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L’icône de la Trinité d’Andréï Roublev

 

 

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La foi chrétienne s’articule autour de trois mystères qui expriment ce dessein caché de Dieu pour l’ensemble de l’humanité : l’incarnation, la Rédemption, la Trinité. Dans la version grecque de la Bible juive, le mystère est une chose secrète : c’est le dessein secret du salut caché en Dieu et qui s’est révélé à certains hommes, en songes, en visions ou par des anges, c’est le secret de l’avènement définitif du Royaume de Dieu. Dans le Nouveau Testament, le mystère concerne le Royaume de Dieu en train de se construire.

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L’incarnation exprime le dessein de Dieu qui se fait homme en Jésus.

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La Rédemption exprime ce même dessein de Dieu qui accepte d’aller jusqu’au bout de la condition humaine pour que toute l’humanité parvienne à la vie divine.

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La Trinité essaye de rendre compte de ce qui fait le coeur de la vie de Dieu. Dieu est le Tout-Autre. Les définitions qu’on voudrait donner de lui ne conviennent jamais parfaitement, comme si on voulait habiller un géant avec les langes d’un nouveau-né... Les mots humains sont incapables d’exprimer Dieu.

Les chrétiens sont les seuls, parmi les trois religions monothéistes, à croire en la Trinité. Les juifs et les musulmans n’acceptent pas ce mystère ; pour eux, les chrétiens sont des polythéistes, des idolâtres, qui adorent plusieurs dieux. Mais que la tradition chrétienne affirme l’unicité de Dieu, à l’intérieur d’une Trinité de personnes. La théologie nous dit que ces trois personnes sont coéternelles et consubstantielles : comment alors représenter cette Trinité ?

Depuis des siècles, la tradition chrétienne a cherché d’autres moyens que les mots pour exprimer cette vie de Dieu, notamment dans le domaine de la pein­ture, et spécialement la peinture d’icônes.

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Une tradition veut que ce soit le Christ qui ait créé la première icône. On ra­conte qu'Abgar, roi d'Édesse, étant tombé malade, envoya un ambassadeur auprès du Christ pour que Celui-ci vînt le guérir. Le Christ ne vint pas lui-même.

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Au lieu de cela, il pressa un linge contre son visage et le fit parvenir au roi. Le roi guérit après avoir touché ce linge.

 

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Une autre tradition fait remonter la peinture d’icône à l’évangéliste Luc, comme le veut la légende russe orthodoxe.

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C’est au cinquième siècle que se­rait arrivé à Constantinople ce portrait de la Vierge à l’Enfant qui fut, plus tard (au dixième siècle), attribué à Saint Luc.

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Dans la pratique, les icônes sont des moyens sensibles d’accéder à la contemplation de Dieu, comme à travers un miroir. Les œuvres des peintres d'icônes enseignent la doctrine de l'Église et les peintres doivent avoir de grandes connaissances en théologie. C'est pour cette raison que, de tradi­tion, les icônes sont peintes dans les monastères.  Cette icône récente re­présente les maîtres dans cet art : Luc, Fra Angelico pour l’Eglise d’Occident et Andréï Roublev pour l’Eglise d’Orient.

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Les icônes sont des images, des portraits, des tableaux d’art byzantin qui re­présentent le Christ,

 

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sa Mère

 

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ou d’autres saints et saintes, comme on peut en voir sur les iconostases, qui séparent le chœur de la nef dans les églises orthodoxes.

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Préparées dans la prière, le jeûne et selon l’inspiration divine, les icônes sont faites selon une technique spéciale, sur bois, avec des symboles qui permet­tent la méditation et facilitent la prière.

Les icônes sont de l'art anonyme. On ne les signe pas. Il y a quand même dans l'histoire des maîtres dont le spécialiste reconnaît facilement la main.

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Andréï Roublev

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C’est le cas d’Andréï Roublev, qui est surtout connu pour sa célèbre icône de la Trinité. Mais aujourd'hui, grâce à l'immense labeur des restaurateurs russes, nous connaissons d'autres peintures d'André Roublev.

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Le nom d’Andréï Roublev figure dans un manuscrit intitulé « Légendes des peintres d’icônes saintes », où le chroniqueur en fait mention comme du pein­tre Andréï, religieux de Radonège. Il vit le jour entre 1360 et 1370, à 68 ki­lomètres au sud de Moscou, dans la ville de Radonège, un site entouré de fo­rêts, dont il ne reste actuellement qu’un cimetière.

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Il vécut principalement à Zagorsk, au couvent de la Trinité saint Serge, fondé en 1345, par Serge de Radonège.

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La vocation première d’Andréï Roublev fut une vocation religieuse, et c’est dans le cadre de cette vocation qu’il a été amené à devenir peintre de fres­ques et d’icônes.

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Les annales du couvent de la Trinité mentionnent qu’au printemps 1405 commencèrent les travaux de décoration de la cathédrale de l’Annonciation à Moscou.

Parmi les peintres qui conduisirent à bonne fin ces travaux se trouvait Rou­blev. C’est très certainement lui qui peignit les icônes de cette cathédrale.

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Il travailla aussi à la décoration de l’Eglise de la Trinité du couvent de Za­gorsk.  Les « Récits sur les saints iconographes » mentionnent : « Le saint Père André de Radonége, iconographe surnommé Roublev, peignit un grand nombre d'icônes, toutes miraculeuses... ».

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Déjà considéré comme un maître incontesté durant sa vie, Andréï Roublev n’accéda cependant à la gloire qu’après sa mort

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Des légendes se mirent à circuler à son propos, faisant de lui l’artiste préféré des princes, alors qu’il ne s’est jamais mis au service des grands de ce monde, préférant mener sereinement son existence religieuse

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soumis à ses supérieurs, méditant et priant les paroles de la Bible, les médi­tant au point de les faire apparaître dans chacune de ses oeuvres, tout en créant un style nouveau bien que fermement décidé à suivre la tradition...

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Comme tout peintre d’icônes, Roublev exécute ses oeuvres en s’aidant de la prière et de la méditation des textes sacrés, sachant que l’icône exerce une fonction bien définie dans le cadre de la liturgie.

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Dans l'art liturgique de l'Eglise orthodoxe, l'œuvre de Roublev manifeste par l'image l'héritage spirituel de saint Serge de Radonège, notamment par la célèbre icône de la Sainte Trinité que la peignit à la gloire de saint Serge et pour son église.

L’icône de Roublev est un modèle, pas uniquement au niveau de la technique, quoique ce soit une icône parfaite au niveau, mais un modèle au niveau des doctrines, car c’est une icône, qui est donc une catéchèse sur Dieu. Ainsi, nous sommes en présence de Dieu, sans le voir, sans le comprendre. Dans notre langage humain, nous allons essayer de voir ce que la tradition théolo­gique véhicule par rapport à notre conception chrétienne de Dieu.

Parler de la Trinité semble relever du domaine des spécialistes, car ce mys­tère de Dieu a été explicité dans un langage abstrait et mathématique : un seul Dieu en trois personnes distinctes par leurs relations réciproques. Les théologiens tentent d’expliquer ce mystère, en faisant l’étymologie du terme : « tri » parce qu’il y a trois personnes en Dieu : le Père, le Fils et l’Esprit, et « unité » parce que les trois ne forment qu’un seul et même Dieu.

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Dans l’affirmation de la foi, chaque dimanche, les chrétiens rappellent le mys­tère de la Trinité : « Je crois en un seul Dieu, le Père Tout-Puissant…, en un seul Seigneur Jésus Christ, le Fils unique de Dieu…, en l’Esprit-Saint qui est Seigneur et qui donne la vie ».

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Les difficultés de représentation d’un dogme aussi abstrait ont limité les ten­tatives des artistes au cours des siècles.  Deux types d’illustration ont princi­palement été utilisés, et l’on distingue ainsi une Trinité de l’Ancien Testa­ment basée sur l’histoire biblique de la visite de trois personnes au patriarche Abraham et à sa femme Sarah pour leur annoncer la naissance d’un fils,

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et une Trinité du Nouveau Testament qui utilise la scène du baptême du Christ.

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Elle tire sa justification d’un passage des Évangiles qui affirme qu’au moment de ce baptême s’est produite une théophanie simultanée des trois personnes : on entendit la voix du Père descendant du ciel, le Fils se tenait dans les eaux du Jourdain, et le Saint Esprit apparût sous la forme d’une colombe. Le Père est souvent représenté par une main  sortant du ciel. 

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L’icône de la Trinité est actuellement la propriété de la galerie Trétiakov de Moscou, où elle est exposée.

Cette icône est très grande : 142 centimètres de haut sur 114 de large, elle n’est d’ailleurs pas faite d’une seule pièce mais de plusieurs planches dont les jointures ont été quelque peu détériorées, comme il est possible de le décou­vrir sur les reproductions.

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Une des premières expressions de la Trinité se trouve dans la Bible, dès le livre de la Genèse, qui rapporte la visite de trois anges au patriarche Abra­ham.

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Le Seigneur apparut à Abraham aux chênes de Mambré, alors qu’il était as­sis à l’entrée de la tente dans la pleine chaleur du jour.

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Il leva les yeux et aperçut trois hommes debout près de lui. A leur vue, il cou­rut de l’entrée de la tente à leur rencontre, se prosterna à terre et dit : Mon Seigneur, si j’ai pu trouver grâce à tes yeux, veuille ne pas passer loin de ton serviteur.

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Qu’on apporte un peu d’eau pour vous laver les pieds, et reposez-vous sous cet arbre. Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconforter avant que vous alliez plus loin, puisque vous êtes passés près de votre serviteur.

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Ils répondirent : Fais comme tu l’as dit. Abraham se hâta vers la Tente pour dire à Sara : Vite ! Pétris trois mesures de fleur de farine et fais des galettes.

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Et il courut au troupeau en prendre un veau bien tendre. Il le donna au gar­çon qui se hâta de l’apprêter.

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Il prit du caillé, du lait et le veau préparé qu’il plaça devant eux. Il se tenait sous l’arbre, debout près d’eux.

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Ils mangèrent et lui dirent : Où est Sara, ta femme ? Il répondit : Là, sous la tente. Le Seigneur reprit : Je dois revenir au temps du renouveau, et voici que ta femme aura un fils. Or Sara écoutait à l’entrée de la tente derrière lui. Abraham et Sara étaient vieux, et Sara avait cessé d’avoir ce qu’ont les femmes.

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Sara se mit à rire en elle-même et dit : Tout usée comme je suis pourrais-je encore jouir ? Et mon maître est si vieux !

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Le Seigneur dit à Abraham : Pourquoi ce rire de Sara, et cette question : Pourrais-je vraiment enfanter, moi qui suis si vieille ?

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Y a-t-il une chose trop prodigieuse pour le Seigneur ? A la date où je re­viendrai vers toi, au temps du renouveau, Sara aura un fils.

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La Bible se souvient qu’Abraham était à l’entrée de sa tente, sous le chêne de Mambré. Il vit passer trois hommes et se prosterna devant eux pour les in­viter à se reposer et à prendre un peu de nourriture.

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« Mon Seigneur », dit-il au singulier, comme s’il avait vu Dieu sur leurs visages exténués. « Il en vit trois, il en adora un seul », commente St Augustin.

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De plus, le patriarche s'adresse aux anges en utilisant tantôt le Tu, tantôt le Vous. Cette alternance dans le langage nous fait deviner déjà l'Un dans la Trinité, car il semble qu'Abraham s'adresse tantôt au Dieu unique, tantôt aux trois personnes divines.

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Le livre de la Genèse note que c’étaient des anges qui étaient venus visiter Abraham.

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Abraham, en vrai sémite, sut accueillir ses hôtes selon le faste des coutumes orientales.

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Les manuels d’iconographie, qui servaient pour la formation des débutants, déterminaient les éléments constitutifs de la composition de cette icône : Maisons. Trois anges assis à table, ayant devant eux, dans un plat une tête de bœuf, des pains, des vases avec des mets, des flacons de vin et des cou­pes. A leur droite, Abraham avec un plat couvert, à gauche, Sara en apporte un autre sur lequel un oiseau est cuit.

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Il est possible de s’intéresser à plusieurs choses quand on se représente cette visite : le décor, les personnages, la table... Le décor est originellement le chêne de Mambré, à proximité des collines du désert de Juda. La tente est parfois devenue une maison, puis un palais, puis une église. L’arbre a pris toutes les formes possibles et la colline disparaît parfois... En plus des trois anges, certains peintres d’icônes de la Trinité ont placé, selon les directives des manuels d’iconographie, Abraham et Sara disposés de diverses maniè­res, ainsi qu’un serviteur égorgeant un veau gras, qu’Abraham fait tuer en l’honneur de ses visiteurs. Sur la table parée d’une nappe se trouvent quan­tité de mets ou d’ustensiles : galettes, gâteaux, coupes, vases, fruits, cou­teaux, fourchettes...

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Dieu engagea par leur intermédiaire avec Abraham une tractation qui aurait sauvé Sodome si dix justes avaient intercédé pour la ville.

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Les trois personnages furent hébergés, mais ils étaient pour Abraham un seul Seigneur. Alors les anges quittèrent Abraham…Très tôt l’Eglise vit dans cette scène une annonce prophétique de la Tri­nité.

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Mais il existe aussi d’autres formes artistiques pour représenter la Trinité

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Il existait donc au temps de Roublev de nombreuses icônes de la Trinité, car la visite des trois anges à Abraham est le texte de l'Ancien Testament sur lequel se sont penchés les Pères de l'Eglise pour parler de la Trinité.

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Les manuels d'iconographie, qui servaient pour la formation des débutants, déterminaient même les éléments constitutifs de la composition de l’icône : Maisons. Trois anges assis à table, ayant devant eux, dans un plat une tête de boeuf, des pains, des vases avec des mets, des flacons de vin et des cou­pes. A leur droite, Abraham avec un plat couvert, à gauche, Sara en apporte un autre sur lequel un oiseau est cuit.

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La tradition juive souligne qu’Abraham fut récompensé pour son geste d’hospitalité. Parce qu’il avait dit : « Qu’on apporte un peu d’eau pour vous laver les pieds », Dieu donnera de l’eau à boire aux descendants d’Abraham lorsqu’ils seront assoiffés dans le désert pendant les quarante ans que dura l’Exode.

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La version dit également qu’Abraham lava lui-même les pieds de ses hôtes, anticipant de façon prophétique le geste de Jésus avant sa mort. Parce qu’Abraham avait dit : « Je vais apporter un morceau de pain pour vous réconforter », Dieu donnera la manne à ses descendants. Parce qu’il prit un veau tendre pour l’offrir à ses hôtes, Dieu nourrira ses fils avec des cailles dans le désert. La récompense la plus belle fut réservée à Sara.

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Dieu révéla à Sara et à Abraham que, malgré leur vieillesse, un fils allait leur être donné, le premier d’une descendance plus nombreuse que les étoiles du ciel.

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Analyse de l'icône d'Andréï Roublev

 

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Le génie de Roublev va être d’utiliser le thème de l’hospitalité d’Abraham pour en faire une icône d’une grande beauté qui évoque non seulement le mystère de la Sainte Trinité, mais aussi ceux de l’Incarnation et de la Ré­demption.

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Roublev a innové en apportant des simplifications qui ne sont pas pour au­tant des réductions. Les éléments de la composition de l’icône ont été consi­dérablement réduits : le décor a été renvoyé en haut de l’icône, ses éléments servent de symboles,

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Sara et Abraham ont disparu, rien ne se trouve sur la table hormis la coupe.  

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L’absence des ancêtres dans la foi invite à passer immédiatement aux trois personnages qui ont l’aspect de jeunes gens de belle apparence, aux visages très ressemblants, presque identiques, à la même coiffure. Ils ne diffèrent que par des nuances affectives qu’ils peuvent exprimer : leur seule présence donne une nouvelle signification au décor lui-même.

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La tente d’Abraham devient le Temple,

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le Palais du Royaume de Dieu et de son Eglise, réalité que soulignent en­core davantage les icônes modernes calquées sur le modèle de Roublev.

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Le chêne de Mambré devient l’arbre de vie présent dans le récit de la créa­tion et dans le livre de l’Apocalypse.

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Les montagnes de Juda, proches de Mambré, sont symbolisées par un sim­ple rocher ;

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elles sont aussi davantage manifestées dans les reproductions plus modernes de cette icône.

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Le veau offert en nourriture à ses trois visiteurs par Abraham devient la coupe de Pâque, qui annonce la coupe eucharistique. En effet, la version juive situait la rencontre d’Abraham avec ses hôtes à Pâque, puisque Sara préparait des pains azymes.

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Les mains des visiteurs descendent vers la terre, symbolisée par le rectangle qui forme le pied de la table (puisque, à cette époque, on pensait que la terre était un vaste rectangle). La partie supérieure de la table se transforme en un véritable autel sur lequel repose la coupe de l’alliance nouvelle, par laquelle le salut est offert aux hommes.

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On a beaucoup parlé de cette icône en soulignant sa beauté, la finesse et la douceur des visages, l’harmonie raffinée des couleurs et la luminosité qui s’en dégage, la légèreté spirituelle de l’ensemble, le jeu des lignes et des couleurs.

Il est possible de dégager des figures géométriques dans cette icône, comme des cercles, des carrés, des triangles, bien qu’aucune forme géométrique n’y soit parfaite. Il est vrai que, pour toute composition, l’artiste a besoin de repères pour harmoniser son oeuvre. Mais si cela était poussé à l’extrême, si le tableau était une parfaite base géométrique, l’harmonie de l’ensemble serait réduite à un travail de débutant. Toutes les formes existent donc dans cette icône, mais Roublev a certainement volontairement rompu la symétrie.

En observant simplement la symétrie verticale, par exemple, on découvre que les deux sièges n’ont pas le même écartement et que la tête du personnage central est légèrement déportée vers la gauche.

Pourtant, il conviendrait d’abord de regarder ces figures qui permettent de saisir quelques implications théologiques.

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En reliant les assises des sièges des personnages de droite et de gauche, en passant par la barre horizontale que constitue le devant de la table autour de laquelle les trois anges sont installés, en reliant cette ligne au sommet de l’auréole du personnage central, on peut tracer un triangle qui serait parfaitement équilatéral si la tête de ce personnage n’était pas inclinée vers la gauche. Les deux côtés de ce triangle suivent l’axe des côtés de l’ange central, qui se trouve inscrit dans ce triangle qui devrait être géométriquement parfait. Le triangle équilatéral est l’un des symboles de la Trinité, en ce sens qu’il comporte trois angles et trois côtés égaux.

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En procédant de la même façon, mais de manière inverse, il est possible de tracer un second triangle de même forme. Pour cela, il suffit de réunir par une ligne imaginaire les cous des deux anges situés de part et d’autre de l’icône et de rejoindre par deux lignes les deux extrémités de celle-ci à la pointe de couleur verdâtre qui se situe sous la table. On obtient alors un second triangle équilatéral dont les côtés adjacents suivent les côtés des deux anges situés de part et d’autre de l’ange central.

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Cet ange central se trouve alors inscrit dans une étoile, formée par la superposition des deux triangles. Cette étoile évoque l’astre de David, signe du peuple juif. Ne pourrait-on pas découvrir, dans cette forme géométrique que le personnage central, inscrit dans l’étoile de David, est celui qui sera appelé Fils de David ? Il s’agirait de Jésus, le Fils du Père éternel, le Verbe de Dieu, la deuxième personne de la Trinité.

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En géométrie, les triangles équilatéraux s’inscrivent dans un cercle. Il en est de même dans cette construction, bien que ces triangles ne soient pas exactement parfaits. Il en sera de même pour le cercle, il ne sera pas parfait. Les trois personnages entrent à l’intérieur d’un cercle dont le centre est la main du personnage du milieu. Le cercle a toujours été un symbole de sainteté et d’éternité. On ne sait pas où commence le cercle, ni où il finit ; ce qui fait la réalité propre d’un cercle, c’est justement qu’il ne commence pas et ne finit pas ; les points d’un cercle sont toujours en mouvement.

Ne faut-il pas voir dans l’imperfection géométrique du cercle non une erreur de calcul de l’artiste dans les proportions de son oeuvre, mais le signe que la Trinité elle-même se trouve théologiquement dans un état d’incomplétude tant que l’humanité entière ne se trouve pas unie dans le dialogue divin suggéré dans l’icône elle-même ? 

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Le cercle peut à son tour être inscrit dans un carré qui relègue au second plan le décor dans lequel la scène biblique se déroule, à tel point que le rocher et la maison d’Abraham s’en trouvent déjà pratiquement éclipsés.

Après ces considérations géométriques, il convient de souligner le fait que ces personnages que l’icône représente sont des anges. En témoigne le fait qu’ils portent des ailes, celles-ci leur donnant le caractère de messagers divins. Les ailes rappellent leur nature spirituelle. Il ne s’agit pas de corps matérialisés. Nous pouvons dire « comme des anges », mais ils ne sont pas des anges, esprits créés ; ce sont plutôt des réalités spirituelles. Selon les canons de l’angéologie, les ailes témoignent du caractère spirituel des personnages représentés, car les descriptions bibliques concernant les chérubins et les séraphins, et tous les anges, mentionnent leurs ailes.

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Ces anges sont venus apporter à Abraham l’annonce d’une descendance. Il ne s’agit peut-être pas seulement de la descendance qui lui viendra charnellement de Sara, mais beaucoup plus de celle qui lui viendra ultérieurement, Jésus, le Fils de Dieu lui-même qui sera la descendance parfaite du patriarche. Ces personnages se trouvent sur terre, comme des pèlerins, ainsi que le prouve le bâton que chacun d’eux porte, bien que se trouvant assis à la table d’Abraham. On a parfois estimé que ce bâton était le signe de la royauté divine, une sorte de sceptre royal ou une sorte de férule pour des licteurs célestes. Quand on dit qu’on est sous la férule de quelqu’un, c’est qu’on est dans l’obligation de lui obéir. Il s’agit vraisemblablement plus simplement du bâton de pèlerin, à l’extrémité duquel certaines reproductions, particulièrement grandes, de l’icône permettent de discerner un petit objet, une sorte d’instrument utile à diverses fins, un peu comme un nécessaire de survie que portent certains montagnards, une sorte de spatule que portaient encore, il n’y a pas si longtemps, les laboureurs, afin de décoller la glaise du soc de la charrue.

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Ces anges sont, de plus, représentés comme des personnages revêtus de sainteté, comme le prouve l’auréole que chacun d’eux porte au-dessus de la tête. Les visages sont identiques parce que les trois Personnes de la Trinité sont identiques dans leur nature ; elles sont différentes dans leurs rôles. 

Leurs regards sont baissés pour mieux exprimer la kénose de Dieu qui se révèle. Toute la Trinité est kénose : le Père se donne à son Fils, le Fils s’abaisse et l’Esprit est l’humilité de Dieu.

 En soulignant la ressemblance des trois anges, Roublev a voulu souligner leur égalité, leur similitude, tout en reconnaissant le caractère unique de chacune des personnes. On notera au passage l’abondance de la chevelure, admirablement coiffée, avec des boucles sur le devant et les côtés et une masse lisse sur la partie supérieure, cette masse lisse étant retenue par un bandeau vraisemblablement noué à l’arrière de la tête. Ce bandeau a pour fonction de dégager les oreilles, de sorte que l’ange devient le messager de Dieu parce que d’abord il écoute sa Parole.

Les visages sont identiques parce que les trois Personnes de la Trinité sont identiques dans leur nature ; elles sont différentes dans leurs rôles. Chacune des Personnes assume un rôle particulier, mais dans le rôle de chacun, les deux autres Personnes sont présentes, parce que l’action trinitaire se fait toujours à trois. Il n’y pas de hiérarchie entre les trois Personnes, mais dans notre langage et par rapport à la création, nous donnons à chacun un rôle distinct, où cependant tous sont actifs et présents.

Ainsi les visages des trois personnages de l’icône de Roublev sont identiques ; il n’y a pas de distinction entre les trois, ni dans le temps, puisqu’ils sont co-éternels, ni dans leur nature ou leur forme. Ceci est reflété dans le mot « consubstantiel », homoousios en grec, mot que d’ailleurs les Pères ont utilisé avec réticence, faute de mieux.

Les vêtements se composent, à la manière impériale romaine, d’une tunique et d’un manteau. Fait notable, pour souligner l’aspect céleste des personnages, chacun d’eux porte un vêtement bleu. Ce bleu du vêtement, tunique ou manteau, indique qu’il s’agit de personnages célestes, évoluant dans la sphère de Dieu.

Le manteau cache les deux épaules de l’ange de gauche et ne repose que sur une épaule pour les autres. La tunique est décolletée pour permettre de dégager un cou très fort, ce qui fait ressortir la finesse du visage.

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Les visages permettent de noter une ressemblance étonnante, avec un nez très fin et très long, un menton très petit, des sourcils quelque peu arqués. Les visages sont comparables à celui de l’archange saint Michel qui faisait partie de l’iconostase de l’église de Zvenigorod, également attribuée à Roublev.

Il convient également de remarquer que ces anges sont très grands : leur hauteur correspond à peu près à neuf fois la tête, alors que la grandeur moyenne du corps d’un individu correspond à cinq fois la tête. Cela donne à l’ensemble une impression de légèreté et de finesse.

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Il est très difficile de personnaliser les trois anges, puisque Roublev lui-même n’a pas jugé utile de noter au-dessus de leur tête, comme cela se fait généralement dans les icônes, des indications permettant une reconnaissance individuelle de l’identité. Roublev refusait ainsi, à sa manière, de nommer Dieu qui demeure au-delà de tout, l’Innommable, et pour obliger le spectateur à ne découvrir dans son oeuvre que des symboles. Néanmoins, les tentatives d’identification sont diverses.

Mathématiquement parlant, puisqu’il n’y a que trois anges, il existe six cas de figures possibles. En fait, seules deux explications importantes prévalent sur les autres. Pour les uns, l’ange du Père se trouve au centre, encadré par le Fils à droite et l’Esprit à gauche. Pour les autres, il faut regarder les personnages de gauche à droite, dans l’ordre même du Credo de Nicée-Constantinople : Père, Fils et Esprit-Saint.

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C’est à cette opinion qu’il semble être judicieux de se rallier, puisque, géométriquement parlant, l’ange central se trouve inscrit dans une étoile à six branches, symbole de la royauté de David, dont Jésus, le Fils de Dieu, est l’héritier direct : « Béni soit au nom du Seigneur celui qui vient ».

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Ses vêtements bleu et rouge suggèrent l’union du divin et de l’humain. Son regard d’amour obéissant est tourné vers le Père, tandis qu’il bénit la coupe de son sacrifice qu’il s’apprête à boire pour faire la volonté du Père.

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L’étole qu’il porte sur son épaule droite est le signe distinctif de son sacerdoce. Ses deux doigts posés sur la table signifient sa double nature.

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Il est possible d’identifier l’ange qui se situe à droite de l’icône à l’Esprit, qui est qualifié dans le Credo comme celui qui donne la vie. L’origine de la vie vient de l’eau qui permet à toutes choses de subsister, notamment au monde végétal, à toute herbe verte, comme le dit expressément le livre de la Genèse. L’eau est ainsi le symbole de toutes les valeurs de la vie, et plus spécialement, dans le contexte biblique, de la sagesse, de la Loi et de l’Esprit.

L’évangéliste Jean, par exemple, parle du don de l’Esprit qui procure la vie éternelle. Le manteau sur l’épaule gauche de cet ange est vert, couleur qui symbolise l’eau et la vie. Du mouvement de son bras, ce personnage manifeste que l’eau vive se répand comme une cascade. La couleur verte est aussi le signe de l’espérance. Et, dans la tradition liturgique occidentale, elle est la couleur du temps de l’Esprit, ce temps qui suit la Pentecôte et qui est marqué par la couleur liturgique verte... L’Esprit est représenté avec un vêtement vert parce qu’il est celui qui vivifie.

Un autre signe ne peut pas être négligé. Il s’agit de la position et de la forme de la main de l’ange à la gauche du personnage central : elle ne ressemble guère à une main, mais davantage à un coutelas susceptible de partager le pain, comme l’exprime la prière de l’épiclèse, lors de la prière eucharistique, quand elle invoque l’Esprit pour qu’il bénisse et partage les dons qui sont présentés pour la liturgie divine.

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Si nous examinons le décor au-dessus de cet ange, il s’agit d’un rocher comparable à celui dont parlent certains psaumes, quand ils chantent le Seigneur comme le Rocher, le Fort, le Puissant d’Israël. D’autre part, le livre de la Genèse mentionne une autre parole de Dieu lors d’une rencontre avec le patriarche Abraham : Ne crains pas, Abram ! Je suis ton bouclier, ta récompense sera très grande.

Sur l’icône, on peut remarquer que le rocher ne correspond guère aux autres représentations de roches dans les icônes de la tradition. Les peintres russes d’icônes ignoraient totalement ce que pouvait être une montagne, et leurs représentations iconographiques de montagnes ou de rochers ressemblent plus souvent à une superposition de boîtes qu’à la forme présente dans cette icône, qui évoque davantage l’aspect d’un bouclier, illustrant la parole du psaume : Yahvé est mon roc et ma forteresse, mon libérateur, c'est mon Dieu. Je m'abrite en lui, mon rocher, mon bouclier et ma force de salut, ma citadelle et mon refuge.

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L’ange de la droite du personnage central serait le Père, revêtu d’un manteau à double pan, signe de l’autorité impériale, d’autant plus qu’il est relevé de couleur dorée.

C’est au Père que revient toute louange et toute adoration, ce qui explique que c’est vers lui que les deux autres anges inclinent la tête. Le Père est celui qui accueille ses enfants dans sa maison. Son manteau transparent d’un bleu lumineux mêlé d’or pâle traduit la source inaccessible de la divinité. C’est par amour que le Père se révèle et se donne dans l’incarnation de son Fils. Le Père bénit la coupe, manifestant la communion d’amour qui existe entre lui et le Fils.

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Au-dessus de ce personnage, au sommet gauche de l’icône, se trouve une construction qui n’est pas sans rappeler les villes fortes ou les palais impériaux. Cette construction qui était à l’origine la tente d’Abraham, symbolise le Royaume de Dieu, « la maison de mon Père », selon Jésus, dans laquelle « il y a beaucoup de demeures », comme peuvent en témoigner les deux ouvertures apparentes.

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L’ange central porte un manteau bleu et une tunique rouge. Le bleu du manteau indique qu’il est un personnage du ciel, qu’il est Dieu, tandis que le rouge de la tunique indique qu’il appartient à la terre : il est homme, il a versé son sang pour le salut de l’humanité.

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La couleur rouge, dans la tradition iconographique, est non seulement la couleur du sang, mais c’est aussi la couleur de la terre. Il s’agit de Jésus Christ, véritablement Dieu et véritablement homme. Il est venu sur terre pour servir Dieu et les hommes, et c’est ce qu’indique également le claviculum, insigne des dignitaires royaux, cette sorte d’étole de service qu’il porte à l’épaule comme les diacres pour le service eucharistique.

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De la main droite il désigne la coupe qui se trouve sur la table, en traçant de ses deux doigts le signe de son caractère divino-humain : il est à la fois pleinement homme et pleinement Dieu, en lui, les deux natures ne font qu’une. C’est par ce geste que les évêques et les prêtres, dans la liturgie orthodoxe, accordent la bénédiction de Dieu sur les fidèles et sur les dons présentés.

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Le Christ reçoit la coupe du Père, coupe de bénédiction, mais aussi coupe d’amertume, évoquée dans l’Ancien Testament pour caractériser les épreuves ultimes. Quand Jésus dit : « La coupe que le Père m’a donnée, ne la boirais-je pas ? », il évoque sa Passion. La construction géométrique permet de découvrir une autre coupe, formée par le pied de la table autour de laquelle se trouvent les trois personnages et par les contours internes des personnages situés aux deux extrémités.

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Au-dessus du personnage central, se trouve un arbre, à l’origine : le chêne de Mambré, mais qui évoque l’arbre de la connaissance du bien et du mal par lequel le péché et sa conséquence, la mort, ont été introduits dans le monde. Cet arbre signifie aussi la mission du Fils, en tant qu’il évoque le bois de la croix sur laquelle Jésus fut crucifié. Cette croix, il est possible de la découvrir également, selon le procédé de la géométrie, en traçant une ligne imaginaire qui suivrait le tronc de l’arbre pour se planter dans le sol qui se trouve sous la table. Cette ligne est coupée en trois endroits, par les branches de l’arbre, par la ligne des regards unissant les personnages de gauche et de droite, et par le pied de la table. Il est alors facile d’imaginer la représentation de la croix, sous sa forme orthodoxe.

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Ces trois personnes se sont arrêtées chez Abraham et leur visite résume le mystère de ce Dieu qui vient faire route avec les hommes. Ils expriment dans leur dialogue silencieux les trois mystères de la foi : la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption. Cela est souligné dans l’icône par les regards des trois personnes :

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le Fils regarde le Père, qui lui-même regarde l’Esprit, lequel porte son regard sur la coupe. Outre le fait qu’elle représente la Trinité, l’icône parle de l’Incarnation. En effet, la visite que les trois anges font à Abraham n’a pas seulement pour but d’annoncer une descendance charnelle en la personne du fils Isaac, mais aussi et surtout de lui annoncer une descendance spirituelle en la personne de Jésus, le Fils unique de Dieu, qui affirmera dans un de ses nombreux débats avec ses opposants juifs : « Abraham, votre Père, a exulté dans l’espoir de voir mon Jour. Il l’a vu et il a été transporté de joie ».

Tout ce qui se trouve exprimé dans le texte de la Genèse, auquel les icônes de la philoxénie d’Abraham font référence, c’est la promesse d’un descendant d’Abraham qui formera l’unique peuple de Dieu... Mais la réalisation de cette promesse ne se fera pas sans douleur et c’est ce que Roublev a pu exprimer dans le visage empreint de gravité, mais de gravité sereine de chacun des trois anges.

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Le Fils unique de Dieu qui viendra dans le monde ne sera pas reconnu par les hommes, il sera conduit à la mort comme le veau le plus tendre que le patriarche a fait égorger pour ses hôtes de passage, comme l’agneau pascal qui sera égorgé pour permettre de reconnaître, par son sang, les maisons des Hébreux, en captivité en Egypte, lors de l’Exode, comme l’agneau de Dieu qui enlève le péché du monde, ainsi que le prophétisera Jean-Baptiste. Jésus-Christ, le Fils de Dieu, sera la victime offerte pour le salut de l’humanité. C’est par le sang qu’il versera sur la croix qu’il réalisera pleinement le dessein de salut voulu par Dieu. De la sorte, la Trinité de Roublev annonce déjà, à sa manière, le mystère de la Rédemption.

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Ce mystère est encore renforcé par le signe commun aux icônes de la résurrection par les deux portes du Royaume des morts qui s’ouvrent sous les assises de la table et des fauteuils des personnages latéraux.

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Cette indication du mystère de la Rédemption se trouve encore davantage soulignée par ce qui fait le centre même du cercle mathématique imaginaire qu’il était possible de découvrir dans l’analyse géométrique de l’oeuvre elle-même.

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Le centre du cercle, c’est la coupe. Diverses hypothèses ont été émises sur le contenu de cette coupe, elles aboutissent toutes à une même conclusion : il s’agit d’une coupe eucharistique.

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Certaines icônes de la philoxénie d’Abraham présentent dans cette coupe la tête du veau gras, d’autres présentent un agneau, d’autres encore,

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et l’icône de Roublev semble être de celles-ci, une simple coupe de vin dans laquelle se reflète la sainte Face du Christ. À l’intérieur de la coupe, on aperçoit une tête qui pourrait être celle d’un agneau, mais si l’on tourne la coupe vers la droite, on y perçoit le visage du Christ mort,

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comme sur le Saint Suaire de Turin.

 

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Ainsi, l’agneau symbolise à la fois l’Ancienne Alliance et le Christ, l’Agneau immolé, celui qui donne sa vie pour le salut du monde

La signification de la coupe peut être polysémique. Boire à la même coupe, c’est partager la même vie, la même joie d’être ensemble. Mais cette coupe rappelle aussi le repas pascal,

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la dernière Cène de Jésus avec ses disciples, dont le prêtre fait mémoire à chaque eucharistie : Prenez et buvez-en tous, ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude.  

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Malgré l’état déficitaire de la peinture actuelle, puisque des fragments sont tombés, au fil des ans, une sainte Face apparaît dans cette coupe.

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Même si elle n’est pas très apparente, elle est manifeste. Cette sainte Face, ou Mandylion, est chargée d’histoire et de légende.

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Il suffit de se souvenir, par exemple, de la légende du voile de Véronique sur le chemin de la Croix de Jésus : cette femme, ayant voulu essuyer le visage de Jésus torturé par la souffrance, s’aperçut que l’effigie de Jésus s’était imprimée sur son voile après qu’elle l’eut essuyé.

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Des artistes de toutes les époques ont évoqué cet épisode dans leurs œuvres. 

 

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En représentant la Trinité, Andréï Roublev rappelle que toute la vie chrétienne est centrée sur l’eucharistie. Les trois personnages sont assis autour d’une table. Devant eux, il y a une place vide, réservée à celui qui contemple l’icône.

Ce qui signifie que les hommes sont invités à s’asseoir aussi à la table de Dieu.

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C’est dans l’eucharistie que se réalise le partage de cette vie, par la communion au même pain et à la même coupe, comme le rappelle l’épisode des disciples d’Emmaüs.

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L’eucharistie est le repas auquel Dieu invite les hommes pour leur permettre de recevoir sa vie et d’y participer.

C’est ce qu’évoque cette icône des disciples d’Emmaüs, en s’inspirant très certainement de l’icône de Roublev.

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L’icône de la Trinité permet de pressentir quelque chose de l’intimité divine. La table à laquelle sont installés les invités d’Abraham est ouverte à tous les hommes. Celui qui contemple peut s’asseoir avec eux, partager leur repas, entrer en communion avec eux, en vivant comme un pèlerin sur cette terre que ces personnages ont visitée.

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L’invité de Dieu se trouve ainsi proche de Dieu parce que Dieu s’est fait proche des hommes, dans sa création, parce qu’il s’est fait homme en Jésus, qu’il s’est donné à eux dans l’Esprit répandu sur ses fidèles au jour de la Pentecôte. Les chrétiens sont baptisés au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, ils sont entrés dans la famille de Dieu, ils portent tous son Nom.

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La contemplation de l’icône de la Trinité se transforme ainsi en méditation de toute l’histoire du salut. Celle-ci trouve son achèvement dans le mystère du Père, du Fils et de l’Esprit. L’aventure humaine n’est pas le fruit du hasard. Elle est orientée par l’Amour vers la communion trinitaire.