Chapitre 3

DEFINITION DU TERME SACREMENT

 

 

Le sens du mystère

Dans la version grecque de la Bible juive, version dite des Septante, en raison du nombre de ses traducteurs, le mystère est une chose secrète : c’est le dessein secret du salut caché en Dieu et qui s’est révélé à certains hommes, en songes, en visions ou par des anges. C’est le secret de l’avènement définitif du Royaume de Dieu.

Dans le Nouveau testament, le mystère concerne le Royaume de Dieu en train de se construire. Et l’apôtre Paul met l’accent sur le Christ comme mystère de Dieu, parce qu’il met en évidence ce qui était caché en Dieu et qu’en lui s’achèvera la fin des temps. C’est dans l’Église, Corps et Épouse du Christ, que Dieu a finalement manifesté le mystère : celui-ci est désormais accessible à tous ceux qui sont animés de l’Esprit de Dieu. Et donc, l’Église est le premier signe du mystère de Dieu.

En aucun cas, le terme de « mystère » n’est employé pour désigner le culte divin. Ce refus de désigner le culte comme un mystère se comprend si l’on songe au fait que les cultes à mystères étaient très répandus à l’époque de la rédaction du Nouveau Testament. Dans les mystères païens, l’homme participait au destin de la divinité, avec ses souffrances et jusque dans sa mort. S’il y a une différence de contenu entre les mystères païens et le mystère chrétien, il faut quand même remarquer qu’il y a une analogie dans l’expression. Les mystères païens ont sans doute préparé un mode qui a permis aux actes rituels chrétiens de s’exprimer et de se signifier.

Aux deuxième et troisième siècles, le terme de mystère n’est jamais employé pour désigner le culte chrétien. Quand on parle de mystère pour le culte, c’est toujours pour désigner les cultes païens qui sont une contre-façon du culte chrétien. Hippolyte de Rome, au début du troisième siècle, constitue une exception qui deviendra fréquente au siècle suivant.

Pour Athanase d’Alexandrie, il y a mystère chaque fois que nous considérons les choses autrement que nous ne les voyons spontanément. Sa définition recouvre la notion de salut et celle des rites chrétiens. A ce moment précis de l’histoire, les mystères païens sont en pleine décadence, il n’y a donc plus de danger de confusion.

Le culte chrétien

Le culte chrétien est la représentation symbolique du fait sauveur, c’est-à-dire la mort et la résurrection du Christ Seigneur. Ce qui est réactualisé, ce n’est pas l’événement historique de la croix, même si on ne situe au simple niveau symbolique. Le culte chrétien rend présent et actuel, non pas l’acte en tant que fait historique, mais l’acte en tant que réalité profonde qui a donné sens à la réalité historique concrète. Le mystère de mort et de résurrection a une portée significative qui n’est pas inscrite dans le cadre de l’histoire.

La définition du sacrement

Dans un premier sens, le terme « sacramentum » désigne un serment, le lien qui unit l’homme à Dieu. Ainsi, le baptême est désigné comme « sacramentum militiae » : alors que la condamnation le menace au cours des persécutions, le chrétien est un « miles », un soldat du Christ.

Quand on parle de « sacramentum fidei » ou de « sacramentum disciplinae », on désigne la foi qui oblige à être crue et qui se manifeste par une éthique, une morale, une discipline. Le christianisme devient alors une discipline salutaire.

Mais le « sacramentum » désigne aussi la relation inverse, celle qui unit Dieu à l’homme. Il indique alors la promesse de Dieu, en tant que celui-ci jure, par sa Parole, d’être fidèle. Par suite, c’est une alliance qui unit Dieu à l’homme, une alliance qui engage Dieu par rapport à l’homme, puis l’homme par rapport à Dieu, et finalement les hommes entre eux. « Sacramentum » devient alors synonyme de piété et de fraternité.

Dans un second sens, le « sacramentum » désigne le signe même de Dieu. Ainsi, les prophéties, qui sont les cautions données par Dieu de sa fidélité. Ainsi également les rites qui sont des cautions divines pour marquer le contrat d’affranchissement. C’est le sceau apposé à la foi de la part de Dieu.

Le nombre des sacrements

Au cours du quatrième siècle, on estime que les sacrements sont des symboles qui font participer l’homme au mystère même du Christ, mort et ressuscité.

L’étymologie du terme « symbole » permet de comprendre cette idée. Le symbole est un sceau que l’on brise en deux et dont on remet les parties à deux individus différents. La réunion des deux parties permet l’identification des porteurs et garantit, par le fait même, l’authenticité et la véracité du message dont ils sont les porteurs. Ainsi, dans le symbolisme cultuel, une correspondance peut s’établir entre les réalités visibles et les réalités invisibles. Par exemple, l’Église terrestre est la partie corporelle d’un grand ensemble dont l’autre moitié est invisible et céleste.

Au neuvième siècle, on insiste sur l’aspect secret des sacrements. Ils cachent, sous les apparences, la réalité même de ce qui se passe en Jésus-Christ.

Pierre Damien, au onzième siècle, énumère une douzaine de sacrements, mais sa liste n’est pas encore exhaustive. Pierre Lombard donne la liste des sept sacrements qui sont considérés comme principaux. Pierre de Poitiers, mort en 1205, hésite encore sur la pénitence. Le septénaire est adopté par le pape Innocent III (1198-1216).

L’existence des sept sacrements ne peut pas se déduire facilement, les théologiens l’ont toujours constatée dans les faits. Ils ont été vécus comme des signes de la vie de l’Église avant d’être définis intellectuellement. Le nombre de sept n’est pas d’origine patristique, car les Pères de l’Église auraient certainement parlé de ce symbolisme supplémentaire. Et cependant, une fois la liste adoptée, les grands scolastiques ont interprété ce nombre dans le sens d’une plénitude sacramentelle.