouve pas de trace de « frères » cadets. Quand Jésus est retrouvé dans le Temple à l'âge de douze ans, le contexte suggère qu'il était le seul fils de Marie et Joseph. Il n'y a aucune allusion dans cet épisode à quelconque autre enfant de la famille. Jésus a grandi à Nazareth, et les gens de Nazareth parlent de lui comme étant le « fils de Marie » et non « un fils de Marie ». Cela implique qu'il est le seul fils, et en fait, aucun autre n'est désigné comme « fils de Marie », même lorsqu'il est question des « frères » de Jésus. De plus, l'attitude prise par les « frères du Seigneur » implique qu'ils étaient les aînés. Dans la société ancienne et particulièrement en Orient, les fils aînés donnent des conseils au plus jeune, mais le plus jeune ne donne jamais de conseils aux aînés. Il était irrespectueux de faire cela. Par contre, nous voyons les frères de Jésus en train de lui dire que la Galilée n'était pas une place pour lui, et qu'il devrait aller en Judée afin de se faire un nom. A un autre moment, ils cherchent à le retenir pour sa sécurité. Ce genre d'attitude n'avait de sens pour les juifs anciens que si les « frères » étaient plus âgés que Jésus, mais cela élimine alors leur supposée filiation biologique puisque Jésus est le fils premier-né de Marie.

Enfin, au pied de la croix, alors qu'il mourait, Jésus confia sa mère à l'apôtre Jean. Il est difficile d'imaginer que Jésus aurait négligé les liens familiaux, puisque les Évangiles mentionnent quatre « frères » : Jacques[22], Joseph, Simon et Jude, pour prendre cette disposition pour sa mère si ces quatre-là étaient aussi ses fils.

Il parut un édit du roi Auguste[23] qui invitait les habitants de Bethléem en Judée, à se faire recenser. Joseph dit : J'irai inscrire mes fils. Mais que faire avec cette enfant ? Comment la recenser ? Comme ma femme ? Je ne puis décemment. Comme ma fille ? Mais les fils d'Israël savent que je n'ai pas de fille. Qu'en ce jour donc, le Seigneur en décide à son gré. Et il sella son âne et la jucha dessus. Son fils tirait la bride et Samuel suivait. Et ils entamaient le troisième mille quand Joseph se retourna et la vit fort rembrunie. L'enfant qu'elle porte, pensa-t-il, doit la faire souffrir. Il se tourna une nouvelle fois et vit qu'elle riait. Il lui dit : Marie, qu'as-tu donc ? Je vois tour à tour joie et tristesse sur ton visage. Et elle lui dit : Joseph, deux peuples sont sous mes yeux. L'un pleure et se frappe la poitrine, l'autre danse et fait la fête. Ils étaient à mi-chemin, quand Marie lui dit : Joseph, aide-moi à descendre de l'âne. L'enfant, en moi, me presse et va naître. Il lui fit mettre pied à terre et lui dit : Où t'emmener? Où abriter ta pudeur ? L'endroit est à découvert. Mais il trouva là une grotte, l'y conduisit et la confia à la garde de ses fils. Puis il partit chercher une sage-femme juive dans le pays de Bethléem. Il en trouva une qui descendait de la montagne et il l'amena. Or moi, Joseph, je me promenais et ne me promenais pas. Et je levai les yeux vers la voûte du ciel et je la vis immobile, et je regardai en l'air et je le vis figé d'étonnement. Et les oiseaux étaient arrêtés en plein vol. Et j'abaissai mes yeux sur la terre et je vis une écuelle et des ouvriers étendus pour le repas, et leurs mains demeuraient dans l'écuelle. Et ceux qui mâchaient ne mâchaient pas et ceux qui prenaient de la nourriture ne la prenaient pas et ceux qui la portaient à la bouche ne l'y portaient pas. Toutes les faces et tous les yeux étaient levés vers les hauteurs. Et je vis des moutons que l'on poussait, mais les moutons n'avançaient pas. Et le berger levait la main pour les frapper, et sa main restait en l'air. Et je portai mon regard sur le courant de la rivière et je vis des chevreaux qui effleuraient l'eau de leur museau, mais ne la buvaient pas. Soudain la vie reprit son cours. Et je vis une femme qui descendait de la montagne et elle m'interpella : Eh, l'homme, où vas-tu ? Je répondis : Je vais chercher une sage-femme juive. - Es-tu d'Israël ? me demanda-t-elle encore. - Oui, lui dis-je. Elle reprit : Et qui donc est en train d'accoucher dans la grotte ? Et Joseph dit à la sage-femme : C'est Marie, ma fiancée; mais elle a conçu de l'Esprit saint, après avoir été élevée dans le temple du Seigneur. Et je lui dis : C'est ma fiancée. - Elle n'est donc pas ta femme ? demanda-t-elle. Et je lui dis : C'est Marie, celle qui a été élevée dans le temple du Seigneur. J'ai été désigné pour l'épouser, mais elle n'est pas ma femme, et elle a conçu du Saint-Esprit. Et la sage-femme dit : Est-ce la vérité ? Joseph répondit : Viens et vois. Et elle partit avec lui, et ils s'arrêtèrent à l'endroit de la grotte. Une obscure nuée enveloppait celle-ci. Et la sage-femme dit : Mon âme a été exaltée aujourd'hui car mes yeux ont contemplé des merveilles : le salut est né pour Israël. Aussitôt la nuée se retira de la grotte et une grande lumière resplendit à l'intérieur, que nos yeux ne pouvaient supporter. Et peu à peu cette lumière s'adoucit pour laisser apparaître un petit enfant. Et il vint prendre le sein de Marie sa mère. Et la sage-femme s'écria : Qu'il est grand pour moi ce jour ! J'ai vu de mes yeux une chose inouïe. La sage-femme sortant de la grotte, rencontra Salomé et elle lui dit : Salomé, Salomé, j'ai une étonnante nouvelle à t'annoncer : une vierge a enfanté, contre la loi de nature. Et Salomé répondit : Aussi vrai que vit le Seigneur mon Dieu, si je ne mets mon doigt et si je n'examine son corps, je ne croirai jamais que la vierge a enfanté. Et la sage-femme entra et dit : Marie, prépare-toi car ce n'est pas un petit débat qui s'élève à ton sujet. A ces mots, Marie se disposa. Et Salomé mit son doigt dans sa nature et poussant un cri, elle dit : Malheur à mon impiété et à mon incrédulité ! disait-elle, j'ai tenté le Dieu vivant ! Et voici que ma main se défait, sous l'action d'un feu. Et Salomé s'agenouilla devant le Maître, disant : Dieu de mes pères, souviens-toi que je suis de la lignée d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Ne m'expose pas au mépris des fils d'Israël, mais rends-moi aux pauvres. Car tu sais, ô Maître, qu'en ton nom je les soignais, recevant de toi seul mon salaire. Et voici qu'un ange du Seigneur parut, qui lui dit : Salomé, Salomé, le Maître de toute chose a entendu ta prière. Etends ta main sur le petit enfant, prends-le. Il sera ton salut et ta joie. Et Salomé, toute émue, s'approcha de l'enfant, le prit dans ses bras, disant : Je l'adorerai. Il est né un roi à Israël et c'est lui. Aussitôt Salomé fut guérie, et elle sortit de la grotte, justifiée. Et voici qu'une voix parla Salomé, Salomé, n'ébruite pas les merveilles que tu as contemplées, avant que l'enfant ne soit entré à Jérusalem.

Alors que Joseph se préparait à partir pour la Judée une vive agitation éclata à Bethléem de Judée. Les mages[24] arrivèrent, disant : Où est le roi des Juifs ? Nous avons vu son étoile en Orient, et nous sommes venus l'adorer. Cette nouvelle alarma Hérode qui dépêcha des serviteurs auprès des mages. Il convoqua aussi les grands prêtres et les interrogea au prétoire : Qu'est-il écrit sur le Christ ? demanda-t-il. Où doit-il naître ? Ils répondirent : A Bethléem en Judée. Ainsi est-il écrit. Et il les congédia. Puis il interrogea les mages, leur disant : Quel signe avez-vous vu au sujet du roi nouveau-né ? Et les mages répondirent : Nous avons vu une étoile géante, parmi les autres constellations, si éblouissante qu'elle les éclipsait toutes. Ainsi avons-nous compris qu'un roi était né à Israël et nous sommes venus l'adorer. Hérode leur dit : Partez à sa recherche, et si vous le trouvez, faites-le moi savoir afin que moi aussi j'aille l'adorer. Les mages partirent. Et voici, l'astre qu'ils avaient vu en Orient les conduisit jusqu'à ce qu'ils fussent arrivés à la grotte, et au-dessus de la tête de l'enfant, il s'arrêta. Quand ils l'eurent vu là, avec Marie sa mère, les mages tirèrent des présents de leurs sacs, or, encens et myrrhe. Mais comme l'ange les avait avertis de ne pas repasser par la Judée , ils rentrèrent chez eux par un autre chemin.

Le livre arménien de l’enfance donne son interprétation des origines des Mages. Un ange du Seigneur s'en fut en hâte au Pays des Perses, prévenir les rois mages d'aller adorer l'enfant nouveau-né. Et ceux-ci, après avoir été guidés par l'étoile pendant neuf mois, arrivèrent à destination au moment où la Vierge devenait mère. Car, en ce temps-là, le royaume des Perses l'emportait par sa puissance et ses victoires sur tous les rois qui existaient dans les pays d'Orient. Et ceux qui étaient les rois des Mages étaient trois frères : le premier, Melkon, qui régnait sur les Perses ; le second Balthasar, qui régnait sur les Indiens, et le troisième, Gaspar, qui possédait les pays des Arabes. S'étant réunis sur l'ordre de Dieu, ils arrivèrent au moment où la Vierge devenait mère. Ils avaient pressé leur marche et se trouvèrent là au temps précis de la naissance de Jésus. Cette nuit-même un ange gardien fut envoyé en Perse. Il apparut aux gens du pays sous la forme d'une étoile très brillante, qui illumina toute la terre des Perses. Or, comme le 25 du premier kanoun - fête de la Nativité du Christ - il y avait une grande fête chez tous les Perses adorateurs du feu et des étoiles, tous les Mages, en pompeux appareil, célébraient magnifiquement leur solennité, quand tout à coup une vive lumière éclata sur leurs têtes. Laissant là leurs rois, leurs festins, toutes leurs réjouissances et quittant leurs demeures, ils sortirent pour jouir du spectacle. Ils virent qu'une étoile ardente s'était levée sur la Perse. Par son éclat, elle ressemblait à un grand soleil. Et leurs rois dirent aux prêtres en leur langue : « Quel est ce signe que nous voyons ? » Et, comme par divination, ils dirent : « Le roi des rois est né, le dieu des dieux, la lumière émanée de la lumière. Et voici que l’un des dieux est venu nous annoncer sa naissance, pour que nous allions lui offrir des présents et l’adorer. » Tous alors, chefs, magistrats, généraux, se levèrent et dirent à leurs prêtres : « Quels présents convient-il que nous emportions ? » Et les prêtres leur dirent : « De l’or, de la myrrhe et de l’encens ». Alors trois rois, fils des rois de la Perse , prirent, comme par une disposition mystérieuse, l’un trois livres de myrrhe, l’autre trois livres d’or, et un autre enfin, trois livres d’encens. Ils étaient parés de leurs ornements précieux, tiare en tête et leur trésor dans les mains. Au chant du coq, ils quittèrent leur pays, avec neuf hommes qui les accompagnaient, et ils se mirent en route, précédés par l’étoile qui leur était apparue.

Alors Hérode, voyant qu'il avait été joué par les mages, se mit en colère et envoya des tueurs avec mission de faire périr tous les enfants jusqu'à l'âge de deux ans[25]. Quand Marie apprit ce massacre, saisie d'effroi, elle prit l'enfant, l'emmaillota et le cacha dans une mangeoire à bétail. Elisabeth, qui avait appris que l'on cherchait Jean, l'emporta et gagna la montagne, et elle regardait à la ronde où le dissimuler mais elle n'apercevait point de cachette. Alors elle se mit à gémir, disant : Montagne de Dieu, accueille une mère et son enfant ! Car la frayeur l'empêchait de monter. Aussitôt la montagne se fendit et la reçut en son sein, tout en laissant filtrer une clarté pour elle. Car un ange du Seigneur était avec eux et il les protégeait. Mais Hérode cherchait toujours Jean, et il envoya des serviteurs à l'autel, auprès de Zacharie, pour lui demander : Où as-tu caché ton fils ? Il répondit : Je suis le serviteur de Dieu et je demeure attaché à son temple. Est-ce que je sais où est mon fils ? Les serviteurs repartirent et rapportèrent à Hérode ses propos. Celui-ci, furieux, s'écria : Son fils va donc régner sur Israël ? Et il renvoya ses serviteurs pour l'interroger encore : Dis-moi la vérité. Où est ton fils ? Sais-tu que ma main a pouvoir de répandre ton sang ? Les serviteurs partirent et transmirent le message. Zacharie fit répondre : Je suis le martyr de Dieu. Dispose de mon sang ; mais mon esprit, le Maître le recevra, parce que c'est un sang innocent qu'à l'entrée du temple tu t'apprêtes à faire couler. Et vers l'aube, Zacharie fut assassiné, et les fils d'Israël ignoraient tout de ce meurtre.

A l'heure de la salutation, les prêtres partirent, et Zacharie ne vint pas, comme à l'accoutumée, au-devant d'eux, en prononçant les bénédictions. Les prêtres s'arrêtèrent, et attendirent Zacharie pour le saluer avec des prières et glorifier le Dieu très haut. Son retard cependant les plongea tous dans l'angoisse. L'un d'eux s'enhardit et entra dans le sanctuaire ; près de l'autel du Seigneur, il aperçut du sang figé. Et une voix retentit : Zacharie a été assassiné. Son sang ne s'effacera pas avant que vienne le vengeur. Ces paroles le remplirent d'effroi. Il sortit et annonça aux prêtres ce qu'il avait vu et entendu. Résolument, ils entrèrent et constatèrent le drame. Et les lambris du temple gémirent et eux déchirèrent leurs vêtements du haut en bas. Ils n'avaient pas trouvé son cadavre, mais ils avaient vu son sang pétrifié. Ils sortirent effrayés et annoncèrent que Zacharie avait été assassiné. A cette nouvelle, toutes les tribus du peuple se lamentèrent et menèrent le deuil trois jours et trois nuits. Et après les trois jours, les prêtres délibérèrent pour savoir qui succéderait à Zacharie. Le sort tomba sur Syméon. C'était lui que le Saint-Esprit avait averti qu'il ne verrait pas la mort avant d'avoir contemplé le Christ dans la chair.

Et moi, Jacques, qui ai écrit cette histoire à Jérusalem, je résolus, lors des troubles qui éclatèrent à la mort d'Hérode, de me retirer au désert, jusqu'à ce que la paix fût revenue à Jérusalem. Et je glorifierai le Maître qui m'a donné la sagesse d'écrire cette histoire.

La grâce sera avec tous ceux qui craignent le Seigneur. Amen.

Révélation de Jacques - Paix à celui qui a écrit et à celui qui lit !

Au plan de l'histoire de la tradition, il faut constater que, après des hésitations, la croyance en la virginité perpétuelle de Marie s'est imposée dans toute l'Église, d'Orient comme d'Occident. Les Réformateurs du seizième siècle, Luther et Calvin, ne l'ont pas mise en doute.

C'est à partir du dix-septième siècle que, sous l'influence des Lumières, la virginité perpétuelle de Marie a été remise en cause par un certain nombre de protestants. Pour un catholique, pour un orthodoxe, qui croient en l'action de l'Esprit Saint dans la vie de l'Église, la force de la tradition sur la virginité perpétuelle de Marie ne saurait être négligée. Le concile d'Éphèse[26] constitue un événement majeur pour le développement de la théologie mariale. Alors que ce concile d'Éphèse visait à sauvegarder la nature divine du fils de Marie, l'Église a peu à peu considéré l'expression « Théotokos » comme une louange mariale. L'Orient ne tarit pas d'éloges sur la virginité et la sainteté de Marie, mais répugne aux formulations dogmatiques qui se développeront en Occident.

Comme l'évangéliste Luc, qui nous a transmis une version abrégée du Protévangile, le contenu original du Protévangile doit être authentique et remonter à une femme.


[1] « Protévangile » signifie « qui se situe au commencement de » ou « qui est immédiatement antérieur à » l'Évangile ; ce nom a été donné à ce texte, car il porte sur des événements antérieurs à ceux qui sont relatés dans les Évangiles canoniques.

[2] Il en existe des versions en grec, syriaque, arménien, géorgien, vieux slave. Clément d'Alexandrie et Origène y font allusion. Le Décret de Gélase le condamne comme apocryphe, mais il est resté en faveur dans la chrétienté orientale et il a eu une grande influence sur l'iconographie. Il sert à fonder la doctrine orthodoxe concernant les « frères » de Jésus cités dans le Nouveau Testament, qui seraient ainsi des demi-frères nés d'un premier mariage de Joseph, et celle de la virginité perpétuelle de Marie dont il témoigne qu'il s'agit d'une croyance très ancienne.

[3] Datant du sixième siècle.

[4] Célébration d'Anne et Joachim (26 juillet), Nativité de Marie (8 septembre), Présentation de la Vierge (21 novembre). C’est le seul « apocryphe » ainsi rentré dans la liturgie chrétienne.

[5] et particulièrement Giotto, dans les fresques de la Chapelle Scrovegni , à Padoue.

[6] En 4 après Jésus-Christ.

[7] Les chrétiens des premiers siècles ont jugé insuffisantes les informations sur l'enfance du Christ, même si elle se concentrait surtout sur son action publique. Ce vide, créé par la curiosité, a été rempli par les évangiles apocryphes de l'enfance.

[8] Pas d’incarnation sans absolue pureté de Marie, non seulement vierge avant, pendant et après, mais maintenue dès sa conception dans une sorte d’état angélique, où hommes et anges prêtent leur concours.

[9] A un peu plus de trois ans, Marie intègre l’Ecole du Temple : il est parfaitement établi par les textes de l’époque que les grands-prêtres et les Pharisiens avaient organisé depuis des années un enseignement très structuré pour les jeunes juifs. Marie va se retrouver au milieu de nombreux jeunes de sa génération à profiter de cet enseignement. La Torah n'imposait pas de grandes obligations aux filles juives. Le service le plus élevé qu'on attendait d'elles consistait à mettre des enfants au monde. L'âge normal des fiançailles se situait à douze ans -douze ans et demi. Le mariage suivait un an après. Marie appartient à la classe sociale des « anawim », c'est-à-dire des pauvres qui mettent leur espoir en Dieu. La littérature rabbinique précise que des jeunes filles confectionnaient chaque année deux rideaux pour le Temple. Ils étaient remplacés à la veille de Kippour, jour de l'expiation des péchés. Si les jeunes filles n'avaient pas droit à une éducation, Marie a eu tout loisir d'écouter la parole de Dieu à la synagogue qui, au premier siècle, était ouverte aux femmes.

[10] Comme toutes les jeunes filles de son âge, il lui faut quitter le Temple et plonger dans la vie. Cela implique le choix d’un époux qui la protège et qui devienne un jour le père de ses enfants. Mais Marie est consacrée au Seigneur depuis son plus jeune âge. Avec Anne et le grand-prêtre, elle réfléchit sur la juste manière d’être fidèle d’un côté à son vœu de virginité et de l’autre côté à la loi juive qui veut que chaque jeune fille participe à l’accroissement de son peuple, en vue de l’avènement du Messie annoncé. Le grand-prêtre décide alors de convoquer les veufs d’Israël, dont un certain Joseph, charpentier, de Nazareth. Chacun dépose sur l’autel une baguette. Après un temps de prière pour demander un signe de Dieu, une colombe s’envole de la baguette de Joseph. Ce signe répond de très près à une prophétie d’Isaïe sur l’enfant qui sauvera le monde : « Une tige sortira de la souche de Jessé (le père du roi David), un surgeon poussera de ses racines. Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de science et de piété filiale ». Joseph prend donc Marie comme épouse, mais ils n’habitent pas ensemble tout de suite. Marie passe donc ses quelques années d’adolescence chez sa mère.

[11] Il y a environ dix occurrences dans le Nouveau Testament où les «frères» et «sœurs» du Seigneur sont mentionnés : Mt. 12, 46; Mt. 13, 55 ; Mc. 3, 31–34 ; Mc. 6, 3 ; Lc 8, 19–20; Jn. 2,12 ; Jn. 7, 3, 5, 10 ; Ac. 1, 14 1 Co. 9, 5.

[12] Ceux-ci devraient donc être plus âgés que Jésus, ce qui expliquerait leur attitude à son égard dans les évangiles canoniques.

[13] Selon l’évangile du pseudo-Thomas, Jacques aurait bénéficié d’un miracle du jeune Jésus : « Joseph envoya son fils Jacques lier des fagots et les apporter à la maison. L'enfant Jésus le suivit. Tandis que Jacques ramassait ses branches, une vipère le piqua à la main. Déjà il agonisait, tout raidi, quand Jésus s'approcha et souffla sur la morsure. Les douleurs se calmèrent sur-le-champ et c'est l'animal qui mourut. Jacques, lui, était déjà sur pied »

[14] Dans l'Histoire de Joseph le charpentier, Joseph aurait épousé Marie à l'âge de quatre-vingt-dix ans, avant de mourir à cent onze ans. L'Evangile arabe de l'enfance lui attribue près de cent cinq ans lors de l'épisode où Jésus s'entretient avec les docteurs du Temple.

[15] Dans le cas d'enfants issus d'un remariage, cette coutume n'était en effet pas pratiquée : un homme ne pouvait offrir qu'une seule fois dans sa vie, sur le parvis du Temple réservé aux hommes, le sacrifice de substitution des premiers-nés. En outre, on ne peut objecter que Jésus était le fils premier-né de Marie, à défaut d'être celui de Joseph, car seul comptait le premier-né du père.

[16] Une fois achevé le Temple rebâti par Hérode, il faut tisser le rideau, décrit dans le livre de l’Exode : « Tu feras un rideau de pourpre violette et écarlate, de cramoisi et de fin lin retors, brodé de chérubins. Tu le mettras sur quatre colonnes d'acacia plaquées d'or, munies de crochets d'or, posées sur quatre socles d'argent. Tu mettras le rideau sous les agrafes, tu introduiras là, derrière le rideau, l'arche du Témoignage, et le rideau marquera pour vous la séparation entre le Saint et le Saint des Saints ». Pour le travail de tissage du rideau, les prêtres choisissent sept jeunes filles compétentes. Marie, qui a seize ans, est désignée chef de la petite équipe (ce qui, soit dit en passant, souligne les qualités de couturière de saint Anne, car ce n’est sans doute pas des prêtres que Marie aura appris ce métier ! C’est pendant qu’elle achève son ouvrage qu’elle reçoit la visite de l’ange Gabriel lui annonçant qu’elle deviendrait la Mère du Sauveur.

[17] Un évangile apocryphe de la Nativité donne encore plus de précisions : «  La Vierge crut à ces paroles de l’ange, mais, voulant savoir la manière, elle répondit : Comment cela pourra-t-il se faire ? Car puisque, suivant mon vœu, je ne connais point d’homme, comment pourrai-je enfanter sans cesser d’être vierge ? A cela, l’ange lui dit : Ne crois pas, Marie, que tu doives concevoir d’une manière humaine. Car sans avoir de rapport avec aucun homme, tu concevras en restant vierge ; vierge du enfanteras, vierge tu nourriras. Car le Saint-Esprit surviendra en toi et la vertu du Très-Haut te couvrir de son ombre contre toutes les ardeurs de l’impureté. Car tu as trouvé grâce devant le Seigneur, parce que tu as préféré la chasteté. C’est pourquoi ce qui naîtra de toi sera seul saint, parce que seul il aura été conçu et né sans péché, et il sera appelé le fils de Dieu. Alors, Marie, étendant les mains et levant les yeux, dit : Voici la servante du Seigneur (car je ne suis pas digne du nom de maîtresse) : qu’il me soit fait suivant ta parole ».

[18] Il en va de même pour le mot « sœur » et pour la forme plurielle « frères ».

[19] Ainsi Lot est appelé « frère d'Abraham » bien que, étant fils d'Haran, « vrai » frère d'Abraham, il est en fait le neveu d'Abraham.

[20] Les proches masculins dont nous descendons sont connus sous le nom de «pères ».

[21] Les descendants masculins, sans considération pour les générations, sont nos «fils».

[22] L’évangile arabe de l’enfance de Jésus mentionne ce Jacques comme fils de Joseph et bénéficiaire d’un miracle du jeune Jésus : « Un autre jour, Joseph avait envoyé son fils Jacques pour chercher du bois, et le Seigneur s’était joint à lui pour l’aider, et quand ils furent arrivés à l’endroit où était le bois, et lorsque Jacques se fut mis à en ramasser, voici qu’une vipère le mordit, et il commença à crier et à pleurer. Le Seigneur Jésus, le voyant dans cet état, s’approcha de lui, et il souffla sur l’endroit où il avait été mordu, et Jacques fut guéri sur-le-champ ».

[23] C’est le décret de Quirinius, gouverneur de Syrie, qui ordonne le fameux recensement qui conduira Joseph et Marie, enceinte de plus de huit mois, jusqu’à Bethléem. Sachant que les tablettes romaines, très précises, nous indiquent clairement que ce Quirinius a été gouverneur de Syrie de –12 à –6, le recensement ne peut avoir eu lieu au plus tard qu’en –7.

[24] L'Évangile arménien de l'enfance leur donne les noms de Gaspar, Melchior et Balthasar.

[25] Hérode tombe dans une forte paranoïa. Mégalomanie, jalousie, meurtres tous azimuts, folie. Il meurt le 28 mars de l’an 750 de Rome (qui correspond à l’an –4 de notre système de calcul). Cette date, unanimement attestée par tous les documents historiques, permet de situer l’épisode des Mages pendant l’hiver précédent (hiver –5 –4) ce qui correspond bien à ce que Mathieu écrit sur le massacre des Innocents : Hérode ordonne de tuer tous les enfants jusqu’à deux ans.

[26] En 431.