Les différentes formes religieuses

 

 

ATHÉISME 

MONOTHÉISME 

POLYTHÉISME

a

privatif 

monoV 

un seul 

poluV

plusieurs

HÉNOTHÉISME

hnoV 

un parmi plusieurs

 

L'athéisme

Littéralement, le mot "athée" veut dire "sans dieu", l’athée est celui qui ne croit pas à l’existence de Dieu – ou des dieux, c'est celui qui refuse de vénérer les dieux et de leur rendre un culte. L’adjectif athée est préfixé d’un alpha privatif que l’on retrouve en français sous la forme a  et qui indique une qualification négative sans précision. De manière générale, il serait possible de dire que l'athéisme est caractérisé par le refus de Dieu.

Dans le passé, l'athéisme était actif, et parfois violent à l'égard de ceux qui avaient une attitude croyante. Aujourd'hui, l'athéisme ne cherche plus à combattre Dieu ou les religions : il les laisse en dehors des affaires humaines. Le monde actuel est un monde sans Dieu, un monde dans lequel la religion n'est plus qu'une survivance d'un passé révolu.

Le jeune Karl Marx écrivait, sous une forme percutante demeurée célèbre : "la religion est l'opium du peuple", et il poursuivait en appelant de tous ses voeux la suppression de toute forme religieuse. Celle-ci fait toujours miroiter aux yeux des fidèles un état paradisiaque qui les détourne des tâches urgentes de l'action. En réalisant un paradis sur la terre, comme Marx puis Lénine le souhaitaient, on supprime, du fait même, la nécessité de poser l'existence d'un paradis céleste. Celui-ci devenu superflu, la religion serait appelée à disparaître d'elle-même.

Marx a compris que l'athéisme venait après la religion et qu'il en reste tributaire : on ne peut être athée que par rapport à Dieu ou à des dieux, l'athéisme ne procède pas de la pure abstraction mais bien d'une négation des croyances religieuses. D'ailleurs, une fois la religion disparue, l'athéisme est appelé à disparaître lui aussi : l'homme sera son propre dieu.

Les religions primitives

L'animisme

Le terme "animisme" désigne, dans son sens général, la croyance aux âmes et aux esprits. Lorsque l’âme se sépare du corps, c’est la mort. Puisqu’on rêve de personnes décédées depuis longtemps, on conclut à la survivance de l’âme après la mort. La croyance en la post-existence ou en la survivance de l’âme a donné lieu au culte des morts. L’existence autonome de l’âme conduit à l’idée des esprits indépendants, qui animent la Nature, et qui sont susceptibles de s’incarner dans n’importe quel objet, et c’est l’origine du fétichisme.

La magie

A la frontière de la religion, il convient de situer la magie qui vise à exercer un pouvoir sur les dieux par le déploiement d'actes techniques. D'une certaine manière, la magie veut se constituer en religion. Le magicien, comme le prêtre, cherche à capter les forces répandues dans le monde, afin de les soumettre à l'ordre humain. Cette pratique ne se situe pas dans le cadre social : le magicien veut s'approprier le sacré pour le manipuler dans le sens qui lui convient alors que le prêtre agit sur le sacré en vue de l'intérêt de la communauté. La magie prétend subordonner la divinité à un homme et à son pouvoir. La religion est adoration de la divinité à qui elle présente prières et sacrifices tandis que la magie ne reconnaît que l'aspect efficace de ses différentes techniques.

Cartographie des religions primitives

Les croyances animistes sont dominantes, en Mélanésie, en Indonésie, sur la côte occidentale de l’Afrique, dans les deux Amériques. Une carte sommaire de la situation des hommes se référant aux religions primitives serait facile à dresser. En Europe, il n'en existe pratiquement aucune trace. En Amérique centrale, quelques villages ont conservé la civilisation et le mode de vie qui étaient les leurs avant la découverte de l'Amérique par Colomb. En Asie, quelques groupes isolés au Sri Lanka, en Inde du Sud, en Malaisie, aux Philippines ; en Océanie, quelques peuplades en Australie et en Polynésie. Mais c'est surtout en Afrique que vit la grande partie des représentants de ces religions. Une boutade recèle une dose de vérité : on dit que l'Afrique compte 30 % de chrétiens, 39 % de musulmans et 100 % d'animistes... tant il est vrai que les traditions ont laissé de sérieuses survivances même chez les convertis au christianisme et à l'islam.

Le polythéisme

Le polythéisme désigne la conception religieuse qui admet plusieurs divinités qui se répartissent les privilèges et les attributs des puissances que l'homme reconnaît supérieures à lui-même. Par sa définition, le polythéisme s'oppose au monothéisme qui ne reconnaît et ne vénère qu'un seul Dieu, il s'oppose également à l'athéisme qui n'en reconnaît aucun.

Venu au monde dépouillé de tout moyen naturel de défense contre les agressions des autres êtres, l'homme, s'il veut survivre, doit lutter contre la nature afin de satisfaire ses besoins primaires et physiques. La caractéristique de l'homme est qu'il lui est impossible de vivre uniquement en regardant le monde sur le mode de ses besoins élémentaires.

DU POLYTHÉISME A L'HÉNOTHÉISME

POLYTHÉISME

HÉNOTHÉISME

Moyen-Orient (Canaan)

El Olam - El Elyon - El Roï

Melchisédech

Abraham

Grèce - Rome

Égypte

                          Amon --- Aménophis IV

un parmi plusieurs 

 

 

 

 

 

                            Aton --- Akhénaton

 

Le monothéisme

Le monothéisme désigne la forme de religion selon laquelle il n’existe qu’un Dieu unique. Dans la mesure où l’on entend le monothéisme au sens strict (non seulement comme croyance en un seul Dieu, mais comme négation explicite de tous les autres dieux), il n’y a pour l’histoire des religions que trois grandes religions monothéistes : la religion d’Israël, le christianisme et l’islam.

Le vrai monothéisme ne se trouve pas au commencement de l’histoire de la religion, mais à son terme. Le monothéisme n’est pas le produit final des religions polythéistes. Il est dû bien plutôt à un refus décidé de tout polythéisme et représente une véritable révolution religieuse.

Les religions polythéistes

Vue générale

Antiquité 

Actuellement

Grèce 

Romereprise des dieux grecs 

Égypte 

religions des districts

unification politique des dieux

Moyen Orient

dieux de la nature

Asie

védisme 

 

 

 

 

 

 

Animisme

culte vaudou

 

 

 

 

 

Asie

hindouisme

bouddhisme

dualisme iranien 

tantrisme 

lamaïsme 

jaïnisme 

taoïsme 

shintô 

(zen, yoga)

 

Antiquité

Le polythéisme gréco-romain

Pour les Grecs, les dieux étaient semblables aux hommes, soumis au destin comme les hommes même si l'immortalité leur fût reconnue. Cette religion décrit l'existence de chaque divinité comme celle de tout être vivant, c'est pourquoi le religieux a inspiré artistes et poètes. Chez Homère, les dieux sont des humains idéalisés dans les veines desquels coule un liquide mystérieux, l'ichtor, qui leur assure l'immortalité. Toutefois, bien qu'immortels, ils pouvaient connaître la souffrance comme les hommes, ils éprouvaient de la difficulté à vivre en harmonie les uns avec les autres.

Dans le domaine religieux, il semble que les Romains aient été très pauvres puisqu'ils empruntent leurs dieux à la civilisation grecque, se contentant de changer les noms. La religion, pour le Romain, est une simple affaire de contrat : moyennant les honneurs, qui leur sont rendus, les dieux sont dans l'obligation de rendre les services que l'on attend d'eux. Le sentiment religieux le plus apparent était la crainte.

Grèce 

Rome

Chronos             le temps

Zeus                   orage 

Héra                   pluie 

Apollon              soleil

Artémis lune 

Hermés              messager 

Poséïdon           mer 

Démeter           terre 

Dionysios          vigne 

Hadès               enfers

Aphrodite         amour 

Arès                 guerre 

Athéna              intelligence

Héphaïstos       forgeron 

 

Moïra              le Destin

Jupiter

Junon

 

Diane chasse

Mercure commerce

Neptune

Cérés

Bacchus

 

Vénus

Mars

 

Vulcain

Vesta feu

 

L'Egypte ancienne, terre des dieux

Une des caractéristiques de la religion égyptienne, c'est son aspect local : il y a autant de dieux qu'il y a de provinces, de nomes (districts) sur le territoire. Un même dieu peut être adoré dans différents districts, mais il est appelé d'une manière différente et revêt parfois des attributs très différents.

Les conflits qui ont précédé l'unification de l'Egypte ont contribué à réduire, dans une certaine mesure, ce polythéisme de base. Le dieu du nome vainqueur devenait le dieu des vaincus, puisque sa puissance était supérieure à la divinité qui avait essuyé le même échec que ses fidèles. Progressivement donc, pour des raisons politiques, les dieux furent regroupés en une hiérarchie qui regroupait les familles divines. Et ce sont les dieux cosmiques qui obtinrent la plus grande place, parce qu'ils se révélaient comme les plus universels.

Sous un polythéisme de fait perçait un hénothéisme de fond : le nom et l'aspect des divinités pouvaient changer d'un sanctuaire à l'autre, mais les caractères divins se présentaient comme similaires. C'est le pharaon Aménophis IV, connu sous le nom d'Akhénaton, qui entreprit la plus grande réforme religieuse, au XlVème siècle avant Jésus-Christ. Sans rompre avec les traditions antérieures, il met en relief le culte du dieu universel, le soleil, désigné sous le nom d'Aton. Même si cette réforme n'eut pas un grand retentissement dans l'histoire de la religion égyptienne, elle indique que, malgré la multiplicité de leurs dieux, les Egyptiens ont eu un vague sentiment de l'unité du divin.

Actuellement

Origines des religions polythéistes d'Asie

L'Orient a été caractérisé par sa recherche religieuse : si les religons monothéistes sont nées au Moyen-Orient, c'est en Orient que se développèrent les religions polythéistes qui ont survécu. L'Inde a résisté, même sous forme passive, à toute assimilation par une culture différente, absorbée qu'elle était par sa recherche de l'absolu.

La forme la plus ancienne de l'hindouisme, c'est la religion védique qui désigne les croyances et les pratiques présentées dans le premier livre sacré de l'Inde, les Vedanta. Les Vedanta constituent le plus ancien document sur les religions de l'Inde. C'est un ensemble de textes rédigés en sanskrit et qui révèlent le "Savoir", la "Science", et ces livres sont une encyclopédie de tout ce qui concerne la religion et la philosophie. C'est grâce à ces livres que l'homme peut régler toute son existence. Mais il faut constater que ces premiers livres sacrés ne sont pas les seuls de cette longue tradition. Cette dernière s'est enrichie, par la suite, de nombreux autres textes religieux, tels que la Bhagavad-Gîtâ, les Purana, etc.

Le dualisme dialectique iranien

Les Chinois constatent une alternance dans l'univers, alternance qui n'est pas faite d'oppositions mais de complémentarité, les Iraniens constatent ce dualisme, mais ils s'attachent à démontrer ces oppositions dans l'univers. Ils développent une doctrine de la division des êtres en deux catégories, les bons et les méchants, les purs et les impurs. Ce dualisme qui est souligné dans le livre sacré de l'Iran, l'Avesta, composé à partir d'éléments très anciens, les Gâthâs.

Ainsi, dans une des Gâthâs, l'on trouve présenté le fait que le Bon Esprit et le Mauvais Esprit sont frères jumeaux. Comme tels, ils apparaissent comme diamétralement opposés, l'un choisissant le bien, l'autre le mal. Partant de là, la religion iranienne pouvait se développer dans une systématique dualiste. L'évolution de cette religion ne pouvait aller que dans le sens d'une lutte entre une bonne religion et une mauvaise.

Si les origines de la religion remontent aux mages d'Orient, à l'époque aryenne, il semble qu'au sixième siècle avant notre ère, elle fut réformée par Zoroastre. Il instaure une religion éthique, reposant sur la distinction du bien et du mal et sur le fait que les hommes seront jugés selon cette distinction. Dès lors, par crainte de la divinité et du châtiment qui pouvait lui être infligé, l'homme essayera d'éviter le mal, qui a pour nom "péché", pour ne plus pratiquer que la vertu.

Védisme 

Dualisme Iranien

Vedanta : livre saint 

résumé des cultes et des pratiques 

Baghavad Gitâ 

Punana 

 

 

 

Zoroastre

le monde est divisé

ciel - terre

purs - impurs

bons - méchants

Bien - Mal

lutte entre les deux

 

influence sur le christianisme primitif

 

Hindouisme

L'eau, survivance d'une crainte magique des hommes, joue un rôle considérable dans de nombreuses religions ; mais si cet élément, jadis incontrôlable, fut la cause première de catastrophes, il se chargea aussi d'une puissance purificatrice. L'hindouisme n'échappe pas à cette intuition des religions : la vie du fidèle est ponctuée d'ablutions, notamment dans les eaux du Gange, fleuve sacré. C'est avec lui que s'écoule la vie humaine. Pour lui, seul le présent compte, en lui, point de passé ni d'avenir. La souffrance réside dans la condition temporelle de l'homme. Si celui-ci est capable de se libérer du temps, il peut atteindre l'épanouissement de sa nature.

Le rôle des castes

Il n'est pas possible d'isoler l'hindouisme d'une réalité sociale ancrée dans l'histoire du peuple. Ce phénomène est celui des castes, bien qu'il déborde du cadre religieux pour constituer une hiérarchie sociale dont l'unique raison d'être est la reproduction de la société dans son ordre établi.

Seule, la caste des brahmanes est véritablement religieuse : les brahmanes détiennent le pouvoir sacré, faisant office de prêtres à l'occasion des sacrifices, tout en étant les maîtres dans l'enseignement du Veda.

Une deuxième caste est celle des "militaires", de ceux qui font métier des armes. Leur prototype était le roi, véritable émanation de la divinité. Leur rôle religieux est de faire offrir des sacrifices. d'étudier le Veda, sans oublier les dons qu'ils doivent attribuer aux brahmanes.

Ces devoirs sont les mêmes pour ceux qui appartiennent à la troisième caste, celle des Vaiçya, c'est-à-dire ceux qui ont pour fonction le commerce, l'agriculture et l'élevage.

Les parias, les çûdra, forment une classe sociale hors-caste, au service des autres membres de la hiérarchie ; mais ils sont plus ou moins exclus de la religion.

Les dieux et leurs avatars

Dès les temps les plus anciens, on peut noter la présence de huit grands dieux qui figurent soit un aspect du cosmos, comme les dieux du Soleil et de la Lune, soit des aspects de la vie végétale, animale ou humaine, comme les dieux du vent, du feu, de la mort, des eaux, de la pluie, des richesses.

Aux côtés de ces grands dieux subsistaient des divinités d'origine védique ainsi que des innovations, comme le dieu de l'amour, Kama. Mais un des traits remarquables de cette mythologie réside dans la coexistence sur un même plan d'une triade divine : Brahma, Vishnu et Çiva. Le premier représente le créateur des éléments du monde, mais il apparaît comme une divinité abstraite, éloignée du monde dans lequel agissent les deux autres, Vishnu, le conservateur et Çiva, le destructeur, qui sont des figures de premier plan dans le culte.

Aussi puissants que soient les dieux, ils n'en sont pas moins soumis à la loi inexorable de la mort, à la loi du karman. Cette loi du karman constitue le dogme fondamental de toute la religion et atteint tous les vivants sans distinction. Le karman explique la destinée des êtres, puisqu'il est le résultat des actes de chacun : résultat des actes passés, il détermine ce que l'individu deviendra. La qualité de la vie future, d'une réincarnation, dépend des actes antérieurs.

Au-delà de la mort

Dès l'époque ancienne, l'affranchissement de la mort a été la préoccupation fondamentale de l'hindouisme. Il s'agit de passer de la mort à l'immortalité, en échappant, d'une façon définitive, à la loi du karman, à laquelle même les dieux sont soumis. Toute l'existence humaine sera une tentative pour échapper au cycle permanent mort-réincarnation pour accéder à la béatitude de l'immortalité. En principe, la délivrance n'est possible qu'après la mort, qui marque une fin dans les nécessités de l'action ou du désir.

Le yoga est un joug que l'ascète s'impose, pour exercer le contrôle de ses sens et de ses activités mentales, afin d'entrer en communion mystique avec Dieu. Certains de ses adeptes sont comparables à ces "délivrés" vivants : ils sont considérés comme des saints, parce qu'ils ont vaincu les forces qui pouvaient les retenir dans le monde humain.

Le bouddhisme

Les savants admettent que la naissance de Bouddha se situe vers 560 avant Jésus-Christ, et sa mort vers 480, puisqu'il a vécu quatre-vingts ans. Le Bouddha reçut à sa naissance le nom de Siddharta, qui signifie "celui qui a réalisé son projet", puis celui de Gautama, son nom patronymique. La mère du jeune prince meurt peu de temps après l'avoir mis au monde et Siddharta est élevé par sa tante maternelle. L'amour que lui porte son père est si entier qu'il veut, à tout prix, éviter au jeune garçon le spectacle de tout ce qui serait susceptible d'obscurcir la joie de ses jeunes années : le roi lui épargne ainsi la réalité de la condition humaine. Et le prince grandit en intelligence et sagesse, au milieu de garçons nobles de son âge, connaissant uniquement les plaisirs.

Mais son bonheur fut troublé lorsqu'il prit conscience de ce qu'est véritablement la condition d'homme. Alors que Siddharta sort de son palais, il prend connaissance de la vérité : quatre fois de suite, sa vue fut frappée par des spectacles qu'il ignorait. Il découvre la vieillesse, la maladie, la mort, et la mendicité des moines quêtant leur nourriture. C'est une révélation pour lui que de prendre conscience qu'il vieillira, qu'il connaîtra la maladie et que finalement il mourra. Il décide alors de quitter maison, famille, pays et plaisirs, afin de trouver son salut par le biais de l'ascèse.

Siddharta Gautama commence une nouvelle existence : durant sept années, il va suivre les enseignements des maîtres brahmanes, qui lui apprennent à pratiquer la mortification et l'ascétisme, en recherchant la communion avec le Brahma. Selon la tradition, il aurait découvert la solution au problème qui le hantait, une nuit, alors qu'il méditait sous un figuier : c'est, pour lui, l'illumination. Il avait vaincu en lui les souffrances et arrêté la roue des réincarnations.

Toute existence est souffrance, et rien ne semble pouvoir remédier à cette souffrance, ni les plaisirs et la jouissance, ni les privations et l'ascèse. Aucun de ses extrêmes ne peut conduire au salut : la vérité de la délivrance se situe dans la voie moyenne, dans le chemin du milieu. Ce qui importe, c'est de se libérer de la souffrance.

Le Sermon de Bénarès

Le Bouddha ne pouvait garder pour lui seul la voie qui mène à la délivrance. Et c'est à Bénarès qu'il commence à prêcher. Il enseigne que la souffrance est universelle, qu'elle a une origine en l'homme lui-même, qu'elle peut être supprimée par l'action de l'homme, et il fait percevoir le chemin qui mène à une telle suppression.

Voici la vérité sainte sur la souffrance : la naissance est souffrance, la vieillesse est souffrance, la maladie est souffrance, la mort est souffrance. Etre joint à ce que l'on aime pas signifie souffrir. Etre séparé de ce que l'on aime signifie souffrir. Ne pas obtenir ce que l'on désir signifie souffrir. Bref, les cinq sortes d'objet d'attachement sont souffrance.

Voici la vérité sainte sur l'origine de la souffrance : c'est la soif du désir qui conduit de renaissance et renaissance, accompagnée du plaisir et de la convoitise, cherchant son plaisir tantôt ici, tantôt là, à savoir : la soif de plaisir, la soif d'existence, la soif de l'éphémère.

Voici la vérité sainte sur la suppression de la douleur : c'est la cessation totale de cette soif par l'anéantissement complet du désir, en le bannissant, en y renonçant, en s'en délivrant, en ne lui laissant aucune place.

Voici la vérité sainte sur le chemin qui mène à la suppression de la douleur : c'est le chemin sacré aux huit branches, qui s'appellent foi pure, volonté pure, langage pur, action pure, moyens d'existence purs, application pure, mémoire pure, méditation pure.

Le chemin du nirvâna

Le malheur de l'homme vient de son désir de vouloir vivre, que ce soit le désir de se perpétuer dans l'existence présente ou que ce soit la volonté d'accéder à une existence ultérieure meilleure. La suppression de la souffrance sera la résultante de l'extinction de tout désir en soi, en parvenant à la pleine connaissance de la réalité du devenir. L'idéal de vie, celui d'une cessation complète du désir, semble alors être la vie monastique dont les règles facilitent l'extinction de tout désir.

Comme le feu qui s'éteint faute de combustible, l'homme qui n'alimente plus ses désirs s'éteint : sa vie ne connaît plus le cycle des renaissances, Cet homme accède au nirvâna, c'est-à-dire à l'extinction complète : il échappe à la fatalité du devenir et, par le fait même, à la souffrance.

Le tantrisme, bouddhisme magique

La doctrine est simple : tout est vacuité, il n'y a rien que la pensée. Le salut ne peut être atteint que lorsque l'homme s'est entièrement convaincu de cette double vérité. La pensée permet de dépasser les barrières qui se dressent dans ce monde. Il n'y a plus ni vices ni vertus, les actions les plus scandaleuses peuvent être accomplies par ceux qui sont affranchis des normes, ou parvenus à la délivrance suprême. Certains sorciers, les siddha, les parfaits, se plaisent à violer les préceptes du bouddhisme ou les pratiques les plus sacrées de la religion, tout en reconnaissant que de telles actions ne doivent être réservées qu'à quelques initiés.

Le lamaïsme, forme tibétaine du bouddhisme

Primitivement, le nom de Lama était un titre honorifique décerné aux moines réputés. Actuellement, tout moine tibétain est qualifié ainsi. Les lamas sont les personnifications de la divinité, ils régissent la société sous forme théocratique. Les chefs ecclésiastiques sont comparés à ceux qui sont parvenus à l'achèvement de la condition humaine. Les prêtres, les lamas sont perçus comme des réincarnations de saints. Cette croyance en la réincarnation est telle que, quand un lama, particulièrement le Dalaï-Lama (le lama pareil à l'Océan), chef de la communauté tibétaine, vient à mourir, les fidèles s'empressent de rechercher un enfant dans le corps duquel se réalise la réincarnation. Quand on a trouvé cet enfant, dont la naissance ou les premiers temps ont été entourés de signes plus ou moins miraculeux, il est présenté aux membres de l'ordre religieux du défunt. Il est soumis à un examen minutieux qui doit permettre d'assurer à tous qu'il est bien la réincarnation espérée. A la fin de cet examen, l'enfant est 'e9levé à la dignité de ce défunt.

Les rites religieux sont complexes : le mysticisme le plus profond se mêle à la superstition grossière. Les cérémonies déploient un faste de couleurs dans des danses, elles se déroulent aux sons multiples des clochettes, des cymbales et des gongs. Les fidèles répètent des formules incantatoires, des mantra. Pour énoncer le maximum de fois la formule sacrée dans un minimum de temps, le moyen le plus efficace est le moulin à prières que le fidèle fait tourner en le tenant par le manche. Le mantra est copié le maximum de fois possible sur chacune des douze feuilles du moulin à prières, ce qui donne un résultat impressionnant, quand on pense que le fidèle fait tourner son moulin plus de cent fois à la minute. Des savants ont calculé le nombre probable de répétitions de la formule à la minute : la prière se trouverait ainsi prononcée plus de trois millions et demi de fois à la minute, ce qui peut satisfaire le dévot le plus exigeant.

En 1950, avec l'appui du Dalaï-Lama de l'époque, la Chine envahissait le Tibet. Rapidement, l'influence du lamaïsme se trouva réduite ; la doctrine communiste la jugeait néfaste, amenant la ruine de tout progrès économique efficace ainsi qu'une dépopulation, en raison du célibat des moines. La conséquence pourrait être la disparition totale du lamaïsme.

Le jaïnisme

Le jaïnisme n'est pas la source, ni même une ramification du bouddhisme. C'est une religion indépendante dont les origines ne sont pas étrangères à l'ascétisme. Au sixième siècle avant notre ère, Vardhamâna, dit le Mahâvira, le Grand Héros, ou le Jina, élabora les principes de la vie religieuse.

La droite connaissance, la droite foi et la droite conduite sont les trois joyaux du jaïnisme. La connaissance est la faculté première de l'âme humaine. Celle-ci peut accéder à la connaissance par deux chemins, celui de la connaissance empirique et celui de la tradition qui livre l'enseignement du maître par l'étude des textes sacrés. Alors, l'âme peut pénétrer jusqu'au domaine de l'omniscience, qui est une propriété des véritables fidèles et qui est absolue.

Le chemin de la délivrance

La vie religieuse est le moyen qui apporte la délivrance, la libération définitive aux individus : le fidèle qui veut entrer en religion doit être âgé de plus de sept ans et demi, être libre de toute servitude à l'égard des hommes, être sain de corps et d'esprit. De surcroît, l'homme ou la femme qui embrasse la vie religieuse accepte de se délier des attaches du monde, de vivre dans la justice et la sainteté, en mendiant sa nourriture.

Comme le moine, le fidèle laïc s'engage par cinq voeux, ceux-là mêmes des moines. Il s'agit de cinq interdits qu'il lui faut respecter : ne pas nuire aux êtres vivants, ne pas mentir, ne pas voler, ne pas manquer à la chasteté, ne pas s'attacher aux possessions matérielles. Le laïc s'interdit toute action inutile, surtout si elle est susceptible d'être nuisible. Il se limite dans ses activités profanes. Il s'impose la modération, Il s'astreint à méditer plusieurs fois par jour. Pour ce faire, il limite ses occupations qui l'empêcheraient d'observer la Loi. Il s'engage à jeûner et à veiller au moins deux fois par mois. Il doit pratiquer toutes sortes d'aumônes. Ainsi les laïcs peuvent parvenir à un état de vie supérieur, ils se libèrent du karman, et aspirent à se libérer de l'esclavage de la transmigration.

Le taoïsme

Etymologiquement, le tao signifie le chemin droit, la voie droite. Les sens les plus nombreux furent alors dérivés : une marche à suivre, une méthode de vie, un chemin de vertu, une règle de conduite.

La sainteté s'acquiert par l'identification au principe éternel ; le saint n'agit pas, il ne va pas à l'encontre de l'action du tao, il adopte une attitude de non-intervention à l'égard des choses.

Neuf principes réglaient la vie de l'adepte et constituent. en quelque sorte, le résumé de toute la doctrine. Pratiquer le non-agir, la faiblesse et la souplesse. Pratiquer l'humilité, l'ataraxie, la bienfaisance. Pratiquer le non-désir, le "savoir se contenter", l'art de céder à autrui. De ces principes découlent des interdits, des moyens de réglementer son existence. Ces interdits visent la nourriture d'origine animale, les injures, les manquements à la parole donnée, le vol, la fornication, la convoitise, la curiosité, la dureté, la colère, le bavardage... Les pratiques morales sont considérées comme les conditions préalables à toutes les autres pratiques religieuses.

Le shintô

Si l'on considère uniquement le nombre de sanctuaires des différentes religions dans son pays, on pourrait penser que le Japonais est un homme religieux. Il existe environ 160000 temples et lieux de culte pour une superficie de 377000 km2. Pourtant, l'homme n'a pas le tempérament religieux. Soixante dix pour cent des Japonais reconnaissent ne pas être les fidèles d'une religion, ils proclament n'observer aucun rite et ne se soumettre à aucune croyance.

Ce qui semble pouvoir concrétiser l'aspect religieux, c'est la crainte de l'inconnu, à laquelle répond bien le shintô, avec ses appréhensions quant aux puissances susceptibles d'exister dans le monde. Conscient de n'être qu'un élément d'une longue chaîne de générations, qui tient à perpétuer la survie de la nation japonaise, conscient de son existence transitoire dans l'univers, le Japonais tient à garder tous les dieux à bonne distance. L'essentiel de sa religion, c'est de ne pas troubler l'ordre établi, qu'il soit celui de la famille, celui du travail, ou celui de l'Etat, ordres qui lui inspirent autant de respect que les différents kami.

Le zen

Pour arriver à la pacification ultime de l'esprit, la posture recommandée consiste à s'asseoir, sans but ni esprit de profit, afin d'accéder à la concentration ; cette position est appelée zazen (za signifiant s'asseoir). Cependant, il ne suffit pas de s'asseoir, les jambes repliées, pour accéder à la connaissance du Bouddha. Les maîtres anciens l'avaient déjà souligné : si cela était suffisant, toutes les grenouilles seraient, depuis les origines du monde, des Eveillés. L'immobilité du corps cache une activité spirituelle : se libérer des puissances attractives du monde, pour atteindre un Eveil comparable à celui du Bouddha. Pratiquée tous les jours, et plusieurs fois par jour, cette technique permet l'élargissement de la conscience.

 

Les monothéismes

Le monothéisme désigne la conception religieuse qui ne reconnaît qu'un Dieu unique, à l'exclusion de toute autre divinité. Ainsi, ce qui pouvait être considéré comme une tendance monothéiste dans la religion de l'ancienne Egypte, n'était en fait que de l'hénothéisme, c'est-à-dire la domination d'un dieu sur les autres.

Il est historiquement certain que le monothéisme est né dans le peuple d'Israël, issu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob, et c'est uniquement par l'affirmation de la foi en un Dieu unique que cette nation s'est fait connaître et s'est maintenue au fil des siècles de son histoire.

C'est de la foi d'Abraham que les religions monothéistes actuelles, le judaïsme, le christianisme et l'islam, ont tiré leur conception de Dieu. Les religions monothéistes s'accordent donc pour reconnaître en Abraham le père et le modèle de tous les croyants au Dieu unique.

Certes, des tendances monothéistes existaient, de manière latente, avant Abraham, mais elles ne posaient pas l'affirmation absolue d'un Dieu unique à l'exclusion de tout autre. Contrairement aux divinités de l'Ancien Orient, le Dieu d'Abraham ne sera pas un dieu de la nature, ni un dieu local, limité à tel ou tel pays. Mais, créateur du ciel et de la terre, ainsi que de tout ce qui vit à la surface de la terre et dans les eaux, il est totalement indépendant de la nature. C'est aussi un Dieu moral qui recommande la pratique de la justice et de la droiture dans l'existence humaine.

Personne n'a jamais su, et sans doute personne ne saura jamais comment Abraham en est venu à cette conception du Dieu unique ; ce fut peut-être l'aboutissement et le résultat d'un raisonnement, ce fut peut-être sa grandeur d'âme qui le conduisit à conférer à la divinité des qualités morales qu'il estimait les plus importantes, ce fut peut-être aussi une illumination soudaine qui lui révéla la présence à ses côtés de ce Dieu unique et souverain de l'univers.

Avec Jésus de Nazareth, appelé Christ et Seigneur par ses disciples, le monothéisme juif prend une dimension nouvelle. La nomination de Jésus comme Seigneur est déjà l'affirmation de son égalité avec Dieu : le monothéisme juif laisse place à une autre forme de monothéisme, qui se traduira par la Trinité. Dieu n'est pas isolé, il vit de la communion.

Alors que juifs et chrétiens connaissaient de nombreuses discussions religieuses relatives à l'interprétation des dogmes, l'islam s'est fixé une dogmatique simple, admise par tous les fidèles sans prêter le flanc à des discussions interminables. Et le premier dogme affirme l'unicité absolue de Dieu : J'atteste qu'il n'y a pas d'autre Dieu qu'Allah. Allah est grand et il n'y a pas d'autre dieu que lui.

Le monothéisme juif

Les origines de la religion juive

A l'époque des Patriarches, il semble qu'il n'y ait pas eu négation et rejet de tout autre dieu. L'histoire antique du peuple ne contient pas un seul témoignage de monothéisme absolu. Le Dieu des Pères se distingue des autres dieux de Canaan, mais leur existence n'est ni contestée, ni mise en doute, ni à plus forte raison niée. Il existe même une affinité entre le Dieu d'Abraham et le dieu du panthéon cananéen El : les patriarches le vénéraient dans différents sanctuaires.

Mon père, Abram, était un Araméen errant...

Au moment de la chute de Sumer. se trouvait dans la place une famille de nomades araméens, Son point d'attache avait été Harran, et c'est vers cette ville que ce clan repartit, à la suite de Térah, son chef, le père d'Abram. Si Térah, comme la plupart des hommes de son temps, était polythéiste, il n'en est pas de même pour son fils, qui brisa avec l'idolâtrie et se mit au service du Dieu unique, créateur du ciel et de la terre. A la différence des Sumériens et des Akkadiens, qui avaient aussi des tendances monothéistes, le Dieu d'Abram n'était pas une divinité locale ou un dieu qui aurait une supériorité sur les autres divinités ; il est le seul et unique, en dehors de lui, il n'en est point d'autre. Le Dieu d'Abram est personnel, il a des relations d'intimité avec son fidèle, à qui il donne un nouveau nom : Abraham (père de beaucoup). Abraham s'arracha du milieu païen d'Harran et reprit la migration entreprise par son père : il partit vers Canaan et traversa le Jourdain. C'est là qu'il reçut, ainsi que sa famille, le nom d'Hébreu, car il venait de l'autre côté du fleuve, selon une étymologie populaire.

Après un court séjour en Egypte, Abraham s'installa à Hébron, dans la plaine de Mambré ; Dieu fit alliance avec lui, avec comme signe inscrit dans la chair, la circoncision des mâles. Abraham eut deux fils : l'un de sa servante Agar, Ismaël, qui est considéré comme le père des musulmans, l'autre de sa femme Sara, Isaac, qui poursuivit l'oeuvre de son père. Après Isaac, Jacob son fils hérita de la promesse faite au patriarche Abraham.

Après avoir mystérieusement lutté contre un ange durant toute une nuit, Jacob reçut un nouveau nom, celui d'Israël, dont l'étymologie signifie : Il a été fort contre Dieu. Ce nom d'Israël devait remplacer progressivement celui d'Hébreux, par lequel était désignée la descendance d'Abraham.

Il descendit en Egypte...

Jacob eut douze fils qui furent les ancêtres des douze tribus d'Israël. Un des plus jeunes, Joseph, fut vendu par ses frères à des marchands d'esclaves qui l'emmenèrent en Egypte. Profitant de circonstances favorables, Joseph accéda à la position de vice-roi. C'est là que sa famille, chassée d'Hébron par une famine, vint le retrouver : elle devint un peuple nombreux et puissant jusqu'au moment où la politique égyptienne changea et où Israël fut réduit en esclavage.

Le libérateur fut Moïse, fils adoptif d'une princesse, il n'oublia pas ses origines et prit le parti des siens contre leurs maîtres. Contraint à l'exil pour avoir assassiné un Egyptien, Moïse se réfugia au pays de Madian. Et, un jour qu'il faisait paître le troupeau de son beau-père dans le désert du Sinaï, Dieu se révéla à lui sous le nom de Yahvé, en s'identifiant au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il lui ordonna de retourner en Egypte pour libérer le peuple de la servitude et le conduire en Terre promise, le pays de Canaan.

Ayant fait sortir Israël d'Egypte, Moïse le conduisit vers le Sinaï, où il lui donna une constitution législative, une Loi, la Torah. Celle ci est un enseignement qui concerne toute la vie du peuple, tant dans sa religion que dans sa politique, tant dans la vie collective que dans l'existence individuelle. Elle vise à faire d'Israël un peuple saint, consacré à Dieu,séparé des autres, voués à l'idolâtrie, à des pratiques dégradantes, comme les sacrifices humains.

Quand ce peuple d'Israël est installé au pays de Canaan, quand il s'est organisé politiquement, avec une monarchie, le peuple s'écarte de son Dieu, pour ne plus s'assurer que de lui-même. C'est dans ce cadre troublé que va s'inaugurer le mouvement prophétique. Elie, brûlant de zèle pour Yahvé, entreprit de lutter contre la dynastie et pour le retour au culte du Dieu unique, qui est juste pour toutes les nations. La prédication des prophètes devait se continuer sans trêve, mais elle ne fut guère entendue. Et l'infidélité d'Israël à Yahvé fut présentée comme la cause de la ruine fatale du royaume.

A partir de l'exil, et même s'il y eut une restauration de la communauté juive dans la terre des ancêtres, le judaïsme devenait une religion en dehors d'une organisation politique : c'en était fait du royaume plus ou moins théocratique.

Le judaïsme, religion d'un livre : le Talmud

S'il est permis de parler de religion du livre pour le judaïsme, il est vraisemblable que ce livre n'est pas la Bible, mais le Talmud. Ce dernier est le fidèle miroir du judaïsme. Le juif peut y trouver ce qui concerne sa vie quotidienne : hygiène, éducation, morale, politique; civisme. Tout est sous-tendu par le souci de maintenir le peuple dans la fidélité de ses origines : Israël est lié à Dieu par une alliance éternelle, manifestée par la Torah. Le Talmud constitue l'âme d'Israël. C'est lui qui maintient et anime la vie du peuple depuis près de vingt siècles. Il n'est guère étonnant dès lors que chaque fois que les antisémites s'en prirent aux juifs, la vague de haine s'enflammait par la destruction des livres du Talmud. En brûlant ces livres, ils pensaient détruire l'âme d'Israël.

Vie quotidienne et culte

L'essentiel du culte réside dans la purification des hommes de ce monde pour les préparer au monde à venir. Il s'agit de craindre le Dieu éternel dans l'état actuel de la société, pour préparer en même temps la venue de son Messie qui rétablira toute justice. Le culte, c'est l'observation des commandements et des prescriptions qui ont été donnés à Moïse, dans la Torah du Sinaï. Le respect de la Torah, des prescriptions (plus de 600), ne représente pas un fardeau pour le juif pieux ; c'est l'occasion de manifester son amour pour Yahvé.

Il n'y a aucun événement de l'existence qui ne soit religieux : aucun acte n'est hors de la religion, car il s'agit d'organiser la vie du monde selon la volonté de Dieu. Cependant si tout est occasion d'un dialogue entre l'homme et Yahvé, la journée se marque par trois moments spécifiques de prières : le matin, l'après-midi et le soir. Ces prières se sont substituées aux sacrifices du Temple. Constituées par dix-huit bénédictions, elles manifestent la louange de Dieu pour sa souveraineté, sa puissance et sa sainteté et l'action de grâces pour les bontés de Dieu en faveur de son peuple. En outre, le juif demande à Dieu de satisfaire une série de besoins humains, matériels et spirituels, et particulièrement la paix et la restauration d'Israël.

Le message chrétien

La conception de Dieu, dans le christianisme, est celle d'un Dieu qui agit, d'un Dieu qui a un souci personnel de l'homme, d'un Dieu qui s'engage, dans une alliance, avec des hommes concrets.

Ce message chrétien parle de Dieu et de ce qu'il fait, et il acquiert la spécificité chrétienne pour autant que se trouve soulignée l'action de ce Dieu en faveur de Jésus-Christ. Cette action, inaugurée en Jésus-Christ, continue de se poursuivre en faveur du groupe instauré par lui, pour prolonger et parachever l'oeuvre qu'il a entreprise. Ce groupe, l'Eglise, fondée par le Christ sur les apôtres, reconnaît l'action de Dieu, dans la mouvance de l'Esprit.

Le propre du langage chrétien, c'est d'être référé à Jésus de Nazareth, qui a été crucifié et qui est ressuscité. En dehors de cette affirmation de la mort et de la résurrection, le message chrétien perd sa signification. Ce n'est pas pour rien que, si un archéologue rencontre une croix, il peut affirmer, avec certitude, qu'il traverse une civilisation chrétienne. Le signe de la croix est le critère spécifique de la foi chrétienne.

Le christianisme essaye de conformer l'existence des chrétiens à l'exemple de Jésus-Christ. Seulement, force est de constater que le christianisme a pris des formes diverses au cours de l'histoire, il existe dans les déterminations qu'il a prises dans l'histoire, à savoir le catholicisme, l'orthodoxie et le protestantisme. Ces expressions forment le christianisme, et il n'est pas pensable d'étudier le christianisme comme une entité isolable de ses déterminations.

Le catholicisme

Le terme catholique n'apparaît pas dans la Bible, même pas dans le Nouveau Testament. C'est Ignace d'Antioche, qui, le premier, dans sa lettre aux chrétiens de Smyrne, applique ce qualificatif à l'Eglise, vers les années 110. Il écrit : "Là où est l'évêque, c'est là que se trouve la communauté, de même que là où est Jésus-Christ, là se trouve l'Eglise catholique".

Le terme catholique recouvre la notion d'universalité (elle séjourne en tout lieu) et celle de vérité (elle est la véritable Eglise, par opposition aux fausses, qui sont hérétiques). Cette prétention de l'Eglise à l'unité et à l'universalité ne s'est pas réalisée dans l'histoire. Il ne faut pas oublier que l'Eglise est aussi une oeuvre humaine, et les tentatives d'unification des Eglises ont été nombreuses, au cours des vingt siècles de christianisme.

Les divisions se sont produites chaque fois qu'un membre, ou qu'un groupe de membres estimait pouvoir se passer de la solidarité de l'ensemble. Certaines fissures dans l'Eglise ont été simplement le fait d'un désaccord sur des points précis (pas toujours principaux) de la doctrine, et même sur des mots dont les acceptions locales étaient divergentes. D'autres prirent leur origine dans la remise en question de cela même qui faisait le christianisme, à savoir la divinité du Christ.

Les premières hérésies de la réflexion théologique portent sur la personne du Christ. Des sectes se sont formées à partir de la reconnaissance de Jésus comme du plus grand et du dernier des prophètes juifs, sans le reconnaître comme Fils de Dieu. D'autres ont plus ou moins refusé de reconnaître le Christ comme un homme : il est bien le Fils de Dieu, mais sa situation humaine n'est qu'une apparence. Dans le même temps, se propageaient des doctrines remettant en cause la notion de péché et élaborant des spéculations intellectuelles sur la foi, ou niant purement et simplement le péché. D'autres opposaient à Dieu une force contraire, situant Dieu, Bien souverain, dans une lutte perpétuelle contre les forces du mal.

La division de l'empire romain en un empire occidental et en un empire oriental manifestera, de façon plus sensible, la séparation. Cette division politique se complexifie d'une division linguistique (le grec pour les Orientaux, le latin pour les Occidentaux). Le fossé va se creuser progressivement entre les deux Eglises, jusqu'à la lutte ouverte entre le patriarche d'Orient et le pape de Rome, patriarche d'Occident.

D'abord, pour éviter toute rupture, les deux patriarches, celui d'Orient comme celui d'Occident, se sont plus ou moins ignorés, jusqu'au jour où Michel Cérulaire, alors patriarche de Constantinople (1050) essaiera d'obtenir des concessions du pape Léon IX, à propos du célibat ecclésiastique. Le refus du pape entraînera une tension encore plus grande : les deux patriarches finissent par s'excommunier réciproquement, et la séparation est consommée en 1054.

Depuis lors, des tentatives de réconciliation, au cours des conciles de Lyon (1274) et de Florence (1438) n'ont pas abouti. Cependant, un rapprochement certain s'est effectué à l'occasion de la convocation par le pape Jean XXIII du deuxième concile du Vatican, et par la rencontre historique de Paul VI et du patriarche Athénagoras, à Jérusalem (1964).

En Occident, les choses ne vont pas tarder à se gâter. D'abord pendant quarante ans (1377-1417), le trône de Pierre sera l'objet d'une rivalité incessante entre plusieurs pontifes, appuyés par telle ou telle puissance d'Europe. Il conviendra également de se souvenir que la papauté, au cours du Moyen Age et de la Renaissance, ne fut pas toujours d'une conduite exemplaire pour l'ensemble de la chrétienté. Ce qu'il est convenu d'appeler la Réforme n'est pas simplement l'oeuvre de Martin Luther (1483-1546) ou d'un Jean Calvin (1509-1564). Elle a connu des antécédents comme John Wyclif et Jean Huss (au XIVème siècle) ; ces derniers s'élevaient contre les abus des autorités pontificales. Le réveil, deux siècles plus tard, de leurs théories condamnées par l'Eglise, n'est pas sans rapport avec une crise politique qui secoue l'Europe, la réveillant contre la suprématie abusive des papes. De fait, Martin Luther sera le catalyseur de ceux qui estiment que l'Eglise oublie le spirituel pour ne plus s'intéresser qu'au temporel. La querelle des Indulgences ne sera que le prétexte qui mettra le feu aux poudres.

Une réalité géographique

Le catholicisme souligne la visibilité du Christ, visibilité qui repose sur le corps social de l'Eglise, Après le concile Vatican II (1962-1965), le catholicisme s'est affranchi de la hantise de la primauté par rapport aux autres confessions chrétiennes, comme il s'est aussi affranchi de la hantise de la primauté de l'évêque de Rome sur tous les autres évêques.

L'Eglise catholique est une forme de l'Eglise de Jésus-Christ, dans laquelle se fait le rassemblement de l'ensemble du peuple de Dieu. Si le Christ, en quittant cette terre, a laissé à une société visible le soin de prolonger et d'approfondir son message, il lui a laissé la charge de s'organiser elle-même, au risque des ruptures qui pourraient se produire ultérieurement.

Confié à des hommes, le message chrétien a été codifié, au cours des siècles, afin d'assurer sa permanence dans une sorte de reconnaissance mutuelle des croyants. Cette codification se trouve très tôt dans les symboles de la foi : Symbole des Apôtres, qui énonce la foi prêchée aux débuts de l'Eglise par les Apôtres, Symbole de Nicée-Constantinople (325-381) qui énonce la foi authentique en face de l'hérésie d'Arius, lequel mettait en cause la filiation divine du Christ Jésus.

Une réalité temporelle

L'autre distinction du catholicisme se situe dans la place accordée à la Tradition, Sans dire que cette dernière occupe une place aussi capitale que la Bible, Parole de Dieu, il faut convenir que l'Eglise catholique, notamment à la suite du concile de Trente (1545-1563), reconnaît comme seconde source de la révélation de Dieu les traditions dont l'histoire de l'Eglise est remplie, comme les textes des différents Pères de l'Eglise ancienne et des déclarations des conciles antérieurs.

La tradition, dans l'Eglise, c'est ce qui est le plus vivant en elle, car c'est l'œuvre de l'Esprit Saint qui s'accomplit jusqu'à conduire à son achèvement ce qui a été inauguré Jésus.

Le catholicisme est la forme de l'Eglise qui confesse le message chrétien, tel qu'il a été reçu des apôtres (lesquels l'avaient eux-mêmes reçu du Christ mort et ressuscité), en le transmettant de génération en génération (tradition), au travers d'une institution humaine organisée (société "Eglise") et rattachée à Rome, en tant que Rome représente le siège apostolique de Pierre.

Excursus sur le vaudou

Emmenés en esclavage en Amérique, les Africains ont emporté avec eux leurs croyances et leurs rites. Au contact d'une civilisation différente, cette religiosité semble avoir disparu, notamment dans les pays où la répression religieuse a été plus forte. Mais là où les Noirs étaient nombreux. elle a survécu. en se dissimulant sous un masque chrétien, qu'il soit catholique ou protestant.

Quand, au seizième siècle, les colons français importaient des esclaves noirs dans l'île d'Haïti, ils voulurent leur faire oublier tout leur passé, en commençant par leurs différentes expressions religieuses. Ces noirs venaient de différents pays d'Afrique, ne parlaient pas la même langue, ne vénéraient pas les mêmes dieux traditionnels. Les colons leur imposèrent le baptême catholique et l'usage d'une seule langue, le français. A cette oppression, les esclaves trouvèrent une riposte en créant une nouvelle langue qui leur serait commune, le créole, et en adoptant un culte commun, le vaudou, qui maintiendrait leur unité en face des colons. L'imagination populaire, aidée en cela par les campagnes de dénigrement entreprises par l'Etat Haïtien et par l'Eglise catholique qui dénonçaient les pratiques superstitieuses, s'est forgée une description trompeuse du Vaudou comme culte de la couleuvre associé aux sacrifices d'enfants.

L'orthodoxie

Composé de deux mots grecs, ce concept indique l'opinion juste, la foi véritable : l'orthodoxe est le fidèle de l'Eglise véritable fondée sur la foi juste. Dans ce cas, orthodoxe s'oppose à hétérodoxe, c'est-à-dire hérétique, à ce qui ne suit pas la foi définie par l'Eglise et qui adopte des chemins déviés au lieu de suivre la ligne décrite par le magistère ecclésial.

Lors de la séparation entre l'Occident et l'Orient, datée de 1054, le terme d'orthodoxe sera réservé aux communautés byzantines, fidèles au siège apostolique de Constantinople.

Rome et la Nouvelle Rome, Constantinople

Le message chrétien a retenti en Orient : les premiers missionnaires ont été des Orientaux, ils ont adopté la langue de l'époque, le grec, qui servait aux échanges entre les nations et qui était la langue des premiers chrétiens. Dès la fin du deuxième siècle, le latin tend à se répandre comme seule langue de l'empire romain. La querelle linguistique va entraîner une méconnaissance et une séparation entre ces deux cultures religieuses.

La séparation Orient-Occident

Les historiens datent la séparation de l'Occident et de l'Orient de la dispute entre le patriarche de Constantinople, Michel Cérulaire, et le légat du pape, le cardinal Humbert, en 1054. Cette date est symbolique : elle ne fait que consommer ce qui était effectué depuis plusieurs siècles.

Ainsi, le couronnement de Charlemagne, qui inaugurait la création d'un empire chrétien en Occident au profit des barbares ne fut guère apprécié à Constantinople : il ne pouvait y avoir qu'un seul empire chrétien, celui de la Nouvelle Rome. A ce déchirement s'ajoute une problématique théologique : la question de l'Esprit-Saint dans la Trinité. Les Espagnols puis les Francs vont ajouter une donnée au symbole de la foi défini par le premier concile de Constantinople (381) ; dans ce dernier, l'Esprit est présenté comme celui qui "procède du Père". Et voici qu'à cette formule se trouve uni le Fils : "L'Esprit procède du Père et du Fils". C'est la querelle connue sous le nom du Filioque.

Les papes souhaitaient transformer la primauté d'amour et de fondation apostolique en une primauté juridique, en un pouvoir effectif sur les Eglises locales. La prétention des papes à diriger l'Eglise ne pouvait recevoir l'assentiment des Orientaux, qui voulaient conserver l'autonomie des patriarcats alors que Rome revendiquait un droit divin, par la succession de Pierre, à exercer une influence directe sur les patriarches de Constantinople, d'Alexandrie, d'Antioche et de Jérusalem.

Michel Cérulaire, patriarche de Constantinople (1043-1058), était ambitieux. Simple laïc, il prit part à une conspiration visant à renverser l'empereur afin d'accéder au trône impérial. Cette entreprise échoua et Michel fut exilé : il se fit moine, dirigeant son ambition vers le siège patriarcal. Il devient patriarche ; et, convaincu de la dignité de sa charge, il rêve d'une papauté byzantine pour supplanter la papauté romaine. Aussi ne peut-il guère supporter les accords passés entre le pape et l'empereur, afin de protéger les chrétiens de Sicile envahis par les Normands, d'autant plus que la Sicile et une partie du Sud de l'Italie est placée sous la juridiction de Constantinople. La papauté visait à latiniser ces régions, mais la menace des Normands obligea Léon IX à chercher l'alliance de Constantinople, et à lui envoyer un légat, le cardinal Humbert qui voulait imposer partout la volonté de Rome. Devant la résistance de Michel Cérulaire, le cardinal essaya de le déposer, mais son clergé fit bloc pour le soutenir. Ne pouvant obtenir aucune conciliation, Humbert déposa, le 16 juillet 1054, sur l'autel de sainte Sophie une sentence d'excommunication, avant de quitter Constantinople. Michel Cérulaire, avec l'appui de l'empereur, convoqua un synode qui excommunia les légats pontificaux. L'irréparable ne fut atteint qu'en 1204, lors de la quatrième croisade, par le pillage de la ville et de ses églises, et la nomination d'un patriarche latin à Constantinople.

Des chrétiens imprégnés par le mystère

Depuis ses origines, l'Eglise orthodoxe se trouve plus ou moins naturellement portée par une très grande sensibilité face au mystère même de Dieu. La contemplation du Christ est le centre de toute l'existence chrétienne orthodoxe. En Christ, Dieu et l'homme ne font qu'un ; par le Christ, Dieu devient accessible à l'homme, qui trouve son humanité la plus pure et la plus authentique.

Une Eglise qui célèbre la sainte liturgie

La vie de l'Eglise orthodoxe est centrée sur la célébration du mystère eucharistique, par lequel le chrétien participe, dès aujourd'hui, à l'Eglise triomphante : la liturgie est un reflet de l'adoration céleste de la Trinité par tout le cortège des élus. C'est toute la communauté chrétienne qui célèbre la divine liturgie, et pas simplement les clercs.

Une importance est accordée au icônes qui constituent un enseignement pour le peuple, en apportant un complément visuel à la célébration du mystère eucharistique : l'icône manifeste la présence de l'Invisible au coeur du monde.

Le protestantisme

Le protestantisme est issu d'une notion juridique : la protestatio, déclaration publique, solennelle et impérative. Si elle a un aspect négatif (témoignage contre quelqu'un), la protestatio implique un élément positif : le témoignage en appelle à un droit supérieur, plus ancien qu'il n'est pas possible de remettre en question.

Une opinion répandue fait de la Réforme un mouvement de protestation contre les abus ecclésiastiques, un mouvement de révolte des princes allemands ou anglais contre le pouvoir du pape, qui avait un pouvoir temporel important, dans la légitimation des gouvernants. Mais, la Réforme repose sur des motifs et des causes religieuses, théologiques.

La première manifestation de Luther sur la scène publique est la publication, la veille de la Toussaint 1517, de quatre-vingt-quinze thèses sur les indulgences, aux portes de la chapelle de Wittenberg. Le mouvement de la Réforme était mis en route : ces thèses mettaient le feu aux poudres.

L'oeuvre personnelle de Luther (1483-1546)

Issu d'une famille populaire embourgeoisée, Martin se destinait au droit, quand se produisit un appel mystique. Surpris au cours d'un orage, il invoque la protection de sainte Anne et promet d'entrer chez les moines, ce qu'il fait les semaines suivantes. Ordonné prêtre deux ans plus tard (1507), c'est une âme tourmentée et scrupuleuse, marquée par la grandeur de Dieu, en face de la faiblesse de l'homme.

Tourmenté au sujet du péché et de l'enfer, la relative sécurité, apportée aux vivants et aux morts, par l'indulgence plénière accordée par le pape, ne fera qu'augmenter son trouble intérieur. Comment peut-on racheter, à prix d'argent, une grâce que Dieu accorde librement ? Ce que le Christ lui-même nous a procuré peut-il être augmenté par le mérite des saints ou par une intervention particulière de l'Eglise visible ?

Jean Calvin (1509-1564)

Calvin fut élevé dans la religion catholique, par une mère très pieuse et par un père chargé des intérêts de l'évêque de Noyon. Si son père le destinait au droit, et s'il ne lui refusait pas quelque charge dans la gestion de l'Eglise, le jeune Calvin manifestait, en 1529-1530, un esprit favorable à la Réforme. Pourtant, il aimait l'Eglise dans laquelle il avait grandi, mais le doute germait en lui, quant à sa véracité.

Dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534, éclate l'affaire des Placards : des affiches critiquaient la messe catholique. Cette affaire entraîne un début de persécution, et elle marque un tournant dans la vie de Calvin. Au début de 1535, il quitte la France pour la Suisse, là où la Réforme a été bien accueillie. Les bourgeois de Genève s'engagent, dès 1536, à vivre selon l'Evangile, au moment où Calvin arrive dans cette ville.

A Genève, il commence à organiser l'Eglise évangélique, ce que les bourgeois de la ville souhaitaient. Et même s'il lui est arrivé d'être en conflit ouvert avec la ville de Genève, il lui gardera un attachement profond. Expulsé de Genève et résidant alors à Strasbourg, où il mène une existence paisible, il continue à penser à Genève où il reviendra pour organiser la vie de la communauté, tant au plan civil qu'au plan religieux. C'est dans cette ville qu'il meurt en 1564.

Une nation adopte les principes de la Réforme

Par ses origines et ses développements, l'Eglise anglicane ne peut que difficilement être située dans le courant de la Réforme, et l'anglicanisme peut paraître comme séparée de Rome, mais qui reste la plus proche du siège de Pierre. C'est que la séparation de 1534 se situe davantage sur un plan de la juridiction de la papauté que sur celui de la théologie.

En 1531, Henri VIII, marié avec Catherine d'Aragon, mais désireux d'épouser Anne Boleyn, demande au Pape Clément VII, pour les évêques anglais, l'autorisation de déclarer la nullité de son premier mariage. Trois ans plus tard, irrité de n'avoir pas obtenu satisfaction, il coupe les liens qui unissent l'Eglise d'Angleterre à l'Eglise catholique. Il affranchit les évêques anglais de la soumission à l'évêque de Rome et qu'il s'octroie, sur l'Eglise anglicane, le pouvoir de juridiction de la papauté. Le pape, pas plus qu'un évêque étranger, ne pourra plus intervenir dans les affaires de l'Eglise d'Angleterre.

D'une certaine façon, le schisme était consommé ; mais Henri VIII voulait maintenir chez ses sujets la foi catholique. C'est son fils, Edouard VI, sous l'influence de ses protecteurs, qui va entraîner l'Angleterre dans l'hérésie : il faut dire que le jeune Edouard n'a que neuf ans quand il monte sur le trône et qu'il n'atteindra pas sa dix-septième année. L'évêque de Canterbury, gagné aux idées de la Réforme, sera l'instigateur de l'anglicanisme.

Le message chrétien proclamé dans le Protestantisme

La Réforme est née du souci de ramener l'Eglise à la pureté de ses origines. Les premiers réformateurs visaient une réévaluation de la dogmatique en face des abus d'une certaine philosophie dans le cadre de la connaissance de Dieu. Le seul trésor de l'Eglise, c'est l'Evangile. qui lui donne la révélation parfaite de Dieu en Jésus-Christ. préparée par les révélations parcellaires de l'Ancien Testament.

Le protestantisme se fonde sur la Parole de Dieu, connue par l'Ecriture. La Réforme n'a qu'un souci : assurer les fondations de l'Eglise sur le roc de l'Ecriture, en tant que Parole de Dieu audible par les hommes de tous les temps.

L'islam

Religion révélée, venant après le judaïsme et le christianisme, l'islam semble pouvoir se caractériser par son universalisme. C'est un ensemble organisé qui règle la vie de chaque fidèle, ou musulman, dans ses moindres détails. Cette religion se réclame du même fondateur de la religion, Abraham. Après avoir chassé son premier fils, Ismaël, qui allait devenir le père du peuple arabe, Abraham n'hésita pas quand son Dieu lui demanda de sacrifier son fils, Isaac, sur le mont Moriah. Au moment où il s'apprêtait à l'immoler, un ange lui retint la main et lui désigna un bélier qu'il put alors offrir. Cette acceptation de la volonté de Dieu, sans résistance, fait d'Abraham le premier des musulmans car il n'a pas craint de se soumettre entièrement, au point de sacrifier son propre fils. Le terme "islam" signifie soumission à la volonté de Dieu, abandon à Dieu ; et le musulman est celui qui adopte cette ligne de conduite.

Rassemblant les données fondamentales des deux autres religions monothéistes, l'islam va les organiser dans une unité de foi, basée sur des dogmes simples, intelligibles à tous les hommes, du plus lettré à l'analphabète le plus complet.

Mahomet

La Mekke était une cité caravanière sans richesse extérieure, située dans une zone absolument aride, mais connue par un sanctuaire, petit temple à forme cubique, d'où son nom : la Kaaba (cube), d'environ 15 mètres d'arête. D'après la tradition arabe, son origine est très ancienne, puisque ce sanctuaire aurait été édifié par Adam, détruit par le déluge, reconstruit par Abraham et Ismaël. C'est là qu'on adorait le Dieu unique, mais les pèlerins avaient fini par associer au culte d'Allah celui de nombreuses idoles, faisant de ce temple un panthéon de 360 divinités païennes.

Orphelin dès son plus jeune âge, Mahomet devient l'homme de confiance d'une riche veuve, Khadija : après lui avoir fait garder ses troupeaux, après l'avoir chargé de diriger une de ses caravanes jusqu'en Syrie, elle lui proposa le mariage. A La Mekke résidait en petit nombre des chrétiens pauvres et peu instruits, ainsi que des juifs riches et savants ; c'est auprès d'eux que Mahomet prit connaissance des inspirations et des dogmes des deux grandes religions inspirées par Dieu à ses prophètes.

A l'instar des grands prophètes de l'Ancien Testament et de Jésus de Nazareth, Mahomet entreprit de faire des retraites dans le désert : c'est au cours de l'une d'elles que, le coeur purifié, il eut la révélation d'être envoyé par le Dieu unique pour annoncer les paroles mêmes d'Allah.

Autour de lui, s'organisa une petite secte soucieuse de piété et du culte de l'Unique, dans le refus des idoles ; il ne devait pas tarder à rencontrer l'hostilité, lorsqu'il voulut restaurer le culte de l'Unique par l'abolition et la destruction de tous les faux dieux de la cité, rassemblés dans le panthéon de la Kaaba. Une véritable persécution s'ensuivit ; les plus faibles en pâtirent plus que les notables respectés par leur situation sociale.

Alors que la persécution continuait dans sa ville, le Prophète chercha un refuge ; il le trouva à Médine, ville disputée entre des clans rivaux, où il pourrait rétablir la paix, en jouant le rôle de l'arbitre envoyé par Dieu. Précédé de quelques fidèles, environ soixante-dix hommes et femmes, il partit vers Médine, oasis située à 350 kilomètres au nord-ouest de La Mekke. C'était l'année dite de l'Hégire, c'est-à-dire de l'émigration, dont les musulmans ont fait le point de départ de leur ère : elle correspond à l'année 622 de l'ère chrétienne.

A Médine, il avait pensé rallier à sa foi les juifs, mais ceux-ci lui reprochèrent sa méconnaissance de l'Ecriture et les anachronismes du Coran par comparaison à la révélation de Moïse, dont il avait déformé la portée.

Son prestige politique apportait une sorte de preuve de sa mission prophétique, et il sut exploiter les victoires de ses troupes : il devint ainsi un véritable chef d'Etat, dont l'ambition était de reconquérir sa ville, la ville sainte de la Kaaba. En mars 628, il se présenta devant La Mekke avec une troupe de fidèles non armés pour y faire un pèlerinage au sanctuaire ; il ne fut pas admis, mais il réussit à imposer une trêve de dix ans et à remettre cet acte de piété à l'année suivante. Cependant, en janvier 630, les armées musulmanes occupèrent la ville de La Mekke, sans y rencontrer la moindre opposition : tous ses adversaires s'étaient ralliés en échange de quelques récompenses.

Mahomet mourut après une courte maladie qui l'avait profondément affaibli, en janvier 632 ; ses proches surent prendre immédiatement en main la situation pour éviter la faillite de l'islam : la nomination d'un calife, c'est-à-dire d'un successeur, permit à cette religion de survivre à la mort de son fondateur.

Le Coran, livre par excellence

La mort de l'Envoyé d'Allah nécessitait la mise par écrit de son message, de son enseignement. Ainsi est né le Coran, le Livre sacré par excellence. A1 Qorân est le nom arabe de ce Livre. Ce livre rassemble les notions de transmission orale, de communication ou de prédication et surtout de récitation, le tout manifestant la révélation même de Dieu, transmise au premier chef à son Envoyé, Mahomet.

Considéré non pas comme une Ecriture inspirée, comme c'est le cas de la Bible pour les juifs ou de l'Evangile pour les chrétiens, mais comme un message reçu immédiatement de la bouche d'Allah, le Coran a marqué l'organisation de la cité musulmane des origines jusqu'à nos jours encore.

La simplicité des dogmes

Le premier de ces dogmes est l'unicité absolue de Dieu : "J'atteste qu'il n'y a pas d'autre dieu qu'Allah. Allah est grand et il n'y a pas d'autre dieu que lui". Cependant, l'unicité absolue de Dieu n'interdit pas le fait qu'il puisse se présenter sous des facettes différentes auprès de ceux qui le craignent. C'est ainsi que la tradition, issue du Coran, aime à rappeler les 99 "noms" de Dieu qui manifestent les moyens dont Allah se sert pour se révéler. Le centième est resté caché, non manifesté aux hommes, mais révélé à celui à qui Dieu a bien voulu le dire.

Le second dogme est relatif aux envoyés de Dieu ; il y en a eu beaucoup depuis les origines jusqu'à Mahomet, d'Adam jusqu'à Jésus ; et chacun d'eux a prêché le monothéisme dans un cadre défini de l'histoire et de l'espace : ils ont été envoyés au peuple d'Israël uniquement, alors que Mahomet, le dernier des envoyés d'Allah, a reçu une mission universelle. C'est pourquoi la shahada se poursuit en ces termes : "J'atteste que Mahomet est l'Envoyé de Dieu". Tous les autres prophètes ont eu besoin de montrer les preuves de l'authenticité de leur mission : seul, le dernier Envoyé de Dieu n'a pas eu besoin de preuve : le don du Coran, parole même d'Allah, a été sa preuve, il n'a pas eu besoin de faire des miracles pour le confirmer.

Le troisième dogme est celui des livres saints, que ce soit la Torah donnée par Moïse au peuple juif, l'Evangile donné par Jésus aux chrétiens, ou le recueil du Coran donné par Mahomet aux musulmans. Chacun de ces livres est directement envoyé par Dieu aux hommes, sans que les prophètes aient pu exercer une influence quelconque sur eux. Pourtant, seul le Coran n'a subi aucune transformation de la part des hommes, seul il présente un texte sûr de la Parole de Dieu.

Les rites principaux

L'obligation de la prière

A partir de la puberté, le musulman est tenu de prier au moins cinq fois par jour, en réponse à l'appel du muezzin qui, du haut du minaret, appelle tous les fidèles à la prière : à l'aube, à midi, au milieu de l'après-midi, juste après le coucher du soleil, et dans la nuit noire.

Une fois par semaine, le vendredi, tous les hommes, mais les hommes uniquement se rassemblent à la Mosquée pour la prière de midi ; c'est pratiquement la seule forme communautaire de liturgie, et elle ne manque pas de se souligner par une grande forme de pression sociale.

Deux grandes fêtes rythment l'année : la fête de la fin du jeûne de Ramadan et la fête du Sacrifice, en souvenir du sacrifice d'Abraham, le père des musulmans.

L'obligation du jeûne annuel : le Ramadan

Dans toutes les religions, le jeûne constitue une sorte de purification nécessaire à l'entretien de la spiritualité. Mahomet avait coutume de jeûner trois jours par mois quand il reçut cette révélation, rapportée par le Coran : "Le mois de Ramadan, pendant lequel le Coran est venu du ciel, est le temps de l'abstinence".

L'obligation de l'aumône

Pour marquer la fin du jeûne de Ramadan, le Prophète avait institué l'obligation pour les plus riches de faire l'aumône à ceux qui étaient les moins fortunés afin que ceux-ci puissent également fêter la rupture du jeûne.

Le pèlerinage à La Mekke

Le véritable croyant, après avoir accompli toutes les formes explicites de sa foi (attestation de l'unicité de Dieu, prière légale, jeûne du ramadan, aumône) se voit invité à accomplir une cinquième et dernière démarche de foi : le pèlerinage à La Mekke, au moins une fois dans son existence, là où fut édifié le premier Temple pour les hommes, la Kaaba sainte.

 

Etre croyant aujourd'hui

Actualité de la foi

Dans le contexte présent que traversent les Eglises, il est possible de se demander si la foi, si toute foi n'est pas en état de perdition. La parole de Jésus, rapportée par les évangiles : "Le Fils de l'homme, quand il reviendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ?" n'est-elle pas une prophétie en marche vers sa réalisation ? Certes, le problème que rencontrent les Eglises, mais aussi toutes les religions, est celui du changement, et d'un changement rapide, qui se manifeste dans la vie courante, et par voie de conséquence dans le domaine de la vie religieuse. Alors, la question qui se pose, presque nécessairement, n'est autre que celle de savoir si la foi elle-même est susceptible d'un changement, d'une transformation.

Dans la mentalité occidentale, la foi (du latin fides) se rattache immédiatement à la notion de fidélité (fidelitas). La foi serait alors une sorte de fidélité à un passé originel qui aurait une valeur encore aujourd'hui. Mais la foi est en même temps une aspiration vers un avenir. La foi est fidélité au passé, mais aussi tension et attente de l'avenir : elle ne peut être un carcan qui emprisonne, elle est puissance de libération pour un avenir meilleur.

La foi authentique doit se situer dans la dialectique entre deux tentations. La première est celle du statisme, voire de l'immobilisme : sous prétexte de fidélité et d'intégrité vis-à-vis du dépôt de la foi des ancêtres, on s'enferme dans une systématisation de tout donné révélé précédemment ou dans une dogmatisation des enseignements antérieurs. La seconde tentation, au contraire, est celle du dynamisme, voire du progressisme excessif : sous prétexte du changement évident dans le contexte socioculturel, on se laisse emporter, au gré des fantaisies les plus diverses, et les plus contradictoires.

La foi est, en effet, composée d'un élément éminemment subjectif, celui de la relation de l'homme à celui qu'il nomme Dieu, et d'un élément particulièrement objectif, celui de la médiation par une communauté d'hommes de ladite relation. Il importe à chacun de dire sa relation à Dieu dans le cadre même de cette médiation : l'homme n'est pas seul, il ne saurait être enfermé à l'intérieur de lui-même pour résoudre l'énigme du Dieu qui traverse son existence.

Dans le christianisme, comme dans le judaïsme, comme en islam, le rôle de la communauté des croyants est précisément d'actualiser la foi de chacun des fidèles aux réalités de ce monde présent.

Faut-il croire à l'Eglise ?

Le terme d'Eglise est un mot emprunté au vocabulaire grec profane pour , exprimer un terme hébreu (kahal) signifiant la convocation. Ekklesia avait donc deux sens : d'abord. rassemblement d'hommes sur convocation personnelle, et, ensuite, peuple rassemblé et organisé par cette démarche.

Le chrétien est celui qui répond à une invitation, à un appel de Dieu et se retrouve ainsi en Eglise. En ce sens, on ne se rallie pas à l'Eglise comme on se rallie à un parti politique, mais on se rallie à Dieu, en réponse à son appel, par la médiation de l'institution. L'Eglise n'a pas besoin de faire de la propagande et du recrutement pour accroître sa puissance ; elle est un moyen qui permet aux hommes d'exprimer leur relation à Dieu de manière visible.

Quand le chrétien proclame qu'il croit à l'Eglise, il ne fait rien d'autre que de reconnaître cette dimension sociale et donc visible du rassemblement proposé par le Dieu invisible. Mais il sait que cette réalité n'a pas sa propre fin en elle-même : l'Eglise n'est pas un but, elle est appelée à disparaître, à la fin des temps, lorsque prendra corps ce que le chrétien appelle le Royaume de Dieu, qui a été promis par le Christ.

Le christianisme se caractérise par une grande liberté : le chrétien est un homme libre, un homme qui ne peut se laisser enfermer dans une structure aliénante. Cependant, cette dimension de liberté n'est pas spécifique à la foi chrétienne : toute religion a une visée certaine : libérer l'homme des contingences qui sont les siennes dans le moment présent.

La foi est-elle un opium ?

La religion est l'affaire de l'homme. Seul, parmi toutes les autres créatures de l'univers, l'homme est capable de penser un être plus grand que lui, si grand même qu'il lui est, selon le mot fameux de saint Anselme de Canterbury, "impossible d'en penser un plus grand". Cet être, l'homme l'appelle Dieu.

Même s'il est légitime de constater que les religions ont pu, au cours de l'histoire, exercer une puissance contraignante sur leurs fidèles, notamment dans le domaine de la moralité, il faut remarquer qu'elles ont aussi très souvent exalté la valeur de la liberté humaine, de la responsabilité individuelle en face des régimes socio-politiques les plus tyranniques. Pour ces religions, il n'était guère question de subjuguer la volonté personnelle, au risque de la violer, mais plutôt de mener l'homme jusqu'à la pleine réalisation de lui-même, dans l'usage de sa propre liberté, considérée comme sa perfection ultime.

Les religions révélées apportent une réponse qui leur est spécifique : être libre, c'est faire la volonté de Dieu. C'est ce que présentait Gamaliel, un rabbin du judaïsme : "Accomplis SA volonté (celle de Dieu), comme si c'était ta volonté, afin qu'IL accomplisse ta volonté comme si c'était la SIENNE, Réduis à néant ta volonté devant SA volonté afin qu'il réduise à néant la volonté des autres devant la tienne". La liberté des fidèles du Dieu, quel que soit le nom que ces croyants attribuent à ce Dieu, c'est de se soumettre, en esprit et en vérité, à la décision divine pour eux : "Seigneur, que ta volonté soit faite". En ce sens, l'islam manifeste un grand bon sens quand il présente le croyant comme un "muslim", un "soumis" au Dieu unique, selon le modèle d'Abraham, le père de tous les croyants, qui n'hésita pas lorsque le Seigneur, son Dieu, lui demanda de sacrifier son fils unique.

La soumission à Dieu n'est pas un esclavage, comme on pourrait le penser trop facilement : seule, une religion mal comprise pourrait être, selon le mot de Karl Marx, un "opium pour le peuple". La soumission à la volonté divine est une invitation à marcher de l'avant, un appel à progresser sans cesse vers l'avenir. Il est alors permis de penser et de dire que cette soumission est une voie de libération, un chemin de liberté. La foi est une recherche sans cesse renouvelée de Dieu, à travers toutes les vicissitudes et les contingences de la temporalité humaine. C'est dans la pesanteur de cette réalité de l'homme que Dieu se fraye un chemin pour venir à la rencontre du croyant.

Dieu et l'homme se rencontrent sur les chemins de la liberté ; et pourtant, au coeur même de cette rencontre, Dieu ne cesse de rester une question pour l'homme : qui donc est-il ce Dieu qui ne fait que rechercher l'amour de l'homme ? qui donc est-il pour se mettre en quête de l'homme ?

Croire, est-ce si facile ?

La foi n'a jamais été facile, pas même pour ceux qui ont pu bénéficier d'expériences spirituelles de la présence de Dieu au coeur de leur existence. Il faut du courage pour croire, il faut du courage pour risquer son existence sur ce que, depuis Pascal, il est convenu d'appeler un "pari".

Une atmosphère d'athéisme se répand partout : il n'y a pas un refus de l'idée de Dieu. On ne le combat pas directement pas plus d'ailleurs que l'on ne combat les croyants et les formes de religion ; on laisse simplement Dieu en dehors de tout circuit, en dehors du champ de la pensée et de la vie. On pourrait caractériser la place de Dieu dans le monde par la marque de l'absence. Autrefois, il n'était pas davantage perceptible immédiatement, mais les hommes ressentaient une présence. A l'heure actuelle, le souci des hommes est cantonné dans des réalités perceptibles : Dieu est situé en dehors de ce qui relève de l'intérêt immédiat. Nous vivons sous un régime d'athéisme pragmatique, dans lequel il est bien difficile d'exprimer la foi.

Le courage de la foi, c'est le courage du croyant qui accepte de se soumettre non pas comme un esclave, mais comme un homme libre face à Celui qui lui permet d'être et de devenir chaque jour un peu plus homme. Le courage du croyant, c'est un renoncement à ce qui pourrait être considéré, comme un refuge dans un ciel paradisiaque, pour travailler à l'établissement d'un monde où règne plus de justice, plus de solidarité. Dire sa foi aujourd'hui, c'est se mettre au travail pour faire advenir la justice et la solidarité. Ainsi, croire n'est plus admettre une idéologie, mais fonder son existence sur une action positive commandée par le souci des hommes.