Faut-il prier pour les morts ?

 

La prière pour les morts est parfois remise en question. Elle ressemble souvent, il est vrai, au culte païen des ancêtres. Et cependant, l'Église a toujours prié pour les morts. Qu'est-ce que cela veut dire ?

Tout d'abord, il faut le rappeler : Dieu s'est révélé comme le Dieu des vivants, non celui des morts. Et notre foi chrétienne s'enracine, dans une mort, celle du Christ qui est ressuscité et vivant, signe que Dieu n'abandonne pas ceux qui sont descendus dans la tombe.

Nous prions pour les morts. Et cet acte manifeste que nous sommes vivants. Et parce que nous sommes vivants, nous éprouvons le besoin de faire grandir notre foi dans celui qui est ressuscité. Nous désirons aussi consolider notre espérance dans notre propre résurrection

Prier pour les morts, c'est faire un acte de foi. Et cet acte de foi, seuls, les vivants peuvent le faire. C'est aussi mettre en oeuvre une espérance, celle que nous partagerons la résurrection du Christ. C'est enfin découvrir que nous sommes solidaires : solidaires de ceux qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, solidaires entre nous et avec tous ceux qui sont engagés dans un même combat, celui de l'existence quotidienne. Nous sommes solidaires dans la mort que nous éprouvons, nous sommes solidaires dans la vie que nous partageons à la suite du Christ Jésus.

Personne ne vit pour soi-même, personne ne meurt pour soi-même, expliquait saint Paul aux chrétiens de Rome. Le Christ Jésus a brisé notre isolement et manifesté notre solidarité.

La preuve qu'il en a donné, c'est qu'il en est mort : il s'est dépouillé de tout ce qui le constituait comme Fils unique pour que nous puissions lui devenir semblables, enfants d'un même Père.

A la suite du Christ, nous sommes amenés à effectuer une dépossession de nous-mêmes pour parvenir à l'existence dans le Christ et avec les autres. C'est en acceptant de nous perdre nous-mêmes que nous sommes possédés par le Christ. Et cela, nous pouvons le vérifier dans notre existence quotidienne, pas seulement dans notre mort qui est la forme suprême et radicale de la dépossession. C'est en acceptant de nous perdre totalement que nous affirmons notre solidarité avec celui qui a triomphé définitivement de la mort

Quand des hommes acceptent de s'oublier eux-mêmes, de perdre du temps pour travailler au bonheur des autres hommes, quand des hommes renoncent à des satisfactions légitimes pour que d'autres puissent connaître un mieux-être ou profiter de meilleures conditions de vie et de travail, quand des hommes acceptent de se perdre, de se déposséder d'eux-mêmes pour s'ouvrir à la dimension de solidarité avec les autres, ces hommes-là vivent expérience de la résurrection : ils sont déjà passés au travers d'une mort à eux-mêmes.

Ainsi, prier pour les morts, c'est aussi et peut-être même surtout prier pour nous qui vivons actuellement. C'est prier pour que nous ayons la force et le courage d'effectuer chaque jour une mort à nous-mêmes, le courage et la force d'être engagés dans le même combat que les autres hommes, nos frères.

Prier pour les morts, c'est prier Dieu de nous consolider dans notre foi en la résurrection de Jésus-Christ, de nous fortifier dans notre espérance en notre propre résurrection. Espérance qui n'est pas seulement pour une vie future, mais surtout pour cette vie présente.

Nous ne pouvons pas rester inactifs dans l'attente du retour du Seigneur. Et notre activité est celle d'une mort et d'une résurrection. Elle peut se traduire dans notre acceptation à mourir à nous-mêmes, c'est-à-dire dans un renoncement à ce qui pourrait nous être agréable afin de vivre pour les autres, à la manière du Christ et en lui

Alors notre prière pour les morts prend une dimension proprement chrétienne, comme acte de l'homme croyant en la résurrection de Jésus-Christ, comme acte de l'homme espérant partager avec les autres la vie de celui qui a vaincu la mort.