Jerzy Popieluszko
Un martyr de la Vérité
Jerzy
Popieluszko est un prêtre polonais qui a très impressionné ceux qui l’ont
connu et qui, depuis son assassinat, ne cessent de lui rendre des témoignages
de louange pour son action et son sacerdoce.
C’était un garçon très modeste, timide mais plein d’ardeur qui est devenu un très grand personnage, un homme hors du commun, qui a joué le rôle de prophète, de prêtre et de pasteur, en restant fidèle à sa vocation de chrétien jusqu’au martyre. Il était obstiné quand il fallait défendre ses convictions et la fidélité à sa foi. Certes, il avait besoin de soutien, et il aimait les contacts humains, sachant être disponible à tous, parlant de façon simple, sans chercher de grands mots. Comment un homme qui ne se distingue pas des autres a-t-il pu avoir un tel rayonnement ? Ses sermons étaient tirés de l’Évangile, des déclarations du pape et des cardinaux de Pologne, mais aussi de l’expérience des hommes qu’il rencontrait. Il avait conscience que, pour un prêtre le sens de l’écoute est primordial. Comment toucher les gens, si on ne commence pas par les écouter ? Il n’était en rien un politicien.
C’était un homme pour qui le Oui était un Oui, et le Non un Non : il ne reculait devant rien pour défendre des idées de justice, de liberté et de vérité, pour elles, il était prêt à sacrifier, son confort, sa vie. "Nous ne pouvons pas être esclaves, il faut rester fidèle à soi-même dans toutes les situations de la vie. Fils de Dieu, nous avons hérité de sa liberté. Par la croix du Christ, nous avons reçu la vie de Dieu, nous avons hérité de sa liberté". "L’humanisme d’un régime se mesure aux libertés qu’il laisse aux citoyens".
Jerzy avait 33 ans lorsque, pendant les grèves d’août 1980, le cardinal Wyszynski le nomme aumônier des aciéries de Huta Warszawa, à proximité de l’église saint Stanislas de Varsovie, sa paroisse. Elle se remplissait de mois en mois. Y affluaient les ouvriers, les comédiens, les étudiants en médecine et les soignants dont il était également l’aumônier.
Le 13 décembre 1981, l’état de guerre est décrété sur tout le territoire polonais. Jerzy continue de lutter pour le droit des Polonais de se syndiquer librement, sa popularité ne cesse de croître. Il préside des messes pour la patrie, citant les paroles du pape Jean Paul II.
Son obsession était la Vérité.
"La Vérité, comme la justice, est liée à l’amour. Et l’amour coûte, c’est un sacrifice, donc la vérité doit coûter. La Vérité est éternelle, il ne faut pas beaucoup d’hommes pour prêcher la Vérité. Le Christ n’a choisi qu’un petit nombre d’apôtres pour annoncer l’Évangile. Ce sont les mensonges qui sont nombreux".
Il voulait de la vérité dans les relations humaines, il dénonçait, dans ses sermons, les injustices, les mensonges, les carences de la société polonaise : "L’amour de l’homme doit être notre première préoccupation. La justice interdit de limiter la liberté de l’homme".
En décembre 1982, la police secrète multiplie ses intimidations. L’évêque de Varsovie défend la cause du père Popieluszko, victime de machinations successives.
Même arrêté par la police, il n’avait pas peur et il apprenait aux autres à ne pas avoir peur : il n’y a plus que l’Eglise et les prêtres qui peuvent aider les ouvriers des aciéries.
Le 12 décembre 1983, alors que la police vient de l’arrêter, le secrétaire de l’épiscopat polonais intervient auprès du ministre des affaires religieuses qui le fait libérer.
A la suite de cela, le cardinal Glemp admoneste Jerzy Popieluszko, lui reprochant de privilégier son action à saint Stanislas aux dépends de son aumônerie.
Mais tous les évêques polonais regardent finalement le jeune Jerzy comme le symbole de la combativité spirituelle.
"Toute sa vie le menait à cette mort et sa grandeur était dans toute sa vie, sans ostentation. Il a rempli son rôle. Visiblement, Dieu le guidait vers ce qui est arrivé", témoigne un prêtre qui le connaissait.
Recevant un évêque polonais au Vatican, Jean Paul II le charge d’un message pour le père Jerzy : "Sois fort".
Il voulait lutter contre la violence sous toutes ses formes, et particulièrement la violence répressive de la milice. "L’État ne peut pas s’imposer par la violence. Chaque manifestation de violence prouve la bassesse morale. L’idée que l’on puisse exister par la violence est une idée fausse". Parallèlement, il recommandait le Courage : "Si le citoyen renonce à la vertu de courage, il se fait le plus grand tort, à lui-même, aux autres, à la Nation, à l’Eglise".
Toutes ces déclarations patriotiques ne pouvaient que lui attirer les foudres du pouvoir en place. Menacé à de multiples reprises, il est finalement kidnappé, la nuit du 19 octobre 1984, au sortir d’une réunion, torturé à mort et jeté dans un fleuve. Son corps sera retrouvé quelques jours après sa disparition, ce qui permettra de se rendre compte des souffrances qu’il a endurées de la part de ses tortionnaires.
Ses funérailles furent un événement national, elles eurent même un retentissement dans le monde entier, en raison de son action proche du syndicat Solidarité, mais surtout en raison de sa foi et de la foi de ses proches, ainsi qu’en témoigne ce que disait sa propre mère, peu de temps avant les funérailles : "C’est une grande émotion pour les autres, mais pour la mère, c’est une souffrance pour toute la vie. Je ne souhaite pas à ceux qui l’ont persécuté de souffrir comme ils l’ont fait souffrir. Que Jésus leur pardonne, qu’ils se convertissent et qu’ils réalisent contre qui ils se battaient, pas contre mon fils, mais contre Dieu. Maintenant, il est sans doute heureux, mais pour nous, ce sont des jours terribles".
Ou encore, cette prière formulée au cours de la célébration : "Prions pour que nous soyons libérés de la peur, de l’intimidation, et surtout du désir de vengeance et de violence".
Christophe Lambert, qui a joué son rôle dans le film "Le complot" donnait également son témoignage sur l’activité de Jerzy Popieluszko, au moment de la sortie du film :
J’ai été frappé par sa détermination et par le fait qu’il n’avait pas de pitié pour lui-même. Il y a trop de personnages qui se regardent faire ce qu’ils font et qui le commentent. Popieluszko ne calculait rien. Il ne songeait pas à tirer gloire de ce qu’il faisait. Il essayait de donner une foi différente aux gens pour les aider à sortir du marasme. Il ne se prenait ni pour un héros ni pour un saint. Il ne pensait qu’à donner de la chaleur aux gens, qu’à arrêter les mensonges que leur administre le régime... Il s’était engagé à redonner espoir. Les gens l’écoutaient, en se disant : il reste encore au moins une bouche pour dire la vérité. Mais déjà, la seule manière de dire la vérité, c’est de ne rien promettre. Il ne promettait rien, il donnait de sa personne. Et ce que je peux vous donner, se disait-il à lui-même, je vous le donne jusqu’au bout. Voilà pourquoi ce personnage m’intéresse.
Le père Popieluszko a payé le prix du sang pour avoir réclamé la démocratie et proclamé la vérité, en annonçant l’amour du prochain et en faisant comprendre que l’homme opprimé peut se relever.
Entrera-t-il un jour dans le calendrier officiel des saints de l’Eglise ?
Le culte des saints a toujours été un phénomène populaire avant d’être un casse-tête bureaucratique. C’est l’évêque du diocèse qui doit prendre l’initiative de défendre la cause de tel ou tel personnage, en rassemblant le maximum de documents. Une fois ce travail effectué, la cause est examinée par des historiens, des théologiens et des cardinaux.
Dans le cas du père Jerzy, aucune demande n’a encore été enregistrée au Vatican. Les procès en canonisation réclament beaucoup de discrétion. Déjà proclamé saint par acclamation du peuple polonais, le père Popieluszko fera peut-être un jour l’objet d’un décret de canonisation. Mais qui, parmi les cardinaux, est disposé à tenir la place de l’avocat du diable dont la présence est exigée à chaque procès ?
Pour favoriser la réflexion en groupe
1. Le père Popieluszko ne tirait pas gloire de ce qu’il faisait, il ne se prenait ni pour un héros ni pour un saint, il s’était engagé à redonner espoir en donnant de sa personne. C’est de cette manière que Christophe Lambert parle de lui. En quoi son personnage est-il fascinant ? Êtes-vous enthousiasmé par le genre de vie du père Jerzy ?
2. En quoi Jerzy Popieluszko peut-il être reconnu comme "martyr de la vérité", c’est-à-dire comme "témoin de la foi chrétienne" ?
3. Être chrétien, c’est être témoin de Jésus-Christ. cela va parfois jusqu’à la forme suprême du témoignage, le martyre. Mais chaque chrétien est appelé à vivre chaque jour en recherchant la volonté de Dieu. Accepterons-nous d’être des chercheurs de Dieu, puisque nous aussi, nous avons été saisis par Jésus-Christ et son Évangile ?
4. Acceptons-nous d’être des jeunes "chrétiens", des hommes de la vérité et de la justice ?
5. Est-il permis, pour n’importe quel motif, d’engager la foi chrétienne dans la lutte politique pour les plus pauvres, pour les défavorisés ? Autrement dit, la foi peut-elle se passer d’une lutte pour la justice ?
6. Jusqu’où est-il possible de pardonner à ses ennemis ? Comment comprendre cette parole du Notre Père : "comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés" ?
7. Comment le père Jerzy peut-il être présenté comme un homme libre, alors qu’il était toujours traqué par la police et menacé de mort ? Qu’est-ce que la véritable liberté pour un homme, pour un chrétien ?
8. En quoi le père Popieluszko peut-il illustrer cette parole de Jésus à tous ceux qui le servent dans l’humilité : "Quand vous aurez fait tout ce qui vous a été prescrit, dites : Nous sommes des serviteurs inutiles, nous avons fait ce que nous devions faire" ?
9. Connaissez-vous des hommes, des femmes, des enfants qui sont "heureux" dans le sens des Béatitudes de Jésus ?