Chapitre 18

LA CELEBRATION DE LA RECONCILIATION

 

Depuis Jésus-Christ, le sacrement de réconciliation a été célébré, d'abord collectivement, puis en privé, sous des formes divers. Aujourd'hui, l'Église propose trois types de célébrations : une individuelle, une communautaire avec confession et absolution individuelles, et dans certains cas bien définis une célébration communautaire avec absolution collective... Mais c'est toujours le pardon de Dieu qui agit sous chaque forme de célébration dans laquelle le chrétien se reconnaît pécheur, c'est la confession des péchés, et reconnaît aussi que le pouvoir de pardonner les péchés a été remis par le Christ à l'Église, c'est la confession de la miséricorde de Dieu, la confession de la foi chrétienne, par le ministère des évêques et des prêtres. Ce qui est demandé au pénitent, au-delà de l'aveu, c'est l'engagement vers une vie nouvelle (un repentir et une conversion) par la réparation du mal qu'il a fait (la pénitence).

La foi du peuple chrétien au pardon de Dieu et à la réconciliation n'a pas changé, mais la manière de le dire, de le célébrer, a beaucoup varié. L'Église n'est pas un musée de traditions qu'il faut conserver à tout prix, elle est le lieu où l'Esprit de Dieu agit de l'intérieur pour annoncer à l'ensemble de l'humanité la Pâque du Seigneur.

Pour la réconciliation individuelle, le confessionnal n'est pas aboli, car il convient de ménager des transitions. Mais le nouveau rite de la réconciliation exige certainement un lieu où il soit possible au prêtre et au pénitent de se rencontrer véritablement, et non pas dans une rencontre-express, quitte à sacrifier pour ce faire une partie de la célébration eucharistique dominicale. Prêtres et pénitents ne peuvent plus se faire les complices d'un massacre de la réconciliation, en réclamant ou en accordant des absolutions anonymes, rapides et sans douleur... parce que sans rencontre véritable. En effet, la conversion n'est pas simplement l'affaire de quelques minutes dans "un "placard à péchés" où un coup d'"éponge magique" permettrait de faire rapidement une lessive à bon compte. La réconciliation ne peut pas être une habitude, car elle est un événement, celui de la rencontre du chrétien et de son Seigneur.

Pourquoi faut-il l'intermédiaire d'un prêtre ?

Dieu n'a pas besoin d'intermédiaire, il est libre d'agir comme il veut. Mais c'est avec des hommes qu'il agit. Nous ne sommes pas de purs esprits, nous avons besoin de signes pour vérifier la vérité de nos pensées. Il est donc nécessaire d'exprimer cette rencontre dans des gestes humains. C'est la raison pour laquelle la présence d'un prêtre est indispensable dans la réconciliation chrétienne. Le prêtre n'agit pas en raison de ses compétences, de son intelligence personnelle ou de ses qualités de bon psychologue. Il agit au nom du Christ qui a donné à ses apôtres et à leurs successeurs le pouvoir de pardonner les péchés. Une parole de l'Évangile dit : Va d'abord te réconcilier avec ton frère avant de venir présenter ton offrande à l'autel.

Alors, s'il faut un geste pour exprimer le pardon, pourquoi ce geste ne concernerait-il pas l'autre, mon ennemi ? Pourquoi un tiers pour le pardon de l'Église ? Quel est le frère avec qui je dois me réconcilier ? Ce que je fais touche les autres, tous les autres, je ne sais pas jusqu'où mes actes me conduisent...

Le prêtre est là comme le témoin de la communauté chrétienne que mes actes atteignent, mais pourquoi spécialement un prêtre ? La communauté chrétienne est structurée : le prêtre n'est pas seulement mon ami, c'est celui qui a reçu de l'Église le pouvoir de pardonner, il est mandaté par l'Église pour cela.

La réconciliation personnelle avec Dieu par l'intermédiaire d'un prêtre est un moment important dans la vie du chrétien : il se souvient que le don de Dieu est gratuit. Dieu se propose à l'homme qui peut l'accueillir ou le refuser. Jésus n'a pas été écouté par ses contemporains. Certains ont refusé d'entendre sa parole, ils ont refusé de se convertir. D'autres ont suivi son chemin et ont changé de vie.

Se confesser, ce n'est pas faire un catalogue de tous ses péchés, c'est essayer de regarder toute sa vie comme Dieu lui-même la regarde. Il s'agit de voir sa vie à la lumière de l'Évangile. C'est ainsi qu'on peut découvrir son péché et la grandeur de l'amour de Dieu : Aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.    Jn. 13, 34

Ce faisant, nous nous découvrons pécheurs et nous reconnaissons que Dieu nous sauve et nous aime. C'est face à l'amour de Dieu que nous prenons conscience de tous nos manques d'amour envers lui et envers les autres. Se réconcilier, c'est s'engager à aimer davantage.

Quand tu vas te confesser, tu penses : Qu'est-ce que je vais dire ? Qu'est-ce qu'il va penser ? Qu'est-ce qu'il va me dire ? Pense d'abord : Qui vais-je rencontrer, qu'est-ce que je vais recevoir ? Tu fais beaucoup de cas des péchés que tu donnes et très peu de l'amour rédempteur qui t'est donné. Si le Christ est venu sur terre, s'il est mort et ressuscité, c'est pour vaincre le péché. Se confesser, c'est rencontrer le Christ et s'unir à lui dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Par le péché, les hommes se sont séparés de Dieu et séparés les uns des autres... Chaque fois que tu reçois le sacrement de réconciliation, tu choisis à nouveau le Christ, renouant ou renforçant les liens rompus ou distendus avec ton Père, avec tes frères. Pour te lever chaque jour, il faut renouveler ton effort. Pour travailler, il te faut chaque jour reprendre ton outil. Pour aimer, il faut chaque jour te renoncer. Ton refus du péché et ton attachement à Jésus ne sont pas hélas définitifs. Pourquoi me confesser, je recommencerai ? C'est justement pour cela qu'il faut te confesser. Car recevoir le sacrement de réconciliation, c'est accueillir toute la force triomphale de la résurrection. Mais je la gâcherai ! Non, car si tu tombes à nouveau, au moins tu tomberas en montant. Par la mort du Christ, le pardon de tes péchés est acquis. Ainsi tu n'auras pas à le conquérir, mais à le recevoir. Le père du prodigue attendait son fils pour lui donner le pardon. Encore fallait-il que le fils revint ! Comment veux-tu chercher une autre solution à ton problème de mathématiques si tu n'as pas d'abord constaté que tu as fait une erreur ? Comment veux-tu te convertir si tu n'as pas découvert que tu t'es trompé de route ?            Michel QUOIST, Réussir

Toute célébration de la réconciliation se doit de commencer par un accueil, manifesté par exemple par le signe de la croix, qui manifeste que prêtre et pénitent sont tous deux pécheurs et que la réconciliation s'opère par la croix du Christ. Dans la célébration communautaire, l'accueil se prolonge par une prière d'ouverture :

Dieu très bon et miséricordieux, tu ne veux pas la mort du pécheur, mais sa conversion. Viens au secours de ton peuple pour qu'il revienne à toi et qu'il vive. Donne-nous d'écouter ta Parole et de reconnaître notre péché. Alors nous pourrons te rendre grâce pour ton pardon et, vivant dans la vérité de l'amour, nous marcherons sur les pas de ton Fils...

Cette prière introduit ainsi la lecture de la Parole de Dieu, car c'est elle seule qui appelle l'homme à la conversion et à la réconciliation.

La première étape dans la rencontre personnelle est de trouver une attitude de prière. En nous présentant au prêtre, nous disons : Père, bénissez-moi, parce que j'ai péché. le prêtre vous accueille en disant (par exemple) : Que le Seigneur Jésus vous accueille, lui qui n'est pas venu appeler les justes mais les pécheurs. Quand des chrétiens disent : je ne sais pas quoi dire, cela n'est pas étonnant car ils mettent l'accent sur leur propre personne au lieu de laisser l'Esprit de Dieu révéler leur péché, en leur montrant l'amour de Dieu. Plus ils écoutent la Parole de Dieu, plus ils se découvrent pécheurs.

Même dans une rencontre personnelle, la deuxième étape se doit d'être l'accueil de la Parole de Dieu. Pour faciliter le dialogue avec le prêtre, il est bon de lui dire ce qui nous marque le plus dans les paroles de Jésus qui ont aidé à préparer cette rencontre... La méditation de la Parole de Dieu doit conduire à reconnaître la tendresse de Dieu pour la brebis égarée, puis à reconnaître son péché. Le prêtre peut alors inviter le pécheur à la confiance dans la miséricorde de Dieu qui ne veut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse te qu'il vive. L'homélie, dans la célébration communautaire, peut inviter les chrétiens à examiner leur conscience, mais elle doit surtout les inviter à reconnaître l'amour et la miséricorde de Dieu pour celui qui est décidé à réparer le mal qu'il a fait, tout en soulignant que l'oeuvre de grâce opérée par Jésus-Christ ne peut pas s'épuiser dans des pratiques individuelles de pénitence et qu'elle exige de chacun des pénitents et de toute la communauté chrétienne une conversion à cet amour miséricordieux de Dieu.

La troisième étape, c'est donc de reconnaître l'amour de Dieu et reconnaître son péché. Nous disons : Pardon, Seigneur, je reconnais que j'ai péché, je prends aujourd'hui la décision de changer telle chose dans ma vie avec l'aide de ton Esprit.

Entrer dans une démarche de pénitence, même de manière privée, n'est pas et ne peut pas être une démarche solitaire, c'est dans l'Église et avec elle que le pénitent est invité à pratiquer sa démarche de conversion. Les pécheurs ne sont pas livrés à leur seule subjectivité, à leur simple souci d'une moralité extérieure, ils sont membres d'un peuple solidaire, membres de l'Église qu'ils forment avec tous ceux qui les ont précédés et tous ceux qui les suivront, membres d'une Église sainte parce que le Christ en est la Tête, et membre d'une Église pécheresse : les chrétiens sont solidaires dans le péché comme ils sont solidaires dans la résurrection du Christ.

La quatrième étape consiste dans l'accueil du pardon de Dieu. C'est toujours d'un autre que nous revenons le pardon, cet autre qui est le prêtre et qui signifie que c'est le Christ lui-même qui accorde le pardon de Dieu. C'est au titre de son ministère qu'il est habilité à recevoir la confession des pécheurs, et il est tenu de garder le secret sacramentel. C'est aussi au titre de son ministère qu'il est habilité à accorder le pardon de Dieu, comme c'est toujours à ce même titre qu'il lui est possible de proposer une "satisfaction", une réparation, un effort pour que le pécheur puisse sortir de ses habitudes, se convertir, transformer sa vie pour la rendre comparable au modèle proposé par le Christ Jésus. Mais l'effort humain ne saurait être suffisant. C'est le Christ qui obtient pour les hommes la réconciliation avec Dieu, l'oeuvre de l'homme ne peut être qu'une collaboration à cette oeuvre. la première collaboration humaine s'exprime dans la prière. Ainsi, dans la réconciliation, sous sa forme privée, pénitent et prêtre peuvent s'associer dans une même prière, ou bien le pénitent peut prier seul, en s'inspirant de textes évangéliques ou liturgiques. Dans les célébrations communautaires, la prière est reportée à un moment ultérieur, quand tous les pénitents ont pu confesser leur péché aux prêtres présents : cette prière prend alors la forme d'une action de grâce.

Dans les célébrations privées, comme dans les célébrations communautaires, le pardon de Dieu est, en principe, accordé personnellement, sous une forme brève :

Que Dieu notre Père vous montre sa miséricorde. Par la mort et la résurrection de son Fils, il a réconcilié le monde avec lui et il a envoyé l'Esprit-Saint pour la rémission des péchés. par le ministère de l'Église, qu'il vous donne le pardon et la paix. Et moi, je vous pardonne tous vos péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. AMEN.

ou bien sous une forme plus développée :

Dieu notre Père ne peut pas la mort du pécheur, mais qu'il se convertisse et qu'il vive. C'est lui qui nous a aimés le premier et il a envoyé son Fils dans le monde pour que le monde soit sauvé par lui. Qu'il vous montre sa miséricorde et vous donne la paix. AMEN.

Jésus-Christ, le Seigneur, livré à la mort par nos fautes, est ressuscité pour notre justification. Il a répandu son Esprit-Saint sur les apôtres pour qu'ils reçoivent le pouvoir de remettre les péchés. Par notre ministère, que Jésus lui-même vous délivre du mal et vous remplisse de l'Esprit-Saint. AMEN.

L'Esprit-Saint, notre aide et notre défenseur, nous a été donné pour la rémission des péchés et, en lui, nous pouvons approcher du Père. Que l'Esprit-Saint illumine et purifie vos coeurs. Ainsi vous pourrez annoncer les merveilles de celui qui vous a appelés des ténèbres à son admirable lumière. AMEN.

Et moi, je vous pardonne tous vos péchés, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. AMEN.

Le pardon n'est pas une décharge du péché, il invite le pécheur qui a reconnu son péché à renaître à la vie de Dieu, à être uni à la vie même du Dieu Trinitaire, à être plongé dans le dynamisme de l'amour divin. Le pécheur est appelé à renaître comme au jour de son baptême. Et c'est déjà la résurrection qui est à l'oeuvre. Le pardon est résurrection.

Il revient alors à chaque pénitent de traduire en actes le désir de changer quelque chose dans sa vie pour signifier que le Christ est vivant et qu'il invite les hommes à partager sa vie, en leur permettant de se découvrir chaque jour davantage comme les enfants d'un même Père.