Actualité de la foi

Dans le contexte présent que traverse l'Église catholique, dont les mass-média ne cessent de présenter l'état de crise, il est possible de se demander si la foi, si toute foi n'est pas en état de perdition. La parole de Jésus, rapportée par les évangiles : "Le Fils de l'homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?" n'est pas une prophétie en marche vers sa pleine réalisation ?

Certes, le problème actuel que rencontrent toutes les églises, mais aussi toutes les religions, est celui du changement, et d'un changement rapide, qui se manifeste dans la vie courante, et par voie de conséquence dans le domaine de la vie religieuse. Alors, la question qui se pose, presque nécessairement, n'est autre que celle de savoir si la foi elle-même est susceptible d'un changement, d'une transformation.

Dans la mentalité occidentale, la foi (du latin fides) se rattache immédiatement à la notion de fidélité (fidelitas). La foi serait alors une sorte de fidélité à un passé originel aurait une valeur normative encore aujourd'hui. En ce sens, il ne serait Pas impossible de relier la foi au domaine mythologique. En effet, le mythe, dans les formes primitives de la religion, se présente comme un récit originel et fonctionnel, qui permet de comprendre comment telle ou telle réalité est parvenue à l'existence, ou pourquoi une pratique, comme le rite par exemple, se poursuit a travers les âges.

La foi, comme pratique de fidélité absolue, ne manquerait pas à cette proposition, si elle n'était, en même temps, une aspiration vers un avenir. La foi est fidélité au passé, mais aussi tension et attente de l'avenir : elle ne peut être un carcan qui emprisonne, elle est puissance de libération pour un avenir meilleur, qu'il soit placé dans la transformation active du monde présent ou même dans l'attente d'un autre monde. En somme, pour marquer sa véritable fidélité, le croyant n'a d'autre chose à penser, à vouloir et même à espérer que le changement, dans la densité du présent, là même où il lui est possible d'exprimer sa foi.

Deux tentations, deux écueils sont alors à éviter, autant que faire se peut. Ou plus exactement, la foi authentique doit se situer dans la dialectique de ces deux tentations. La première est celle du statisme, voire de l'immobilisme : sous prétexte de fidélité et d'intégrité vis-à-vis du dépôt de la foi des ancêtres, on s'enferme dans une systématisation abusive de tout donné révélé dans les générations qui ont précédé celle-ci ou dans une dogmatisation des enseignements antérieurs. La seconde tentation, au contraire, est celle du dynamisme, voire du progressisme excessif : sous prétexte du changement évident dans le contexte socioculturel, on se laisse emporter, au gré des fantaisies les plus diverses, et même les plus contradictoires.

C'est une réalité constatable empiriquement qui est, sans aucun doute, explicable, du moins en partie, du fait du caractère double du sentiment religieux, exprimé par chaque foi. La foi est, en effet, composée d'un élément éminemment subjectif, celui de la relation de l'homme à celui qu'il nomme Dieu, et d'un élément particulièrement objectif, celui de la médiation par une communauté d'hommes de la dite relation. Il importe à chacun de dire sa relation à Dieu dans le cadre même de cette médiation : l'homme n'est pas seul, il ne saurait être enfermé à l'intérieur de lui-même pour résoudre l'énigme du Dieu qui traverse son existence.

Dans le christianisme, comme dans le judaïsme, comme en islam, le rôle de la communauté des croyants est précisément d'actualiser la foi de chacun des fidèles aux réalités de ce monde présent. Le message sur Dieu que porte la foi des individus est-il compréhensible par tout homme aujourd'hui ? Ce message individuel exprime-t-il correctement la foi de la communauté ? Cette dernière apparaît alors comme une institution, une instance de régulation du sentiment religieux individuel, et non pas comme une puissance de domination sur les individus, sur les sujets croyants.