Entre ciel et terre

Rencontre imaginaire avec Thérèse de Lisieux (1873-1897)

Née à Alençon, petite dernière d’une famille qui compte quatre autres filles. Le père, Louis Martin, horloger, abandonne son métier ; c’est la mère qui fait vivre la famille : elle fait fortune en créant un atelier de dentelle d’Alençon où des ouvrières travaillent pour elle. Thérèse a moins de cinq ans quand sa mère meurt. Le père et ses cinq filles viennent alors vivre à Lisieux près du frère de Mme Martin, l’oncle Guérin. Le père est rentier ; Thérèse est gâtée par lui et par ses sœurs : elle fait de vagues études, on lui donne des leçons particulières. Marquée par la mort de sa mère, elle est une enfant capricieuse, pleurnicharde, puérile. Sa mère lui avait inculqué une spiritualité janséniste d’efforts, de mérites et de sacrifices qui devaient lui permettre de gagner son Ciel, ce qui la rend scrupuleuse et tourmentée. À Noël 1886, juste avant qu’elle ait ses quatorze ans, se produit en elle, à partir d’un événement insignifiant (un mouvement d’humeur de son père), une conversion : elle quitte ses attitudes infantiles, atteint une maturité adulte, regarde Dieu non plus comme un père à se concilier, mais comme un partenaire de liberté.

Deux de ses sœurs étant déjà entrées au carmel de Lisieux, elle s’aperçoit que ce mode d’existence, loin d’être un refuge, est une prison dans laquelle il est peut-être plus difficile que partout ailleurs d’apprendre à aimer. Avec ténacité, elle s’emploie à entrer aussitôt au carmel, allant jusqu’au pape pour aboutir. Admise à l’âge de quinze ans au carmel de Lisieux, elle y vivra jusqu’en 1897 sous le nom de Thérèse de l’Enfant-Jésus : cinq cents semaines pendant lesquelles elle restera strictement entre les quatre murs de son couvent, au milieu d’un groupe de vingt-cinq religieuses dont toutes, sauf deux, ont l’âge d’être sa mère. Mais il en est deux surtout qui veulent être sa mère : d’un côté, la véritable fondatrice-organisatrice du carmel de Lisieux, mère Marie de Gonzague ; de l’autre, mère Agnès, sœur de Thérèse, femme qui a une très forte personnalité et qui rivalise d’influence avec mère Marie de Gonzague pour gouverner le carmel. Thérèse va résister à cette double pression, refuser de retomber en enfance en se laissant annexer.

Elle suit son chemin, réfléchit par elle-même, se nourrit à des sources inhabituelles alors dans les carmels : la Bible, en particulier le Cantique des cantiques et les Évangiles dont elle fait une lecture directe, et les poèmes spirituels de Jean de la Croix. Elle bâtit ainsi peu à peu, dans le secret, une nouvelle voie spirituelle : par opposition à la mentalité moralisatrice en usage dans les carmels, elle présente un Dieu de tendresse et de liberté ; à l’encontre des manières de penser religieuses de cette époque, où il s’agissait de faire son salut à soi et d’obtenir le salut d’autrui par des accumulations de mérites et de souffrances, elle montre l’importance de l’ouverture du cœur dans la relation avec Dieu et met en valeur les dimensions de désappropriation et de gratuité.

Les dix-huit derniers mois de sa vie, pendant lesquels elle lutte contre la tuberculose qui la ronge, sont le contraire d’une hystérie, d’un éblouissement ou d’un triomphalisme : elle vit dans les ténèbres, ne connaissant plus aucune sensibilité dans sa foi ; ballottée par les questions des incroyants, qui l’assaillent, elle vit sa foi dans l’espérance, dans la nuit.

Son message est tellement net et vigoureux qu’il effraie les religieuses de son couvent ; après sa mort, celles-ci — et parmi elles, surtout, mère Agnès, sa sœur — corrigent les textes (manuscrits autobiographiques) qu’elle a laissés et les publient, tronqués et affadis, sous le titre Histoire d’une âme : l’ouvrage se répand à des millions d’exemplaires. Il faudra attendre soixante ans après la mort de Thérèse de Lisieux (canonisée dès 1925 par le pape Pie XI, qui l’a appelée " la plus grande sainte des temps modernes ") pour commencer à connaître les textes authentiques de la sainte, ainsi que ses véritables photos, qu’on avait, elles aussi, arrangées. En 1997, le pape Jean-Paul II l'a déclarée "docteur de l'Eglise", titre qu'elle partage avec 32 autres saints, dont seulement 2 femmes, Thérèse d'Avila et Catherine de Sienne.

Quelques pistes pour prolonger la réflexion

  1. Acceptons-nous la différence ? Sommes-nous tolérants ?

  2. Ne regarde-t-on pas tout avec indifférence ? Comment regarder quelqu'un comme une personne ? A qui devons-nous le respect et pourquoi ?

  3. Puisque la violence entraîne la violence, peut-on faire aimer l'amour ? Quelle espérance, quel courage devons-nous avoir pour recommencer chaque jour le quotidien de la vie, sans tomber dans une routine passive ?

  4. Peut-on trouver du bien chez les criminels ?

  5. Quels sont les personnages qui peuvent nous servir de modèles ?

  6. Voulons-nous être saints ? Voulons-nous être parfaits ? Comment peut-on y parvenir ?

  7. Comment pouvons-nous comprendre une vie religieuse cloîtrée ? Est-il plus facile de choisir une vocation humanitaire ou missionnaire ?

  8. Attendons-nous quelque chose de l'amour de Dieu ?

  9. Est-il vrai que "si on n'est pas le premier, on est jeté" ? que "c'est toujours les puissants qui éliminent les petits ?"

  10. Si Thérèse affirme qu'elle n'a jamais manqué de confiance, en est-il de même pour nous ?

  11. Thérèse est-elle quelqu'un d'exceptionnel ?

  12. Avons-nous de la chance d'avoir la foi ? Avons-nous envie de faire quelque chose pour les autres ?