Béatitude


Si Dieu a créé l’être humain, c’est bien pour le convier à partager la gloire qui Le caractérise et jouir du bonheur infini que s’échangent le Père et le Fils par l’entremise de l’Esprit-Saint. La béatitude n’est rien d’autre que cela : le bonheur qui se répand dans la totalité de l’être, grandit sans cesse et déborde en s’inventant des formes toujours nouvelles. L’appel intérieur qui prend sa source dans le secret de notre cœur exprime ce désir plus ou moins conscient de s’illimiter en dépassant tout ce qui constitue notre personne à un moment donné et répond à la promesse divine du Royaume : l’Union au Divin.


Ce bonheur indicible que notre imagination ne peut qu’effleurer nous a été offert dès le départ. Aujourd’hui encore, malgré les souffrances de ce monde, il se propose de faire de notre chemin quotidien une histoire d’Amour avec Dieu, avec nos semblables, avec nous-mêmes. Les Béatitudes de l’évangile de Mathieu sont devenues célèbres parce qu’elles traduisent concrètement ce qu’est réellement le bonheur. Et il n’est pas du tout ce que l’on croit !


Pour beaucoup de nos contemporains, les ingrédients du bonheur se résument à des réalités simplistes : être en bonne santé, être aimé, être libre, avoir de l’argent, une famille et un bon travail... En somme, le bonheur dépend très peu de nous mais s’obtient surtout par des sortes de grâces extérieures gouvernées par le hasard et l’impermanence. Nous sommes bien loin de la béatitude ! C’est pourquoi Jésus a prononcé son " Sermon sur la montagne ", parfaitement conscient qu’Il était de notre déchéance dont la conséquence la plus grave est encore l’ignorance de notre pouvoir créateur.

La vie au sein de Dieu, cette béatitude qui conduit à la vision béatifique de Dieu, dépend de nous et de rien d’autre parce que nous ne sommes pas les jouets de puissances extérieures mais des êtres dotés d’un potentiel que Notre Père a voulu sans limites. Dans cet esprit, et compte tenu de la négativité de ce monde, Jésus nous appelle tous à user de notre pouvoir pour nous adapter au monde qui nous entoure et non pour le fuir : Il nous exhorte à faire du bonheur avec les poids quotidiens et à rendre intensément lumineuse la souffrance qui, parfois, nous étreint. Autrement dit, Il nous demande ni plus ni moins d’être des faiseurs de miracles pour nous-mêmes et pour les autres.

Le programme que Jésus nous propose est assez différent des dix commandements de l’Ancien Testament. Sans les renier, la Parole nouvelle les actualise à la mesure du chemin parcouru par l’homme. Il n’est plus question de mettre l’accent sur des interdits ou des limites mais d’inviter chaque être humain à se manifester dans toute sa gloire afin de s’élever au-dessus de la négativité, sans fuir ni se protéger. Les béatitudes que le Christ nous enseigne mettent en jeu l’Amour infini qui s’échange entre l’homme et Dieu depuis l’origine : soyons doux, aimants et prompts au pardon, soyons comme des enfants, acharnons-nous à édifier la paix et la fraternité... Et nous recevrons le Royaume. Et si nous sommes affligés, si nous demandons justice et si nous sommes persécutés pour cela, c’est Dieu Lui-même qui nous donnera le Royaume parce que son Amour est sans fin et qu’Il connaît notre douleur avant même qu’elle ne nous connaisse. N’ayons donc aucun crainte pour notre santé, notre liberté ou nos biens ; ne craignons pas d’être détestés par autrui ni de tout perdre : tant que nous aimons et consacrons notre vie à évoluer dans cette quête de l’union avec Dieu, la béatitude est accessible à chaque instant parce que nous savons faire de notre être une coupe pour recueillir la Substance d’Amour qui coule du cœur même de Dieu.