Sœur Emmanuelle

Chez les chiffonniers du Caire

 

Au Caire, la plus grande ville d'Afrique, avec ses douze millions d'habitants, il existe un bidonville de plus de quatre mile personnes, sans compter les rats. Tôt le matin, les hommes quittent ce lieu pour ramasser ce qu'il est possible de récupérer dans les poubelles de la capitale. Personne n'ose se hasarder dans cette cité-dépotoir. Ses habitants ont mauvaise réputation. Pourtant, depuis 1970, Madeleine Cinquin, plus connue sous le nom de Soeur Emmanuelle, vit avec eux. A soixante-deux ans, après avoir enseigné dans des écoles réputées d'Istanbul, d'Alexandrie et du Caire, on lui propose de prendre sa retraite, mais elle refuse. 

Je devrais être dans un foyer pour les soeurs anciennes. Mais je ne suis pas une sainte. Je me vois d'ici : la nourriture est trop salée, trop sucrée, trop froide, trop chaude... Y'a des courants d'air. J'ai mal par ci, par là... Je serai une petite vieille très désagréable... Elle veut dès lors vivre avec les plus pauvres, et elle demande de partir vivre avec les chiffonniers de Azbet-el-Khanazir. On la prévient : Ces gens-là sont des voleurs, ils fument, ils boivent, ils vendent de la drogue, ils tuent... Mais elle se souvient de ses rêves de jeunesse : Quand j'étais enfant, j'ai senti un appel au creux de l'estomac. On parlait des missionnaires en Afrique, du Père Damien parti chez les lépreux et qui était mort lépreux. Je trouvais ça le comble du rêve de ce qu'on pouvait faire de sa vie. Je me voyais mourir lépreuse et on aurait rapporté mon corps en triomphe... 

Avec un salaire mensuel de quarante francs, elle arrive chez les chiffonniers qui s'interrogent : une bonne soeur ici, qu'est-ce qu'elle vient faire ? Elle veut vivre avec eux, créer un atelier de couture, des cours d'alphabétisation, un jardin d'enfants. Seule, l'école peut leur offrir une chance de sortir de leur misère. 

Quand je les ai vus, ces hommes, ces femmes, ces enfants, sur leur tas d'ordures, j'ai été saisie ! Saisie par la souffrance des enfants mourant de faim, des nouveaux-nés mourant du tétanos, leurs ongles enfoncés dans la chair parce que leur mère accouche par terre et qu'ils sont mordus par les rats. Les gens soufrent de la faim, de la maladie, du manque d'instruction, de tout... En venant dans les pays développés, elle représente le Tiers-Monde et parle en son nom. Elle se défend de "demander la charité" : Ce qu'il leur faut d'abord, c'est du respect. Pour montrer ce respect, il suffit de dire à l'autre : Tu n'as pas ma religion, tu as fait ceci ou cela, mais cela ne fait rien, tu es mon frère, je suis ta soeur... On se regarde dans les yeux, on s'aime et c'est fini. 

Pour les chiffonniers, elle est Ableti, la grande soeur, même si elle n'a pas la même religion que ces chiffonniers qui sont musulmans en majorité. Elle ne demande qu'à continuer à vivre avec eux et à mourir parmi eux, parce qu'elle a compris que c'est toujours le temps d'aimer.

Pour favoriser la réflexion en groupe

1. Pourquoi Soeur Emmanuelle est-elle venue vivre avec les chiffonniers ? En quoi consiste son travail parmi eux ? Pourquoi le fait-elle ?

2. D'où provient sa joie de vivre ? Connaissons-nous une telle joie ?

3. Sa gloire, ce sont les pauvres. Elle est heureuse pour les autres. Comment considère-t-elle sa gloire ? Comment glorifier Dieu par nos actions ?

4. A-t-elle réalisé son rêve d'enfant ? L'héroïsme est-il de la sainteté ?

5. A l'âge de la retraite, Soeur Emmanuelle commence une nouvelle vie, en pensant davantage aux plus pauvres, aux plus démunis. Comment pouvons-nous nous dépasser, sans attendre la retraite, en nous tournant vers les autres ?

6. Quelle est la place de la prière dans sa vie ? Comment envisageons-nous la prière ? N'est-il pas plus simple de parler à Dieu que de réciter des prières ?