Le dimanche et la messe

 

Le dimanche est l'unique élément de l'année liturgique qui soit certainement d'origine apostolique. On le voit attesté dans Actes 2O, 77 (assemblée à Troas avec "fraction du pain", le "premier jour de la semaine"). Les évangélistes, en notant avec insistance que la résurrection a eu lieu ce jour-là, indiquent la raison pour laquelle l'Église apostolique a choisi, pour son assemblée eucharistique hebdomadaire, ce "premier jour" de préférence à tout autre, et notamment de préférence au dernier, le sabbat.

Lettre de Pline à Trajan en l'an 112 : "Ils (les chrétiens renégats) affirmaient que leur plus grave faute ou erreur consistait en ce qu'ils avaient coutume de s'assembler à jour fixe avant l'aurore et de dire ensemble un chant au puis de s'assembler une deuxième fois pour prendre une nourriture, commune et innocente toutefois.

La Didascalie des Apôtres : "Quand tu enseignes, évêque, exhorte le peuple et persuade le d'être fidèle à l'assemblée ; qu'il n'y manque pas. Qu'il se réunisse et que personne ne diminue Église en n'allant pas à l'assemblée et ne prive d'un membre le corps du Christ".

Par son retour régulier, l'assemblée dominicale manifeste et proclame que la résurrection est la grande révolution qui a "retourné" le cours de l'histoire, en donnant sens à la vie des chrétiens, conscients et porteurs de ce mystère.

Quand on emploie l'expression "jour du Seigneur", on entend dire habituellement : "jour que le peuple chrétien consacre au Seigneur". Mais il est un autre sens plus fondamental : "Le dimanche est le jour que le Seigneur choisit pour se manifester à son peuple".

Le dimanche n'est pas d'abord un jour où l'on fait des choses pour Dieu, ni non plus le jour où l'on décide de prendre tel ou tel engagement. Il est d'abord le jour où les chrétiens découvrent qui ils sont, en accueillant leur Seigneur qui vient à eux. Il est d'abord le jour où les chrétiens se réunissent pour se reconnaître rassemblés par Dieu, appelés par lui, comblés de ses bienfaits...

L'assemblée refait l'expérience des Apôtres au matin de Pâques : Jésus que l'on croyait mort est ressuscité ; l'impossible à l'homme, mais possible à Dieu, est devenu le Possible de l'homme en Jésus-Christ.

"Notre dimanche, écrit saint Grégoire de Naziance, est vraiment l'avènement de la nouvelle création, l'irruption de la vie d'en haut".

Si le projet du Christ-Sauveur est le rassemblement des enfants de Dieu dispersés, l'assemblée dominicale qu'il vivifie de sa présence, non seulement le manifeste, mais le réalise en donnant aux chrétiens d'entrer toujours plus dans la résurrection de leur Seigneur.

Le repos dominical... Ce n'est pas un élément essentiel du dimanche. Il a été introduit par Constantin comme loi civile. Par la suite, il est devenu peu à peu loi ecclésiastique. Il arrive que dans les pays islamisés, des communautés chrétiennes minoritaires continuent à célébrer l'assemblée eucharistique le dimanche : elles proclament ainsi que la résurrection du Seigneur est le pivot de l'histoire, même au milieu d'une société qui n'y réfère pas son organisation du temps.

Non essentiel, le repos du dimanche est cependant riche de sens. Les jours de travail ne prennent valeur que si nous savons perdre du temps pour Dieu. Ce temps perdu pour Dieu ne produit rien, mais il permet a l'homme d'être avec Dieu : en ce sens, il est promesse du repos définitif en Dieu.

En un lieu, Église n'est rendue visible que si les chrétiens se rassemblent. Dès les origines, il est rappelés aux chrétiens qu'ils sont tenus de se rassembler : "Ne désertons pas nos assemblées" (Hébreux 10, 25). Aujourd'hui, dans le monde sécularisé, le rassemblement des baptisés retrouve une signification nouvelle.

Lorsqu'on est toujours entre baptisés, même dans la vie civile l'assemblée de la communauté chrétienne a tendance à devenir le lieu du culte accompli selon les rites de Église Mais les questions d'évangélisation et de catéchèse, de vie de foi et de charité entre chrétiens, sont examinés hors de l'assemblée. D'autre part, dans une religion de masse, l'impact de l'assemblée a tendance à se déplacer des fidèles aux clercs chargés du culte. Les livres liturgiques sont entre les mains des clercs qui célèbrent, même en l'absence des fidèles.

Brutalement, la situation change. Les chrétiens sont minoritaires et les prêtres plus rares. L'assemblée retrouve sa fonction de signe d'appartenance à Église et sa fonction missionnaire.

Sans rassemblement, les chrétiens dispersés sont condamnés à disparaître, ou du moins à devenir insignifiants.

On ne saurait oublier que le rassemblement dominical ne trouve sa pleine signification et n'a toute son efficacité que dans la célébration de l'Eucharistie. Trop dire que l'essentiel pour les chrétiens est de se rassembler peut conduire une communauté à se préoccuper d'elle-même, de ses affaires. L'essentiel est d'être "aux affaires du Seigneur" ; l'essentiel, ce n'est pas le rassemblement, c'est le Christ présent et agissant. L'assemblée doit s'oublier, s'effacer pour accueillir son Seigneur, l'accueillir, lui et sa puissance de résurrection. Cela se réalise dans la participation eucharistique.

Louis Quemener, Sainte Anne d'Auray