Chapitre 15
LA CONFIRMATION DANS L’HISTOIRE
De l’âge apostolique au vingtième siècle
Le fondement historique du sacrement de confirmation se trouve dans le livre des Actes des apôtres, qui parlent explicitement du don de l’Esprit-Saint par le geste de l’imposition des mains :
Une fois arrivés en Samarie, Pierre et Jean prièrent pour les Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint. En effet, l’Esprit n’était encore tombé sur aucun d’eux, ils avaient seulement reçu le baptême au nom du Seigneur Jésus. Pierre et Jean se mirent donc à leur imposer les mains et les Samaritains recevaient l’Esprit-Saint. Ac. 8, 15-17
Ils (des Éphésiens) l’écoutèrent et reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus. Paul leur imposa les mains et l’Esprit vint sur eux, ils parlaient en langues et prophétisaient. Il y avait en tout environ douze personnes. Ac. 19, 5-7
On peut aussi découvrir des allusions à l’Esprit dans les lettres apostoliques, mais il n’existe pas de témoignage explicite sur le sacrement de confirmation proprement dit avant le troisième siècle, sans doute parce que l’onction était donnée en même temps que le baptême, qui imprimait sur les nouveaux baptisés la marque, le sceau (en grec, la Sphragis) de l’Esprit et qui faisait d’eux de nouveaux « oints », de nouveaux « christs » par le Christ. La simultanéité du baptême et de la confirmation, appelée chrismation, est encore en usage dans l’Église d’Orient.
Comme le soulignait le pape Paul VI, dans sa constitution apostolique, Divinae consortium naturae, en août 1971 : « la manière de conférer le don du Saint-Esprit a donné lieu dans l’Église, depuis l’Antiquité, à des rites variés. En Orient comme en Occident, ils connurent des changements divers en conservant toujours cependant la même signification : communiquer le Saint-Esprit ». Il est impossible de préciser quand l’Église a commencé à combiner les deux rites de l’imposition des mains et de l’onction du saint-chrême. Mais la doctrine reconnue par les Pères de l’Église est que la confirmation est le sacrement du don de l’Esprit, qui constitue le sceau définitif de l’initiation chrétienne : la confirmation indique la participation effective à la fonction messianique du Christ.
Et il faut encore noter que, durant les trois premiers siècles, le baptême était directement administré par l’évêque, au cours de la nuit pascale. Ainsi, au sortir du bain baptismal, le nouveau baptisé recevait le sacrement de confirmation, soit par l’imposition des mains, soit par une signation (signe de croix sur le front). Mais à la fin du troisième siècle, les candidats au baptême sont de plus en plus nombreux, si bien que l’évêque n’est plus en mesure de les baptiser tous lui-même : il consacre alors l’eau baptismale, commence la série des baptêmes, puis délègue ses pouvoirs à des prêtres ou à des diacres (et même à des diaconesses pour le baptême des femmes). Il reçoit les nouveaux baptisés et accomplit sur eux les rites du don de l’Esprit selon des modalités qui diffèrent entre l’Occident (imposition des mains) et l’Orient (chrismation), sans omettre la signation sur le front, par laquelle le chrétien porte la marque, le sceau indélébile de l’Esprit, puis l’évêque donne au baptisé le baiser de paix.
Avec la paix constantinienne, c’est-à-dire vers la fin des
persécutions contre l’Église, les conversions se multiplient, ainsi que les
communautés chrétiennes qui s’étendent à l’extérieur des villes de l’empire
jusque dans les campagnes. De plus, les baptêmes d’enfants deviennent aussi
de plus en plus nombreux. Alors deux solutions se présentaient. Ou bien, le
prêtre baptisé lui-même le nouveau-né au nom de l’évêque, et il
différait la confirmation à plus tard, quand l’évêque passerait dans la
région, c’est la position qui a été adoptée par l’Église d’Occident.
Ou bien le prêtre baptisait et confirmait lui-même le nouveau baptisé, le
prêtre ayant alors reçu le pouvoir de confirmer au nom de l’évêque, c’est
la solution qui a été adoptée par l’Église d’Orient, dans laquelle le
prêtre baptise, confirme et aussi fait participer le nouveau baptisé à l’eucharistie
en lui donnant quelques gouttes du vin eucharistié. l’Occident a donc
préféré dissocier le baptême et la confirmation, réservant ce dernier
sacrement à l’évêque. L’onction sur le front introduite au cinquième
siècle prend de plus en plus d’importance, à côté de la nécessaire
imposition des mains.
« Au long des siècles, des questions et des doutes surgirent sur ce qui appartenait avec certitude à l’essence du rite de la confirmation. Il est utile de rappeler au moins quelques-uns des éléments qui contribuèrent, depuis le treizième siècle, dans les conciles oecuméniques comme dans les documents des souverains pontifes, à mettre fortement en lumière l’importance de la chrismation sans faire oublier cependant l’imposition des mains.
Innocent III, notre prédécesseur a écrit : Par la chrismation sur le front est signifiée l’imposition des mains, car par elle le Saint-Esprit est donné pour la croissance et la force.
Innocent IV rappelle, lui aussi, que les apôtres donnaient le Saint-Esprit par l’imposition de la main, que représente la confirmation ou chrismation sur le front.
Sans la profession de foi de l’empereur Michel Paléologue, lue au second concile de Lyon, mention est faite du sacrement de confirmation que les évêques confèrent par l’imposition des mains, en marquant du saint-chrême les nouveaux baptisés.
Le décret pour les Arméniens, porté par le concile de Florence (22 novembre 1439), affirme que la matière du sacrement de confirmation est le saint-chrême, fait d’huile et de baume. Après avoir rapporté les termes des Actes des apôtres sur Pierre et Jean qui donnèrent l’Esprit-Saint par l’imposition des mains, il ajoute : A la place de cette imposition des mains, dans l’Église, on donne la confirmation.
Le concile de Trente, en 1547, bien que ne voulant pas définir le rite essentiel de la confirmation, le désigne cependant uniquement par le nom de saint-chrême de la confirmation.
Benoît XIV déclara : Ceci est hors de discussion. Dans l’Église latine, le sacrement de confirmation est donné en se servant du saint-chrême ( c’est-à-dire d’huile d’olives mélangée de baume) béni par l’évêque, par une onction en forme de croix sur celui qui le reçoit par le ministre du sacrement qui prononce en même temps les paroles constituant la forme.
De nombreux théologiens défendirent, à cause de ces déclaration et de ces traditions que l’onction de saint-chrême, faite sur le front par l’imposition de la main, était seule requise pour conférer validement la confirmation. Dans les rites de l’Église latine néanmoins, l’imposition des mains sur les confirmands avant l’onction du saint-chrême était toujours requise...
En Occident, les paroles du rite qui complète le baptême ne furent pas clairement déterminées jusqu’aux douzième et treizième siècles. En fait, c’est dans le pontifical romain du douzième siècle qu’apparaît pour la première fois la formule devenue ensuite commune : Je te marque du signe de la croix et je te confirme avec le chrême du salut, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.
Par tout ce que nous avons rappelé, il apparaît clairement que, dans l’acte de confirmer, en Orient comme en Occident, de manières certes diverses, l’onction du saint-chrême qui représente, d’une certaine façon, l’imposition des mains faite par les apôtres a tenu la première place. Comme cette onction du saint-chrême symbolise de manière adaptée l’onction spirituelle du Saint-Esprit qui est donné aux fidèles, nous voulons en confirmer l’existence et l’importance. Pour ce qui est des paroles prononcées lors de la chrismation, nous avons estimé à sa juste valeur la dignité de la vénérable formule utilisée dans l’Église latine. Nous avons jugé cependant qu’il fallait préférer l’antique formule propre au rite byzantin, par laquelle est exprimé le don de l’Esprit-Saint lui-même et rappelée l’effusion de l’Esprit le jour de la Pentecôte. Aussi avons-nous adopté cette formule presque mot pour mot.
Le sacrement de confirmation est conféré par l’onction de saint-chrême sur le front, faite en imposant la main, et par ces paroles : Accipe signaculum Doni Spiritus Sancti, Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu.
Paul VI, Constitution apostolique, Divinae consortium naturae, 15 août 1971
Le pape Paul VI rappelait ainsi l’évolution de l’administration du sacrement de confirmation, en insistant sur le rite essentiel de l’imposition de la main et de l’onction simultanée (qui peut alors apparaître comme la consignation de l’onction baptismale).
Les personnes concernées par le sacrement
C’est d’abord toute la communauté qui est concernée par le sacrement de la confirmation. C’est en effet elle qui fait mémoire de l’événement fondateur de l’Église, au jour de la Pentecôte. Cela amène à dire explicitement que la confirmation n’est pas le sacrement qui serait donné à un individu pour s’inscrire dans son histoire personnelle. Mais cela est aussi vrai de tous les autres sacrements : ils sont des événements qui marquent le don accordé par Dieu à tout son peuple et à toute l’humanité. En célébrant la confirmation, l’Église célèbre le don gratuit de Dieu, qui fait d’elle un peuple de témoins pour l’ensemble de l’humanité. Elle affirme aussi qu’elle n’est pas une société humaine semblable aux autres, mais qu’elle reçoit sa vie et se reçoit elle-même du don de Dieu. La confirmation n’est pas une dévotion privée, elle s’inscrit comme événement fondateur de l’Église, comme mémorial de Pentecôte, comme enracinée dans la Pâque du Seigneur. En ce sens, il lui est nécessaire d’être « signe » pour le monde.
L’Église universelle est signifiée par la présence de l’évêque qui donne habituellement le sacrement, en tant qu’il est lui-même successeur des apôtres qui, ayant reçu l’Esprit-Saint, l’ont transmis par l’imposition des mains à ceux qui avaient cru au nom de Jésus et s’étaient fait baptiser. L’évêque est celui qui assure la cohésion ecclésiale, effectuant en sa personne la communion de la communauté chrétienne. Et dans le sacrement de la confirmation, sa présence signifie le lien qui unit tous les confirmés à l’ensemble de l’Église de la Pentecôte, les invitant alors, au nom de son ministère propre, à porter témoignage du don reçu par la grâce de Dieu. En effet, il revient aux confirmés de mener par la suite une vie conforme au don reçu. La confirmation ne s’achève pas dans la célébration du sacrement, c’est son point de départ, dans la transmission de la foi aux hommes qui ne la connaissent pas encore
Confirmer des laïcs et ne pas leur donner de responsabilités effectives dans la vie de l’Église, c’est manquer à la signifiance du sacrement lui-même. Confirmer des enfants et ne pas accepter de les voir différents, membres à part entière du peuple de Dieu, c’est refuser d’admettre que l’Esprit agit et souffle là où il veut... Aussi est-ce dans cette perspective qu’il est légitime de s’interroger sur l’âge optimal pour recevoir ce sacrement qui clôt l’initiation chrétienne. Il importe, selon la tradition en vigueur dans l’Église catholique que l’enfant ait atteint « l’âge de raison ». Mais cet âge de raison ne se limite pas aux seules facultés intellectuelles, il est nécessaire qu’une première annonce de la foi ait été faite depuis le baptême. L’accès à la confirmation est la résultat d’une démarche personnelle, même si le sacrement est le signe de l’Église universelle de Pentecôte. Il est commandé par l’existence d’une vie de foi authentique et réfléchie selon les capacités du candidat. Ainsi, il peut arriver qu’un très jeune enfant soit « apte » à recevoir le sacrement, comme il peut arriver qu’un jeune ou même un adulte ne soit pas encore « apte ». Il n’est donc pas possible de dresser des critères objectifs et précis pour fixer un âge pour la réception de ce sacrement. Ce qu’il convient de faire, c’est d’exiger que le candidat vive un minimum d’autonomie dans sa foi et qu’il ait une expérience réelle de la vie de l’Église, comme envoyée en mission par son Seigneur.