LA PROFESSION DE FOI CHRETIENNE

Les origines

Dans les premiers temps de l’Église, au moment des apôtres et des premiers disciples qui avaient connu Jésus, la profession de foi était toute simple. Pour être baptisé, pour faire partie de la communauté chrétienne, il suffisait de dire : Je crois que Jésus est le Seigneur. Un peu à la fois, il a fallu exprimer qui était Jésus, puisque les nouveaux chrétiens n’avaient pas connu directement Jésus. La profession de foi a été amenée à raconter également sa vie terrestre, sa mort et sa résurrection. Elle est devenue plus explicite sur la vie de Jésus. Comme elle affirmait qu’il est Seigneur, c’est-à-dire Dieu, il a été nécessaire de préciser qu’il était le Fils de Dieu et donc d’expliquer qui était le Père. Et comme Jésus avait envoyé son Esprit sur les apôtres et sur les chrétiens par la suite, il a fallu expliquer aussi qui était l’Esprit Saint et quel était son rôle dans Église et dans la vie des communautés chrétiennes. Ces communautés vivaient de plus deux dimensions importantes de la foi : le pardon des péchés et des offenses, ainsi que l’espérance en la résurrection et en la vie éternelle. Ces deux composantes de la foi sont également entrées dans l’affirmation de la foi. C’est ainsi qu’est né le Symbole de la foi que nous récitons chaque dimanche pendant la célébration eucharistique. Au long des siècles, les chrétiens ont essayé d’exprimer leur foi de différentes manières. Chaque fois que les chrétiens disent le Credo, ils disent que depuis le commencement du monde jusqu’au retour du Christ, ils forment une longue lignée de croyants, ils transmettent ce qu’ils ont reçu, ils se disent les uns aux autres ce qu’ils ont reçu, ils se disent les uns aux autres et ils disent à tous les hommes qu’ils font partie de l’immense peuple que Dieu rassemble.

Croire, ce n’est pas seulement connaître par coeur des formules, ce n’est pas le fait de quelques heures par semaine. Croire, cela peut et doit remplir toute la vie d’un homme, car le Seigneur s’intéresse à ce que nous faisons, à ce que nous vivons, à ce que nous sommes.

Deux confessions de foi ont marqué Église depuis les premiers siècles. Il s’agit d’une part du Symbole des apôtres et du Credo de Nicée et de Constantinople.

Le Symbole des apôtres

Le Symbole des apôtres est un court sommaire, un condensé de la foi de Église Sa forme actuelle ne remonte pas au-delà du quatrième siècle. Mais son expression est certainement plus ancienne. A la fin du quatrième siècle, Rufin composa un Commentaire sur ce Symbole, dans lequel il en expliquait l’origine : les apôtres, ayant reçu l’Esprit-Saint au jour de la Pentecôte, décidèrent, avant de partir en mission, de se mettre d’accord sur un bref résumé de la foi chrétienne. Ce résumé serait la base de leur enseignement ultérieur.

Il est pratiquement certain que les énoncés du Symbole remontent à l’âge apostolique, même si la forme ne s’est développée que graduellement. L’histoire de la composition de ce texte doit être relié très étroitement à la liturgie baptismale, au cours de laquelle on interrogeait le nouveau chrétien :

Croyez-vous en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ?

Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né de la Vierge Marie, a souffert la passion, a été enseveli, est ressuscité d’entre les morts et qui est assis à la droite du Père ?

Croyez-vous en l’Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, au pardon des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle ?

Par sa réponse affirmative à chacune de ces interrogations, celui qui allait être baptisé montrait son engagement dans la vie de Église

Le Credo de Nicée-Constantinople

On sait que les deux conciles de Nicée et de Constantinople eurent pour motivation la condamnation des erreurs d’Arius et de ses partisans. Ce qu’Arius voulait, c’était sauvegarder, au sein de la Trinité, l’originalité du Père, non engendré et non devenu, seul à être sans principe, finalement seul à être véritablement Dieu. Cette insistance le conduisait irrésistiblement à dévaloriser le Verbe, la seconde personne de la Trinité, en accordant au Père une véritable supériorité, beaucoup plus qu’une simple antériorité chronologique. Malgré toutes ses précautions, Arius avait tendance à subordonner le Fils au Père. La réaction ne se fit pas attendre : Alexandre d’Alexandrie convoqua un concile des évêques d’Égypte et de Libye pour condamner ces erreurs et excommunier Arius et ses partisans. Mais l’affaire n’en resta pas là, elle déborda les frontières d’Égypte. Arius rechercha des appuis auprès d’Eusèbe de Césarée et auprès de ceux qui, comme lui, furent disciples de Lucien d’Antioche. Alexandre ne resta pas davantage inactif : il fit parvenir, sous forme de lettres, ses décisions aux évêques grecs et au pape Sylvestre. Devant l’agitation qui s’étendait, l’empereur Constantin décida de convoquer un concile, le premier concile oecuménique, à Nicée en 325. Selon le désir de l’empereur, les évêques commencèrent par examiner le dossier de l’affaire arienne, et les pères conciliaires confirmèrent la sentence du concile d’Alexandrie.

Pour enrayer le développement de l’hérésie, il restait aux Pères conciliaires à proclamer la foi catholique, c’est-à-dire universelle, dans son authenticité. « D’une part, affirmait Alexandre d’Alexandrie, le concile voulait effacer les expressions impies des ariens et, d’autre part, employer des termes tirés de l’Écriture et admis par tous pour confesser que le Fils n’est pas tiré du néant mais de Dieu, qu’il est Verbe et Sagesse, et non pas une créature ou un ouvrage, qu’il est le propre rejeton du Père ».

Ainsi, les Pères conciliaires proclamèrent la vraie doctrine sous la forme d’un symbole affirmant la consubstantialité (la même nature) du Père et du Fils. Après la mention de l’Esprit Saint, ils ajoutèrent une condamnation expresse des erreurs d’Arius : « Pour ceux qui disent : il fut un temps où il n’était pas, et, avant de naître il n’était pas, ou qui déclarent que le Fils de Dieu est d’une autre substance ou d’une autre essence, ou qu’il est soumis au changement ou à l’altération, Église catholique et apostolique les anathématise ».

Malgré cela, l’arianisme n’était pas encore totalement expurgé de Église, et d’autres tendances hérétiques se firent jour, concernant alors également la personne de l’Esprit. Pour tenter d’en terminer avec ces erreurs et ces discussions, l’empereur Théodose réunit un nouveau concile à Constantinople, en 381, le deuxième concile oecuménique, mais où ne furent pas accueillis les évêques occidentaux et où le pape Damase ne fut même pas représenté. Les Pères de Constantinople se contentèrent de faire quelques additions aux énoncés de Nicée, à partir de certains éléments qui se trouvaient dans le Symbole des apôtres. Ils développèrent en outre l’article concernant l’Esprit, en le nommant Seigneur et en déclarant qu’il est source de vie, qu’il procède du Père (Église d’Occident ajoutera : et du Fils), qu’il reçoit le même culte que le Père et le Fils, qu’il est Dieu en un mot. Ils développèrent également l’expression de l’Esprit comme don de Dieu à son Église, à travers la finale de leur Credo : « Nous croyons en Église, une, sainte, catholique et apostolique, nous confessons un baptême pour la rémission des péchés, nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir ».

Ainsi, le Credo des conciles qui est une expression communautaire vise surtout à expurger Église, à faire sortir ceux qui sont hérétique. Si le Symbole des apôtres visait à l’engagement du fidèle, le Credo de Nicée-Constantinople vise plutôt au « dégagement » des non-fidèles...

Lecture synoptique des deux professions de foi

Credo de Nicée-Constantinople

Symbole des apôtres

 

 

Je crois en un seul Dieu,

le Père tout-puissant

créateur du ciel et de la terre

de l’univers visible et invisible.

Je crois en un seul Seigneur

Jésus-Christ,

le Fils unique de Dieu,

né du Père avant tous les siècles.

Il est Dieu né de Dieu,

lumière née de la lumière,

vrai Dieu né du vrai Dieu,

engendré non pas créé,

de même nature que le Père

et par lui tout a été fait.

Pour nous, les hommes

et pour notre salut,

il descendit du ciel.

Par l’Esprit-Saint,

il a pris chair

de la Vierge Marie

et s’est fait homme.

Crucifié pour nous a souffert

sous Ponce Pilate

il souffrit sa Passion

et fut mis au tombeau,

et a été enseveli

il ressuscita

le troisième jour,

des morts

conformément aux Écritures,

et il monta au ciel,

il est assis à la droite du Père.  

Il reviendra dans la gloire

pour juger les vivants et les morts.

et son règne n’aura pas de fin.

Je crois en  l’Esprit-Saint

qui est Seigneur

et qui donne la vie,

il procède du Père et du Fils.

Avec le Père et le Fils,

il reçoit même adoration et même gloire,

il a parlé par les prophètes.

Je crois en Église,

une, sainte,

catholique et apostolique.

 

 

Je reconnais un seul baptême

pour le pardon des péchés.

J’attends la résurrection des morts

et la vie du monde à venir. AMEN.

Je crois en Dieu,

le Père tout-puissant

créateur du ciel et de la terre

 

Et en Jésus-Christ

son Fils unique

notre Seigneur

 

 

 

 

 

 

 

 

 

qui a été conçu du Saint-Esprit

est né

de la Vierge Marie

 

 

sous Ponce Pilate,

a été crucifié,

est mort

 

Le troisième jour,

est ressuscité

 

 

est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant

d’où il viendra

juger les vivants et les morts 

 

 

 

 

Je crois en l’Esprit Saint

 

 

 

 

 

 

à la sainte Église

 

catholique,

à la communion des saints,

 

 

 

à la rémission des péchés,

à la résurrection de la chair,

à la vie éternelle. AMEN.

 

De la sorte, il est possible de constater que les deux confessions de foi se présentent comme des discours similaires. Ce sont les mêmes énoncés qui se retrouvent de part et d’autre, mis à part les développements explicatifs des deux conciles. La structure interne est la même : il s’agit du déploiement éternel et temporel du Dieu chrétien. Tout l’aspect historique de Jésus de Nazareth se réfère aux mêmes sources du Nouveau Testament. Il s’agit donc de deux expressions d’une même foi, et c’est cette foi qu’il faut analyser, pour la faire nôtre et la transmettre.

Les confessions de foi présentent des récits

En tant que professions de foi, ces deux symboles se présentent comme des discours personnels : quelqu’un énonce sa foi, que ce soit un individu ou que ce soit une communauté. Ce sont des discours de croyants, mais le corps même du texte se trouve être un récit, une narration d’événements qui font accéder le sujet qui confesse à un acte, celui de croire. Le caractère narratif est certainement plus sensible dans le Credo de Nicée-Constantinople. Cela peut s’expliquer par le fait que le récit des événements qui concernaient Jésus de Nazareth « que les juifs avaient crucifié, mais que Dieu a ressuscité avec puissance (Ac. 2, 36) ne constituait pas un problème capital pour les premières générations chrétiennes, car l’événement pascal était encore proche.

Si l’on s’en tient uniquement à une explication littéraire, la narration d’un événement quelconque suppose et implique nécessairement que celui-ci soit passé. C’est la raison pour laquelle tous les verbes portent la marque du passé, à l’exception de ceux qui indiquent l’acte de foi : je crois, je reconnais, j’attends. De plus, un verbe est au futur : il reviendra ; cela indique que le récit concernant Jésus n’est pas achevé mais qu’il comporte une suite prochaine, même si le récit lui-même est achevé. D’autre part, le « est assis » relève du présent (c’est le cas dans la version grecque de référence) ; cela exprime qu’il y a un dépassement de l’élément narratif : depuis le moment où Jésus est monté au ciel, il échappe à toute l’histoire humaine, il rejoint le temps de Dieu.

Or, quel est le temps de Dieu ? Pour le Père, force est de constater qu’il n’y a pas de temps. Le Père se caractérise par une absence totale de narrativité. On ne peut rien dire du Père, car il n’agit pas directement dans le temps des hommes.

L’Esprit, quant à lui, échappe à toute détermination temporelle dans le Symbole des apôtres, mais il reçoit quelques déterminations dans le Credo, et c’est le présent qui le caractérise : « il donne la vie, il procède du Père (et du Fils), il reçoit même adoration et même gloire ». Cette marque temporelle n’est pas un élément narratif comparable à la marque temporelle et humaine concernant Jésus. L’Esprit n’intervient pas dans l’histoire des hommes de la même manière que le Fils. Pourtant, il convient de ne pas négliger la temporalité de l’Esprit, d’autant plus que son rôle se trouve également mentionné par un passé narratif : « il a parlé par les prophètes ». L’Esprit a une forme particulière d’intervention : pour entrer dans l’histoire, il a recours à un adjuvant historique, à des hommes déterminés, les prophètes qui situent son action dans le temps de l’histoire humaine. Par cette intervention, l’Esprit échappe au caractère mythique, légendaire. Et cependant, il est permis de dire que l’action du Père comme celle de l’Esprit n’échappe pas au mythe dans la mesure où elle ne se situe pas dans l’histoire humaine.

La confession de foi serait-elle un mythe ?

Devant les multiples définitions possibles du mythe, il convient de se limiter à dire que le mythe, en général, raconte une histoire sacrée, un événement qui a eu lieu dans le temps primordial. Il explique ainsi comme, grâce à l’intervention d’un être surnaturel, une réalité quelconque est parvenue à l’existence. A la suite de cette intervention, l’homme est devenu ce qu’il est aujourd’hui. C’est l’un des caractères principaux du mythe : il veut expliquer les choses, les situations actuelles par leur origine, dans un temps primordial, avant même l’apparition de l’homme sur la terre.

Dans les sociétés qu’on appelle primitives, mais qui sont souvent très évoluées, le mythe se réactualise sans cesse dans des rites. Les rites du renouveau, les fêtes du Nouvel An par exemple, sont dans les religions anciennes traditionnelles la réactualisation rituelle des mythes de création.

Ce que nous pouvons appeler « le mythe chrétien », tel que nous le voyons apparaître dans les professions de foi de Église ancienne, se coule assez bien dans les définitions du mythe des origines. Il s’inaugure par un récit très raccourci de la création : « Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre ». La création est bien un fait qui a eu lieu en dehors du temps humain. Le mythe chrétien se poursuit en donnant une explication de la venue d’une réalité sociale. Il explique, en effet, comment, grâce à l’intervention d’un être surnaturel, Jésus-Christ, Église est parvenue à devenir ce qu’elle est aujourd’hui. Et, dans la perspective qui est celle de tout mythe d’origine, il présente les origines du chrétien en référence constante avec ce qu’il est devenu aujourd’hui. Il explique la réalité chrétienne actuelle dans une structuration du réel ecclésial, qui est aussi le fait d’un être spirituel, l’Esprit-Saint. De plus, comme tout mythe également, il appelle sa propre fin, il vise une eschatologie (la science des fins dernières), il invite à se tourner vers un avenir, vers une vision de la fin qui sera un nouveau commencement (la vie du monde à venir). C’est dans ce contexte que la résurrection des morts apparaît comme une nouvelle création.

La fonction mythique est d’autant plus sensible que ce qui ne relève pas immédiatement de l’histoire échappe au temps du récit pour être présenté dans l’actualité du présent, ce qui n’est pas un véritable temps pour le récit. Ainsi, le Père se trouve complètement dans la non-temporalité, exprimée par l’absence de tout verbe ; ainsi, le Fils échappe lui aussi au temps par son ascension, et l’Esprit développe son action dans le présent. Et il est même possible de souligner que l’aspect historique, à savoir l’existence concrète de Jésus de Nazareth, joue un rôle particulièrement important dans cette fonction mythique : toute son activité sera d’échapper au temps de l’histoire, en la faisant projeter dans un temps primordial, initial (l’engendrement de toute éternité) et dans un avenir (son action prolongée par l’Esprit).

L’expression de la foi chrétienne a réussi un tour de force extraordinaire par rapport à toute mythologie. Elle fait entrer son histoire dans un temps mythique, alors que toutes les autres religions, caractérisées précisément par leurs mythologies, ont toujours vainement cherché à présenter leurs origines comme des récits historiques.

Par Jésus-Christ, la Trinité entre dans le temps

Ce que nous faisons n’est autre qu’une lecture des temps grammaticaux pour essayer de saisir l’importance de l’événement Jésus-Christ dans l’histoire des hommes, et même aussi dans l’histoire de Dieu.

Hors du temps 

Le Père 

 absence totale de narrativité

Le temps 

Le Fils  

narrativité se dégageant du temps

Hors du temps

L’Esprit

absence s’insérant temporellement

 

Dans les deux professions de foi, le rôle du Fils est de faire en sorte que le non-temps (c’est-à-dire Dieu) s’inscrive dans le temps, dans l’histoire des hommes. Cela, le Fils le fait en tant qu’il est né du Père, mais aussi en tant qu’il a pris chair de la Vierge Marie par l’action de l’Esprit-Saint. Et c’est précisément à partir de sa naissance humaine que le récit peut commencer : sans naissance, il n’y a pas d’histoire, il n’y a pas de récit qui puisse être historique. Des intervenants historiques, comme Marie et Ponce-Pilate, permettent de vérifier la confession de foi dans un rapport direct avec l’histoire des hommes.

Le récit concernant Jésus-Christ dans le Symbole

Pour saisir toute la dimension du récit concernant Jésus de Nazareth dans le Symbole, il est possible de disposer chaque élément le concernant dans un schéma synthétique.

les vivants et les morts

pour juger

d’où il viendra

a été conçu (a)   

du Saint-Esprit  

 

 

 

(a’) est assis à la droite

de Dieu le Père tout-puissant

est né (b)   

de la Vierge Marie 

(b’) est monté

aux cieux

a souffert (c)         

sous Ponce-Pilate                

(c’) est ressuscité

le troisième jour

a été crucifié (d)       

est mort              

(d’) est descendu aux enfers

a été enseveli

 

Il est assez facile de justifier les correspondances structurelles qui existent entre les différents membres mis en parallèles :

dans (a) et (a’), les intervenants, le Père et l’Esprit, sont similaires dans leur rapport au temps historique,

dans (b) et (b’), la naissance est une venue au monde, une descente sur la terre, alors que le fait de monter aux cieux est une sortie de ce monde,

dans (c) et (c’) intervient une dimension temporelle, historique : Ponce-Pilate est un individu repérable dans l’histoire des hommes, et le troisième jour indique aussi une connotation temporelle, un repère dans le temps, même si, en la situation présente, ce terme devient la désignation de la fin des temps, puisque le « troisième jour », dans la tradition juive, indique le jour de la résurrection des morts.

Quitter ce monde, monter aux cieux, est un euphémisme pour signifier : mourir, ainsi que le soulignent (c) et (d). Mais, pour le Fils, quitter ce monde passe par un événement très singulier : s’il passe par la mort (d), ce à quoi correspond son ensevelissement (d’) et sa descente aux enfers, au séjour des morts, par opposition à la mise en croix qui l’élevait entre ciel et terre, le Fils inaugure alors une remontée par sa résurrection d’entre les morts (c’) qui joue un rôle d’opposition par rapport à sa mort, comme résultat de sa souffrance sous Ponce-Pilate.

Le fait de juger les vivants et les morts peut s’expliquer directement par la mention du troisième jour. En effet, toujours dans la tradition juive, ce jour est non seulement celui de la résurrection finale mais aussi celui du jugement à la fin des temps.

Le récit concernant Jésus-Christ dans le Credo de Nicée-Constantinople

Il est possible de constituer un schéma comparable à celui du Symbole pour le Credo, en utilisant les mêmes procédés de partition. Ce tableau sera plus complexe parce que le récit se déploie dans une plus grande extension.

 

 

et son règne n’aura pas de fin

pour juger les vivants et les morts

 

Engendré   

 

il reviendra dans la gloire

non pas créé

de même nature

 

 

que le Père 

Par l’Esprit-Saint 

il est assis à la droite du Père

Pour nous, les hommes

et pour notre salut

 

 

il descendit     

du ciel

il a pris chair  

de la Vierge Marie 

et il monta

au ciel

 

et s’est fait homme

 

 

Crucifié                              

pour nous                           

sous Ponce-Pilate           

il souffrit  sa passion    

il ressuscita

conformément aux Écritures

le troisième jour

 

 

Dans le Credo, le rôle du Fils est entièrement inscrit entre une descente et une montée. Sa venue dans le monde des hommes, dans le temps de l’histoire, marquée par une prise de chair de la part du Fils, est un événement qui concerne tous les hommes, ce que met en relief le « pour nous, les hommes, et pour notre salut », et se poursuit après la montée au ciel, puisque « son règne n’aura pas de fin » sur ceux qu’il aura préalablement jugés, c’est-à-dire sauvés.

Le rôle de l’Esprit dans les confessions de foi

La troisième partie des confessions de foi ne renvoie pas seulement à l’Esprit-Saint en tant que troisième personne de la Trinité, mais plutôt et surtout au fait que l’Esprit est un don de Dieu aux hommes, à tous ceux qui sont engagés dans la communauté de ceux qui croient au Christ.

Ce que les chrétiens affirment, quand ils proclament leur foi, c’est que le « pour nous et pour notre salut » les atteint encore aujourd’hui, dans leur vie quotidienne, dans la vie de Église, dans la vie selon l’Esprit de Dieu, dans toute vie chrétienne authentique. Dire sa foi devient alors non plus seulement proclamer des paroles, mais entrer dans un processus. Et ce processus est calqué sur ce qui a eu cours dans l’existence de Jésus de Nazareth. Affirmer sa foi devient synonyme d’engager toute sa vie à la suite de Jésus-Christ. Dire la foi, c’est alors se pénétrer d’un double mouvement : mouvement de la descente du Fils de Dieu sur la terre, mouvement de la montée de cet homme Jésus-Christ au ciel.

Mais il faut le remarquer, le Christ est absent de l’histoire de même que Jésus appartient à un passé qu’il est impossible de faire revivre. Et c’est précisément l’absence de Jésus qui permet la communication : c’est parce que le Christ est absent qu’il est possible de parler de lui. La forme corporelle de Jésus-Christ, Fils de Dieu, a disparu, mais un message s’y est substitué, et ce message doit être entendu pour que la confession de foi puisse naître. C’est la raison pour laquelle la confession de foi baptismale peut paraître préférable, en ce sens que le futur baptisé répond de sa foi à une proposition de foi de la part de Église : Croyez-vous...? - Je crois. Ainsi le message est entendu et la foi peut s’exprimer dans une réponse active.

Dans le cas de la proclamation commune, comme le Credo dominical, c’est le « Amen » qui apparaît comme la ratification de l’assemblée à l’ensemble de la proclamation de la foi. « Amen » est une affirmation : « ainsi est-il, c’est vrai », et non pas un simple souhait : « ainsi soit-il ». C’est un terme d’origine araméenne qui indique que l’on est absolument d’accord, dans le cas d’une réponse à une question. C’est aussi un terme qui signifie l’importance, du point de vue de l’authenticité, de ce qui va suivre, quand il est placé en tête d’une proposition : « en vérité, vraiment ».

Pour en revenir au rôle de l’Esprit-Saint, il faut dire que c’est lui qui permet d’exister véritablement comme le Christ le demande. Ainsi, Karl Barth, dans son Esquisse d’une dogmatique, peut écrire : « Avoir l’Esprit ne fait pas partie de l’état naturel de l’homme, c’est toujours une marque distinctive accordée par un don de Dieu. Il ne s’agit pas, à propos de l’Esprit-Saint, de quelque chose de différent du Christ, d’une nouveauté... Le Saint Esprit n’est rien d’autre qu’une certaine relation entre la Parole de Dieu et l’homme » (Esquisse d’une dogmatique).

Il n’est pas possible d’isoler l’Esprit de son action et de sa manifestation concrète dans Église Église existe dans son rapport à celui qui « est assis à la droite du Père ». Le pardon des péchés est la suite logique du salut apporté aux hommes par la mort du Fils. La résurrection de la chair résulte de l’espérance soulevée dans le coeur des hommes par la résurrection du Christ. La vie éternelle, « la vie du monde à venir » est la réalisation de la promesse de « celui qui viendra juger les vivants et les morts ».

Celui qui confesse sa foi dans Église se reconnaît comme transformé au plus profond de son existence, d’abord par son baptême, qui le marque du signe de la croix, qui le fait entrer dans la forme d’existence qui fut celle du Christ. Sa vie est transformée par la participation à la vie même de Église, à la vie unique de la communauté qui se rassemble autour de la même table eucharistique. Dès lors, la transformation de la vie humaine ne saurait être le fait d’une décision venant exclusivement de l’homme, mais cette transformation est la résultante d’un appel qui lui vient de l’extérieur. Cet extérieur, c’est l’Esprit, en tant que ce dernier est le don que Dieu fait à la communauté qui se rassemble au nom de Jésus-Christ, en réponse également à la prédication apostolique.

Dans le Symbole et le Credo, l’Esprit est envisagé dans son lien profond avec Église C’est ce que constatait Irénée de Lyon : « Là où est Église, là aussi est l’Esprit de Dieu, et là où est l’Esprit de Dieu, là est Église et toute grâce ».

L’Esprit et sa manifestation historique, Église, n’ont d’autre tâche que de conduire l’homme au Christ, lequel introduit l’homme auprès de son Père. Le sujet croyant doit alors parvenir à la connaissance de Jésus-Christ et de celui qu’il révèle, le Père tout-puissant.

Je crois. Amen.

Tous les chrétiens partagent la même foi reçue des apôtres. Pour tous, le Credo est un signe de reconnaissance mutuelle : « Celui qui confesse que Jésus-Christ est Seigneur, soulignait saint Jean, celui-là est un enfant de Dieu ».

La foi a été suscitée dans le coeur du croyant par une initiative de Dieu. Lui, le premier, s’est toujours intéressé aux hommes, alors qu’ils étaient pécheurs, détournés de lui. C’est toujours Dieu qui est premier. Et pour montrer son amour aux hommes, il leur donne son Fils.

Le propre Fils de Dieu se fait homme pour que tous les hommes, à leur tour, puissent devenir les enfants de Dieu.

La foi, suscitée par Dieu, amène à prendre une décision, à faire un choix.

Dire « Je crois », c’est se laisser prendre par le processus qui établit l’homme à la ressemblance de Jésus-Christ, mort et ressuscité, c’est avoir part au destin du Christ. C’est dans une réponse, personnelle et communautaire, ecclésiale, que réside la foi chrétienne.

Tous les baptisés sont fils de Dieu, par le Fils unique. Tous, ils sont appelés à partager une seule espérance, celle de passer de la mort à la vie, par la résurrection du Christ.

Dire « Amen », c’est accepter de remettre toute sa confiance sur la seule Parole de Dieu, sur la Parole faite chaire, Jésus-Christ, le seul Seigneur.