Lumière de la Bible

 

Même les plus grands hommes connaissent une fin. Leurs écrits demeurent souvent bien parés leur disparition.

Un peuple a fait l'expérience de Dieu tout au long de son histoire. Les hommes qui constituaient ce peuple ont découvert les traces et les signes de cette présence de Dieu au coeur même de leur vie.

Si ces hommes ont disparu, leur souvenir est resté vivant dans des livres divers qui constituent la Bible. La Bible n'est pas un livre, c'est une véritable bibliothèque qui rassemble des ouvrages très différents qui nous parlent de l'alliance de Dieu avec les hommes, une alliance faite avec Israël par l'intermédiaire de Moïse, une alliance accomplie et réalisée en Jésus.

La Bible, c'est la mise par écrit de la Parole de Dieu : il peut donc y avoir une Parole de Dieu gui n'est pas mise par écrit. Et même, dans les livres eux-mêmes, ce qui est pour nous Parole de Dieu, ce sont les écrits et non pas les événements ou les paroles prononcées avant qu'elles soient rédigées.

 

La création et la chute

Le premier livre de la Bible, la Genèse, s'ouvre sur un récit très connu, dans un style poétique. Il ne faut pas chercher ici un enseignement scientifique ou historique. Il s'agit simplement d'un poème exprimant la foi extraordinaire des prêtres en leur Dieu. Le monde a été créé en six jours pour légitimer le sabbat. Le sabbat a une double signification : Dieu lui-même cesse de travailler, signe que le repos est aussi nécessaire à l'homme, mais ce septième jour est aussi le commencement de l'histoire humaine.

Au commencement, Dieu créa le ciel et la terre, la terre était déserte et vide, et la ténèbre à la surface de l'abîme, le souffle de Dieu planait à la surface des eaux. Et Dieu dit : Que la lumière soit. Et la lumière fut. Dieu vit que la lumière était bonne. Dieu sépara la lumière de la ténèbre. Dieu appela la lumière jour et la ténèbre il l'appela nuit. Il y eut un soir, il y eut un matin : premier jour. Dieu dit : Qu'il y ait un firmament au milieu des eaux et qu'il sépare les eaux d'avec les eaux. Dieu fit le firmament et il sépara les eaux inférieures au firmament d'avec les eaux supérieures. Il en fut ainsi. Dieu appela le firmament ciel. Il y eut un soir, il y eut un matin : deuxième jour. Dieu dit : Que les eaux inférieures au ciel s'amassent en un seul lieu et que le continent paraisse. Il en fut ainsi. Dieu appela terre le continent, il appela mer l'amas des eaux. Dieu vit que cela était bon. Dieu dit : Que la terre se couvre de verdure, d'herbe qui rende féconde sa semence, d'arbres fruitiers qui, selon leur espèce, portent sur terre des fruits ayant en eux-mêmes leur semence. Il en fut ainsi. La terre produisit de la verdure, de l'herbe qui rend féconde sa semence selon son espèce, des arbres qui portent des fruits ayant en eux-mêmes leur semence selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : troisième jour. Dieu dit : Qu'il y ait des luminaires au firmament du ciel pour séparer le jour de la nuit, qu'il servent de signes tant pour les fêtes que pour les jours et les années, et qu'ils servent de luminaires au firmament du ciel pour illuminer la terre. Il en fut ainsi. Dieu fit les deux grands luminaires, le grand luminaire pour présider au jour, le petit pour présider à la nuit, et les étoiles. Dieu les établit au firmament du ciel pour illuminer la terre, pour présider au jour et à la nuit et séparer la lumière de la ténèbre. Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : quatrième jour. Dieu dit : Que les eaux grouillent de bestioles vivantes et que l'oiseau vole au-dessus de la terre face au firmament du ciel. Dieu créa les grands monstres marins, tous les êtres vivants et remuants selon leur espèce, dont grouillèrent les eaux et tout oiseau ailé selon son espèce. Dieu vit que cela était bon. Dieu les bénit en disant : Soyez féconds et prolifiques, remplissez les eaux dans les mers et que l'oiseau prolifère sur la terre. Il y eut un soir, il y eut un matin : cinquième jour. Dieu dit : Que la terre produise des êtres vivants, selon leur espèce : bestiaux, petites bêtes et bêtes sauvages selon leur espèce. Il en fut ainsi. Dieu fit les bêtes sauvages selon leur espèce et toutes les petites bêtes du sol selon leur espèce. Dieu vit que cela était bon. Dieu dit : Faisons l'homme à notre image, selon notre ressemblance et qu'il soumette les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, les bestiaux, toute la terre, et toutes les petites bêtes qui remuent sur la terre. Dieu créa l'homme à son image, à l'image de Dieu, il le créa, mâle et femelle, il les créa. Dieu les bénit et Dieu leur dit : Soyez féconds et prolifiques, remplissez la terre et dominez la. Soumettez les poissons de la mer, les oiseaux du ciel, et toute bête qui remue sur la terre. Dieu dit : Voici, je vous donne toute herbe qui porte sa semence sur toute la surface de la terre et tout arbre dont le fruit porte sa semence : ce sera votre nourriture. A toute bête de la terre, à tout oiseau du ciel, à tout ce qui remue sur la terre et qui a souffle de vie, je donne pour nourriture toute herbe mûrissante. Il en fut ainsi. Dieu vit tout ce qu'il avait fait. Voilà, c'était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin : sixième jour. Le ciel, la terre et tous leurs éléments furent achevés. Dieu acheva au septième jour l'oeuvre qu'il avait faite, il arrêta au septième jour toute l'oeuvre qu'il faisait. Dieu bénit le septième jour et le consacra car il avait alors arrêté toute l'oeuvre que lui-même avait créée par son action. Telle est la naissance du ciel et de la terre lors de leur création. (Gen. 1, 1 - 2, 4).

Certains mots, certaines expressions reviennent régulièrement :

- Dieu dit...

- Dieu agit (par des verbes divers)...

- Dieu bénit...

- Il y eut un soir, il y eut un matin...

Ce texte liturgique, et non scientifique, apparaît comme une évasion du réel, quand on regarde l'époque de sa rédaction : le peuple est en exil à Babylone. Il connaît la détresse de la déportation, ce qu'on oublie trop facilement. Et pourtant, dans son malheur, dans sa détresse, en dépit du mal et de la souffrance, l'auteur affirme sa foi dans un Dieu qui veut un monde juste et beau.

Celui qui ouvre la Bible pour la première fois se trouve mis en présence du Dieu créateur. Mais Israël n'a pas fait cette expérience en premier lieu. Ce que le peuple a découvert d'abord, c'est le Dieu libérateur qui l'a fait sortir d'Égypte et qui peut encore le sauver de la déportation à Babylone.

Le récit de la création ne pose en aucune manière le problème du mal, il ne souligne que le bien. Comment ne pas poser ici même le problème du mal, comme le fait Jacques LACOURT, dans Au risque de croire ?

 

Le problème du mal

« Et le problème du Mal et de la souffrance, me diras-tu, ami lecteur ? Crois-le, j'en ai parfaitement conscience. Et j'en suis scandalisé. Devant toute personne qui souffre, mieux vaut d'ailleurs se taire que discourir, tout en essayant de comprendre sa peine et de la partager dans une affectueuse sympathie. Mais il faut sérier les questions. Le désordre est la contre partie de l'ordre : la maladie, par exemple, est la rupture du merveilleux équilibre du vivant ; pense à un beau corps d'athlète. Il faut expliquer l'ordre avant le désordre. Il est certain que l'existence du mal constitue une objection sérieuse contre l'existence de Dieu ou contre sa bonté infinie. Sans doute ce monde est-il imparfait : cette imperfection est une partie du mal. Et si c'était la tâche de l'homme, et sa dignité, de le rendre meilleur ? De plus, nous pouvons constater qu'une grande partie des maux de l'humanité provient de l'homme lui-même. Son égoïsme, sa haine, son orgueil sont à la source des guerres, des incompréhensions, des carences économiques et sociales. L'homme fait du mal à l'homme, il use mal de son bien le plus précieux, la liberté, une liberté que Dieu crée et respecte. Mais il y a des maux qui ne viennent pas directement des hommes, comme les catastrophes naturelles. Et il y a la souffrance de l'innocent, de l'enfant, notamment ! Alors, il ne faut pas parler de problème mais de mystère du mal. Peut-être tient-il à la condition humaine présente, en partie du moins. Qui nous éclairera ? Je ne puis aborder ici cette question n'ayant pas encore parlé de Jésus de Nazareth, cet homme cloué sur une croix, l'innocent bafoué. Seul, à mon avis, il vient, sinon apporter une solution définitive et exhaustive au pourquoi du mal, de la souffrance et de la mort, mais nous permettre de nous en libérer ; il vient leur donner un sens, une valeur. Il nous apporte, avec l'espérance, la force de lutter contre le mal du monde, avec la certitude qu'un jour il sera définitivement vaincu. Il vient surtout, au nom de Dieu même, partager notre détresse, remplir notre souffrance de sa présence. Et si Dieu lui-même n'était pas un spectateur indifférent de la peine des hommes, s'il était présent au plus profond de celui qui souffre, si la souffrance de l'homme devenait une blessure au cœur de Dieu, si elle était la souffrance de Dieu ? Le mystère du mal est le mystère de Dieu même, d'un Dieu amant de l'homme. En attendant, il faut expliquer pourquoi il y a tout de même du bien - sans quoi nous ne nous scandaliserions pas du mal. Il y a de la beauté et de l'organisation dans le cosmos, il existe des hommes qui luttent contre le mal, qui donnent leur vie pour leurs frères, il y a des bienfaiteurs de l'humanité. Alors, si Dieu n'existait pas, disait St Augustin, d'où viendrait le bien ? »

Le Livre de la Genèse lui-même a posé le problème du mal. Arrêtons-nous donc aussi quelques instants sur ce thème du mal, à travers le récit du déluge. YHWH vit que la méchanceté de l'homme était grande sur la terre et que son coeur ne formait que de mauvais desseins à longueur de journée. YHWH se repentit d'avoir fait l'homme sur la terre et il s'affligea dans son coeur. Et YHWH dit : "Je vais effacer de la surface du sol les hommes que j'ai créés - et avec les hommes, les bestiaux, les bestioles et les oiseaux du ciel car je me repens de les avoir faits." Mais Noé avait trouvé grâce aux yeux de YHWH. Voici l'histoire de Noé :

Noé était un homme juste, intègre parmi ses contemporains, et il marchait avec Dieu. Noé engendra trois fils. Sem, Cham et Japhet. La terre se pervertit au regard de Dieu et elle se remplit de violence. Dieu vit la terre : elle était pervertie, car toute chair avait une conduite perverse sur la terre. Dieu dit à Noé : "La fin de toute chair est arrivée, je l'ai décidé, car la terre est pleine de violence à cause des hommes et je vais les faire disparaître de la terre. Fais-toi une arche en bois résineux, tu la feras en roseaux et tu l'enduiras de bitume en dedans et en dehors. Voici comment tu la feras : trois cents coudées pour la longueur de l'arche, cinquante coudées pour sa largeur, trente coudées pour sa hauteur. Tu feras à l'arche un toit et tu l'achèveras une coudée plus haut, tu placeras l'entrée de l'arche sur le côté et tu feras un premier, un second et un troisième étage. Pour moi, je vais amener le déluge, les eaux, sur la terre, pour exterminer de dessous le ciel toute chair ayant souffle de vie : tout ce qui est sur la terre doit périr. Mais j'établirai mon alliance avec toi et tu entreras dans l'arche, toi et tes fils, ta femme et les femmes de tes fils avec toi. De tout ce qui vit, de tout ce qui est chair, tu feras entrer dans l'arche deux de chaque espèce pour les garder en vie avec toi : qu'il y ait un mâle et une femelle. De chaque espèce d'oiseaux, de chaque espèce de bestiaux, de chaque espèce de toutes les bestioles du sol, un couple viendra avec toi pour que tu les gardes en vie. De ton côté, procure-toi de tout ce qui se mange et fais-en provision : cela servira de nourriture pour toi et pour eux." Noé agit ainsi ; tout ce que Dieu lui avait commandé, il le fit. YHWH dit à Noé : "Entre dans l'arche, toi et toute ta famille, car je t'ai vu seul juste à mes yeux parmi cette génération. De tous les animaux purs, tu prendras sept paires, le mâle et sa femelle (et aussi des oiseaux du ciel, sept paires, le mâle et sa femelle), pour perpétuer la race sur toute la terre. Car encore sept jours et je ferai pleuvoir sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits et j'effacerai de la surface du sol tous les êtres que j'ai faits." Noé fit tout ce que YHWH lui avait commandé. Noé avait six cents ans quand arriva le déluge, les eaux sur la terre. Noé - avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils - entra dans l'arche pour échapper aux eaux du déluge. (Des animaux purs et des animaux qui ne sont pas purs, des oiseaux, et de tout ce qui rampe sur le sol, un couple entra dans l'arche de Noé, un mâle et une femelle, comme Dieu l'avait ordonné à Noé.) Au bout de sept jours, les eaux du déluge vinrent sur la terre. En l'an six cent de la vie de Noé, le second mois, le dix-septième jour du mois, ce jour-là jaillirent toutes les sources du grand abîme et les écluses du ciel s'ouvrirent. La pluie tomba sur la terre pendant quarante jours et quarante nuits. Ce jour même, Noé et ses fils, Sem, Cham et Japhet, avec la femme de Noé et les trois femmes de ses fils, entrèrent dans l'arche, et avec eux les bêtes sauvages de toute espèce, les bestiaux de toute espèce, les bestioles de toute espèce qui rampent sur la terre, les volatiles de toute espèce, tous les oiseaux, tout ce qui a des ailes. Auprès de Noé, entra dans l'arche un couple de tout ce qui est chair, ayant souffle de vie, ceux qui entrèrent étaient un mâle et une femelle de tout ce qui est chair, comme Dieu le lui avait commandé. Et YHWH ferma la porte sur de Noé. Il y eut le déluge pendant quarante jours sur la terre : les eaux grossirent et soulevèrent l'arche, qui fut élevée au-dessus de la terre. Les eaux montèrent et grossirent beaucoup sur la terre et l'arche s'en alla à la surface des eaux. Les eaux montèrent de plus en plus sur la terre et toutes les plus hautes montagnes qui sont sous tout le ciel furent couvertes. Les eaux montèrent quinze coudées plus haut, recouvrant les montagnes. Alors périt toute chair qui se meut sur la terre : oiseaux, bestiaux, bêtes sauvages, tout ce qui grouille sur la terre, et tous les hommes. Tout ce qui avait une haleine de vie dans les narines, c'est-à-dire tout ce qui était sur la terre ferme, mourut. Ainsi disparurent tous les êtres qui étaient à la surface du sol, depuis l'homme jusqu'aux bêtes, aux bestioles et aux oiseaux du ciel : ils furent effacés de la terre et il ne resta que Noé et ce qui était avec lui dans l'arche. La crue des eaux sur la terre dura cent cinquante jours. Alors Dieu se souvint de Noé et de toutes les bêtes sauvages et de tous les bestiaux qui étaient avec lui dans l'arche ; Dieu fit passer un vent sur la terre et les eaux désenflèrent. Les sources de l'abîme et les écluses du ciel furent fermées ; - la pluie fut retenue de tomber du ciel et les eaux se retirèrent petit à petit de la terre ; - les eaux baissèrent au bout de cent cinquante jours et, au septième mois, au dix-septième jour du mois, l'arche s'arrêta sur les monts d'Ararat. Les eaux continuèrent de baisser jusqu'au dixième mois et, au premier du dixième mois, apparurent les sommets des montagnes. Au bout de quarante jours, Noé ouvrit la fenêtre qu'il avait faite à l'arche et il lâcha le corbeau, qui alla et vint en attendant que les eaux aient séché sur la terre. Alors il lâcha d'auprès de lui la colombe pour voir si les eaux avaient diminué à la surface du sol. La colombe, ne trouvant pas un endroit où poser ses pattes, revint vers lui dans l'arche, car il y avait de l'eau sur toute 1a surface de la terre ; il étendit la main, la prit et la fit rentrer auprès de lui dans l'arche. Il attendit encore sept autres jours et lâcha de nouveau la colombe hors de l'arche. La colombe revint vers lui sur le soir et voici qu'elle avait dans le bec un rameau tout frais d'olivier ! Ainsi Noé connut que les eaux avaient diminué à la surface de la terre. Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe, qui ne revint plus vers lui. C'est en l'an six cent un de la vie de Noé, au premier mois, le premier du mois, que les eaux séchèrent sur la terre. Noé enleva la couverture de l'arche : il regarda, et voici que la surface du sol était sèche ! Au second mois, 1e vingt-septième jour du mois, la terre fut sèche. Alors Dieu parla ainsi à Noé : "Sors de l'arche, toi et ta femme, tes fils et les femmes de tes fils avec toi. Tous les animaux qui sont avec toi, tout ce qui est chair, oiseaux, bestiaux et tout ce qui rampe sur la terre, fais-les sortir avec toi ; qu'ils pullulent sur la terre, qu'ils soient féconds et multiplient sur la terre." Noé sortit avec ses fils, sa femme et les femmes de ses fils ; et toutes les bêtes sauvages, tous les bestiaux, tous les oiseaux, toutes les bestioles qui rampent sur la terre sortirent de l'arche, une espèce après l'autre. Noé construisit un autel à YHWH, il prit de tous les animaux purs et de tous les oiseaux purs et offrit des holocaustes sur l'autel. YHWH respira l'agréable odeur et il se dit en lui-même : "Je ne maudirai plus jamais la terre à cause de l'homme, parce que les desseins du coeur de l'homme sont mauvais dès son enfance ; plus jamais je ne frapperai tous les vivants comme j'ai fait. Tant que durera la terre, semailles et moisson, froidure et chaleur, été et hiver, jour et nuit ne cesseront plus." Dieu bénit Noé et ses fils et il leur dit : "Soyez féconds, multipliez, emplissez 1a terre. Soyez la crainte et l'effroi de tous les animaux de la terre et de tous les oiseaux du ciel, comme de tout ce dont la terre fourmille et de tous les poissons de la mer : ils sont livrés entre vos mains. Tout ce qui se meut et possède la vie vous servira de nourriture, je vous donne tout cela au même titre que la verdure des plantes. Seulement, vous ne mangerez pas la chair avec son âme, c'est-à-dire le sang. Mais je demanderai compte du sang de chacun de vous. J'en demanderai compte à tous les animaux et à l'homme, aux hommes entre eux, je demanderai compte de l'âme de l'homme. Qui verse le sang de l'homme, par l'homme aura son sang versé. Car à l'image de Dieu l'homme a été fait. Pour vous, soyez féconds, multipliez, pullulez sur la terre et la dominez." Dieu parla ainsi à Noé et à ses fils : "Voici que j'établis mon alliance avec vous et avec vos descendants après vous, et avec tous les êtres animés qui sont avec vous : oiseaux, bestiaux, toutes bêtes sauvages avec vous, bref tout ce qui est sorti de l'arche, tous les animaux de la terre. J'établis mon alliance avec vous tout ce qui est ne sera plus détruit par les eaux du déluge, il n'y aura plus de déluge pour ravager la terre." Et Dieu dit : "Voici le signe de l'alliance que j'institue entre moi et vous et tous les êtres vivants qui sont avec vous, pour les générations à venir : je mets mon arc dans la nuée et il deviendra un signe d'alliance entre moi et la terre. Lorsque j'assemblerai les nuées sur la terre et que l'arc apparaîtra dans la nuée, je me souviendrai de l'alliance qu'il y a entre moi et vous et tous les êtres vivants, en somme toute chair, et les eaux ne deviendront plus un déluge pour détruire toute chair. Quand l'arc sera dans la nuée, je le verrai et me souviendrai de l'alliance éternelle qu'il y a entre Dieu et tous les êtres vivants, en somme toute chair qui est sur la terre." Dieu dit à Noé : "Tel est le signe de l'alliance que j'établis entre moi et toute chair qui est sur la terre."

"L'histoire de la nature commence par le bien parce qu'elle est l'oeuvre de Dieu, l'histoire de la liberté commence par le mal parce qu'elle est l'oeuvre de l'homme", écrivait le philosophe Hegel. Par la se trouve résumé tout le contenu des premiers livres de la Genèse. Dieu a fait le monde et il vit que cela était bon, l'homme utilise la création à d'autres fins qui ne sont pas toujours bonne le récit du déluge vient confirmer cet aspect. L'histoire humaine se poursuit toujours avec un cortège de fautes. Face au méchant, nous sommes tentés d'exiger que sa faute soit punie. Maïs quand nous survient un malheur, nous nous interrogeons également : quelle faute a mérité ce châtiment ? L'histoire du déluge traînait dans les traditions du Moyen Orient antique. Reprise par la Bible, elle y est interprétée comme une intervention de Dieu nettoyant sa création...

 

Le pardon de Dieu

Certes, Dieu est l'ennemi du mal, mais il n'est pas l'ennemi du pécheur. Le Psaume 50 est la grande prière d'un pécheur. Il avoue loyalement son péché que pourtant Dieu seul connaît. Il reconnaît que devant la sainteté et la pureté absolues de Dieu, l'homme paraîtra toujours comme un être pécheur et souillé : Dieu seul peut le purifier. Ce même pécheur découvre alors que le repentir sincère vaut mieux que tous les sacrifices matériels ; il est confiant dans le pardon divin et s'engage â chanter sans cesse la grandeur et la bonté de Dieu.

Pitié pour moi, Dieu, en ta bonté,

en ta grande tendresse efface mon péché,

lave-moi tout entier de mon mal

et de ma faute purifie-moi.

Car mon péché, moi, je le connais,

ma faute est devant moi sans relâche ;

contre toi, toi seul, j'ai péché,

ce qui est mal à tes yeux, je l'ai fait.

Pour que tu montres ta justice quand tu parles

et que paraisse ta victoire quand tu juges.

Vois : mauvais je suis né.

pécheur ma mère m'a conçu.

Mais tu aimes la vérité au fond de l'être,

dans le secret tu m'enseignes la sagesse.

Ôte mes taches avec l'hysope, je serai pur ;

lave-moi, je serai blanc plus que neige.

Rends-moi le son de la joie et de la fête :

qu'ils dansent, les os que tu broyas !

Détourne ta face de mes fautes,

et tout mon mal, efface-le.

Dieu, crée pour moi un coeur pur,

restaure en ma poitrine un esprit ferme ;

ne me repousse pas loin de ta face,

ne m'enlève pas ton esprit de sainteté.

Rends-moi la joie de ton salut,

assure en moi un esprit magnanime.

Aux rebelles j'enseignerai tes voies,

vers toi reviendront les pécheurs.

Affranchis-moi du sang, Dieu, Dieu de mon salut,

et ma langue acclamera ta justice ;

Seigneur, ouvre mes lèvres,

et ma bouche publiera la louange,

Car tu ne prends aucun plaisir au sacrifice ;

un holocauste, tu n'en veux pas.

Le sacrifice à Dieu, c'est un esprit brisé ;

d'un coeur brisé, broyé, Dieu, tu n'as point de mépris.

En ton bon vouloir, fais du bien à Sion :

rebâtis les remparts de Jérusalem !

Alors tu te plairas aux sacrifices de justice

- holocauste et totale oblation -

alors on offrira de jeunes taureaux sur ton autel.

 

La Bible présente une sorte de petit vocabulaire du péché.

faute : d'une racine hébraïque qui signifie "rater, ne pas atteindre son but". Pécher, c'est donc manquer Dieu et par là même le véritable bonheur.

révolte : c'est la transgression volontaire du droit de l'autre, que ce soit Dieu, le peuple ou l'homme individuel.

perversion : d'une racine signifiant "tordre, dévier". Le pécheur, c'est l'homme au cœur tordu qui est appelé à la conversion.

mal : c'est le nom le plus banal du péché, qui désigne le malheur et le mal moral.

 

L'efficacité de la prière pour l'homme de l'Ancien Testament

Avec la présentation du psaume 50, exprimant une démarche pénitentielle d'un pécheur de l'Ancien Testament, nous sommes entrés dans le domaine de la prière pour les membres du peuple de Dieu. Il y a dans la Bible un recueil entier de prières, ce sont les Psaumes, qui sont au nombre de cent cinquante. Ils expriment différents thèmes de prière :

- prière de louange au Dieu créateur,

- prière de louange au dieu présent dans son temple

- prière d'espérance,

- prière de demande ou d'action de grâces,

- prière pour vivre,

- prière de la montée à Jérusalem, le lieu de pèlerinage.

Il serait toujours possible dans l'un ou l'autre groupe d'étudier un psaume dans toute sa richesse, afin de mieux le prier, à la manière du peuple juif, ou bien à la manière de l'Eglise, même si certains psaumes peuvent nous scandaliser encore aujourd'hui : comment demander à Dieu de tuer nos ennemis, de les étriper, de leur casser les dents...

Nous avons vu, par le Psaume 50, que l'homme, fût-il le plus grand des pécheurs, pouvait s'adresser à Dieu, en ayant l'assurance d'être entendu et d'être exaucé dans sa prière. Il est aussi possible de découvrir l’intercession d’Abraham, reconnu comme le père de tous les croyants, pour sauver la ville de Sodome.

Les trois visiteurs d'Abraham allaient partir pour Sodome. Le Seigneur dit : Comme elle est grande, la clameur qui monte de Sodome et de Gomorrhe ! Et leur faute, comme elle est lourde ! Je veux descendre pour voir si leur conduite correspond à la clameur venue jusqu'à moi. Si c'est faux, je le reconnaîtrai. Les deux hommes se dirigèrent vers Sodome, tandis qu'Abraham demeurait devant le Seigneur. Il s'avança et dit : Vas-tu vraiment faire périr le juste avec le pécheur ? Peut-être y a-t-il cinquante justes dans la ville. Vas-tu vraiment les faire périr ? Est-ce que tu ne pardonneras pas à cause des cinquante justes qui sont dans la ville ? Quelle horreur si tu faisais une chose pareille ! Faire mourir le juste avec le pécheur, traiter le juste de la même manière que le pécheur, quelle horreur ! Celui qui juge toute la terre va-t-il rendre une sentence contraire à la justice ? Le Seigneur répondit : Si je trouve cinquante justes dans Sodome, à cause eux, je pardonnerai à toute la ville. Abraham reprit : Oserai-je parler encore à mon Seigneur, moi qui suis poussière et cendre ? Peut-être, sur les cinquante justes en manquera-t-il cinq : pour ces cinq-là, vas-tu détruire toute la ville ? Il répondit : Non. je ne la détruirai pas, si j'en trouve quarante-cinq. Abraham insista : Peut-être en trouvera-t-on seulement quarante ? Le Seigneur répondit : Pour quarante, je ne le ferai pas. Abraham dit : Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, si j'ose parler encore : peut-être y en aura-t-il seulement trente ? Il répondit : Si j'en trouve trente, je ne le ferai pas. Abraham dit alors : Oserai-je parler encore à mon Seigneur ? Peut-être en trouvera-t-on seulement vingt ? Il répondit : Pour vingt, je ne détruirai pas. Il dit : Que mon Seigneur ne se mette pas en colère, je ne parlerai plus qu'une fois. Peut-être en trouvera-t-on seulement dix ? Et le Seigneur répondit : Pour dix, je ne détruirai pas la ville de Sodome.

Comme pour le déluge, la destruction de Sodome est présentée en termes de châtiment. Le péché ne peut pas être sans conséquences pour celui qui ne se convertit pas. Pourtant, par la voix d'Abraham, qui implore un maximum de pardon, la conscience humaine s'éveille à la délicatesse de la miséricorde. C'est aussi l'éveil de la conscience individuelle : il n'est pas normal que les justes soient sanctionnés par le châtiment des coupables, en raison de la responsabilité collective.

Ce récit de la destruction de Sodome ne traduit pas seulement la condamnation de la ville. C'est l'histoire de la mansuétude de Dieu qui apparaît. Il semblerait qu'en confiant son projet à Abraham, Dieu veuille lui manifester son scrupule face à cette destruction...

 

Le sacrifice d'Isaac

Pour répondre à l'appel de Dieu, Abraham avait quitté son pays, Ur en Mésopotamie, et il était parti pour le pays que Dieu lui montrerait. Abraham n'avait pas d'enfant et sa femme Sara était avancée en âge... Dieu lui promet une descendance, et la promesse de Dieu se réalise avec la naissance d'Isaac ("Dieu a souri"). Et pourtant, Abraham n'est peut-être pas encore bien dégagé des moeurs et des coutumes des gens de son ancien pays qui pratiquaient rituellement des sacrifices d'enfants. On offre aux dieux ce qu'on a de meilleur, en complément de la prière.

Abraham croit comprendre que Dieu lui de mande d'immoler son fils. C'est le récit qui se trouve ci-dessous où se manifeste également la foi d'Abraham en la Parole de Dieu et l'espérance que sa promesse se réalisera par les moyens qu'il voudra.

Dieu mit Abraham à l'épreuve. Il lui dit : Abraham ! Celui-ci répondit : Me voici ! Dieu dit : Prends ton fils, ton fils unique, celui que tu aimes, Isaac, va au pays de Moriah, et là tu l'offriras en sacrifice sur la montagne que je t'indiquerai. Abraham se leva de bon matin, sella son âne, et prit avec lui deux de ses serviteurs et son fils Isaac. Il fendit le bois pour le sacrifice, et se mit en route vers l'endroit que Dieu lui avait indiqué. Le troisième jour, Abraham, levant les yeux, vit l'endroit de loin. Abraham dit à ses serviteurs : Restez ici avec l'âne. Moi et l'enfant nous irons jusque là-bas pour adorer, puis nous reviendrons vers vous. Abraham prit le bois pour le sacrifice et le chargea sur son fils Isaac ; il prit le feu et le couteau, et tous deux s'en allèrent ensemble. Isaac interrogea son père Abraham : Mon père ! - Eh bien, mon fils ? Isaac reprit : Voilà le feu et le bois, mais où est l'agneau pour l'holocauste ? Abraham répondit : Dieu saura bien trouver l'agneau pour l'holocauste, mon fils, et ils s'en allaient tous les deux ensemble. Ils arrivèrent à l'endroit que Dieu avait indiqué. Abraham y éleva l'autel et disposa le bois, puis il lia son fils Isaac et le mit sur l'autel, par-dessus le bois. Abraham étendit la main et saisit le couteau pour immoler son fils. Mais l'Ange du Seigneur l'appela du haut du ciel et dit : Abraham ? Abraham ! Il répondit : Me voici ! L'Ange lui dit : Ne porte pas la main sur l'enfant ! Ne lui fais aucun mal ! Je sais maintenant que tu crains Dieu : tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique. Abraham leva les yeux et vit un bélier, qui s'était pris les cornes dans un buisson. Il alla prendre le bélier et l'offrit en holocauste à la place de son fils. Du ciel l'Ange du Seigneur appela une seconde fois Abraham : Je le jure par moi-même, déclare le Seigneur : parce que tu as fait cela, parce que tu ne m'as pas refusé ton fils, ton fils unique, je te comblerai de bénédictions, je rendrai ta descendance aussi nombreuse que les étoiles du ciel et que le sable au bord de la mer, et ta descendance tiendra les places fortes de ses ennemis.

 

Isaac et Jacob

L'épopée du clan d'Abraham se poursuit avec Isaac et Jacob. Il est toujours possible de relire tel ou tel texte de la Genèse, en se souvenant qu'il y a parfois des répétitions de récit concernant les mêmes personnages. L'explication en est relativement simple, même s'il faut effectuer un grand travail pour dégager les récits imbriqués les uns dans les autres. Les Anciens n'avaient pas la même notion de propriété littéraire que nous. Un récit appartenait à l'ensemble de la communauté et non pas à un seul rédacteur. De plus, la tradition orale développait les récits... Quand il est apparu important de regrouper par écrit tous ces récits, les rédacteurs n'ont voulu oublier aucune des traditions.

Jacob sortit de Béer-Sheva et partit pour Harran. Il fut surpris par le coucher du soleil en un lieu où il passa la nuit. Il prit une des pierres de l'endroit, en fit son chevet et coucha en ce lieu. Il eut un songe : voici qu'était dressée sur terre une échelle dont le sommet touchait le ciel, des anges de Dieu y montaient et y descendaient. Voici que le Seigneur se tenait près de lui et dit : Je suis le Seigneur, Dieu d'Abraham ton père et Dieu d'Isaac. La terre sur laquelle tu couches, je la donnerai à toi et à ta descendance. Ta descendance sera pareille à la poussière de la terre. Tu te répandras à l'ouest, à l'est, au nord et au sud. En toi et en ta descendance seront bénies toutes les familles de la terre. Vois ! je suis avec toi et je te garderai partout où tu iras et je te ferai revenir vers cette terre car je ne t'abandonnerai pas jusqu'à ce que j'aie accompli ce que j'ai dit. Jacob se réveilla de son sommeil et s'écria : Vraiment, c'est le Seigneur qui est ici et je ne le savais pas ! Il eut peur et s'écria : Que ce lieu est redoutable ! Il n'est autre que la maison de Dieu, c'est la porte du ciel. Jacob se leva de bon matin, il prit la pierre dont il avait fait son chevet, l'érigea en stèle et versa de l'huile au sommet. Il appela ce lieu Béthel, c'est-à-dire Maison de Dieu, mais auparavant le nom de la ville était Louz (Gen. 28, 10-19).

Cette nuit-là, Jacob se leva, il prit ses deux femmes, ses deux servantes, ses onze enfants et passa le gué du Yabboq. Il leur fit traverser le torrent et il fit passer aussi tout ce qui lui appartenait. Jacob resta seul. Or quelqu'un lutta avec lui jusqu'au lever de l'aurore. L'homme, voyant qu'il ne pouvait pas le vaincre, le frappa au creux de la hanche, et la hanche de Jacob se démit pendant ce combat. L'homme dit : Lâche-moi, car l'aurore est levée. Jacob répondit : Je ne te lâcherai que si tu me bénis. L'homme lui demanda : Quel est ton nom ? - Je m'appelle Jacob. - On ne t'appellera plus Jacob, mais Israël, parce que tu as lutté contre Dieu comme on lutte contre les hommes, et tu as vaincu. Jacob lui fit cette demande : Révèle-moi ton nom, je t'en prie. Il répondit : Pourquoi me demandes-tu mon nom ? Et à cet endroit, il le bénit. Jacob appela ce lieu Penouël, ce qui signifie : Face de Dieu, car il disait : J'ai vu Dieu face à face, et j'ai eu la vie sauve. Au lever du soleil, il traversa le torrent à Penouël. Il resta boiteux de la hanche (Gen. 32, 23-32).

Jacob, revenant de la plaine d'Aram, arriva sain et sauf à la ville de Sichem qui est au pays de Canaan et il campa devant la ville. Pour cent pièces d'argent, il acquit de la main des fils de Hamor, père de Sichem, une parcelle de champ où il avait planté sa tente (Gen. 33, 18-19).

Le songe de Jacob et son combat avec Dieu sont deux récits qui permettent de découvrir que Dieu lui-même n'est pas étranger à notre monde. Même l'homme de l'Ancien Testament éprouvait cette présence de Dieu à ses côtés. Dieu habite parmi les hommes. C'est le sens du terme "bethel". Dieu a dressé sa tente parmi les hommes, il les accompagne au long de leur vie.

La présence de Dieu n'est pas de tout repos pour le croyant : Dieu n'est pas, il n'a jamais été la solution toute faite à tous les problèmes que l'homme peut se poser au cours de son existence : "J'ai été un homme, disait GOETHE, c'est-à-dire un lutteur". Le croyant également se trouve ainsi défini comme un lutteur, et celui contre qui il lutte, c'est Dieu lui-même.

 

La constitution d'un peuple

"Chacun doit se considérer, de génération en génération, comme étant lui-même sorti Égypte, car il est écrit : En ce jour-là (le jour où l'on fête le souvenir de la sortie Égypte), dis à ton fils : C'est pour cela que le Seigneur est intervenu pour moi, quand je sortis Égypte..". Cet extrait du rituel de la Pâque juive indique bien l'importance de l'événement pour Israël. Tout au long de son histoire, le peuple, et les chrétiens à sa suite, ne cessera de méditer cet événement et d'en découvrir la signification. La sortie Égypte est l'événement qui situe le peuple sur un autre plan que les autres nations. Ce peuple existait avec Abraham et son clan, mais il n'existait qu'en promesse. L'Exode est réellement le moment où il est créé en tant que peuple.

 

La naissance et la vocation de Moïse

Depuis le temps de Jacob et de son fils Joseph, les Hébreux se sont installés en Égypte Ils sont devenus une nation particulière à l'intérieur d'un autre peuple. Les dirigeants Égypte ont pris ombrage de cette puissance étrangère dans leur propre pays. Les pharaons ont d'abord apprécié cette main-d'oeuvre active. Mais ils finissent par s'inquiéter devant l'explosion démographique de ce peuple d'immigrés sur la terre Égypte De nos jours encore, la présence, dans un pays, quel qu'il soit, d'immigrés trop nombreux suscite bien des conflits. C'est dans ce contexte de racisme et d'antisémitisme que se pose la question de la survie du peuple de Dieu. Comment peut-on encore croire en la promesse faite par Dieu aux pères dans la foi quand les enfants sont menacés de destruction ? Moïse sera choisi par Dieu pour prendre la tête du peuple. Sa vocation sera marquée, comme toute vocation, par une rencontre et par un appel à libérer ceux qui souffrent.

Un homme de la famille de Lévi avait épousé une fille de Lévi. La femme conçut, enfanta un fils, vit qu'il était beau et le cacha pendant trois mois. Ne pouvant le cacher plus longtemps, elle lui trouva une caisse en papyrus, l'enduisit de bitume et de poix, y mit l'enfant et le déposa dans les joncs sur les bords du Fleuve. La soeur de l'enfant se posta à distance pour voir ce qui lui adviendrait. Or, la fille de Pharaon descendit se laver au Fleuve. Elle vit la caisse parmi les joncs et envoya sa servante le prendre. Elle ouvrit et regarda l'enfant, c'était un garçon qui pleurait. Elle eut pitié de lui : C'est un enfant des Hébreux, dit-elle. Sa soeur dit à la fille de Pharaon : Veux-tu que j'aille appeler une nourrice chez les femmes des Hébreux ? Elle pourrait allaiter l'enfant pour toi. Va, lui dit la fille de Pharaon. Et la jeune fille appela la mère de l'enfant. Emmène cet enfant et allaite-le moi, lui dit la fille de Pharaon, et c'est moi qui te donnerai un salaire. La femme prit l'enfant et l'allaita. L'enfant grandit, elle l'amena à la fille de Pharaon, il devint pour elle un fils et elle lui donna le nom de Moïse, car, dit-elle, je l'ai tiré des eaux (Ex. 2, 1-10).

L'ange du Seigneur apparut à Moïse dans une flamme de feu au milieu du buisson. Moïse regarda, le buisson était en feu, et le buisson n'était pas dévoré. Moïse dit : Je vais faire un détour pour voir cette grande vision, pourquoi le buisson ne brûle-t-il pas ? Le Seigneur vit qu'il avait fait un détour pour voir, Dieu l'appela du milieu du buisson : Moïse ! Moïse ! Il dit : Me voici ! Il dit : N'approche pas d'ici ! Retire de tes pieds tes sandales, car le lieu où tu te tiens est une terre sainte. Il dit : Je suis le Dieu de ton père, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob. Moïse se voila la face car il craignait de regarder Dieu. Le Seigneur dit : J'ai vu la misère de mon peuple en Égypte et je l'ai entendu crier sous les coups de ses gardes-chiourmes. Oui, je connais ses souffrances. Je suis descendu pour le délivrer de la main des Égyptiens et le faire monter de ce pays vers un bon et vaste pays, vers un pays ruisselant de lait et de miel. Va maintenant, je t'envoie vers Pharaon, fais sortir Égypte mon peuple, les fils d'Israël... Moïse dit à Dieu : Voici ! Je vais aller vers les fils d'Israël et je leur dirai : le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. S'ils me disent : Quel est son nom ? Que leur dirai-je ? Dieu dit à Moïse : Je suis qui je serai. Il dit encore : Tu parleras ainsi aux fils d'Israël : Je suis m'a envoyé vers vous... Le Seigneur, Dieu de vos pères, Dieu d'Abraham, Dieu d'Isaac, Dieu de Jacob, m'a envoyé vers vous. C'est là mon nom à jamais, c'est ainsi qu'on m'invoquera d'âge en âge (Ex. 3, 3-14).

La vocation de Moïse se marque par une rencontre avec Dieu. Dieu ne cesse jamais, d'appeler des hommes au service de son peuple, au service des autres hommes. Qui dit "appel" dit aussi "mission".

La Pâque du peuple de Dieu et sa délivrance

Fort de sa mission, Moïse alerte ses frères de race, puis le pharaon qui refuse tout départ. C'est l'affrontement qui commence avec les "dix plaies" qui s'abattent sur Égypte, dix catastrophes qui finiront par faire plier le pharaon. A travers cette épopée, c'est la puissance de Dieu qui se manifeste : il est le maître de l'histoire et des événements, il combat victorieusement pour son peuple. Vient le jour du départ, la pâque, fête du printemps, qui prendra un sens nouveau, celui du passage de Dieu libérant son peuple. Après ce départ, le pharaon change d'avis et se lance à la poursuite des fuyards. Il les rejoint au bord de la Mer. La panique s'installe chez les Hébreux, coincés encre la mer et ses ennemis. Mais Dieu combat pour son peuple.

Dans le pays Égypte, le Seigneur dit à Moïse et à son frère Aaron : Ce mois-ci sera pour vous le premier des mois, il marquera le commencement de l'année. Parlez ainsi à toute la communauté d'Israël : le dix de ce mois, que l'on prenne un agneau par famille, un agneau par maison. Si la maisonnée est trop peu nombreuse pour un agneau, elle prendra avec elle son voisin le plus proche, selon le nombre de personnes. Vous choisirez l'agneau d'après ce que chacun peut manger. Ce sera un agneau sans défaut, un mâle, âgé d'un an. Vous prendrez un agneau ou un chevreau. Vous le garderez jusqu'au quatorzième jour du mois. Dans toute l'assemblée de la communauté d'Israël, on l'égorgera au coucher du soleil. On prendra du sang que l'on mettra sur les deux montants et le linteau des maisons où on le mangera. On mangera sa chair cette nuit-là, on la mangera rôtie au feu, avec des pains sans levain et des herbes amères. Vous mangerez ainsi : la ceinture aux reins, les sandales aux pieds. Vous mangerez en toute hâte : c'est la Pâque du Seigneur. Cette nuit-là, je traverserai le pays Égypte, je frapperai tout premier-né au pays Égypte, depuis les hommes jusqu'au bétail. Contre tous les dieux de Égypte, j'exercerai mes jugements : je suis le Seigneur. Le sang sera pour vous un signe sur les maisons où vous serez. Je verrai le sang et je passerai : vous ne serez pas atteint par le fléau dont je frapperai le pays Égypte Ce jour-là sera pour vous un mémorial. Vous en ferez pour le Seigneur une fête de pèlerinage. C'est une loi perpétuelle : d'âge en âge, vous la fêterez (Ex. 12, 1-14).

Les fils d'Israël, voyant les Égyptiens lancés à leur poursuite, étaient effrayés. Le Seigneur dit à Moïse : Pourquoi crier vers moi ? Ordonne aux fils d'Israël de se mettre en route. Toi, lève ton bâton, étends le bras contre la mer, fends-la en deux, et que les fils d'Israël pénètrent dans la mer à pied sec. Et moi, je vais endurcir le coeur des Égyptiens, ils pénétreront derrière eux dans la mer, je triompherai pour ma gloire de Pharaon et de toute son armée, de ses chars et de ses guerriers. Les Égyptiens sauront que je suis le Seigneur quand j'aurai triomphe pour ma gloire de Pharaon, de ses chars et de ses guerriers. Moïse étendit la main sur la mer. Le Seigneur refoula la mer toute la nuit par un vent d'est puissant et il mit la mer à sec. Les eaux se fendirent et les fils d'Israël pénétrèrent au milieu de la mer à pied sec, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche. Les Égyptiens les poursuivirent et pénétrèrent derrière eux jusqu'au milieu de la mer. Aux dernières heures de la nuit, le Seigneur observa l'armée des Égyptiens, et il la mit en déroute. Il faussa les roues de leurs chars et ils eurent beaucoup de peine à les conduire. Les Égyptiens s'écrièrent : Fuyons devant Israël, car c'est le Seigneur qui combat pour eux contre nous. Le Seigneur dit à Moïse : Étends la main, que les eaux reviennent sur Égypte, sur ses chars et ses cavaliers. Moïse étendit la main sur la mer. A l'approche du matin, la mer revint à sa place habituelle, tandis que les Égyptiens fuyaient à sa rencontre. Et le Seigneur se débarrassa des Égyptiens au milieu de la mer. Les eaux refluèrent et recouvrirent toute l'armée de Pharaon, ses chars et ses guerriers, qui avaient pénétré dans la mer à la poursuite d'Israël. Il n'en resta pas un seul. Mais les fils d'Israël avaient marché à pied sec au milieu de la mer, les eaux formant une muraille à leur droite et à leur gauche. Ce jour-là, le Seigneur sauva Israël de la main de Égypte et Israël vit sur le bord de la mer les cadavres des Égyptiens Israël vit avec quelle main puissante le Seigneur avait agi contre Égypte Le peuple craignit le Seigneur, il mit sa foi dans le Seigneur et dans son serviteur Moïse, et les fils d'Israël chantèrent un cantique au Seigneur (Ex. 14, 10 - 15, 1).

 

Le désert dans la Bible

On parle souvent du désert dans la Bible. Ce mot désigne divers lieux désertiques, traversés à diverses époques : par les Hébreux à leur sortie Égypte sous la conduite de Moise, par les Sionistes au retour de Babylone où ils avaient été déportés, par Jean Baptiste, puis par Jésus de Nazareth. Mais ils se réfèrent tous quant à leur signification au désert par excellence que fut le Sinaï.

Le "temps" du désert - l'Exode - représente pour les Hébreux, le moment de l'irruption de Dieu dans l'histoire humaine. C'est le fondement de leur foi. Ils n'existent comme peuple, et comme peuple religieux, que parce que Dieu leur a fait traverser le désert. C'est la "matrice" d'Israël. C'est dans le creuset du désert que ces peuplades hétéroclites qui avaient fui l'esclavage Égypte se sont soudées entre elles.

Au désert est scellée l'Alliance avec YHWH et les tribus qui se donnent un même code civil et religieux : la Loi et toute une organisation commune dans l'ordre temporel et culturel. On y apprend donc à vivre ensemble et avec Dieu, Dans la Bible chaque fois que YHWH voudra resserrer les liens de ses fidèles avec Lui et entre eux, il les renverra au désert : c'est le sens qu'ont donné le prophète Osée à l'exil des Samaritains en Assyrie, et Isaïe à la déportation en Babylonie :

Je l'attirerai (l'épouse infidèle)

et la conduirai au désert

et là je parlerai à son coeur

elle répondra comme aux jours de sa jeunesse,

aux jours où elle sortit du pays Égypte

Le désert moyen transitoire de purification où l'homme se découvre tel qu'il est dans toute sa pauvreté. Lieu du ressourcement aussi des hommes de Dieu qui fuient, pour un temps, la société corrompue des hommes pour refaire leurs forces dans une intimité plus grande au Dieu de l'Alliance : Élie fuit sa patrie engluée dans l'idolâtrie ; Jérémie se retire, seul, loin des rieurs qui se moquent de Dieu ; Jean-Baptiste s'éloigne de la pourriture du monde de son temps. Mais dès qu'ils ont accompli ce pèlerinage aux sources, ces témoins du Très-Haut sont renvoyés par Lui vers leurs frères pour construire le peuple de Dieu. Pèlerins de l'absolu ils traversent le désert de la vie, les yeux fixés sur la Terre promise.

Dieu fait alliance avec son peuple : le don de la Loi

Dieu nourrit son peuple au long de sa traversée du désert. C'est la preuve qu'il est un Dieu qui s'intéresse à ce qui fait le coeur même de l'existence humaine. La question de la survie, dans les conditions les plus éprouvantes de la sécheresse ou du désert, conduit chaque individu à se poser la même question : Dieu est-il avec nous ? Si Dieu nourrit son peuple, il l'invite quand même à répondre à une autre question, une question tour aussi fondamentale pour l'alliance de Dieu et du peuple : sommes-nous avec Dieu ? C'est une question comparable qui sera posée implicitement par Jésus au moment de la multiplication des pains. En donnant à marger à une foule, Jésus invitera ses disciples à répondre à cette question : voulez-vous rester avec moi ou préférez-vous partir ? Le prodige n'oblige pas la liberté humaine, il conduit l'intelligence à discerne le sens des signes qui lui sont proposés.

 

La manne et l'alliance du Sinaï

Les fils d'Israël leur dirent : Ah ! Il aurait mieux valu mourir de la main du Seigneur, au pays d'Égypte, quand nous étions assis près des marmites de viande, quand nous mangions du pain à satiété ! Vous nous avez fait sortir dans ce désert pour faire mourir de faim tout ce peuple assemblé ! Le Seigneur dit à Moïse : Voici que, du ciel, je vais faire pleuvoir du pain. Le peuple sortira pour recueillir chaque jour sa ration quotidienne, et ainsi je vais le mettre à l'épreuve : je verrai s'il obéit, ou non, à ma loi. Le Seigneur dit alors à Moïse : J'ai entendu les récriminations des fils d'Israël. Tu leur diras : Après le coucher du soleil, vous mangerez de la viande et, le lendemain matin, vous aurez du pain à satiété. Vous reconnaîtrez alors que moi, le Seigneur, je suis votre Dieu. Le soir même, surgit un vol de cailles qui recouvrirent le camp ; et, le lendemain matin, il y avait une couche de rosée autour du camp. Lorsque la couche de rosée s'évapora, il y avait à la surface du désert, une fine croûte, quelque chose de fin comme du givre sur le sol. Quand ils virent cela, les fils d'Israël se dirent l'un à l'autre : Mann hou ?, ce qui veut dire : Qu'est-ce que c'est ?, car ils ne savaient pas ce que c'était. Moïse leur dit : - C'est le pain que le Seigneur vous donne à manger. La maison d'Israël l'appela du nom de manne. C'était comme de la graine de coriandre ; elle était blanche et avait le goût d'une galette de miel.

Dieu prononça toutes ces paroles : C'est moi le Seigneur, ton Dieu, qui t'ai fait sortir Égypte, de la maison de servitude. Tu n'auras pas d'autres dieux face à moi. Tu ne te feras pas d'idoles... Tu ne te prosterneras pas devant ces dieux et tu ne les serviras pas, car c'est moi le Seigneur, ton Dieu... Tu ne prononceras pas à tort le nom du Seigneur, ton Dieu, car le Seigneur n'acquitte pas celui qui prononce son nom à tort. Que du jour du sabbat, on fasse un mémorial, en le tenant pour sacré. Tu travailleras six jours, faisant tout ton ouvrage, mais le septième jour, c'est le sabbat du Seigneur, ton Dieu. Tu ne te feras aucun ouvrage, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, pas plus que ton serviteur, ta servante, tes bêtes ou l'émigré que tu as dans tes villes. Car en six jours, le Seigneur a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent, mais il s'est reposé le septième jour. C'est pourquoi le Seigneur a béni le jour du sabbat et l'a consacré. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours se prolongent sur la terre que te donne le Seigneur ton Dieu. Tu ne commettras pas de meurtre. Tu ne commettras pas d'adultère. Tu ne commettras pas de rapt. Tu ne témoigneras pas faussement contre ton prochain. Tu n'auras pas de visées sur la femme de ton prochain, si sur son serviteur, sa servante, ni rien qui appartienne à ton prochain (Ex. 20, 1-17).

Écoute, Israël : le Seigneur notre Dieu est l'Unique. Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton coeur, de toute ton âme et de toute ta force. Ces commandements que je te donne aujourd'hui resteront dans ton coeur. Tu les rediras à tes fils, tu les répéteras sans cesse, à la maison ou en voyage, que tu sois couché ou que tu sois levé ; tu les attacheras à ton poignet comme un signe, tu les fixeras comme une marque sur ton front, tu les inscriras à l'entrée de ta maison et aux portes de tes villes. Lorsque demain ton fils te demandera : "Qu'est-ce que ces ordres, ces décrets et ces jugements que YHWH, notre Dieu, nous a prescrits ?, tu diras à ton fils : "Nous étions esclaves de Pharaon en Égypte, et YHWH nous a fait sortir à main forte. YHWH a opéré, sous nos yeux, des signes et des prodiges grands et funestes contre Égypte, contre Pharaon et toute sa maison. Et nous, il nous a fait sortir de là, afin de nous faire entrer, pour nous le donner, dans le pays qu'il avait promis par serment à nos pères. Et ce sera notre justice que de veiller à pratiquer tout ce commandement devant YHWH, notre Dieu, selon ce qu'il nous a commandé. Si le Seigneur s'est attaché à vous, s'il vous a choisis, ce n'est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. C'est par amour pour vous, et par fidélité au serment fait à vos pères, que le Seigneur vous a fait sortir par la force de sa main, et vous a délivrés de la maison d'esclavage et de la main de Pharaon, roi d'Égypte. Vous saurez donc que le Seigneur votre Dieu est le vrai Dieu, le Dieu fidèle qui garde son Alliance et son amour pour mille générations à ceux qui l'aiment et gardent ses commandements.

Un auteur du deuxième siècle de l'ère chrétienne, appelé le Pseudo-Barnabé, a écrit un texte pour illustrer la loi mosaïque en harmonie avec les soucis de son époque.

Voici le chemin de la lumière. Si quelqu'un veut le suivre jusqu'au but qu'il s'est fixé, il doit s'appliquer avec zèle à ses oeuvres. Voici donc la connaissance qui nous a été donnée pour marcher sur cette route !

Tu aimeras celui qui t'a créé, tu craindras celui qui t'a formé, tu glorifieras celui qui t'a racheté de la mort, tu seras simple de coeur et riche de l'Esprit-Saint, tu ne t'attacheras pas â ceux qui suivent le chemin de la mort, tu haïras toute hypocrisie, tu ne t'élèveras pas toi-même ; mais tu seras humble en toute chose , tu haïras tout ce qui n'est pas agréable â Dieu, tu ne t'attribueras pas la gloire, tu n'auras pas de mauvais vouloir contre ton prochain, tu ne t'abandonneras pas à l'arrogance.

Tu aimeras ton prochain plus que toi-même, tu ne supprimeras pas l'enfant pas l'avortement et tu ne le feras pas périr après sa naissance. Tu n'abandonneras pas ton autorité sur ton fils ou sur ta fille, mais dès leur naissance, tu leur enseigneras la crainte du Seigneur. Tu ne convoiteras pas le bien de ton prochain, tu ne seras pas cupide, tu n'attacheras pas ton coeur aux orgueilleux, mais tu fréquenteras les justes et mes humbles.

Tu accueilleras tout ce qui t'arrive comme un bienfait, sachant que rien ne se produit sans la volonté de Dieu. Tu ne seras pas double ni en pensée ni en parole, car la duplicité dans le langage est un piège mortel.

Tu partageras tous ces biens avec ton prochain et tu ne diras pas que quelque chose t'appartient en propre, car si vous possédez en commun les biens impérissables, combien plus les biens périssables !

Tu ne seras pas bavard, car la langue est un piège mortel. Autant qu'il sera possible, pour le bien de ton âme, tu seras chaste. N'aie pus la main tendue pour prendre et fermée pour donner. Tu aimeras comme la prunelle de ton oeil tous ceux qui t'annonceront la parole du Seigneur.

Nuit et jour, tu te rappelleras le jour du jugement. Tu chercheras la compagnie des saints. Chaque jour, tu chercheras à travailler par la parole, à aller porter l'exhortation en te préoccupant de sauver ton âme par le ministère de la parole, ou bien à travailler de tes mains pour racheter tes péchés.

Tu n'hésiteras pas â donner, tu donneras sans murmurer, et tu connaîtras quel est celui qui récompense largement. Tu garderas ce qu'on t'a confié, sans ajouter ni retrancher.

Jusqu'au bout, tu haïras le mal. Tu jugeras avec justice, tu ne provoqueras pas de divisions, mais tu rétabliras la paix en rapprochant les adversaires. Tu confesseras tes péchés. Tu ne viendras pas à la prière avec une conscience mauvaise. Tel est le chemin de la lumière.

                 Écrits du Pseudo-Barnabé

 

Une profession de foi d'Israël

Je déclare aujourd'hui à YHWH mon Dieu

que je suis arrivé au pays

que YHWH avait juré à nos pères de nous donner.

Mon père était un Araméen errant.

Il descendit en Égypte,

et c'est en petit nombre qu'il vint s'y réfugier,

afin d'y devenir une nation grande, puissante et nombreuse.

Les Égyptiens nous maltraitèrent, nous brimèrent

et nous imposèrent une dure servitude.

Nous avons fait appel à YHWH, le Dieu de nos pères.

YHWH entendit notre voix,

il vit notre misère, notre peine et notre état d'oppression.

Et YHWH nous fit sortir Égypte, à main forte et à bras étendu,

par une grande terreur, des signes et des prodiges.

Il nous a conduits ici, et nous a donné ce pays,

pays où ruissellent le lait et le miel.

Voici que j'apporte maintenant les prémices de la terre,

que tu m'a donnée, YHWH                 Deutéronome 26, 3 b + 5 b - 10 a

 

Dieu guide son peuple par les prophètes

Les prophètes se considèrent comme les dépositaires de la Parole de Dieu ainsi que comme les garants de tout le patrimoine du peuple en face de Dieu.

Dans l'Ancien orient, le phénomène prophétique est lié à la divination ; c'est une tentative pour l'homme d'interroger la divinité sur les affaires de la cité. La Grèce, la Syrie, la Mésopotamie, l’Égypte… connaissent ce phénomène de la divination. C'est un fait culturel dont l'interprétation est souvent ambiguë Le prophète est avant tout un prédicateur, il n'est pas un écrivain. Mais l'essentiel du témoignage prophétique a été mis par écrit par les disciples qui ont adapté le message à des situations particulières. Son rôle est essentiellement de rappeler au peuple qu'il lui revient d'observer la Loi de Moïse. Le contenu de son message est une prédication et non pas une prédiction. Cerces, la plupart des prophètes font des prédictions, dont la réalisation peut être proche ou lointaine, notamment en ce qui concerne la venue du Messie, l'Envoyé de Dieu... Mais il arrive aussi que les prophètes se trompent dans leurs prédictions ou que celles-ci soient très difficiles à vérifier. Ce qu'ils demandent au peuple de comprendre, ce n'est pas l'événement qu'ils peuvent annoncer, mais plutôt la signification spirituelle de l'alliance de Dieu avec son peuple, une alliance qui se renouvelle au cours de l'histoire.

Le livre de Jonas se présente comme une légende prophétique. Plus qu'un recueil d'enseignement, c'est le récit de l'histoire d'un prophète qui refuse d'obéir à Dieu et à l'ordre qui lui est donné. Il part dans la direction opposée à la ville de Ninive qu'il devait convertir. Il devient la cause du malheur de ceux qu'il fréquence. Jeté à la mer, il est sauvé miraculeusement, en raison de sa prière fervente, par un monstre marin dans lequel il passe trois jours et trois nuits. Après cet événement, le prophète accomplit sa mission, il prêche la conversion à Ninive et toute la ville donne des preuves de changement de conduite, si bien que Dieu renonce à détruire Ninive, ce qui entraîne la colère du prophète réclame la mort. Le livre se termine sans que l'on sache ce qu'il advient du prophète après sa prière pour demander la mort...

La parole du Seigneur s'adressa à Jonas fils d'Amittaï : Lève-toi ! va à Ninive la grande ville et profère contre elle un oracle parce que la méchanceté de ses habitants est montée jusqu'à moi. Jonas se leva, mais pour fuir à Tarsis hors de la présence du Seigneur. Il descendit à Jaffa, y trouva un navire construit pour aller à Tarsis ; il l'affréta, s'embarqua pour se faire conduire par l'équipage à Tarsis hors de la présence du Seigneur. Mais le Seigneur lança sur la mer un vent violent : aussitôt la mer se déchaîna à tel point que le navire menaçait de se briser. Les marins, saisis de peur, appelèrent au secours, chacun s'adressant à son dieu, et, pour s'alléger, ils lancèrent à la mer tous les objets qui se trouvaient à bord. Quant à Jonas retiré au fond du vaisseau. Il s'était couché et dormait profondément.

Alors le capitaine s'approcha de lui et lui dit : Hé ! quoi ! tu dors !... Lève-toi, invoque ton dieu. Peut-être ce dieu-là songera-t-il à nous et nous ne périrons pas. Puis ils se dirent entre eux : Venez, consultons les sorts pour connaître le responsable du malheur qui nous frappe. Ils consultèrent les sorts qui désignèrent Jonas.

Ils lui dirent donc : Fais-nous savoir quelle est ta mission. D'où viens-tu ? De quel pays es-tu ? Quelle est ta nationalité ? Il leur répondit : Je suis hébreu, et c'est le Seigneur Dieu du ciel que je vénère, celui qui a fait la mer et les continents. Saisis d'une grande crainte, les hommes lui dirent: Qu'as-tu fait là ! D'après le récit qu'il leur fit, ils apprirent, en effet, qu'il fuyait hors de la présence du Seigneur. Qu'allons-nous te faire, pour que la mer cesse d'être contre nous ? lui dirent-ils, car la mer était de plus en plus démontée. Il leur dit : Hissez-moi et lancez-moi à la mer pour qu'elle cesse d'être contre vous ; je sais bien que c'est à cause de moi que cette grande tempête est contre vous. Cependant les hommes ramaient pour rejoindre la terre ferme, mais en vain : la mer de plus en plus démontée se déchaînait contre eux. Ils invoquèrent donc le Seigneur et s'écrièrent : Ah ! Seigneur, nous ne voulons pas périr en partageant le sort de cet homme. Ne nous charge pas d'un meurtre dont ns sommes innocents. Car c'est toi Seigneur qui fais ce qu'il te plaît. Les hommes hissèrent alors Jonas et le lancèrent à la mer. Aussitôt la mer se tint immobile, calmée de sa fureur. Et les hommes furent saisis d'une grande crainte à l'égard du Seigneur, lui offrirent un sacrifice et firent des voeux.

Alors le Seigneur dépêcha un grand poisson pour engloutir Jonas. Jonas demeura dans les entrailles du poisson, trois jours et trois nuits. Des entrailles du poisson, il pria le Seigneur, son Dieu. Il dit : Dans l'angoisse qui m'étreint, j'implore le Seigneur : il me répond ; du ventre de la Mort, j'appelle au secours : tu entends ma voix. Tu m'as jeté dans le gouffre au cœur des océans où le courant m'encercle ; toutes tes vagues et tes lames déferlent sur moi. Si bien que je me dis : Je suis chassé de devant tes yeux. Mais pourtant je continue à regarder vers ton Temple saint. Les eaux m'enserrent jusqu'à m'asphyxier tandis que les flots de l'abîme m'encerclent ; les joncs sont entrelacés autour de ma tête. Je suis descendu jusqu'à la matrice des montagnes ; à jamais les verrous du pays - de la Mort - sont tirés sur moi. Mais de la fosse tu me feras remonter vivant, oh ! Seigneur mon Dieu ! Alors que mon souffle défaille et me trahit, je me souviens et je dis : Seigneur, Et ma prière parvient jusqu'à to jusqu'à ton Temple saint. Les fanatiques des vaines idoles, qu'ils renoncent à leur dévotion ! Pour moi, au chant d'actions de grâce je veux t'offrir des sacrifices, et accomplir les voeux que je fais. Au Seigneur appartient le salut !

Alors le Seigneur commanda au poisson et aussitôt le poisson vomit Jonas sur la terre ferme. La parole du Seigneur s'adressa une seconde fois à Jonas : Lève-toi, va à Ninive la grande ville et profère contre elle l'oracle que je te communiquerai. Jonas se leva et partit, mais cette fois pour Ninive, se conformant à la parole du Seigneur. Or Ninive était devenue une ville excessivement grande : on mettait trois jours pour la traverser. Jonas avait à peine marché une journée en proférant cet oracle : Encore quarante jours et Ninive sera mise sens dessus dessous, que déjà ses habitants croyaient en Dieu. Ils proclamèrent un jeûne et se revêtirent de sacs, des grands jusqu'aux petits. La nouvelle parvint au roi de Ninive. Il se leva de son trône, fit glisser sa robe royale, se couvrit d'un sac, s'assit sur de la cendre, proclama l'état d'alerte et fit annoncer dans Ninive : Par décret du roi et de son gouvernement, interdiction est faite aux hommes et aux bêtes, au gros et au petit bétail, de goûter à quoi que soit ; interdiction est faite de paître et interdiction est faite de boire de l'eau. Hommes et bêtes se couvriront de sacs et ils invoqueront Dieu avec force. Chacun se convertira de son mauvais chemin et de la violence qui reste attachée à ses mains. Qui sait ! peut-être Dieu se ravisera-t-il, reviendra-t-il sur sa décision et retirera-t-il sa menace ; ainsi nous ne périrons pas. Dieu vit leur réaction : ils revenaient de leur mauvais chemin. Aussi revint-il sur sa décision de leur faire le mal qu'il avait annoncé. Il ne le fit pas.

Jonas le prit très mal, et il se fâcha. Il pria le Seigneur et dit : Ah ! Seigneur ! n'est-ce pas précisément ce que je me disais quand je vivais sur mon terroir ? Voilà pourquoi je m'étais empressé de fuir à Tarsis. Je savais bien que tu es un Dieu bienveillant et miséricordieux, lent à la colère et plein de fidélité, et qui revient sur sa décision. Maintenant, Seigneur, je t'en prie, retire-moi la vie ; mieux vaut pour moi mourir que vivre ! As-tu raison de te fâcher ? lui dit le Seigneur. Jonas sortit et s'installa à l'est de la ville. Là, il se construisit une hutte et s'assit dessous, à l'ombre, en attendant de voir ce qui se passerait dans la ville. Alors le Seigneur Dieu dépêcha une plante qui grandit au-dessus de Jonas de sorte qu'il y avait de l'ombre sur sa tête pour le tirer de sa mauvaise passe. Cette plante causa une grande joie à Jonas. Le lendemain, à l'aurore, Dieu dépêcha un ver qui attaqua la plante ; elle creva. Puis, quand le soleil se mit à briller, Dieu dépêcha un vent d'est cinglant et le soleil tapa sur la tête de Jonas...

Prêt à s'évanouir, Jonas demandait à mourir ; il disait : Mieux vaut pour moi mourir que vivre. Alors Dieu lui dit : As-tu raison de te fâcher à cause de cette plante ? Jonas lui ré pondit : Oui, j'ai raison de me fâcher à mort. Le Seigneur lui dit : Toi, tu as pitié de cette plante pour laquelle tu n'as pas peiné et que tu n'as pas fait croître ; fille d'une nuit elle a disparu âgée d'une nuit. Et moi je n'aurais pas pitié de Ninive la grande ville où il y a plus de cent vingt mille êtres humains qui ne sa vent distinguer leur droite de leur gauche, et des bêtes sans nombre !

Le livre de Jonas présente l'immense avantage d'être très bref et d'avancer au premier plan toutes les caractéristiques principales du prophète : sa vocation, sa prière, la réalisation de sa mission, l'attitude de l'homme qui se trouve dépassé par l'action de Dieu, l'attitude de l'homme qui se révolte contre Dieu qui ne réalise pas ce qu'il attendait... Comment pourrait-on définir un prophète hier et aujourd'hui ?

La mission prophétique ne se situe pas à l'extérieur de la vie du prophète. Celui-ci fait l'expérience de Dieu dans les grands événements de la vie politique comme dans l'existence quotidienne. C'est alors que le prophète découvre la Parole de Dieu dans les signes qui lui sont proposés.

Le cas du prophète Jonas est quelque peu exceptionnel. Il n'est pas envoyé prophétiser au peuple d'Israël, mais à des païens. Les prophètes ne sont guère écoutés dans leur propre pays. Et voici que Jonas est écouté chez les païens, au point qu'ils se convertissent. 

L'espérance d'un monde nouveau 

La mission de Jean Baptiste

Au premier siècle, la Palestine, le pays de Jésus, est sous le régime de l'occupation romaine. En 31 avant Jésus-Christ, l'empereur Auguste est à la tête de l'empire romain qui occupe les rives de la Méditerranée et des territoires comme la Gaule et l'Espagne. La Judée, province du Sud de la Palestine, est contrôlée par un fonctionnaire, appelé gouverneur ou procurateur. Il est chargé des affaires militaires, judiciaires et économiques. Il réside habituellement à Césarée Maritime où stationnent les troupes. Il monte à Jérusalem pour les fêtes rassemblant de grandes foules. A Rome, l'empereur est vénéré comme un dieu : ce culte impérial va être une source de conflits avec le judaïsme. Face au régime établi, le peuple d'Israël garde l'espérance : les promesses de Dieu ne peuvent pas décevoir éternellement son peuple. Car la société juive est une théocratie : Dieu dirige la nation par ses représentants. La Torah, la Loi de Dieu, donnée à Moïse, constitue le fondement de la vie nationale. La Torah comporte les commandements de Dieu et tout un code de morale et de religion, ainsi que d'organisation sociale. Les fidèles acceptent toutes ces lois pour vivre en présence de Dieu et vénérer sa gloire.

Alors paraît Jean, fils de Zacharie, il mène dans le désert une vie insolite qui contraste avec celle des puissants auxquels font allusion les évangélistes Luc et Matthieu.

L'an quinze du gouvernement de Tibère César, Ponce Pilate étant gouverneur de la Judée, Hérode tétrarque de Galilée, Philippe son frère tétrarque du pays d'Iturée et de Tractonitide, et Lysanias, tétrarque d'Abilène, sous le sacerdoce de Hanne et Caïphe, la parole de Dieu fut adressée à Jean, fils de Zacharie dans le désert. Il vint dans toute la région du Jourdain, proclamant un baptême de conversion en vue du pardon des péchés comme il est écrit au livre des oracles du prophète Esaïe : Une voix crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Tout ravin sera comblé, toute montagne et toute colline seront abaissées, les passages tortueux seront redressés, les chemins rocailleux aplanis, et tous verront le salut de Dieu. (Luc 3, 1-6).

En ces jours-là, paraît Jean le Baptiste, proclamant dans le désert de Judée : Convertissez-vous, le Règne des cieux s'est approché ! C'est lui dont avait parlé le prophète Esaïe, quand il disait : Une voie crie dans le désert : Préparez le chemin du Seigneur, rendez droits ses sentiers. Jean avait un vêtement de poil de chameau et une ceinture de cuir autour des reins, il se nourrissait de sauterelles et de miel sauvage. Alors Jérusalem, toute la Judée et toute la région du Jourdain se rendaient auprès de lui, ils se faisaient baptiser par lui dans le Jourdain en confessant leurs péchés. Comme il voyait beaucoup de Pharisiens et de Sadducéens venir à son baptême, il leur dit : Engeance de vipères, qui vous a montré le moyen d'échapper à la colère qui vient ? Produisez donc du fruit qui témoigne de votre conversion, et ne vous avisez pas de dire en vous-même : Nous avons Abraham pour père. Car je vous le dis, des pierres que voici, Dieu peut susciter des enfants à Abraham. Déjà la hache est prête à attaquer la racine des arbres, tout arbre qui ne produit pas de bons fruits va être coupé et jeté au feu. Moi je vous baptise dans l'eau en vue de la conversion, mais celui qui vient après moi est plus fort que moi, je ne suis pas digne de lui ôter ses sandales, lui, il vous baptisera dans l'Esprit Saint et le feu. Il a sa pelle à vanner à la main, il va nettoyer son aire et recueillir son blé dans son grenier, mais la bale, il la brûlera au feu qui ne s'éteint pas. (Matthieu 3, 1-12).

Jean se situe dans la lignée des prophètes qui annonçaient la venue d'un sauveur. Toute son activité sera de préparer cette venue, de lui préparer un chemin par sa prédication. Jean crie dans le désert. Et la Parole de Dieu fait de ce désert un chantier. Le désert, c'est le chaos. Mais, de ce chaos, Dieu va faire surgir un monde nouveau, différent de celui des princes et des puissants de la terre. Le chantier est immense : il faut préparer la route au Seigneur ! Ce que proclame Jean, en rappelant les paroles d'Esaïe, apparaît, dans l'évangile selon saint Luc, comme l'écho du cantique de la Vierge Marie : Mon âme exalte le Seigneur, il abaisse les puissants, il élève les humbles, il renvoie les riches les mains vides, il comble de bien les affamés. Le chantier pour la construction du monde nouveau implique que tous les hommes vivent dans la justice et la fraternité. Alors, tous pourront se reconnaître comme frères, comme fils d'un même Père. Ce chantier continue aujourd'hui, il s'agit pour nous de créer des occasions de rencontre, rencontre des uns avec les autres, mais aussi rencontre de chacun avec la Parole de Dieu. La véritable rencontre n'est-elle pas celle de Jésus-Christ, le chemin de la rencontre de l'homme et de Dieu.

Qui est cet homme, Jésus de Nazareth ?

On recherche Jésus Christ, autrement dit le Messie, le Fils de Dieu, Roi des Rois, prince de la paix, etc...

Pour les raisons suivantes : il pratique la médecine, distribue le pain et le vin sans autorisation ; il en veut aux gens d'affaires des Églises, il s'associe avec les criminels, les prostituées, les gens des rues ; il déclare qu'il a le pouvoir de transformer les gens en enfants de Dieu.

Son portrait : typiquement hippie, avec ses longs cheveux, sa barbe, sa robe, ses sandales. Il hante les bidonvilles, n'a que peu d'amis riches et va souvent dans le désert.

Son message est insidieusement révolutionnaire. Il change les hommes et les appelle à se libérer.

Attention ! On ne l'a toujours pas attrapé.

 

Ce texte d'une affiche américaine émane du mouvement des "Fous de Jésus" ; il est devenu célèbre.

De même qu'il y a un fait Israël, vérifiable historiquement, il y a également un fait Jésus de Nazareth, personnage de l'histoire. Et de même qu'il existe une énigme Israël, il y a aussi une énigme Jésus. Qui est-il ? Ce dernier n'ayant jamais tenu de journal de bord, nous devons nous tourner vers ces quatre peintres, les évangélistes, qui ont porté sur l'unique modèle des regards différents mais convergents, selon leur caractère et les influences de la communauté croyante pour laquelle ils ont écrit. Ce n'est qu'à la lumière de l'expérience des premiers chrétiens - de l'Eglise primitive - que nous pouvons comprendre qui fut vraiment Jésus de Nazareth.

Dès l'abord, il faudrait se souvenir que l'homme Jésus de Nazareth a été inséré dans l'Histoire du peuple. C'est un homme dans l'histoire, mais c'est aussi un homme dans un pays déterminé. L'homme Jésus a été un "homme-en-situation", un "homme-en-relation". I1 conviendra d'expliciter parfois les situations dans lesquelles se trouve Jésus, les relations qui ont été les siennes avec les différents groupes de personnes de son temps....

A la découverte d'un pays : la Palestine

Économie

La Palestine est constituée de plaines fertiles (Ysréel, Saron, Shéphéla), des plateaux de Galilée et de Samarie-Judée où l'on cultive, parfois en terrasses, un sol caillouteux, la vallée du Jourdain avec son îlot de fraîcheur qu'est Jéricho.

Les pluies, assez abondantes, ne tombent qu'entre octobre et mars et l'eau doit être soigneusement conservée dans des citernes. L'agriculture est la principale ressource. Le blé, base de l'alimentation, et l'orge sont cultivés un peu partout. Les semailles commencent après les premières pluies. La moisson de l'orge se fait avant Pâques, celle du blé, entre Pâques et Pentecôte. L'olivier donne une huile abondante qu'on exporte en Égypte et Syrie. 0n exporte aussi des figues jusqu'à Rome. La vigne est cultivée surtout en Judée. Dans les vignobles, se trouvent le pressoir à vin et aussi une tour d'où l'on guette voleurs et renards. A côté des fruits et légumes communs comme lentilles, pois chiches, salade, on trouve d'autres produits, plus raffinés, apportés jusqu'à la table de l'empereur, comme les grenades et les dattes de Jéricho ou de Galilée, les truffes de Judée, les roses dont on fait une essence parfumée et surtout le baume de Judée qui vaut un prix d'or et est l'objet d'un gros trafic. Le pays était alors très boisé... avant le passage des chèvres !

L'élevage est partout répandu. Brebis et chèvres produisent viande, lait, cuir, laine. Le Temple, avec ses nombreux sacrifices, fait une grosse consommation de bovins. On élève aussi de petits ânes robustes qui servent aussi bien aux travaux agricoles qu'aux déplacements. Pour les transports plus lourds, on peut utiliser le chameau. Le cheval est réservé aux riches.

L'industrie connaît quelques secteurs prospères. La pêche est pratiquée dans les rivières et surtout dans le lac de Tibériade qui commercialise du poisson fumé ou séché dans tout le pays. Le bâtiment marche bien. De 20 avant Jésus-Christ à 64 après, on fait de grands travaux d'embellissement dans le Temple, qui emploient jusqu'à 18000 ouvriers. Hérode Antipas construit Tibériade et fortifie Sepphoris et Julias. Agrippa construit un mur au nord de Jérusalem et Ponce-Pilate un nouvel aqueduc. L'artisanat répond aux besoins de la vie quotidienne : fabrication des vêtements (tissage, filage, teinture, foulage), de vaisselle (poterie), de bijoux.

Le Temple est le grand "complexe industriel". Prêtres et lévites s'y affairent ; tailleurs de pierre l'entretiennent ; des milliers d'agneaux et de bovins y sont sacrifiés chaque année : les peaux (propriété des prêtres) sont tannées puis transformées et exportées. 0n y utilise des bois précieux, des parfums. L'afflux des pèlerins favorise les commerces d'alimentation, mais aussi celui des "souvenirs", car les pèlerins doivent dépenser sur place le montant de la seconde dîme.

Le commerce intérieur consiste surtout en troc. Pour le commerce extérieur, on importe surtout des produits de luxe : cèdres du Liban, encens, aromates, or, fer et cuivre d'Arabie, épices et tissus des Indes... On exporte des aliments (fruits, huile, vin, poisson), du parfum, des peaux et du bitume de la Mer morte. Ce commerce est l'affaire de gros négociants.

Tout cela fait que la Palestine pourrait être un pays "où coule le lait et le miel", s'il n'y avait pas les impôts et l'inégale répartition des richesses.

Riches et pauvres

Une minorité mène une vie souvent fastueuse. On y trouve le souverain et sa cour, mais aussi l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem, les gros négociants, les chefs des collecteurs d'impôts, les propriétaires fonciers (de Galilée notamment). La classe moyenne est constituée des artisans, des prêtres de village ; les petits fermiers, souvent endettés, sont plus proches des pauvres. Les plus démunis sont les ouvriers et journaliers, les chômeurs, à qui il ne reste souvent que la ressource de mendier, et, bien sûr, les esclaves. Les malades (les maladies de peau, la lèpre) semblent fréquentes), les infirmes vivent d'aumône : celle-ci constitue un devoir religieux important. Il faut mettre à part les voleurs, fort nombreux.

Groupes sociaux

Il est impossible de distinguer les groupes sociaux, religieux, politiques clairement, car ils se recoupent. A côté des riches, des classes moyennes, des pauvres, on peut isoler quelques catégories particulières.

Le clergé

Il y a un monde entre l'aristocratie sacerdotale de Jérusalem et le reste du clergé. Au sommet de la hiérarchie se trouve le Grand Prêtre. Responsable de la Loi et du Temple, président du Sanhédrin, seul à pouvoir entrer une fois l'an dans le Saint des saints, il est le chef incontesté du peuple. Nommé autrefois à vie, les rois juifs puis les Romains les nomment et les destituent à leur gré : le grand prêtre en place cherche donc à plaire aux autorités civiles. Par ailleurs, cette charge rapporte énormément : part sur les offrandes, bénéfice sur les ventes d'animaux... Et comme ces grands prêtres appartiennent à quatre familles, on devine leur puissance politique et économique !

Les différents responsables du Temple font également partie de cette aristocratie et, souvent, de ces mêmes familles. Tous ces prêtres sont sadducéens. Les prêtres ruraux sont environ 7000. Très proches du petit peuple, ils en partagent la vie, le métier et la pauvreté. Répartis en 24 sections ou classes, ils exercent leur fonction au Temple, à tour de rôle, pendant une semaine par an ainsi qu'aux trois fêtes de pèlerinage. On tire au son celui qui offrira l'encens et comme il ne pourra être désigné de nouveau avant que tous y soient passés, c'est pratiquement la chance de sa vie. Certains, plus instruits, sont scribes. Beaucoup sont pharisiens.

Les lévites, sorte de bas-clergé ayant perdu tout pouvoir, sont les parents pauvres du clergé. Près de 10000, répartis 24 sections, ils exercent une semaine par an, au Temple, des fonctions subalternes : préparation des sacrifices, perception des dîmes, musique, police du Temple.

Les anciens

Les anciens sont une sorte d'aristocratie laïque aux contours mal définis. Là encore, il y a une grande différence entre les chefs de village et le petit groupe de riches commerçants ou fermiers qui siège au Sanhédrin de Jérusalem. Ils tiennent à leur pouvoir et sont, pour cela, liés aussi bien aux occupants romains qu'aux grands prêtres, ils semblent être sadducéens.

Les scribes ou docteurs de la Loi

Ils sont essentiellement les spécialistes de la Loi, reconnus comme tels, au terme de longues études, vers l'âge de 40 ans. Ils ont une grande influence en tant qu'interprètes officiels des Écritures, aussi bien pour la vie courante que devant les tribunaux. Certains sont prêtres, mais la plupart sont laïcs et pharisiens. Véritables maîtres à penser du peuple, ils en partagent souvent la pauvreté. Les plus célèbres, à cette époque, sont Hillel et Shammai (avant notre ère), Gamaliel, maître de Paul, Johannan ben Zakkaï, le chef de l'école de Jamnia après 70, Aqiba, exécuté par les Romains en 135.

Les scribes ont entouré la Loi d'une véritable "haie" de prescriptions. Celles-ci nous apparaissent comme un joug asservissant. En fait, elles pouvaient être un moyen de libération : en étendant ainsi à tout le peuple les règles de pureté primitivement réservées aux prêtres, elles permettent à tous d'être proches de Dieu.

Les publicains

Ces percepteurs ne sont pas les riches fermiers généraux, mais leurs auxiliaires. Juifs, ils collectent les impôts pour le compte de l'occupant romain ; pour cette raison et parce qu'ils ont tendance à majorer les impôts pour leur propre compte, ils sont mal vus et tenus pour pécheurs publics.

Groupes religieux

On désigne habituellement ces groupes du nom de sectes : le mot n'a évidemment aucun caractère péjoratif. Les trois principales sont nées à l'époque des Maccabées.

Les pharisiens

Ils ont mauvaise presse : c'est dommage et injuste. Les pharisiens sont des saints. Ils se sont séparés (c'est le sens du mot des Asmonéens jugés infidèles et ils se séparent du péché. Ils sont avant tout soucieux de la sainteté de Dieu dont ils méditent assidûment la Loi. Parce qu'ils savent qu'il est difficile de vivre sans cesse en présence du Dieu saint, ils s'entourent de tout un réseau de pratiques. Mais ils ne sont pas hypocrites : quand le pharisien de la parabole déclare jeûner deux fois la semaine, donner 10 % de ses biens aux pauvres.., il le fait ! Ils sont les authentiques témoins de la vraie foi et Jésus, qui a reçu d'eux sa formation et sa façon de prier Dieu, se sent proche d'eux. Leur seul tort est de penser qu'ils peuvent s'appuyer sur leur sainteté pour s'approcher de Dieu, qu'ils ont bien gagné le ciel par leurs mérites. Si Jésus s'oppose si durement à eux, c'est peut-être qu'il est déçu de les voir pervertir leur sainteté et aussi parce qu'ils ont une grande influence sur le peuple qui les admire. Cette influence tient plus à leur sainteté qu'à leur nombre : ils ne sont guère que 6000. Certains d'entre eux adopteront envers Jésus et ses disciples une attitude très ouverte. Ils qui sauveront le judaïsme après 70.

Les sadducéens

Caste aristocratique, surtout sacerdotale, leur doctrine est mal connue. Ils semblent ne reconnaître comme Loi que le Pentateuque et non les Prophètes) ; ils ne croient ni à la résurrection ni aux anges. Opportunistes en politique, ils collaborent volontiers avec l'occupant romain pour maintenir le pouvoir. Ils seront très durs envers Jésus et le christianisme naissant. Ils n'avaient pas assez de vitalité religieuse pour survivre au désastre de 70 et ils disparaissent alors de l'histoire.

Les Esséniens

Sorte de moines vivant en communauté sur le bord de la Mer morte, leur doctrine est mieux connue depuis la découverte, en 1947, des manuscrits de Qumrân. Sous la conduite d'un prêtre qu'ils appellent le Maître de Justice, ils se sont séparés des autres juifs qu'ils jugent trop peu fervents. Ils vivent dans la prière et la méditation des Écritures préparant activement la venue du Règne de Dieu. Leur monastère sera détruit par les Romains en 70.

Les mouvements baptistes

Entre 150 avant Jésus et 300 après, il y eut, en Palestine et en dehors, de nombreux mouvements baptistes. Ils se caractérisent par l'importance donnée au baptême comme rite d'initiation ou de pardon et par une attitude hostile au Temple et aux sacrifices. Les Nasaréens (différents des Nazoréens) refusent tout sacrifice sanglant. Le mouvement de Jean-Baptiste s'inscrit dans ce courant, mais il n'a rien de sectaire : il est ouvert à tous et ne rejette rien de la foi traditionnelle. Ce mouvement survivre à sa mort, semble-t-il, comme en témoigne le groupe existant à Éphèse vers 54.

Le "peuple de la terre"

C'est par ce terme méprisant que les pharisiens désignent parfois le petit peuple ignorant la Loi incapable donc d'en respecter les multiples prescriptions et, par le fait même, impur.

Les Nazôréens

Une fois, les juifs désignent ainsi les chrétiens. On discute l'origine du mot. Cela marque bien, en tout cas, un fait incontestable : pendant longtemps, les disciples de Jésus apparaissent simplement comme une secte nouvelle au sein du judaïsme.

Les Samaritains

Ceux-ci ne forment pas une secte proprement dite. D'origine très mélangée, les Samaritains se sont séparés du judaïsme officiel. Ils ont le Pentateuque en commun avec les Juifs, mais ont construit leur temple sur le mont Garizim. Les relations sont très tendues entre eux et les Juifs. Le comportement de Jésus à leur égard scandalise ses contemporains. La mission chrétienne se développera d'abord chez eux.

Païens rattachés au judaïsme

Pour le judaïsme, le monde se divise en deux : les juifs (les circoncis) et les païens (ou nations, Gentils, les incirconcis). Mais ces derniers peuvent s'agréger aux premiers. Les prosélytes (d'un verbe grec signifiant s'approcher) sont les païens qui acceptent tout de la Loi juive, la foi mais aussi la circoncision et les autres pratiques. Les craignant-Dieu acceptent la foi juive, mais non la circoncision ; ils restent donc des païens.

Groupes politiques

Face à l'occupant romain, les juifs se divisent entre collaborateurs et résistants. Pour conserver leur pouvoir, riches, haut-clergé collaborent volontiers. Mal connus, les Hérodiens sont sans doute les partisans d'Hérode Antipas ; ils seront hostiles à Jésus.

Le "zèle" pour la Loi, au contraire, provoque les plus religieux à une résistance, pacifique de la part des pharisiens, violente de la part de ceux qu'à partir de 66 on appellera les Zélotes et, pour certains d'entre eux, les sicaires (du nom de leur courte épée, sica, facilement dissimulable sous les vêtements). Ce sont eux les principaux responsables de la révolte qui aboutira au désastre de 70. Avant cela, on a connu plusieurs révoltes avortées, menées par des gens se prétendant "messie". Il est important de se rappeler ce contexte passionnel pour comprendre les différentes attitudes qu'on prendra face à Jésus, Messie.

Les institutions

Le Temple

Magnifiquement restauré par Hérode, le Temple se dresse au milieu d'une esplanade de près de 300 sur 500 mètres. C'est le lieu saint de la présence de Dieu, aux approches strictement réglementées. Dans le Saint des saints, chambre vide fermée par le rideau du Temple, où se trouvait autrefois l'arche, seul le Grand Prêtre peut pénétrer, une fois l'an, au jour de Kippour. Puis, autour de l'autel, est un premier parvis réservé aux prêtres. Viennent ensuite le parvis d'Israël (les hommes), le parvis des femmes séparé du parvis des Gentils par une balustrade que nul païen ne peut franchir sous peine de mort. Sur l'immense autel de 25 m de côté et de 7,50 m de haut, on immole, matin et soir, un agneau en "sacrifice perpétuel" et les innombrables sacrifices privés. Aux jours de fête, les sacrifices se multiplient, prêtres et lévites s'affairent, la foule se presse... L'agneau pascal doit être immolé avent d'être mangé en famille. Aussi, depuis la destruction du Temple en 70, la Pâque juive se célèbre sans agneau. Centre de la religion, le Temple est aussi le centre politique (c'est là que siège le Sanhédrin} et économique de la nation par toute l'activité qu'il engendre.

La synagogue et le culte

Le mot synagogue désigne d'abord le rassemblement des croyants. Comme notre mot "église", il en est venu à désigner l'édifice où se rassemble la communauté. Plus encore que le Temple, lointain pour beaucoup et où on ne monte (théoriquement) qu'aux fêtes, c'est le lieu où se forgent la foi et la piété du peuple.

Le culte, trois fois par jour, comporte un enseignement : une lecture de la Loi, éclairée par un texte de prophète, suivie de l'homélie. Tout fidèle peut la faire, mais, en fait, elle est réservée aux scribes, pharisiens, qui forment ainsi la foi commune selon leur doctrine. La prière, outre la récitation de psaumes, consiste essentiellement en trois grandes bénédictions qui encadrent la récitation du Shema, résumé de la foi d'Israël. Elle se termine par les Dix-huit bénédictions pour les merveilles de Dieu envers son peuple.

Les fêtes

Les trois fêtes de pèlerinage sont particulièrement importantes ; rassemblant le peuple autour du Temple, elles renforcent la foi commune.

La fête de Pâque célèbre la libération lors de l'Exode. Près de 200000 pèlerins viennent à Jérusalem pour cette occasion. Dans l'après-midi du 14 Nisan, on égorge au Temple les agneaux qui sont mangés en famille après le coucher du soleil. La fête se prolonge pendant huit jours. L'effervescence est alors si grande que l'autorité romaine craint les émeutes et le procurateur, qui réside habituellement à Césarée, monte, lui aussi, à Jérusalem.

La Pentecôte, cinquante jours plus tard, primitivement fête de la moisson ou des semaines, était devenue, dès le début de notre ère, la célébration du don de la Loi au Sinaï, fête de l'Alliance et du renouvellement de l'Alliance (un peu comme le chrétien renouvelle son baptême dans la nuit pascale).

La fête des tentes est la plus spectaculaire. Pour rappeler le séjour au désert, chaque famille se construit une hutte de branchages aux abords de la ville (sur son balcon ou dans la salle de séjour aujourd'hui). Certains rites étaient très populaires comme la procession des prêtres à la fontaine de Siloé, accompagnés du peuple portant des palmes et l'allumage des quatre chandeliers illuminant la ville entière.

Le Yom Kippour ou Jour du pardon est une fête de pénitence. Seule fois dans l'année, le Grand Prêtre entre dans le Saint des saints pour offrir en expiation le sang de victimes. Cette fête est préparée par Rosh ha Shana ou Nouvel an. La fête de la Dédicace ou Hanoukka célèbre la purification du Temple en 164 avant Jésus par Judas Maccabée. Les Pourim ou les sorts commémorent le salut du peuple obtenu par Esther ; cette fête est devenue l'équivalent du "carnaval ".

Le sabbat

Le sabbat est, avec la circoncision, la pratique la plus sacrée. Le repos strict, aux rares activités permises minutieusement codifiées, devait permettre à l'homme de se reposer et de louer Dieu. Il avait pu devenir un joug insupportable.

Le Sanhédrin

Le grand Sanhédrin de Jérusalem (d'un mot grec signifiant siéger ensemble) est composé de 71 membres : anciens et grands prêtres (sadducéens) et quelques scribes (pharisiens). Le Grand Prêtre le préside. Institué sans doute un siècle avant Jésus, il siège dans le Temple, deux fois par semaine. Il a un pouvoir politique : il vote les lois. a une police propre, peut condamner à mort, mais, au temps du Christ, il ne peut plus exécuter la sentence. C'est la cour suprême religieuse qui fixe la doctrine, établir le calendrier liturgique, règle la vie religieuse. Il cesse d'exister en 70 comme pouvoir politique. En tant que pouvoir religieux, il renaît à Jamnia. Dans tous le pays, il y a de petits sanhédrins composés de 23 membres

Jésus, homme libre

Jésus est bien enraciné dans un pays, dans une histoire, dans des traditions religieuses et culturelles. En période de Noël, les chrétiens se souviennent plus spécialement de la naissance et de l'enfance de Jésus.

Jésus, par sa naissance, est venu bouleverser l'ordre établi, aussi bien dans le monde religieux que dans le domaine des relations entre les hommes. Sa naissance ne s'inscrit pas dans l'ordre naturel. Jésus n'apporte pas de somnifère, il apporte la subversion.

Jésus se révèle comme un homme libre, c'est-à-dire vivant selon ses convictions intimes, ne se laissant déterminer ni par les personnes, ni par les traditions familiales, sociales ou religieuses. Non seulement son attitude est libre, mais elle est libérante, respectueuse de la liberté d'autrui. Il propose, mais n'impose pas : "Si tu veux...".

Prêchant le règne de Dieu, qui est nouveauté de vie, il aurait pu choisir la capitale, Jérusalem, comme centre de son action, et commencer son oeuvre par l'évangélisation des autorités religieuses avant d'atteindre la masse. Il choisit de s'adresser d'abord au peuple galiléen, sachant que les experts en Écritures, indisposés, ne manqueront pas de lui objecter : "Il ne se lève pas de prophète en Galilée ".

Cette liberté, Jésus la prend à l'égard de sa famille, Celle-ci, sans doute ses cousins et cousines, et même sa mère, entreprend des démarches pour mettre un terme à son activité débutante, sous prétexte qu'il a perdu la tête. La volonté familiale avait dans la société juive une force contraignante. Mais Jésus a conscience d'avoir un projet à réaliser et rien ni personne n'est capable de l'arrêter. Les exigences du royaume de Dieu dépassent les liens les plus sacrés. Pour être son disciple, il faut lui préférer père, mère, et jusqu'à sa propre vie. Dans le royaume nouveau qu'il annonce sa nouvelle famille sera les croyants ; sa mère et ses frères sont désormais ceux qui écoutent la Parole de Dieu et qui la gardent.

Il ne se laisse pas influencer par son milieu d'origine. Venant un jour chez lui, Nazareth, il refuse d'y accomplir une guérison : "nul n'est prophète en son pays", fait-il observer. Il eût pu se tailler un succès facile, lui, le fils du charpentier. Par un acte de puissance. Ses compatriotes, furieux, tentent de le précipiter du haut d'un escarpement. Mais il réussit à leur échapper.

Il manifeste cette liberté dans le choix de ses disciples. Jamais on ne lui pardonnera d'avoir choisi des gens simples, sans culture ni prestige, des bateliers, des paysans. Voilà les futurs chefs de l'Eglise, ceux qui sont appelés à faire basculer l'Empire romain, idolâtre, malgré la puissance de ses armées, le renom de ses philosophes, l'éclat de ses écrivains. Pris dans la classe des pauvres, les disciples du charpentier de Nazareth ne faisaient pas "le poids" par rapport aux puissants de l'époque !

Jésus prend position contre toutes les ségrégations raciales ou nationales, idéologiques ou partisanes et plus encore contre la ségrégation par l'argent. Il fréquente les pauvres, il béatifie les pauvres. Quant à l'enfance, pour qui la société juive n'avait aucune considération, Jésus la choisit comme symbole des dispositions morales nécessaires pour devenir disciple. Le royaume des cieux appartient à qui lui ressemble ; accueillir un enfant en son nom, c'est accueillir Dieu lui-même. Dans le contexte du temps, Jésus, en s'intéressant aux enfants, les bénissant, les embrassant, en les citant comme modèles, ne commet pas seulement un geste considéré comme déplacé, une incongruité, il pose un acte révolutionnaire.

Il en est de même pour le Samaritain : ennemi de race, Jésus en fait un exemple d'amour fraternel, au risque de scandaliser son auditoire. Il fréquente aussi des gens peu recommandables au regard de l'opinion courante. Les publicains, par exemple, ces collecteurs d'impôts au service de l'occupant, étaient honnis par la population, considérés comme collaborateurs d'abord, puisqu'ils achetaient leur charge aux autorités d'occupation, comme voleurs ensuite, car ils prélevaient parfois pour eux-mêmes une partie des sommes ramassées. Ils étaient classés dans la catégorie des pécheurs, des gens à ne pas fréquenter, puisqu'ils étaient au service des païens. Jésus les accueille, mange avec eux, descend, à Jéricho, dans la maison de l'un d'entre eux, Zachée, à la surprise générale. Il a même l'audace d'en choisir un dans son groupe, Lévi, le futur Matthieu. Décidément, Ieschoua ne se comporte pas comme il convient.

D'autant qu'il fréquente aussi des pécheresses, des femmes légères, les prostituées. Il se laisse essuyer les pieds par l'une d'elles, alors que, selon la loi juive, le seul contact d'un être impur entraînait une souillure. Pour lui, il n'est de souillure que celle qui vient du coeur. Il annonce même aux Pharisiens, imbus de leur vertu que les prostituées et les publicains les précéderaient dans le royaume des cieux ! Il refuse de jeter la pierre à la femme surprise en flagrant délit d'adultère. Loin de l'humilier, il lui redonne sa dignité. Jésus respecte toute femme qu'elle qu'ait été sa vie.

La femme dans la société du temps était pourtant victime d'une certaine ségrégation. Elle était loin d'être l'égalité de l'homme. Là encore Jésus va à l'encontre des idées reçues. Sait-on qu'il était formellement déconseillé par les rabbis d'adresser en public la parole à une personne du sexe, fût-ce sa propre épouse, à cause du quand dira-t-on ? Jésus manifestera une audace particulière en conversant en tête à tête avec une femme, au bord du puits de Jacob, une femme aux moeurs faciles, une Samaritaine de surcroît ! "Les disciples étaient stupéfaits que Jésus parlât avec une femme..." (Jn 4, 27). Jésus ne fréquente pas que des "pécheresses". C'est un groupe de femmes, riches et dévouées, qui subviendra aux besoins matériels du petit groupe des apôtres. (Luc, 8, 2-3).

Une telle liberté de Jésus dans ses relations féminines, une telle absence de convoitise donne tout son poids à l'éloge qu'il fait de la "chasteté pour le Royaume des Cieux". Chasteté dont la source n'est pas, chez lui, la sécheresse du coeur mais un amour accordé à tous et à toutes, et dont il dévoilera progressivement le secret.

Jésus renverse donc par sa vie et son enseignement toutes les barrières que les hommes dressent entre eux. Il manifeste aussi sa liberté envers le pouvoir politique. Non pour en contester la légitimité, mais pour faire reconnaître sa fragilité et ses limites. Tout pouvoir vient d'en haut. C'est ce qu'il dit au représentant du pouvoir romain lui-même, Ponce-Pilate.

Il ne craint aucun puissant de ce monde. Apprend-il qu'Hérode veut le faire mourir. Ieschoua répond ; "Allez dire à ce renard...", ce qui signifie, dans le contexte, un homme sans importance, qui n'a même pas la force d'un lion (Luc 1 3, 32).

Il n'entre pas dans les calculs politiques ni dans les compromissions, ne se laisse pas enfermer dans les vues nationalistes des résistants zélotes. Il refusera de jouer le rôle politique de libérateur du territoire que la foule attendait, après l'accueil triomphal à Jérusalem. Jésus ira jusqu'à décevoir sur ce point le petit peuple qui, après l'avoir acclamé, l'abandonnera finalement à son sort tragique.

La liberté de Jésus a impressionné ses contemporains. Le plus bel éloge que nous possédions sur lui vient de ses ennemis mêmes, les Pharisiens : "Maître, nous savons que tu es franc et que tu enseignes les chemins de Dieu en toute vérité, sans te laisser influencer par qui que ce soit, car tu ne tiens pas compte de la condition des gens" (Mt 22, 16).

Cette liberté est en relation avec la conscience qu'a Jésus de sa vocation : établir le Règne de Dieu, et rien ne peut arrêter sa détermination. Le prophète galiléen est un passionné de Dieu et des hommes.

Il est tendu vers sa mission dans une grande liberté vis-à-vis des institutions humaines et des pouvoirs établis, mais dans une parfaite soumission à une volonté supérieure celle du "Père", qui est sa nourriture, sa joie, sa raison d'être. Le bon plaisir divin est le but de sa vie, la seule volonté capable de faire fléchir sa volonté.

J'appelle un homme libre, dit Malraux, celui qui est capable de se soumettre à quelque chose en lui qui le dépasse.

Jésus est bien la personnalité la plus réussie, le prototype de l'homme, le sommet de l'humain. Il en possède toutes les qualités. Les plus grands philosophes, savants, artistes, saints, ont eu leur côté imparfait, voire sordide, à un moment de leur vie Ieschoua possède une perfection morale inégalée. Il a lancé un jour à ses adversaires un défi qui n'a jamais été relevé : Qui de vous me convaincra de péché ? 

Un brasier a été allumé

Environ sous le règne de Tibère, nul ne sait exactement où ni quand, un personnage dont on ignore le nom a ouvert une brèche à l'horizon des hommes. Ce n'était sans doute ni un philosophe ni un tribun, mais il a dû vivre de telle manière que toute sa vie signifiait : chacun de nous peut, à chaque instant, commencer un nouvel avenir.

Des dizaines, des centaines peut-être, de conteurs populaires ont chanté cette bonne nouvelle. Nous en connaissons trois ou quatre. Le choc qu'ils avaient reçu, ils l'ont exprimé avec les images des simples gens, des humiliés, des offensés, des meurtris, quand ils rêvent que tout est devenu possible : l'aveugle qui se met à voir, le paralytique à marcher, les affamés du désert qui reçoivent du pain, la prostituée qui se réveille une femme, cet enfant mort qui recommence à vivre.

Pour crier jusqu'au bout la bonne nouvelle, il fallait que lui-même, par sa résurrection, annonce que toutes les limites ont été vaincues, même la limite suprême : la mort. Tel ou tel érudit peut contester chaque fait de cette existence, mais cela ne change rien à cette certitude qui change la vie. Un brasier a été allumé. Il prouve l'étincelle ou la flambée première qui lui a donné naissance.

Ce brasier, ce fut d'abord une levée de gueux sans quoi, de Néron à Dioclétien, l'establishment ne les aurait pas frappés si fort. Chez cet homme l'amour devait être militant, subversif, sans quoi, lui le premier n'aurait pas été crucifié. Toutes les sagesses, jusque-là, méditaient sur le destin, sur la nécessité confondue avec la raison. Il a montré leur folie, Lui, le contraire du destin. Lui, la liberté, la création, la vie. Lui qui a défatalisé l'histoire.

Il accomplissait les promesses des héros et des martyrs du grand éveil de la liberté. Pas seulement les espérances d'Isaïe ou les colères d'Ezéchiel. Prométhée était désenchaîné, Antigone désemmurée. Ces chaînes et ces murs, images mythiques du destin, tombent devant lui en poussière. Tous les dieux étaient morts et l'homme commençait. C'était comme une nouvelle naissance de l'homme.

Je regarde cette croix, qui en est le symbole, et je rêve à tous ceux qui ont élargi la brèche : de Jean de la Croix qui nous apprend, à force de n'avoir rien, à découvrir le tout, à Karl Marx qui nous a montré comment on peut changer le monde, à Van Gogh, et à tous ceux qui nous ont fait prendre conscience que l'homme est trop grand pour se suffire à lui-même.

Vous, les receleurs de la grande espérance que nous a volée Constantin, rendez-le nous. Sa vie et sa mort sont à nous aussi, à tous ceux pour qui elle a un sens. A nous tous qui avons appris de lui que l'homme est créé créateur.

Pouvoir de créer, attribut divin de l'homme, elle est là, mon hostie de présence réelle chaque fois que quelque chose de neuf est en train de naître pour agrandir la forme humaine, dans le plus fol amour ou dans la découverte scientifique dans le poème ou la révolution.               Roger Garaudy

 

 

Le message de Jésus : les béatitudes,

un message révolutionnaire !

Heureux les pauvres de coeur : le Royaume des cieux est à eux !

Heureux les doux : ils obtiendront la terre promise !

Heureux ceux qui pleurent : ils seront consolés !

Heureux ceux qui ont faim et soif de justice : ils seront rassasiés !

Heureux les miséricordieux : ils obtiendront miséricorde !

Heureux les coeurs purs : ils verront Dieu !

Heureux les artisans de paix : ils seront appelés fils de Dieu !

Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice :

le Royaume des cieux est à eux !

Heureux serez-vous si l'on vous insulte, si l'on vous persécute

et si l'on dit faussement toute sorte de mal contre vous à cause de moi.

Réjouissez-vous, soyez dans l'allégresse,

car votre récompense sera grande dans les cieux !

                            Matthieu 5, 1-12

Dès le début de sa vie publique, Jésus manifeste qu'il est un homme véritablement libre, en commençant sa prédication par la proclamation des Béatitudes. C'est ce qu'il est convenu d'appeler "le Sermon sur la Montagne", où Jésus présente la loi-cadre de son Royaume. En quelques paroles, il indique le chemin qu'il faut suivre pour être son disciple. Cela n'ira pas sans sérieuses difficultés avec les autorités civiles et religieuses.

André CHOURAQUI, qui n'est pas chrétien, a traduit le terme "heureux" par l'expression "en avant".

Interrogé par le Père Bro, René ANDRIEUX, alors rédacteur de l'Humanité, donne sa réponse à la question : Pour vous, qui est Jésus-Christ ? Vous apprécierez sa réponse.

Le juste qui combat

Voici le petit texte que j'ai écrit. J'espère qu'il ne choquera pas ces chrétiens sincères dont il m'importe, à moi aussi, de toucher le coeur.

Jésus-Christ est pour moi un homme qui a combattu pour l'homme parmi les hommes. Rien de plus - mais c'est beaucoup à mes yeux - rien de moins.

De son enseignement tel qu'il a été transmis par la prédication des premiers temps du christianisme, je retiens ce qu'il a de particulièrement humain, c'est-à-dire la grande revendication de l'égalité et de la fraternité des hommes, à un moment où la révolte de Spartacus - crucifié lui aussi - vient d'être noyée dans le sang et où les esclaves croient trouver dans le message chrétien la promesse de leur délivrance.

Pour certains, le Christ apparaît trop souvent comme l'exemple de l'humilité et de la résignation dont doivent s'inspirer les déshérités dans l'attente de la béatitude promise au royaume des cieux. Pardonnez-moi si je vois en lui le symbole du juste qui combat et se sacrifie pour apporter plus de bonheur sur la terre des hommes.

Pour cette raison, et aussi parce que l'aspiration qui a animé le christianisme primitif me paraît toujours vivace au coeur des chrétiens sincères, je suis persuadé que rien d'essentiel ne sépare - ou ne devrait séparer -, dans leur attitude vis-à-vis du monde, un communiste et un chrétien véritables. Même si celui-ci croit au ciel et si l'autre n'y croit pas.     

 

Le sens des miracles dans l'évangile

La foi, condition du Royaume

Jésus a surtout été connu et reconnu comme un guérisseur. Sa réputation d'accomplir des miracles était grande et le précédait de ville en ville. Nous nous arrêterons quelque peu sur cet aspect de la personne de Jésus.

C'est parce qu'il guérissait malades et infirmes que Jésus a connu une vaste renommée. Les évangiles relatent à son actif un certain nombre de guérisons. On parle beaucoup des "miracles". Ce mot vient du latin mirari, s'étonner ; il s'agit donc d'événements extraordinaires. En fait, le mot miracle ne se trouve pas dans le texte des évangiles qui utilisent plutôt les expressions : actes de puissance et signes. Et c'est révélateur !

Que Iecschoua ait accompli des guérisons étonnantes ressort des textes eux-mêmes. Il se peut que l'Eglise primitive ait attribué à Jésus certains miracles dans un but pédagogique ou apologétique, pour souligner la puissance de son Seigneur et l'annoncer dans le langage familier aux hommes de ce temps. On trouve aussi, au premier siècle, des récits de guérisons opérées par des guérisseurs non-chrétiens, juifs, grecs, dieux païens. Mais il ne s'agit que de quelques rares cas qu'étudient les historiens et les exégètes.

La critique la plus rigoureuse garantit qu'on ne peut gommer à son aise ces récits qui occupent dans nos évangiles une place notable, dans Marc notamment. Il se dégage même un solide noyau historique saisissable. Des traditions nombreuses, constantes et fort bien attestées, assurent que le rabbi galiléen accomplissait des guérisons qui étendaient sa renommée bien au-delà de la Galilée. Sans cela, aurait-il attiré tant de foules, soulevé tant de haine ?

L'homme moderne, il faut l'admettre, répugne au miracle. Le scientifique y voit un fait encore non expliqué par les sciences, l'incroyant prétend que les évangiles sont des légendes sous prétexte que le miracle, événement violant les lois de la nature, est une absurdité. Le chrétien même, tant sa mentalité est imprégnée de rationalisme scientifique, croit parfois en Jésus non à cause de ses miracles, mais malgré eux. Pour beaucoup, les seuls miracles admis de nos jours sont ceux de la science et de l'économie. Ce qui n'empêche pas l'homme de la rue de parler de miracle à tort et à travers : "C'est miracle si j'ai échappé à cet accident... !"

En fait, qui connaît les constituants ultimes de la matière et de la vie ? On a même découvert, en 1977, aux USA, une nouvelle forme de vie, insoupçonnée, un organisme de taille microscopique, baptisé méthanobactérie, qui pourrait être le plus ancien organisme vivant sur Terre. Nos connaissances ne cessent de s'accroître. Nous avons vu que la nature était en évolution depuis des milliards d'années, des êtres nouveaux apparaissant dans cette nature, au cours du temps, qui étaient théoriquement impossibles, imprévisibles même, parce qu'ils ne préexistaient pas. En créant les êtres vivants, il y a trois milliards d'années, le créateur ne violait pas les lois physiques existantes dans l'univers dépourvu de vie. Il informait du dedans ces lois physiques, la matière, et créait un type nouveau de réalité.

L'esprit de Beethoven n'était pas précontenu dans les nuées d'hydrogène d'il y a dix milliards d'années. Son apparition eût paru même théoriquement impossible à un observateur éventuel : et pourtant ! Alors, dans une création inachevée, qui peut empêcher le créateur du continuer à inventer des êtres nouveaux qui ne préexistaient pas ou à informer ce qui était déformé.

Jésus, dans ses guérisons appelées miracles, ne violait pas les lois naturelles. Il les rétablissait, au contraire. Ses miracles étaient des régénérations : il avait le pouvoir de régénérer ce qui était malade, de réinformer du dedans ce qui était déformé, de rétablir les lois physiologiques abîmées ; il réorganisait ce qui avait été désorganisé par la maladie. Cela ne se voit pas tous les jours, certes, mais nous n'avons pas le droit de dire, a priori, que c'est impossible. Qui peut empêcher le créateur de donner à la matière désorganisée une information nouvelle, par l'intermédiaire de Jésus ?

En réalité, les miracles évangéliques sont moins des actions d'éclat que des signes. Ils sont d'abord un enseignement, un langage, un message ; les actes de puissance de Ieschoua sont des paraboles en acte. Jésus, pédagogue, les utilise pour compléter et confirmer ses discours. Ils ont pour but de révéler ce qu'est le royaume de Dieu et qui est celui qui le révèle.

Signes de la venue du Royaume : les miracles de Jésus veulent signifier toute la tendresse de Dieu pour l'homme, la puissance de son amour. Par Jésus, Dieu vient apporter un salut concret touchant les besoins fondamentaux des êtres humains : santé, faim, soif de bonheur. Le royaume est bonne nouvelle pour les plus pauvres : les lépreux, les paralytiques, les boiteux, par exemple, qui étaient les exclus de la société civile et religieuse du temps. Ieschoua leur redonne la santé, le goût de vivre, une dignité nouvelle.

Signes de reconnaissance : les actes de puissance des évangiles ont pour but également de dire aux foules qui est Jésus. Ils sont des signes de reconnaissance de cet exceptionnel envoyé de Dieu. Ils peuvent le faire reconnaître comme "celui qui devait venir". Ils sont signes de sa tendresse envers ceux qui souffrent. Ils l'accréditent comme libérateur du mal profond de l'homme, le péché, puisqu'il lui est tout aussi facile de pardonner les péchés que de guérir de la paralysie l'infirme de Capharnaüm.

Signes de victoire sur le mal : en effet, derrière le mal, le péché, les Synoptiques voient un adversaire redoutable de Dieu et des hommes qui a nom Satan. Jésus est celui qui vient briser son pouvoir avec la toute puissance de Dieu. Il l'affronte personnellement pour le vaincre, Un certain nombre de guérisons sont, en fait, perçues par les contemporains comme des exorcismes. Il ne faut pas oublier qu'en ce temps-là des maladies de tout genre étaient imputées aux démons, particulièrement les diverses formes de maladies mentales. En utilisant le langage et les idées du temps, les évangélistes représentent ces maladies mentales comme des possessions diaboliques. Ce qui ne veut pas dire que Jésus ne se soit pas trouvé parfois en présence de véritables cas de possession. En tout cas, Ieschoua est celui qui agit dans ce monde asservi par Satan, chef des démons, avec la toute puissance de Dieu pour ouvrir une brèche dans la toute puissance du mal. Ses exorcismes et ses guérisons manifestent qu'il est celui qui vient de la part du Très-Haut mettre l'homme en route vers une libération complète du mal physique et moral.

Appels à la conversion et à la foi : Jésus donne également un sens nouveau au langage des miracles. Enseignement, ils sont aussi des appels lancés à la liberté de l'homme pour se convenir et pour croire : "Convertissez-vous et croyez à Évangile". Ils invitent à un retournement radical de tout l'être vers le Dieu vivant. Ils appellent à la foi en Jésus ou ils confirment une foi déjà existante. Le rabbi veut amener ses auditeurs à croire que, par lui, le royaume de Dieu est en train d'arriver. Il est significatif que Jésus ait refusé tout acte de puissance là où il ne trouvait pas un minimum de confiance en lui. Soit dit en passant, le fait que Ieschoua n'ait pas voulu faire de miracles en certaines circonstances, quand les gens doutaient de lui ou lui étaient hostiles, est la meilleure preuve qu'il en a effectivement opérés par ailleurs.

Le miracle, ce n'est pas toujours seulement la guérison du corps, ce peut être également un changement de cœur comme en témoigne ce texte de Jacques Lebreton. Jacques Lebreton est grièvement blessé en 1942 par l'explosion d'une grenade qui l'a laissé "sans yeux et sans mains". Après s'être révolté contre son sort il connaît un temps la perte de la foi. Mais il refait surface car il découvre que Quelqu'un porte avec lui son mal.

Oui, Dieu est venu en moi

Et avec moi il a été aveugle et sans mains.

Avec moi il a porté ma souffrance

Et mon fardeau est devenu léger.

Et j'ai trouvé la joie.

O stupéfiant paradoxe. Je perds mes yeux et mes mains

Et je découvre la Joie.

Je lui ai donné toute ma tristesse

Et il m'a donne toute sa joie

La grande infirmité

c'est de ne plus aimer ou de n'être plus aimé.

Jacques Lebreton,

Sans yeux et sans mains, Les Forces de l'Amour, S.O.S. 1976.

 

Dieu n'est pas juste !

Dieu n'est pas juste !

Il fait briller son soleil sur les incroyants comme sur les croyants.

Dieu n'est pas juste ! Il donne un festin au fils prodigue

et ne fait rien de plus pour le "fidèle".

Dieu n'est pas juste !

L'ouvrier de la "onzième heure" (17 heures)

reçoit le même salaire que celui qui a été embauché à 9 heures.

Dieu n'est pas juste !

Il réprouve celui qui, sans le faire fructifier,

remet le "talent" qu'il avait reçu.

Dieu n'est pas juste !

Il délaisse quatre vint dix-neuf fidèles pour courir après un seul égaré.

Dieu n'est pas juste !

Il ouvre son ciel aux prostituées, il fait entrer le voleur le premier.

Dieu n'est pas juste !

Il se détourne d'un pratiquant de la loi pour accueillir un non pratiquant.

Dieu n'est pas juste !

à mon égard... il oublie mes infidélités

et ne se souvient que de mon amour...

Dieu n'est pas juste...

à notre façon... heureusement !

 

L'homme d'aujourd'hui et le miracle

Les miracles nous gênent. A une époque, on a cru à cause d'eux ; aujourd'hui, on croirait plutôt malgré eux ! Mais peut-être est-ce seulement parce que nous nous en faisons une fausse idée. Reprenons quelques points.

Le miracle est un signe. Le poteau indicateur sur le bord de la route a une réalité (fer, ciment), une forme (rond, triangle) ; celles-ci peuvent varier, cela n'a pas d'importance, l'essentiel est le message qu'il livre : annoncer un virage, un croisement. De même, le miracle a une réalité historique : un fait qui sort assez de l'ordinaire pour qu'on le remarque. Mais l'essentiel est son message, ce qu'il annonce. Que dit-il ?

Le miracle n'est signe que pour le croyant. Un cadeau entre amis n'est cadeau que parce que, déjà, ils sont amis ; l'objet donné dans la rue par un inconnu n'est pas un signe, mais une question. Pour connaître, dans un fait donné, un "miracle", il faut déjà avoir la foi. Le Bureau médical de Lourdes, composé de médecins croyants et incroyants, déclare seulement : Telle guérison est inexplicable par la science. Le croyant pourra ensuite, s'il le veut, y voir un "miracle". Et pour cela. il faut que l'événement se passe dans un certain contexte, il doit être en rapport avec d'autres faits, avec des paroles. Lourdes est d'abord un lieu de prière, et c'est dans ce contexte que des guérisons peuvent prendre sens.

Les miracles de Jésus sont toujours liés à son enseignement. Pour l'incroyant, le miracle est une question, jamais une "preuve". Si j'ignore le code de la route, cet objet étrange sur l'accotement me pose question ; mais il ne me sert à rien de l'examiner ; je dois me renseigner près de quelqu'un qui est au courant. Celui-ci me donne la signification et c'est celle que j'admets. De même, un fait inexpliqué peut faire poser à l'incroyant la question : Qu'est-ce que c'est ? Le croyant peut alors lui donner son interprétation : C'est un signe de mon Dieu. L'incroyant acceptera cette interprétation en devenant croyant, ou il la refusera, en cherchant une autre explication. Le miracle n'est pas une "preuve" ; on ne se convertit pas à cause du miracle - celui-ci ouvre seulement une interrogation - mais à cause du sens transmis par des croyants.

Le miracle est un signe relatif à une époque. Des faits peuvent être "extraordinaires" à une époque et ne plus l'être à une autre. Le Bureau médical de Lourdes déclare : Telle guérison est inexplicable actuellement par la science. Elle pourra le devenir un jour. Peu importe. Si le miracle était une preuve, ce serait malhonnête de la part de Dieu de profiter de notre ignorance pour nous "avoir", comme un missionnaire qui prouverait Dieu en faisant marcher un magnétophone. Si c'est un signe, peu importe le support : on s'engage sur une doctrine et non sur un prodige. Certains miracles de Jésus paraîtraient peut-être explicables aujourd'hui. Mais c'est une fausse piste que de chercher à reconstituer ce qui s'est passé. Prenons un exemple : un noir animiste m'annonce : Les dieux sont en colère ; ils crachent le feu sur la montagne ! Il me donne là son interprétation de croyant. Mais quel est le fait ? Si j'ignore tout du pays, je sais qu'il y a eu quelque chose, mais je suis incapable de dire s'il s'agit d'une éruption volcanique, d'un feu de forêt ou d'un orage.

A l'époque de Jésus, le miracle était courant chez les Juifs, et les sanctuaires grecs, comme Pergame ou Épidaure, avec leurs ex-voto et leurs hôpitaux étaient très importants. Jésus n'aurait pas été un homme religieux de son temps s'il n'avait pas fait de miracles. L'essentiel n'est sans doute pas de vérifier l'historicité de tel miracle, mais de voir ce qui, aujourd'hui, peut être "miracle" pour nos contemporains.

Et l'"extraordinaire" s'est déplacé. Il est peut-être moins du domaine matériel - la science nous a appris qu'on peut (qu'on pourra ?) tout expliquer - que du domaine spirituel : ce pourra être, par exemple, un geste de pardon. Dans un monde dur, violent, de lutte pour la vie, le geste gratuit - et encore plus celui du pardon - devient extraordinaire et peut amener l'incroyant à poser la question : Pourquoi fais-tu cela ?

La fréquentation de la Bible doit amener le croyant à découvrir que le monde entier est "miracle", signe de la tendresse de Dieu.

La dernière semaine de Jésus

Si l'on fait une étude statistique de la vie de Jésus celle qu'elle nous est rapportée par les quatre évangélistes, on s'aperçoit que la plus grande importance des récits se situe dans la dernière semaine de sa vie.

Le nombre de chapitres consacré aux trente premières années de Jésus est infime, presque inexistant. Certes la prédication tient un bon nombre de chapitres. Mais il faut reconnaître que proportionnellement la dernière semaine est rapportée avec un luxe de détails, bien que les autres évangélistes ne rapportent pas exactement les mêmes faits ni le même déroulement des événements.

Il est certain que les premiers écrits composés ont été ceux de la Passion. Ils rapportaient les événements allant de l'arrestation de Jésus à son ensevelissement. Les rédacteurs présentaient les événements de l'extérieur, apportant leur propre témoignage ou celui des autres apôtres. Mais très vite on a éprouvé le besoin de faire sentir les événements de l'intérieur, en apportant la réponse que tout le monde était en droit de se poser : comment Jésus, pleinement homme, a-t-il pu assumer sa mort, la pressentir ? Comment a-t-il pu réaliser l'échec de sa mission, un échec apparent, puisqu'il appellera l'intervention de Dieu dans la résurrection. Le récit de la Cène montre comment Jésus, par avance, célèbre sa Passion : d'un échec, il fait un offrande.

Le procès de Jésus, un procès à réviser

Contrairement à ce que nous croyons trop facilement, Jésus n'a pas fait semblant d'être homme, il n'a pas fait semblant de souffrir. Sous prétexte qu'il est le Fils de Dieu, nous n'avons pas le droit de lui refuser d'être honnête et d'être vrai. Il est Dieu mais il est aussi homme, il n'a pas profité de ce qu'il était Dieu pour tricher. Il n'a pas joué un rôle, il a joué sa vie et il a perdu...

Jésus n'a pas été un héros, il a été condamné à être crucifié comme n'importe quel condamné de droit commun, comme un voleur à la tire, comme un assassin. Et la foule approuve sa condamnation, elle hurle à la mort et préfère libérer un assassin plutôt que de laisser vivre l'innocent. Jésus sera le type même du prophète assassiné.

 

Les disciples se mettent en marche

Ils proclament la résurrection de Jésus

Les Actes des apôtres présente la vie des communautés jusqu'au moment de la mort de Pierre et de Paul. Au début, et pendant longtemps, les disciples (qui ne prendront le nom de chrétiens que quelques années après la résurrection) apparaissent comme une secte à l'intérieur du Judaïsme : Pierre et Jean vont prier au Temple, Paul prêche dans les synagogues, il va au temple pour accomplir un voeu... Il y a certainement des divergences dans la doctrine, mais les pratiques restent les mêmes. Le rejet va commencer quand les Hellénistes (des croyants de la Dispersion établis à Jérusalem, mais parlant le grec et non l'araméen) vont mettre en question la vénération du Temple et les sacrifices sanglants. Le fossé se creusera encore davantage quand l'Eglise accueillera des païens parmi ses membres, notamment au moment du Concile de Jérusalem, vers 48-49.

Il est important de constater que les premières communautés s'attachent d'abord à vivre selon Évangile avant de rédiger des textes. Les disciples, à la lumière de la résurrection de Jésus, vivent, prêchent, enseignent et célèbrent. L'Eglise est l'assemblée de ceux qui ont entendu la Parole de Dieu et qui se réunissent au nom de Jésus, Christ et Seigneur, animés par l'Esprit. Trois aspects caractérisent cette Eglise :

- les disciples sont assidus à l'enseignement des apôtres. Dans la catéchèse aux nouveaux convertis, on interprète les Écritures à la lumière du Christ ressuscité, on se rappelle les actes et les paroles de Jésus pour y trouver une règle de vie.

- les disciples sont assidus à la communion fraternelle, une communion des coeurs qui se traduit par le partage des biens : il n'y a plus de pauvres parmi les disciples, car tous les biens sont à la disposition de tous.

- les disciples sont assidus à la fraction du pain, c'est-à-dire à l'eucharistie, et aux prières. Ils prient au temple ou dans leurs maisons...

Voici un texte emprunté d'une lettre de Paul, et qui constitue le plus ancien Credo de l'Eglise. Paul le cite dans la lettre qu'il écrit aux Corinthiens vers Pâques 57 ; il leur rappelle Évangile qu'il leur a annoncé vers 50-51 et il cite ce Credo, en utilisant le vocabulaire technique indiquant, chez les rabbins, la transmission de traditions : recevoir - transmettre... Quand Paul l'a-t-il reçu ? Lors de son séjour à Antioche, vers 40-42, ou déjà au moment de son baptême par Ananie, à Damas, vers 36 ? En tout cas, ce texte (1 Co 15, 1-11) nous rapproche bien près de l'événement pascal.

Je vous rappelle, frères, l’Évangile que je vous ai annoncé,

que vous avez reçu, auquel vous restez attachés

et par lequel vous serez sauvés

si vous le retenez tel que je vous l'ai annoncé :

autrement vous auriez cru en vain.

Je vous ai transmis, en premier lieu,

ce que j'avais moi-même reçu :

Christ mourut (aoriste}

pour nos péchés, selon les Écritures

Il fut enseveli (aoriste)

Il est ressuscité (parfait)

le troisième jour, selon les Écritures

Il apparut à Céphas, puis aux Douze... (aoriste)

En tout dernier lieu, il est aussi apparu à moi, l'avorton.

Car je suis le plus petit des apôtres...

Bref, que ce soit moi, que ce soit eux

voilà ce que nous proclamons

et voilà ce que vous avez cru.

 - Le Christ mourut. C'est l'affirmation d'un fait connu de tous. Il s'agit d'un acte, qui a eu lieu, une fois, dans le passé (sens d'un verbe en grec quand il est à l'aoriste). Pour nos péchés, selon les Écritures : il s'agit là d'une interprétation théologique. Grâce surtout à la méditation du chant du Serviteur souffrant (Is 53), on sait que Jésus n'est pas mort à cause de ses fautes : c'était nos péchés qu'il portait ; il s'est offert en expiation.

- Il fut mis au tombeau. Le tombeau n'intervient pas ici comme preuve de la résurrection, mais comme preuve que Jésus était bien mort (Ac 13,). Le verbe est à l'aoriste : on s'intéresse donc à l'acte même de l'ensevelissement et non à la suite (un parfait aurai indiqué que Jésus a été enseveli et y est toujours).

- Il est ressuscité ou il a été ressuscité et il le demeure. Le verbe est au passif : ce n'est pas Jésus qui s'est ressuscité. (On ne trouve une telle affirmation que dans quelques rares textes de Jean, par exemple : j'ai le pouvoir de déposer ma vie et de la reprendre, Jn 10, 18). Souvent, dans l'Écriture, quand un verbe est au passif, le sujet de l'action est Dieu qu'on évite de nommer, par respect. D'autres textes le diront explicitement : Dieu a ressuscité Jésus.

Le verbe est ici au parfait : le parfait indique, en grec le résultat présent et durable d'un acte passé ; on peut le traduire aussi bien par un présent, mais avec cette nuance que la situation présente n'existe pas depuis toujours, mais qu'elle est le résultat d'un acte passé C'est le seul verbe au parfait dans ce Credo : au milieu des divers événements contingents qui ont lieu dans un instant du temps et se terminent avec lui, un seul dure dans son résultat : Jésus est vivant parce que Dieu l'a ressuscité.

- Il apparut. Paul y insiste en citant de nombreux témoins. Le verbe est à l'aoriste : il s'agit donc d'actes précis dans le temps.

La forme verbale du verbe "voir" utilisée ici (ophté) correspond, dans la traduction grecque de l'Ancien Testament, à un mode du verbe hébreu, mode qui a un sens précis : il ne s'agit pas d'un passif (il a été vu) mais de l'acte de se présenter ou de se montrer à quelqu'un : il se fit voir. L'insistance est sur l'initiative de celui qui se présente.

Un texte du philosophe juif Philon, à la même époque, le montre bien : ce n'est pas Abraham qui a vu Dieu, mais c'est Dieu qui s'est fait voir à Abraham. L'essentiel est de ne pas nous laisser enfermer dans le dilemme : vision intérieure ou extérieure aux disciples. Il s'agit d'une expérience unique en son genre, où Jésus s'est imposé à la foi de ses disciples comme vivant, d'une vie nouvelle, par delà la mort.

Il y a quelques années, la revue Fêtes et saisons proposait à ses lecteurs un test : Prenez un timbre-poste, et au dos vous écrivez ce que vous croyez… Quel est le contenu du message (appelé d'un terme grec : "le kérygme") qu'ils nous ont laissé. Le kérygme, c'est principalement l'annonce de la résurrection. Quand on prononce le mot "résurrection", quels sont les mots, les images, les comparaisons qui viennent spontanément à votre esprit ?

Voici un texte d'Olivier CLEMENT sur la résurrection.

Le christianisme est d'abord une rencontre personnelle du ressuscité, une reconnaissance du Dieu qui s'est livré à nous pour nous libérer de la mort... Ce n'est pas seulement l'humanité du Christ qui meurt sur la croix. Mais une personne divine. Par là même, il consume la mort et toutes les situations de mort dans notre existence. Ici éclate le sens dé Pâques... Le Christ a laissé entrer en lui toute la détresse du monde, toute la tragédie de l'histoire. Il laisse entrer en lui la mort et l'enfer pour les brûler dans le gouffre de feu de sa divinité. Le diable, l'enfer et la mort croient engloutir un homme et ils sont engloutis par Dieu. La mort de Dieu sur la croix s'identifie à la vie. C'est le chant de Pâques : "à ceux qui vivent dans les tombeaux, il a donné la vie". Toutes les réalités humaines et cosmiques sont transfigurées, Le monde entier est devenu le corps du Christ. Tissé de notre chair, de notre existence la plus concrète, de toute la chair de la terre.     Olivier CLEMENT, Revue Panorama aujourd'hui, janvier 1971

La vie des premiers chrétiens

La première communauté

Ils étaient assidus à l'enseignement des apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières. La crainte gagnait tout le monde : beaucoup de prodiges et de signes s'accomplissaient par les apôtres. Tous ceux qui étaient devenus croyants étaient unis et mettaient tout en commun. Ils vendaient leurs propriétés et leurs biens, pour en partager le prix entre tous, selon les besoins de chacun. Unanimes, ils se rendaient chaque jour assidûment au Temple : ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l'allégresse et la simplicité de cœur. Ils louaient Dieu et trouvaient un accueil favorable auprès du peuple tout entier.

Au fil des premiers chapitres des Actes, la communauté s'organise. Luc cherche à faire découvrir les caractères de la vie selon l'Esprit de Jésus. Cette description de la première communauté est la pierre de touche à laquelle les chrétiens, au long de l'histoire, se ressourcent pour examiner la conformité de leur vie à celle des disciples. Mais il faut prendre garde : la communauté n'est pas aussi idyllique que le texte ne le laisse suppose.

 

Le message de Paul dans ses lettres

Il va de soi qu'en une seule rencontre il n'est pas possible d'épuiser tout le contenu de la pensée paulinienne. Il suffirait peut-être simplement de donner l'envie de lire ses lettres ou du moins de les entendre avec une oreille avertie, lors des célébrations dominicales... Il suffirait aussi peut-être encore plus simplement d'essayer de comprendre quelle fut la vie de Paul, avant et après sa conversion.

Paul a la réputation d'être un auteur difficile. Et c'est vrai. Mais il est tellement attachant ! A travers ses lettres, il se révèle tel qu'il est, un saint bourré de défauts : il parle tout le temps de lui ; affectif, il a besoin d'avoir auprès de lui des amis fidèles ; intégriste dans le judaïsme, il garde, devenu chrétien, son caractère entier et bien des collègues ou des fidèles l'apprendront à leurs dépens : Pierre (Je lui résistais en face parce qu'il ne marchait pas droit ! Ga 2,11), Barnabé qui veut emmener en mission son jeune cousin Jean-Marc dont Paul ne veut pas (On s'échauffa tellement, écrit Luc, qu'on se sépara ! Ac 15,39), les Corinthiens à qui Paul propose de venir rétablir l'ordre chez eux à coups de trique (1 Co 4,21 ; voir 11,16)... Et en même temps un être donné à sa mission, pour qui seul compte l'amour de son Seigneur et le service de ses communautés, de ses fils très chers pour qui il se sent des entrailles de mère... Bien des passages de ses lettres paraissent obscurs (et déjà à l'auteur de 2 P 3,16).

La vie de Paul se divise en deux parties à peu près égales : pendant trente ans (né, peut-être, vers 5 de notre ère, il a son chemin de Damas vers 36), il est pharisien ; puis pendant trente ans (il meurt martyr à Rome, sans doute en 67), devenu chrétien, il est ce missionnaire infatigable qui fonde des communautés dans tout le bassin méditerranéen et écrit à ses chrétiens.

Paul pharisien

Né à Tarse, capitale de la Cilicie, en Asie Mineure, une ville universitaire de plus de 300000 habitants, Paul est au carrefour de deux civilisations. Juif, pharisien, il étudie à Jérusalem près d'un des plus grands rabbis de l'heure, Gamaliel (voir Ac 22,3 et 5,37). Il était de retour à Tarse pendant les années de prédication de Jésus qu'il ne semble pas avoir connu. Il a appris à tisser cette étoffe faite de poils de chèvre, le cilice, qui tire son nom de la Cilicie. Sans doute était-il rabbin et donc marié.

Mais en même temps, il a reçu de ses parents le titre de citoyen romain dont il fera parfois usage avec fierté (Ac 22,25-28). Il a sans doute fréquenté l'université dont il utilise les procédés littéraires et il cite à l'occasion des poètes (Ac 17,28). Son double nom, Saul (nom juif) et Paulos (grec) indique son appartenance à deux civilisations.

Pharisien sincère, Paul alors n'a qu'une passion : servir Dieu en pratiquant minutieusement la Loi. "Ma vie, c'est la Loi" pouvait-il dire. Quand il revient à Jérusalem, vers 36, il est affolé de la prédication de Pierre et des autres. Parce qu'il est théologien, il perçoit mieux que Pierre sans doute que les discours des apôtres risquent de bouleverser le judaïsme : ils mettent ce Jésus, pourtant à juste titre condamné comme blasphémateur par les autorités, sur le même plan que Dieu. Pharisien intransigeant quand il s'agit de la pureté de la foi, il est décidé à combattre cette nouvelle secte, il approuve la mort d'Etienne et il part à Damas pour y pourchasser les disciples qui y ont trouvé refuge.

Sur le chemin de Damas

Le Seigneur glorifié qui lui apparaît, c'est le maudit de la croix : toute sa théologie tient dans ce renversement. Jésus avait été condamné par la Loi dont les autorités religieuses étaient les garants, il était maudit de Dieu qui n'avait rien fait pour le délivrer, comme il est écrit : Maudit (par Dieu) celui qui pend sur le bois (Dt 21, 23). Or Dieu a glorifié ce maudit. C'est donc qu'il se déclare d'accord avec lui. La Loi qui l'a condamné est donc condamnée par Dieu ! La Loi n'est plus rien. Pour Paul, c'est le sens même de sa vie qui s'écroule... Et l'on comprend qu'il reste trois jours prostré, aveugle, à Damas, à faire le bilan de tout ce qui est par terre. Mais dans ce vide douloureux, Jésus s'est installé. Désormais, Paul dira : "Ma vie, c'est le Christ."

Toute sa théologie est en germe ici comme une intuition qu'il mettra une vie entière à inventorier.

Justifié par la foi. Pharisien, Paul croyait être justifié par sa pratique de la Loi : il pensait que tout ce qu'il faisait, ses efforts, ses oeuvres, comme il dit, le rendaient juste devant Dieu. Ici, il découvre que seul le Christ peut rendre juste. Il ne s'agit pas de faire son salut, mais de le recevoir gratuitement, de la main de Dieu, par la foi.

En croyant en Dieu, en adhérant de tout son être au Christ, en lui faisant totalement confiance, on est sauvé par lui, rendu juste. Cela ne veut évidemment pas dire qu'il suffit de croire et de se conduire n'importe comment. Si l'on croit, si l'on aime, on essaie de vivre en conséquence ; mais les oeuvres qu'on fait alors ne sont pas accomplies pour forcer l'autre à nous aimer, mais parce qu'on se sait aimé.

La grâce de Dieu devient un mot-clé de la théologie de Paul. Il découvre qu'il est aimé par Dieu, gratuitement. Dieu ne nous aime pas parce que nous sommes bien, mais pour que nous le devenions. Et c'est là la source de la joie et de la sécurité de Paul et du croyant qui ne s'appuient pas sur ce qu'ils font ou ce qu'ils sont (ce serait souvent démoralisant !) mais sur l'amour de Dieu qui, lui, est fidèle.

Jésus-Christ crucifié. Le maudit de la croix glorifié... Paul cherche à comprendre : si Dieu le glorifie, c'est que cette mort entrait dans son projet ; il faut relire les Écritures ; les poèmes du Serviteur souffrant lui apportent une réponse : Jésus n'a pas été condamné à cause de ses péchés à lui, mais il était broyé à cause de nos péchés et dans ses plaies se trouvait notre guérison (Is 53,4-5). La croix, illuminée par la résurrection, sera au coeur de la théologie de Paul.

C'est aux pieds du Crucifié, qu'il se découvre pécheur, mais pécheur gracié. Ruminer ses péchés ne peut conduire qu'au remords ; c'est sur le visage des autres qu'on perçoit son péché, dans le mal qu'on leur fait. Paul le voit dans la torture de la croix. Mais ce qu'il y voit avant tout, c'est le pardon. La prise de conscience du péché est désormais action de grâces à Dieu qui nous en purifie par Jésus-Christ.

L'Eglise corps du Christ. Pourquoi me persécutes-tu ? demande Jésus à celui qui persécute des chrétiens... Paul perçoit là l'union entre Jésus et ses disciples : ils forment un seul corps, l'Eglise. Voilà le fondement de sa morale : par la foi et le baptême, vous avez revêtu le Christ, vous êtes devenus son corps, vivez donc en conséquence.

Apôtre dû Jésus-Christ. Nous ne pouvons pas ne pas parler, disaient les apôtres. Quand on se découvre aimé d'un tel amour et que cela devient le sens même de sa vie, on ne peut pas ne pas avoir envie de le faire connaître aux autres. Prêcher Jésus-Christ devient pour Paul une nécessité vitale (1 Co 9,16) et l'annoncer à tous les hommes. Juifs et non-juifs, un besoin d'amour.

Entré dans une tradition. Paul avait tout ce qu'il fallait pour devenir un chef de secte : intelligent, passionné, choisi directement par Dieu. Et pourtant, c'est de la main d'Ananie qui ne brille, apparemment, ni par sa science ni par son courage (Ac 3,13), qu'il est baptisé. Sa vocation à Damas, si exceptionnelle qu'elle soit, l'amène à entrer, humblement, dans la tradition de l'Eglise. Et c'est au moment où il reçoit le baptême de cette Eglise que ses yeux s'ouvrent.

Il serait faux de croire que Paul a reçu à Damas une théologie toute faite qu'il n'aurait plus ensuite qu'à monnayer. Le Seigneur l'a empoigné alors (Ph 3, 12) ou l'a impressionné. Pour que cette image du Ressuscité se révèle pleinement à lui, il faudra la vie quotidienne avec les différentes communautés dont les questions forceront Paul à approfondir sa connaissance du Christ.

En guise de conclusion

Certes, tout n'a pas été dit, tout n'a pas été fait.

Nous avons encore beaucoup à faire pour entrer plus avant dans le mystère du Dieu révélé par Jésus-Christ, de ce Dieu qui a parlé à nos pères dans la foi, de ce Dieu qui nous parle encore aujourd'hui par tous les événements de la vie du monde et de notre propre existence.

Ce recueil n'a d'autre prétention que d'avoir essayé de vous faire ouvrir les oreilles au message de la Bible, d'une Parole de Dieu qui se dit encore aujourd'hui. S'il a pu vous faire dresser l'oreille à tel ou tel aspect du message, il aura atteint son but.

Depuis des millénaires, des croyants lisent, méditent la Parole de Dieu, et essayent d'en vivre chaque jour. Puissiez-vous entrer, vous aussi, dans la grande lignée de ces croyants !