Chapitre 2

IMPORTANCE DU CULTE DANS L'ECONOMIE DU SALUT

 

Le culte dans l'Ancien Testament

Dans l'Ancien Testament, le culte est service de Dieu, il est conçu comme la réponse de l'homme au Dieu vivant qui fait alliance avec le peuple au mont Sinaï. La meilleure expression biblique, ou du moins la plus significative, se trouve dans le livre du Deutéronome. C'est à la fois une confession de foi est une manifestation liturgique du culte rendu à YHWH, qui souligne également la continuité historique de la communauté.

Je déclare aujourd'hui à YHWH mon Dieu, que je suis arrivé au pays que YHWH avait juré à nos pères de nous donner. Mon père était un araméen errant. Il descendit en Égypte, et c'est en petit nombre qu'il vint s'y réfugier, afin d'y devenir une nation grande, puissante et nombreuse. Les Égyptiens nous maltraitèrent, nous brimèrent, nous imposèrent une dure servitude. Nous avons fait appel à YHWH, le Dieu de nos pères. YHWH entendit notre voix, il vit notre misère, notre peine et notre état d'oppression. Et YHWH nous fit sortir d'Égypte à main forte et à bras étendus, par une grande terreur, des signes et des prodiges. Il nous a conduits ici et nous a donné ce pays, pays où ruissellent le lait et le miel. Voici que j'apporte maintenant les prémices de la terre que tu m'as donnée, YHWH.        Dt. 26, 4-10

Cette profession de foi d'un fidèle qui vient apporter son offrande au Temple est exemplaire : elle retrace toute l'histoire du peuple, depuis son origine, avec Abraham, l'araméen errant, jusqu'à son installation en Terre Promise et même jusqu'à l'heure présent. Le fidèle s'identifie avec tout son peuple. Son histoire personnelle s'exprime dans la solidarité avec ce peuple dont l'histoire est récapitulée dans ce texte.

Mon père était un araméen errant. Abraham, le père et le modèle de tous les croyants, s'est mis en route. Pour lui, croire en la Parole de Dieu, n'a jamais rien signifié d'autre que de marcher pour aller vers le pays que Dieu avait promis de donner à sa descendance. A la suite d'une famine, dans le pays d'Hébron, le clan d'Abraham a été conduit à se réfugier en Égypte. Là, il est devenu une nation grande, puissante et nombreuse. Ce peuple, fort de sa puissance numérique, a fini par oublier Dieu qui lui donnait sa force de cohésion. Et c'est dans l'épreuve de la servitude que ce peuple a retrouvé la foi de ses ancêtres, en se tournant de nouveau vers YHWH. Sous la conduite de Moïse, le Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, a fait sortir son peuple de la maison de servitude, pour le sanctifier par une alliance au Sinaï. Dieu lui a donné une loi qui concerne toute sa vie et qui fait de lui un peuple saint, consacré à Dieu et séparé des autres peuples. Le séjour au désert fut long parce que le peuple n'était pas encore libéré de sa mentalité d'esclave. Et c'est donc un peuple nouveau qui est entré dans la Terre Promise, ce pays où ruissellent le lait et le miel. Au moment de la nouvelle récolte, le fidèle apporte au Temple les premiers fruits de sa terre, cette terre dont il n'est que le gérant, puisqu'elle appartient à Dieu.

Le culte est inséré dans une histoire, celle de tout le peuple, même si elle est reprise en compte par celui qui apporte les prémices. En apportant les premiers et les meilleurs fruits de la terre, il donne sa réponse au Dieu qui a fait alliance avec lui, le faisant sortir de Égypte et de toute maison de servitude. Le culte est le lieu d'une communication entre l'homme et Dieu, tout en étant communion avec tout le peuple. L'élément cultuel renforce l'unité sociale, il est le ciment de la communauté d'Israël. le culte est mémorial du passé, qui s'accomplit dans le présent, il est aussi gage et promesse : Dieu lui-même accomplira ce qu'il a commencé.

Le culte dans le Nouveau Testament

La première communauté chrétienne s'est perçue en continuité avec Israël. Elle se présente comme l'accomplissement des promesses faites au peuple de l'ancienne alliance.

Jésus et ses disciples sont profondément juifs, et Jésus n'a pas voulu fonder une secte, avec l'exclusivisme qui caractérise toutes les sectes, il a voulu conduire le judaïsme à son véritable terme. Après son départ, ses disciples n'ont pas davantage voulu former une secte, ils ont repris le culte de l'Ancien Testament, en l'interprétant avec les méthodes de la tradition juive et à la lumière de l'événement pascal. C'est ainsi que les chrétiens continuent à lire et méditer l'Ancien Testament, ils manifestent par là leur refus d'une religion qui ne serait pas enracinée dans l'histoire.

La rupture avec le judaïsme a pour motif la reconnaissance explicite de l'accomplissement des promesses de Dieu en la personne de Jésus de Nazareth, mort et ressuscité, fait Christ et Seigneur par la puissance de Dieu. Mais cette rupture ne s'est faite que progressivement, sous l'influence notamment de l'entrée des païens dans la communauté chrétienne. Cette scission avec le judaïsme s'est exprimée dans la reconnaissance de Jésus-Christ comme Temple nouveau, menant ainsi à son terme tout le culte au Temple de Jérusalem. Pourtant, la prédication des apôtres n'exigeait pas une rupture avec le passé, mais simplement la reconnaissance de Jésus comme le Messie annoncé par les prophètes, le Christ et l'Oint de Dieu. Malgré leur refus, les docteurs de la Loi juive vont d'abord garder une attitude bienveillante à l'égard des juifs devenus disciples du Christ. Les apôtres espéraient que l'obstination des juifs serait vaincue et que l'Israël ancien prendrait la tête de l'Israël nouveau. Ce n'est qu'après l'événement d'Antioche, c'est-à-dire l'entrée en nombre de païens dans la communauté chrétienne que la rupture sera consommée. « Et c'est à Antioche que, pour la première fois, le nom de chrétiens dut donné aux disciples » (Ac. 11, 26).

Jésus n'a jamais rejeté le culte juif, il a prêché dans les synagogues et dans le Temple. Il respecte les temps de la prière, avec la récitation des bénédictions, du Shéma Israël (Dt. 6, 4-9). Et les apôtres ont continué à fréquenter le Temple.

Pourtant, il y a déjà discontinuité au niveau même de l'existence de Jésus, avec un renforcement de la visée prophétique et le rejet d'une perspective hypocrite, pour favoriser le lien entre le culte et la vie : Ce ne sont pas les sacrifices que je veux, mais la miséricorde. Jésus et ses disciples ne condamnent pas le rite, mais le formalisme rituel.

Au plan théologique, la rupture du christianisme d'avec le judaïsme ne s'éclaire que dans la lumière de Pâques. Jésus a accompli le dessein de Dieu, annoncé par le culte même d'Israël, il réalise la promesse de l'envoi de l'Esprit sur les enfants du peuple. Le christianisme naissant ne connaît plus alors de lieux réservés au culte : « Ils rompaient le pain à domicile, prenant leur nourriture dans l'allégresse et la simplicité de coeur, ils louaient Dieu » (Ac. 2, 46-47).

Le christianisme ne connaît pas davantage de castes sacerdotales : l'essentiel est l'offrande spirituelle à Dieu, même si le Nouveau Testament mentionne encore l'existence de certains rites.

Dans le culte chrétien, les rites sont très originaux dans leur essence, ils exigent la foi et ils exigent de vivre de la foi. Cette originalité ne se trouve pas dans le degré de pureté, d'intériorité ou d'engagement, mais dans la participation à la vie de l'unique médiateur, Jésus-Christ, et à la célébration dans l'Esprit. Le sacré et le profane deviennent inséparables.