Chapitre 19

LA FIDELITE DANS LE MARIAGE

 

Est-il permis de répudier sa femme ? A cette question, Jésus répondait en invoquant le mariage monogame de la création, en insistant sur le fait que l'homme et la femme ne forment plus désormais qu'une seule chair. A cette même question, l'Église, fidèle à l'enseignement du Christ et des apôtres, répond en invoquant l'union même du Christ et de son Église, l'alliance indissoluble qui les unit. Chaque mariage entre chrétiens se greffe sur l'union mystique du Christ et de l'Église, une union que rien ne pourra jamais défaire : jamais le Christ ne pourra défaire son Incarnation et son union à l'humanité, dans l'alliance qu'il a conclue avec son Église. Ce caractère indissoluble de l'union Christ-Eglise se retrouve dans l'union indissoluble entre les époux. la fidélité du Christ s'est traduite dans la crucifixion, l'indissolubilité du mariage est vécue parfois aussi douloureusement par l'époux trahi que par le Christ en croix. La fidélité du Christ se marque aussi dans le conjoint infidèle, dans la mesure où il lui est impossible de contracter une nouvelle union légitimement valide.

Il ne s'agit pas de faire le procès de la séparation et du divorce entre les époux, mais de découvrir la signification du sacrement de mariage. Celui-ci est le signe de l'amour infrangible de Dieu, le signe de l'amour du Christ pour l'Église.

Pourtant, le divorce est une réalité quotidienne : un couple sur trois divorce aujourd'hui en France, et ce taux est encore plus élevé aux États-Unis, et même les nations traditionnellement chrétiennes sont entraînées dans ce vaste mouvement. Alors, comment ne pas aborder ce sujet ? Tout homme est pécheur, et le mariage n'est que l'union de deux pécheurs... et à tout péché, miséricorde ! L'Église, à la suite du Christ, ne cesse d'affirmer que le mariage est indissoluble, non pas par une exigence disciplinaire, non pas par un commandement purement légaliste, mais surtout parce qu'elle croit que les époux sont aussi capables d'une fidélité sans retour... Et l'idéal de vie et de communauté de vie qu'elle propose n'est sans doute pas périmé, même si les conditions de vie actuelles rendent cette fidélité difficile : aucun des conjoints ne veut être possédé par l'autre, alors que l'apôtre Paul soulignait que ni l'un ni l'autre ne s'appartenait plus mais appartenait à l'autre. Et quand l'amour n'existe plus, faut-il rester fidèle ? Pour le bien des époux, comme pour celui des enfants, ne vaut-il pas mieux envisager une séparation ?

Il faut savoir que l'Église admet la séparation. les divorcés non remariés sont, dans l'Église, exactement comme les autres chrétiens. C'est leur remariage qui fait l'objet d'une sanction particulière dans l'Église catholique, parce que celle-ci ne peut pas s'arroger le droit de détruire elle-même ce que le Christ lui-même a scellé. Celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre commet un adultère. Ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas.

Ces paroles sont difficiles à entendre, mais le Christ exige toujours beaucoup. L'idéal qu'il propose est toujours difficile à atteindre, et il vise parfois l'héroïsme, puisque Jésus est allé jusqu'à sacrifier sa propre vie... De plus, l'Église affirme que l'amour conjugal est une image de la tendresse qui unit Dieu à l'humanité, et que le mariage est le signe, le sacrement de l'alliance qui unit le Christ à son Église. Dans ces conditions, il faut comprendre que l'Église répugne à bénir l'union de deux fiancés peu sûrs d'eux-mêmes, peu conscients des réalités de la vie conjugale, et à plus forte raison qui ne croiraient pas en Jésus-Christ... Et pourtant, malgré toutes ces précautions, certains mariages se soldent par un échec. Quelle peut être l'attitude de l'Église devant un divorcé qui souhaite refaire sa vie ? D'abord, elle n'a jamais excommunié au sens fort les divorcés remariés, même si elle ne leur permet pas de participer aux sacrements de la réconciliation et de l'eucharistie, ce qui implique que les divorcés remariés ressentent cette interdiction comme une exclusion. Toutefois, l'Église se doit d'être le signe de l'amour inconditionnel de Dieu et de sa miséricorde infinie, et si elle accordait un statut précis aux divorcés remariés, elle reconnaîtrait implicitement et ensuite explicitement le mariage après le divorce.

En 1971, un évêque français, le Père Le Bourgeois, d'Autun, prenait une décision : il accordait les funérailles religieuses aux divorcés remariés. Cette décision entrait dans la législation de l'Église universelle deux ans plus tard. En septembre 1976, il innovait encore, à propos du second mariage des divorcés, en rappelant à ses prêtres qu'une telle décision ne pouvait pas être le fait d'un seul évêque, mais de toute l'Église :

L'échec du couple nous interroge tous. Parce que le mariage est aussi un sacrement, il est confié à la responsabilité de toute l'Église. Plus que jamais, à cause d'une législation qui favorise le divorce, nous devons nous préoccuper de l'aide spirituelle à apporter aux couples en difficulté...

Et il proposait quelques types de célébrations à l'occasion d'un remariage après divorce :

- un moment de prière avec les époux et leurs familles ou amis, dans les jours qui précédaient le mariage civil,

- à la rigueur, et pour des familles habituellement pratiquantes, l'eucharistie à l'intention des familles,

- cette prière ou cette eucharistie devra garder un caractère discret et privé,

il faudra éviter tout ce qui peut laisser croire à la célébration d'un remariage : échange de consentements, bénédictions des alliances.

L'annulation de mariage

Traditionnellement, l'Église affirme que, pour qu'il y ait réellement mariage, le consentement des époux doit être donné librement et sans aucune contrainte (ni morale ni physique). Ce consentement doit être échangé en présence de deux témoins au minimum de la communauté, et devant un prêtre, le témoin de l'Église. Mais le consentement ne suffit pas à la validité du mariage : les époux doivent se promettre fidélité pour toute leur vie, jusqu'à ce que la mort les sépare, ils doivent envisager un foyer fécond. Il ne faut pas qu'il y ait d'empêchement grave au mariage (liens du sang, par exemple), et il faut que, par la suite, le mariage soit consommé. Quand l'Église reconnaît, après une enquête canonique, que l'une de ces conditions n'a pas été remplie, elle déclare que le mariage n'a jamais existé, même si des enfants ont nés dans le couple...