La composition de la Bible
La Bible existe en deux versions : la version palestinienne, dont le contenu, le canon, a été définitivement fixé vers l'an 100 de l'ère chrétienne, au synode de Jamnia, et la version alexandrine écrite en grec au deuxième siècle avant Jésus-Christ, qui est appelée la Septante. Cette dernière est entrée dans le canon chrétien et contient quelques livres récents qui n'existent pas dans la Bible hébraïque. Le canon Juif comprend trois sections : la Loi (la Torah), les Prophètes (les Nebiim) et les Ecrits (les Ketubim), dont il convient d'expliciter le contenu :
LA LOI
La Loi en hébreu s'appelle la Torah, c'est-à-dire
l'enseignement, la tradition. C'est un ensemble de cinq livres, de cinq
rouleaux, d'où le nom que les chrétiens lui ont donné :
"Pentateuque".
Cet ensemble est formé de toutes les codifications Justifiées par toute l'histoire du peuple. Longtemps, la tradition juive a vu en Moïse le responsable de cette oeuvre de la Loi. Mais, on s'est aussi aperçu que les cinq rouleaux ne formaient pas une unité absolue : les récits qu'ils présentent sont variés et leur rassemblement en une collection unifiée ne s'est fait qu'après le retour de l'exil à Babylone.
La Genèse relate la préhistoire de l'humanité, dans ses chapitres 1 à 11 : création du monde, vie au paradis terrestre dans le Jardin d'Eden, la chute, le déluge, la descendance de Noé, la tour de Babel, puis ce livre présente l'histoire des Patriarches, les ancêtres du peuple d'Israël : Abraham, Isaac, Jacob et ses douze fils. L'Exode présente, comme son nom l'indique, la sortie du peuple de la terre d'Egypte, sous la conduite de Moise, puis l'alliance de Dieu avec son peuple sur le mont Sinaï. Les Nombres contiennent le dénombrement du peuple durant le séjour au désert et des récits retraçant la vie de ce peuple en migration et les prescriptions qui découlent de cette situation errante. Le Lévitique, ou livre des Lévites, rassemble une foule de prescriptions surtout rituelles mais aussi morales. Le Deutéronome, c'est-à-dire la deuxième loi, se présente comme un discours de Moise aux tribus d'Israël, juste avant l'entrée dans le pays de Canaan, la Terre Promise. Moïse, vieillissant, rappelle la façon dont Dieu a guidé la vie de son peuple et les principales prescriptions qu'il lui a fixées pour vivre dans son alliance ; ce livre s'achève sur la mort de Moïse.
Ces
cinq livres semblent bien s'enchaîner les uns aux autres en une suite
d'événements des origines du monde jusqu'à la mort du grand législateur du
peuple qu'était Moïse. Mais, beaucoup plus qu'une histoire, ils sont perçus
comme une loi pour Israël : cette Torah donne une structure au peuple,
réglemente sa vie sociale, et elle est en fait la base même de la vie
d'Israël. En effet, le don de la Loi n'est pas un phénomène isolé, mais il
s'inscrit dans le dessein de Dieu, dans le plan qu'il trace pour son peuple au
long d'une histoire : c'est ce qui explique le mélange très apparent des
récits et des textes législatifs dans le livre de la Torah. Mais ce mélange
de deux genres littéraires différents n'est pas le seul trait caractéristique
des cinq rouleaux. D'autres traits apparaissent au cours d'une analyse un peu
plus poussée. Ainsi, on remarque très rapidement l'existence de
doublets : les deux premiers chapitres de la Genèse, par exemple,
présentent deux récits de la création très différents. On remarque aussi
une alternance des noms divins : Elohim et YHWH ; les patriarches
utilisent des noms comme Elohim, El Shaddaï, noms qui précèdent la vocation
de Moïse. On peut aussi remarquer des alternances dans la désignation de
l'ancêtre du peuple : Jacob, Israël, l'identification des deux noms se
faisant dans la lutte de Jacob avec l'ange (Gn. 32, 23-33). Le livre du
Deutéronome prend une tournure très originale par son style oratoire ainsi que
par le fait qu'il incorpore des codes législatifs précédents sans les nier,
ni les détruire. Tout cela montre que la rédaction de la Torah est
particulièrement complexe.
D'ailleurs, les Anciens et particulièrement les Sémites n'avaient pas la même conception de la propriété littéraire que celle qui est partagée aujourd'hui dans le monde occidentalisé : tout écrit était le bien de la communauté qui pouvait apporter des modifications au texte pour maintenir une meilleure présentation de la réalité et de l'adapter aux besoins de l'époque. Les textes, venus la plupart du temps d'une tradition orale, ont été sans cesse remaniés au cours des âges, et les exégètes admettent, de manière courante, que la Torah est une oeuvre en cinq volumes, mais à partir de quatre documents d'époques différentes, à partir du dixième siècle parce que c'est à ce moment qu'ont été écrits les premiers ensembles littéraires et que c'est aussi à cette époque que le peuple commence à relire son histoire présente à la lumière des événements du passé.
Avec
David et Salomon, la tradition orale des tribus s'installe aussi dans une
littérature écrite, grâce à la chancellerie royale : un premier
document se compose, c'est la tradition yahwiste ou judéenne (qui est
désignée par la lettre J). La cour de Jérusalem et le Temple constituent les
éléments essentiels dans cette composition d'une histoire sainte. Mais après
le grand règne de Salomon, c'est la séparation des tribus du Nord d'avec
celles du Sud. Le Nord a conservé des traditions orales tribales et des
sanctuaires plus anciens que Jérusalem, tel le sanctuaire de Sichem. C'est là
que naît un nouveau document, lié au décalogue et aux codes législatifs de
l'alliance ; c'est la tradition élohiste (qui est désignée par la lettre
E) composée à la fin du neuvième siècle ou au début du huitième. Ce
document E offre bien des similitudes avec le document J : Dieu est
appelé, dans l'un, El ou Elohim, et, dans l'autre, YHWH. La tradition élohiste
est née, non plus dans l'entourage royal, mais dans un milieu qui connaît le
prophétisme d'Elie et d'Elisée, dont l'idéal est d'en revenir à Moïse, le
grand prophète initiateur du peuple qui a donné une loi à Israël. Le
Deutéronome, qui constitue en lui-même tout un document (désigné par la
lettre D), est très proche du document élohiste. En 722, c'est la ruine de
Samarie et l'annexion des provinces du Nord à l'Assyrie. Des réfugiés du Nord
viennent s'installer à Jérusalem, et on aurait alors construit une cité de
réfugiés que les prophètes vont appeler du nom de "fille de Sion".
Sous Ezéchias, aux environs de l'an 700, il est probable que les réfugiés
aient tiré la leçon des événements de la catastrophe nationale et aient fait
des plans d'avenir. A ce moment-là, le seul héritier des traditions élohiste
et yahwiste, c'est Jérusalem : dès lors, l'histoire sainte yahwiste est
complétée par des éléments élohistes, et les réfugiés essayent de mettre
en oeuvre des codes législatifs. C'est là qu'il est possible de discerner une
première ébauche de synthèse deutéronomique, juste après la fusion des
traditions de J et de E. En 622, un livre est trouvé dans le Temple, il
présente un code qui va être mis en application, servant de base à la
réforme de Josias :
La dix-huitième année de son règne (celui de Josias) le grand-prêtre Hilqiyahou dit au secrétaire Shafân : J'ai trouvé le livre de la Loi dans la maison du Seigneur... Puis le secrétaire Shafân annonça au roi : Le prêtre Hilqiyahou m'a remis un livre. Shafân en fit la lecture devant le roi. Lorsque le roi eut entendu les paroles du livre de la Loi, il déchira ses vêtements. Puis il donna cet ordre au prêtre Hilqiyahou au secrétaire Shafân : Allez consulter le Seigneur pour moi, pour le peuple, pour tout Juda au sujet de ce Livre qui a été trouvé ; car elle est grande la fureur du Seigneur qui s'est enflammée contre nous parce que nos pères n'ont pas écouté les paroles de ce livre et n'ont pas agi selon tout ce qui y est écrit... 2 R 22, 3-13
Alors on incorpore l'ancien code deutéronomique au Deutéronome autour duquel on place des discours d'exhortation à la pratique de l'enseignement présenté dans le Livre de la Loi. Jérusalem est détruite en 587-586. Après cette ruine, les prêtres auront le souci de regrouper toutes les traditions, en leur donnant une lumière nouvelle dans la situation difficile de l'exil. Un nouveau document prenait corps, le document sacerdotal (qui est désigné par la lettre P, initiale du terme allemand 'Priestercodex' ou "livre des prêtres"). Ce document sera fusionné avec J et E au début du quatrième siècle ; on lui ajoute alors un certain nombre de lois additionnelles (désignées par P'). Cette activité de constitution de la Torah, sous forme de cinq livres ou rouleaux, est très certainement due à Esdras. Celui-ci a été chargé par le roi perse Artaxerxés II de donner une loi aux juifs. Cette mission d'Esdras est rapportée au livre qui porte le nom de ce "scribe des paroles ordonnées par le Seigneur" (Esd. 7) eut lieu vraisemblablement en 398. La Torah était alors constituée.
TABLEAU DE LA COMPOSITION DU LIVRE DE LA TORAH
Israël (Sichem) (E) 722 : ruine de Samarie |
David Salomon (début de J)
Juda (Jérusalem) (J) |
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fusion du Nord et du Sud (J - E) Ezéchias (vers 700) (début de D) Josias (622 : dans le Temple) (D)
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586 : ruine de Jérusalem Pendant la captivité (P) 398 : mission d'Esdras (Ps)
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TORAH |
LES PROPHETES
La deuxième partie du canon Juif s'intitule "les Prophètes", les Nebiim ; elle comprend deux sections : les "premiers prophètes" et les "derniers prophètes". La première section constitue un ensemble historique, qui débute à l'installation dans le pays de Canaan, après la mort de Moïse, grâce à Josué, et qui se termine avec la chute de Jérusalem en 586. La seconde section comprend les textes prophétiques proprement dits : ce sont des discours prononcés par ces hommes que l'on nomme prophètes et qui reflètent les questions qui se posent à l'époque de leur prédication.
Le
livre de Josué se présente comme la narration de la conquête de la Terre
Promise sous la conduite de Josué, le successeur direct de Moise, puis comme le
partage de l'ensemble du pays de Canaan entre les tribus d'Israël. Ce livre se
termine par une assemblée générale du peuple à Sichem, au cours de laquelle
Josué rappelle l'ensemble de l'oeuvre de YHWH, depuis Abraham Jusqu'à
l'installation en Terre Promise, afin de souligner l'importance du choix que le
peuple doit faire entre YHWH et les autres dieux. Ce livre unifie les traditions
les plus anciennes depuis le passage du Jourdain Jusqu'au renouvellement de
l'alliance, ce pacte conclu devant Dieu, avec un serment fait en commun.
Dans le livre des Juges, ces hommes suscités par Dieu pour sauver les membres du peuple de toutes les situations de détresse, entre la mort de Josué et l'avènement de Samuel, les souvenirs rapportés se rapprochent du genre historique. La vie du peuple, au moment de son installation dans la Terre Promise, s'était étroitement mêlée à celle des occupants du sol, les Cananéens, au point que le peuple abandonnait progressivement son Dieu pour servir les faux dieux. Le livre des Juges veut montrer que le peuple a connu des défaites à cause de sa désobéissance. Dans sa détresse, il a crié vers Dieu qui, ému, lui a envoyé des Juges pour rétablir les situations compromises, pour effectuer la libération du peuple, un peu à la manière de Moïse. Ce livre évoque donc la grande anarchie qui pouvait exister à l'époque de l'installation et du partage du pays après sa conquête.
Les livres de Samuel ne formaient à l'origine qu'un seul livre écrit sur des rouleaux d'une longueur à peu près identique. Ils présentent une succession d'événements qui vont conduire à l'instauration de la royauté en Israël, après la prise de Silo. Longtemps, la rédaction de ces livres a été attribuée au prophète Samuel, mais il faut remarquer que celui-ci ne tient une place importante que dans les quinze premiers chapitres. Samuel, consacré à Dieu dès son plus jeune âge, est dépeint comme un Juge, comme un libérateur du pays, auquel les Israélites réclament un roi pour lui succéder. D'abord, Samuel refuse, puis il finit par sacrer roi Saül. Celui-ci ne suit pas les ordres de Dieu. Aussi sera-t-il rejeté au profit de David qui reçoit, en secret, l'onction royale. Entré à la cour comme ménestrel, il finit par s'attirer la Jalousie de Saül, notamment après sa victoire sur le géant des Philistins, Goliath. Alors que David s'est enfui de sa cour, Saül et son fils, Jonathan, tombe dans une bataille contre les Philistins. Et David est consacré roi de Juda, tandis qu'un autre fils de Saül est fait roi d'Israël. Finalement, les tribus du Nord qui constituent Israël, se rallient à David, qui connaît un règne glorieux, avec la prise de Jérusalem dont il fait sa capitale.
A
travers le règne de David, l'historien veut montrer que le projet de Dieu se
réalise et s'achève, si bien qu'à mesure que l'on approche du règne de
Salomon, l'histoire apparaît comme une chronique écrite par un contemporain.
Les livres des Rois rapportent l'histoire des rois de Juda et d'Israël, de la mort de David jusqu'à l'exil à Babylone. C'est d'abord le règne de Salomon qui témoigne de la sagesse de Dieu qui lui est accordée, qui organise l'ensemble du royaume, qui édifie des constructions remarquables, telles le Temple de Jérusalem. Les débuts de Salomon semblent augurer d'un enthousiasme débordant, mais bientôt le climat change, car Salomon se laisse entraîner vers des cultes païens, et le prophète Ahiyya annonce le schisme qui va se produire entre les tribus du Nord et celles du Sud, après la mort de Salomon. Et cette séparation politique entre les tribus va se doubler d'un schisme religieux, condamné par les prophètes. La succession des rois dans chaque clan s'interrompt pour laisser place à celui qui semble véritablement inaugurer le courant prophétique : Elie, puis son disciple immédiat Elisée. Les prophètes interviennent directement dans la vie politique pour rappeler aux rois la fidélité à YHWH. Mais leur parole n'est guère entendue, et c'est la ruine du royaume du Nord, avec la prise de Samarie, qui conduit à faire réfléchir le peuple sur son infidélité à l'alliance avec Dieu. Le règne d'Ezéchias est alors particulièrement souligné, en raison de sa fidélité religieuse. Mais l'impiété ne tarde pas à reprendre force et vigueur. Et la réforme entreprise par Josias, à la suite de la découverte dans le Temple du Livre de la Loi, n'empêchera pas la ruine du royaume du Sud. Jérusalem tombe entre les mains de Nabuchodonosor, et c'est la déportation en Babylonie.
L'ensemble des livres de Samuel et des Rois constitue
véritablement un ouvrage prophétique, car ils soulignent que les prophètes
sont les acteurs réels de l'histoire. Aussi ne faut-il pas chercher dans ses
livres une histoire rédactionnelle des événements, telles que l'on peut
l'imaginer au vingtième siècle. Il s'agit d'une histoire providentielle,
commandée par le dessein de Dieu sur son peuple, et finalement dirigée par
l'activité prophétique. La période royale a constitué la faillite politique
du peuple d'Israël, mais, dans le même temps ce peuple est à l'origine d'une
grande recherche mystique qui permettra à des hommes de se lever pour réclamer
de la part de leurs contemporains un retour à la fidélité à l'alliance
conclue avec Dieu, au moment de l'Exode.
Ces hommes sont les prophètes, et particulièrement ceux que la Bible hébraïque désigne comme les "derniers prophètes". Ils se considèrent comme les dépositaires et les garants de tout le patrimoine du peuple en face de Dieu. Dans l'ancien Orient, le phénomène prophétique est lié à la divination. C'est une tentative de l'homme pour interroger la divinité sur les affaires de la cité. La Grèce, la Syrie, la Mésopotamie, l'Egypte... connaissent toutes ce phénomène de divination : c'est un fait culturel dont l'interprétation est souvent ambiguë.
Le prophète, le "Nabi" est, avant tout, un prédicateur et non pas un écrivain : aussi l'essentiel de leur témoignage a-t-il été écrit par leurs disciples qui ont organisé leur message, en l'adaptant parfois aux situations nouvelles. C'est ce qui explique la difficulté à restituer la prophétie singulière dans son originalité première. Le Nabi, c'est celui qui est appelé par YHWH et qui devient son "parleur", son porte-parole. Il n'est en aucune façon celui qui annonce l'avenir. Il rappelle sans cesse au peuple qu'il lui revient d'observer dans toute son intégrité la Loi que Moise a donnée au nom de YHWH : et le contenu de son message passe par une prédication, bien plus que dans une prédiction.
Certes, la plupart des prophètes font des prédictions, dont la réalisation peut être prochaine ou plus lointaine, notamment en ce qui concerne la venue du Messie, l'Envoyé de Dieu... Mais il arrive très souvent que les prophètes se trompent dans leurs prédictions, ou que celles-ci soient très difficiles à vérifier... Ce qu'ils demandent au peuple de comprendre, ce n'est pas l'événement qu'ils peuvent annoncer, mais bien plus la signification spirituelle de l'alliance de Dieu avec son peuple, qui se renouvelle sans cesse dans le cours de l'histoire.
L'ordre dans lequel la Bible présente les différents livres prophétiques tient à la longueur de ces textes, les plus longs apparaissant en premier. De plus, cet ordre n'est pas chronologique. Toutefois, afin de présenter brièvement chaque écrit prophétique, il convient de suivre l'agencement des textes bibliques.
Le livre d'Isaïe n'est dû qu'en partie à ce prophète dont le ministère s'est exercé dans la seconde moitié du huitième siècle. Il importe de distinguer les chapitres 1 à 39 des autres, en effet, les chapitres 40 à 55 sont nettement postérieurs (on les attribue au "Second Isaïe") et les chapitres 56 à 66 le sont encore davantage ("Trito-Isaïe"). La première partie de ce livre portent la marque du personnage de ce prophète qui intervient dans le royaume de Juda, pour annoncer la destruction presque totale de ce peuple, au coeur rebelle et endurci. Il veut éclairer le peuple et les rois du dessein divin qui va conduire le royaume vers la déportation, en raison de son infidélité à suivre la Loi. A la fin de l'exil se fait entendre un autre prophète, le "Second Isaïe" (ou Deutéro-Isaïe) : Israël est captif, entre les mains Babyloniens, mais Babylone est menacée par Cyrus qui décrétera la délivrance des captifs. La mission du prophète sera de consoler le peuple de Dieu, en lui annonçant la fin du châtiment que YHWH lui avait infligé : on appelle parfois ce témoignage "livre de la Consolation d'Israël". Le Trito-Isaïe a été composé à un moment où le Temple de Jérusalem est reconstruit et où il revient au peuple de l'orner, mais toutes les promesses du temps de l'exil n'ont pas été réalisées, et le peuple est divisé en deux partis, ceux qui n'ont pas connu la déportation et qui, en demeurant dans la Terre, ont accepté des cultes étrangers (notamment les Samaritains) et ceux qui sont revenus de la grande déportation, comme les "humbles" serviteurs de Dieu. C'est dans ce climat troublé que Dieu fait entendre sa voix, par la menace et par la promesse.
Le livre de Jérémie recèle, outre les prophéties de celui-ci prononcées juste avant la déportation, une grande quantité de renseignements biographiques, collectionnés vraisemblablement par son secrétaire Baruch. La carrière prophétique de Jérémie s'étend sur plus de quarante ans, couvrant les règnes de Josias et des derniers rois de Juda. C'est d'ailleurs Jérémie qui prépara la réforme religieuse entreprise par Josias : il annonce la ruine d'un monde perdu, il est envoyé pour "arracher et démolir", et il annonce en même temps la naissance d'une communauté renouvelée, il est envoyé pour "planter et bâtir", et c'est YHWH lui-même qui pourra purifier le coeur corrompu d'Israël : le malheur qu'il prépare pour Jérusalem pourrait être évité si tout le peuple acceptait de se convertir, en rejetant les faux dieux, en refusant d'écouter les faux prophètes qui ne reconnaissent pas, dans la captivité babylonienne, le signe de l'action divine. C'est en exil que vit le peuple, le centre de la nation n'est plus à Jérusalem, mais à Babylone, d'où sortira un peuple nouveau. La découverte de sa pauvreté radicale permettra au peuple de découvrir sa véritable richesse se trouve dans l'alliance avec Dieu, telle qu'elle a été formulée au Sinaï, et telle qu'elle peut être reprise et renouvelée au cours de l'exil.
Le
livre d'Ezéchiel retrace la prédication de ce prophète aux juifs déportés
en 596 : c'est à Babylone qu'il apprit la chute de Jérusalem en 586,
catastrophe nationale qui marque un tournant dans l'histoire du peuple. Il ne
s'agit plus pour le peuple de rêve à une puissance politique, mais de
découvrir qu'il forme le peuple des "saints de YHWH". Déporté en
598, Ezéchiel exerce son ministère prophétique durant la captivité,
annonçant que la capitale doit subir le sort qu'elle a mérité. Mais, une fois
que le châtiment est accompli, il entreprend de ressusciter l'espérance des
exilés, en faisant entendre une promesse de salut.
Forts courts, les livres de ceux qu'on appelle les Douze petits prophètes ont sans doute été réunis en un seul rouleau pour des raisons pratiques.
Osée est le prophète de l'amour de Dieu, un amour bafoué par le peuple, mais un amour qui n'en demeure pas moins vivant et qui demande une réponse de la part de son peuple. Le symbolisme conjugal tient une grande place dans le livre d'osée : le prophète a épousé une femme de mauvaise vie, sans doute une courtisane se livrant à la prostitution sacrée, qui lui donne des enfants de prostitution. Le prophète emmène son épouse infidèle au désert, ce lieu où Israël se laissait séduire par YHWH, pour rétablir des relations conjugales normales. La voix du prophète se fait entendre pour appeler le peuple à renouveler sa fidélité avec Dieu.
Le livre de Joël, un prophète dont on ignore tout, car aucune indication n'est donnée par le texte sur le cadre historique de son témoignage et sur la personnalité de Joël, développe deux thèmes étroitement liés entre eux. L'homme doit se dépouiller lui-même totalement pour préparer le "Jour du Seigneur". La première partie décrit une invasion de sauterelles qui frappe le peuple de Juda : cela doit l'entraîner au repentir et à la conversion. Moyennant cela,
Dieu se laissera peut-être fléchir et au "Jour du Seigneur", tous ceux qui invoqueront le nom de YHWH seront sauvés.
Amos est le premier des prophètes "écrivains" : il est le premier prophète dont les discours sont rapportés dans un livre. L'essentiel de son message est une annonce de malheur, sa prédication se fait menaçante : il prophétise la chute d'Israël, il annonce l'imminence du jugement de Dieu. Dieu va visiter son peuple, mais cette inspection divine apportera le châtiment ; car, malgré les malheurs survenus précédemment, le peuple n'est pas revenu vers son Seigneur, la conversion n'est pas venue. L'annonce du Jour de YHWH va devenir le thème même du malheur : le peuple va être jugé. La finale, qui énonce un oracle de bonheur - mais qui est sans doute une addition des disciples du prophète - évoque l'attente de la promesse de Dieu : l'homme peut aspirer au bonheur que Dieu lui-même lui promet.
Le livre d'Abdias est le plus court de toute la Bible : il ne comporte qu'un seul chapitre de vingt-et-un versets. Mais cela ne signifie pas qu'il soit dépourvu de valeur. Alors que Jérusalem connaissait la défaite, le frère ennemi du peuple, Edom, descendant du frère de Jacob, Esaü, en a profité pour s'emparer d'une partie du territoire. Le livre est donc quelque peu postérieur à la chute de Jérusalem. Au moment où tout semble perdu, le prophète a une vision : Edom s'effondrera en raison de sa cupidité et de sa trahi son, puis toutes les nations connaîtront également l'effondrement.
Le
livre de Jonas se présente comme une légende prophétique. Plus qu'un recueil
d'un enseignement, le récit présente l'histoire du prophète qui refuse
d'abord d'obéir à l'ordre qui lui est donné par Dieu. Jonas s'enfuit dans la
direction opposée à la ville de Ninive qu'il devait convertir : il
devient cause de malheur pour tous ceux qui le fréquentent. Jeté à la mer, il
est sauvé miraculeusement par un monstre marin dans le ventre duquel il passe
trois jours et trois nuits. Après cet événement, le prophète obéit à sa
mission, et il prêche la conversion à Ninive et toute la ville donne des
preuves d'un changement de conduite, si bien que Dieu renonce à détruire
Ninive, ce qui entraîne la colère du prophète qui réclame la mort. Le livre
de Jonas se termine sans que l'on sache ce qu'il advient du prophète après sa
prière.
Le livre de Michée, prophète contemporain Isaïe, présente un procès entre Dieu et son peuple. Si Jérusalem n'a pas encore connu le châtiment de Samarie, la sécurité n'est qu'apparente, car Dieu ne peut se contenter des moyens que le peuple a trouvés pour se faire pardonner : Dieu réclame la Justice, et son châtiment sera à la mesure de la révolte du peuple contre le Seigneur qui avait fait alliance avec lui. Mais Michée ne se présente pas comme un prophète de malheur : une place est accordée au relèvement de Juda et à la description des temps futurs.
Les trois chapitres du livre de Nahoum célèbrent la chute de Ninive, ville qui prend une valeur de symbole : son châtiment est un exemple pour toutes les nations. Celles-ci sont des instruments dans les mains de Dieu, mais il ne les préserve pas de leur chute, quand il se décide à relever son peuple.
Le petit livre d'Habaquq s'en prend aux Chaldéens, c'est-à-dire aux néo-Babyloniens qui, ayant combattu la puissance assyrienne, se lancent à la conquête du Proche-Orient. En période de crise internationale, le prophète en appelle à son Dieu : il s'étonne du fait que YHWH ait pu permettre le triomphe d'ennemis si orgueilleux, au point que la foi en la souveraineté de Dieu sur le monde est mise en cause. La réponse de Dieu à l'appel de son prophète tient en un seul mot : fidélité, "le Juste vit par sa fidélité" (Ha. 2, 4). La fidélité de l'homme permet de comprendre la fidélité de Dieu qui est bien réelle malgré les apparences : Dieu a manifesté des preuves de sa fidélité dans le passé, et il vient encore pour se constituer comme la force de son peuple fidèle.
Sophonie s'élève contre le renouveau du paganisme parmi le peuple de Juda, durant la minorité du roi Josias : ses exigences feront de lui une sorte de précurseur de la réforme religieuse entreprise par ce roi. Les rédacteurs de son livre l'ont ordonnancé en trois parties : menaces contre le peuple de Juda, menaces contre les nations ennemies de ce peuple, et promesse d'un rétablissement. Le thème du "Jour du Seigneur" est le centre de toute sa prédication, ce jour devant être celui d'un bouleversement général, et même cosmique, il atteindra tous les hommes et constituera pratiquement une désintégration de la création. Pourtant, il ne s'agit pas d'une fin du monde, mais plutôt d'une transformation du peuple de Dieu qui sera délivré de son péché pour inaugurer une vie nouvelle, à partir du petit "Reste", "de gens humbles et pauvres, (qui) chercheront refuge dans le nom du Seigneur" (So. 3, 12).
Le message prophétique d'Aggée se situe à la fin de l'année 520, auprès des premiers juifs revenus de Babylone pour reconstruire le Temple. Ce prophète essaie d'interpréter les signes des temps, et particulièrement la pauvreté du peuple : les mauvaises récoltes sont la punition infligée par le Seigneur à ceux qui sont revenus d'exil sans retrouver un zèle ardent pour Dieu. Il faut reconstruire le Temple sans tarder pour que la bénédiction du Seigneur puisse se répandre sur son peuple.
Zacharie
est le contemporain d'Aggée dont il consolide le message, en soulignant l'amour
ardent dont YHWH fait preuve à l'égard de son peuple. Toutefois, comme le
livre d'Isaïe, le livre de Zacharie ne peut pas être attribué à un seul
prophète. Si la première partie se rapporte très bien à la date de 520, la
seconde partie (chapitres 9 à 14) provient d'un auteur plus tardif, que l'on
appelle parfois le "Deutéro-Zacharie". Le message du premier Zacharie
se compose de huit visions que le prophète eut dans la même nuit et annonce
pour bientôt des temps meilleurs aux juifs revenus d'exil : la
restauration se prépare, elle s'organise et elle va s'achever prochainement. Le
prophète entrevoit un Messie qui apportera le salut à son peuple, mais aussi
à toutes les nations. Le Deutéro-Zacharie se situe entre les années 330 et
300, au début de la période grecque, et il présente une description de la
venue des temps messianiques : c'est Dieu lui-même qui réalisera le salut
pour son peuple en le rassemblant, puis il intégrera à la communauté du salut
toutes les nations païennes qui adopteront la Loi.
Le livre de Malachie est le dernier livre canonique de la Bible hébraïque. Malachie est un pseudonyme : ce nom signifie simplement "mon envoyé", "mon ange". Le peuple est rentré d'exil, le Temple est reconstruit, le culte a repris : tous ces indices, qui se trouvent dans le livre lui-même, permettent de situer ce message prophétique entre 480 et 460. Les espérances qui étaient nées dans le peuple après Aggée et Zacharie ne se sont pas réalisées, le scepticisme s'installe, le découragement entraîne une régression de la foi. Malachie réagit et place chacun de ses auditeurs devant ses responsabilités envers le Seigneur et envers les autres hommes.
LES AUTRES ECRITS
Après la Loi, après les livres prophétiques, la Bible hébraïque présente une troisième collection de livres assez hétéroclites : aucun titre caractéristique n'a été attribué à cette collection, puisqu'on l'appelle simplement "les autres écrits". Le livre des Psaumes se présente comme un recueil de cent cinquante chants liturgiques destinés au culte, avec un accompagnement musical d'instruments à corde. Comme le livre de la Torah, ce livre des Psaumes est divisé, vraisemblablement intentionnellement, en cinq parties, terminées chacune par une formule de bénédiction.
Ce livre est entièrement rédigé en vers, chacun d'eux se composant de deux membres (parfois trois) qui soulignent le rythme à partir de l'accent tonique, comme dans la poésie anglo-saxonne. Certaines analogies existent entre différents psaumes ; aussi a-t-on essayé de les regrouper dans des classifications qui relèvent toujours de la conjecture et de la probabilité, mais qui permettent de souligner certaines parentés entre ces cantiques. Ce sont d'abord des hymnes de louange, qu'ils soient cosmiques, historiques ou qu'ils invitent à l'acclamation pendant les marches des pèlerinages ; puis des prières individuelles ou collectives, comme les supplications des malades ou des pénitents, les cris des persécutés ou des exilés, comme les chants de confiance ou les actions de grâces ; on trouve aussi des psaumes qui mélangent plusieurs genres : chants de bénédictions, chants liturgiques, psaumes alphabétiques. Le contenu des psaumes permet aussi de souligner leurs différents genres : ils peuvent être à la gloire de la royauté, ils peuvent revêtir une tournure prophétique ou historique, ils peuvent aussi se présenter comme des enseignements de sagesse. La date de composition des psaumes est inconnue : longtemps, les exégètes les ont attribués à l'époque du règne de David, puis à l'époque du retour d l'exil, actuellement, l'opinion la plus répandue est que la majorité de ces chants religieux ont été composés avant l'exil à Babylone.
Le
livre de Job traite, sous la forme du dialogue du problème du gouvernement du
monde par Dieu, et plus particulièrement de la souffrance du juste. Il
n'apporte pas de solution au problème du mal, mais il se présente comme une
tentative de l'homme qui veut se situer en face de Dieu, alors qu'il connaît le
désarroi le plus extrême. On suppose que ce livre a été composé, à partir
d'une légende ancienne, à l'époque qui a suivi l'exil, alors que le peuple en
venait à mettre en cause sa foi en la justice de Dieu.
Le livre des Proverbes rassemble une collection de sentences qui rappellent la littérature sapientielle de l'Egypte et de Babylone, La période royale, surtout celle de Salomon, parait avoir été propice pour la mise par écrit de ces sentences qui circulaient dans la tradition orale du peuple. Salomon lui-même est présenté comme l'initiateur de ce genre de littérature en Israël, de même que David était considéré comme l'inventeur de la littérature psalmique ou que Moïse se situait à l'origine de tous les codes juridiques. La mise par écrit de ces sentences s'est surtout faite dans les milieux de cour, parmi les scribes qui voulaient former des esprits cultivés, mais après l'exil, un travail de refonte de ces écrits s'est opéré, incorporant des textes des littératures voisines.
Un recueil est appelé les "cinq rouleaux" : ce sont cinq petits livres qui étaient lus habituellement dans les synagogues à l'occasion des jours de fêtes importants dans l'histoire du peuple : Cantique des cantiques pour la Pâque, Ruth pour la Pentecôte, Lamentations le jour de l'anniversaire de la chute du Temple, Qohélet pour la fête des Tentes, Esther à Pourim.
Le Cantique des cantiques est un recueil de poèmes d'amour au sujet duquel les avis sont très controversés. Alors que la Bible démythise toute forme d'érotisme à l'endroit des pays voisins qui laissaient les dieux et les déesses présider les amours des hommes, ce chant d'amour humain, à la fois sexuel et sacré, semble décrire l'activité amoureuse comme bonne dans l'oeuvre de Dieu.
Le livre de Ruth doit son nom à la principale héroïne du récit. Son auteur évoque l'histoire d'une ancêtre du roi David, une étrangère au peuple d'Israël qui abandonne son peuple et ses dieux pour s'agréger au peuple. Convertie sincère, introduite légalement dans une famille israélite par son mariage avec Booz, elle donnera naissance à un fils, Oved, le père de Jessé, père de David. Ce livre souligne ainsi l'universalisme auquel la religion d'Israël est appelée au milieu des autres nations. Ce thème, ainsi développé, contraste avec les mesures rigoureuses d'Esdras qui interdisaient les mariages avec les étrangères.
Le livre de Qohélet, appelé également l'Ecclésiaste, s'appuie sur la constatation de l'universelle vanité des choses : tout se dirige vers la mort, et rien ne peut subsister. Tout est vain, aussi bien la sagesse que la vertu ou que les agréments de la vie.
Mais celui qui prend la parole dans l'assemblée (traduction littérale du terme Qohélet) n'est pas un sceptique sur le plan religieux : il croit en Dieu, il partage la foi d'Israël, il accepte les doctrines révélées par la Parole de Dieu, mais il ne donne pas de solution à son problème : le juste peut tout au plus s'efforcer d'échapper au Jugement de Dieu en suivant la Loi, mais il n'y a pas d'espérance d'un au-delà de la mort.
Les Lamentations, attribuées faussement à Jérémie, dont on reconnaît pourtant quelquefois l'influence, sont composées de cinq poèmes, ayant pour objet la ruine de Jérusalem et celle du Temple par Nabuchodonosor. Elles s'appliquent donc bien à la catastrophe nationale de la déportation en Babylonie. Mais elles constituent aussi un chant de confiance à Dieu qui pourra prendre en pitié son peuple châtié.
Le livre d'Esther raconte l'histoire d'une jeune Juive qui a
été choisie pour épouse par le roi Assuérus et qui réussit à empêcher
l'extermination de ses compatriotes voulue par le vizir Aman. Esther obtient la
condamnation du vizir et son remplacement par l'oncle d'Esther, Mardochée, qui
obtient du roi l'autorisation d'exterminer ceux qui en voulaient à la
communauté juive. L'événement est rappelé dans la fête des Pourim.
Le livre de Daniel comprend deux parties, malgré son unité
apparente. D'abord, son rédacteur présente le héros, Daniel, Juif déporté
qui demeure fidèle à YHWH malgré l'épreuve ; puis, son récit prend une
forme autobiographique. Daniel obtient une sagesse extraordinaire en refusant de
manger des aliments considérés comme impurs. Ses compagnons, d'abord jetés au
feu pour avoir refusé d'adorer des idoles, sont protégés par Dieu et
obtiennent alors la faveur royale. Nabuchodonosor ayant perdu la raison, son
fils Balthasar
lui succède et, au cours d'un festin, il a la vision d'une main inscrivant des
signes incompréhensibles sur le mur de la salle où il se tenait. Daniel
interprète ces termes énigmatiques dans le sens de la ruine imminente des
Chaldéens et de la venue au pouvoir des Perses. Le récit de Daniel dans la
fosse aux lions souligne que la puissance de YHWH l'emporte toujours : il
annonce la délivrance proche des fidèles persécutés pour leur foi.
Les derniers écrits de la Bible hébraïque sont attribués à un chroniste : il s'agit des livres d'Esdras, de Néhémie et des Chroniques.
Les livres d'Esdras et de Néhémie traitent des événements qui se sont déroulés après le retour d'exil. Mais leur auteur ne fait pas une oeuvre "historique" au sens moderne du terme : il veut avant tout justifier les fondements de la vie juive après le retour de la captivité, ces fondements étant le respect de la Loi, les institutions centralisées autour du culte à Jérusalem, et l'espérance de la restauration davidique. Ainsi, l'oeuvre des restaurateurs apparaît comme entièrement commandée par le dessein de salut de Dieu...
Les livres des Chroniques sont une reprise d'écrits anciens, complétés par une documentation orale ; alors que les premiers livres prophétiques (Josué, Juges, Samuel, Rois) s'inspiraient du Deutéronome, les écrits du Chroniste veulent réinterpréter toute l'histoire, et particulièrement celle du Royaume du Sud, au point de vue sacerdotal et liturgique.
A tous ces livres qui constituent le canon de la Bible hébraïque, il faut ajouter quelques livres contenus dans le canon de la Bible d'Alexandrie, et qui ne sont connus qu'en grec. On les appelle "apocryphes". Les livres des Maccabées présentent la rébellion des frères Maccabées contre le roi Antiochus Epiphane. Le livre de Judith retrace la légende d'une juive qui aurait sauvé son peuple en tuant le général assyrien Holopherne. Le livre de Tobie insiste sur la valeur des oeuvres de bienfaisance à l'égard des malades et des morts. Le livre de Sirac est constitué par un recueil de sentences sur des sujets divers : c'est un livre de sagesse pratique qui doit amener la conversion morale des païens. Le livre de Baruch, secrétaire de Jérémie, est un poème sapientiel invitant à la pénitence et qui s'inspire des Proverbes. Le livre de la Sagesse, dont le patronage est accordé à Salomon, reprend la doctrine de sagesse de la Bible en lui donnant un sens nouveau, en raison du milieu hellénisé dans lequel ce livre est écrit.
Les grandes affirmations de la Bible
Le Livre des livres, qui est véritablement un patrimoine de l'ensemble de l'humanité, puisqu'il constitue un immense trésor de pensée et d'action, susceptible de transformer toute la vie religieuse de plusieurs civilisations, propose aux croyants certaines affirmations. Ainsi, la pensée religieuse du peuple d'Israël se présente comme une vision globale du monde des origines jusqu'à la fin de temps, non pas à la manière des sciences positives, mais bien plus â la lumière de la révélation de Dieu.
L'Unité de Dieu
L'affirmation de l'unité absolue de Dieu constitue le noyau central de tout le judaïsme. Pour exprimer cette unité, il suffit de reprendre l'hymne à Dieu que tous les croyants juifs disent au début de la prière du matin :
Maître de l'univers, tu as régné avant que rien ne fut créé. Quand, par ta volonté, tout fut créé, ta royauté fut proclamée. Quand tout aura pris fin, seul, sublime, tu régneras. En gloire, tu fus, tu es et tu seras. Tu es unique et sans second à te comparer ou à t'associer. Sans commencement et sans fin, à toi la puissance et la domination...
Le maître de l'univers, le Dieu des patriarches, le Dieu de Moïse le Créateur de tout ce qui existe est le Dieu de tous les hommes et il n'en est pas d'autre que lui : son unicité est absolue.
L'idée d'unité est un concept très élaboré de l'esprit humain : en effet, il se distingue des autres par son abstraction la plus complète. Et, il parait assez étrange que ce soit un peuple de nomades, sans instruction et sans culture, un peuple qui ne connaîtra pas une civilisation de type analytique et philosophique, qui se soit trouvé à l'origine de cette découverte de l'unicité de Dieu. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour justifier ce mystère de la découverte de l'unicité divine par un peuple si peu enclin à la philosophie spéculative. Certains pensent que le monothéisme absolu d'Israël ne serait qu'une excroissance des polythéismes voisins oc les peuples religieux qui entouraient Israël et sur qui ils exerçaient une influence aussi bien religieuse que politique adoraient une multitude de dieux, dans des panthéons strictement hiérarchisés, mais, en même temps, ils reconnaissaient un dieu supérieur qui dirigeait le monde. C'était un dieu cosmique qui réglait le sort des autres dieux et des hommes, et Israël n'aurait eu qu'à adopter la pensée religieuse de Babylone et de l'Egypte pour se forger son idée de l'unité divine. Une seconde hypothèse fait de l'unicité non pas le résultat d'une vision plus ou moins cosmique de l'univers, mais comme le résultat d'une conception nationale de la religion. Le Dieu d'Israël n'aurait été qu'un Dieu parmi les autres dieux : la religion du peuple n'aurait été qu'une monolâtrie qui se serait de plus en plus particularisée pour devenir le culte du Dieu plus grand que tous les autres, puis celui du Dieu unique auprès duquel tous les autres dieux ne sont que néant, du Dieu unique de tous les hommes dont il est le créateur. Ainsi, cette hypothèse pose l'unité de Dieu comme le résultat d'une longue évolution historique.
Le Judaïsme récuse ces deux hypothèses pour affirmer l'unité absolue de Dieu en dehors de tout lien avec l'univers dans sa matérialité, en dehors de tout lien avec une histoire qui retracerait le destin des dieux de l'humanité. Dieu est esprit : personne ne peut le voir, même s'il se révèle aux yeux des hommes dans la splendeur de sa création. Un profond fossé existe donc entre les cultes polythéistes et le monothéisme hébreu, lequel insiste sur le caractère spirituel de Dieu, qui récuse tous les aspects mythologiques des divinités étrangères. C'est ce sentiment du caractère personnel de Dieu qui excita la colère des prophètes contre toutes les formes d'idolâtrie. Pour le judaïsme, c'est le Dieu, dont le nom a été révélé à Moïse, qui s'est manifesté aux patriarches et qui commença avec eux l'histoire de l'ensemble du peuple. Les auteurs de la Genèse estiment que le Dieu qui s'est révélé aux Pères était YHWH. Ceci ne peut surprendre, car, à l'époque à laquelle ils rédigent leur texte, YHWH était le Dieu unique d'Israël, et il était normal qu'ils considèrent aussi YHWH comme le Dieu de leurs ancêtres. Aussi le nom de YHWH était-il fréquemment nommé à côté d'autres noms divins composés de El. Un petit passage du livre de la Genèse contient une véritable collection de noms divins :
Par la force de l'Indomptable de Jacob, par le nom du Pasteur, la Pierre d'Israël, par El, ton père, qu'il te vienne en aide, par le Dieu Puissance (El Shaddaï), qu'il te bénisse. Gn 49, 24-25
Comme dieu personnel, El est attesté au quinzième et quatorzième siècles, à Ougarit, où il occupe le premier rang d'entre tous les dieux. Mais, c'est dans les cunéiformes du troisième millénaire que, pour la première fois, on rencontre le mot "El" (en akkadien : "ilû"), employé de deux manières différentes, soit comme un nom commun devant le nom d'une divinité (El Enlil : le dieu Enlil), soit comme un nom propre (El est grand). A Ras-Shamra, El est employé à la fois comme terme générique pour toute divinité, mais aussi comme désignant le dieu suprême du panthéon ougaritique.
Chez les patriarches, et parmi les peuples avec lesquels ils furent davantage en contact, il y a certainement eu un double niveau de croyances religieuses et d'attitudes. D'une part, ils reconnaissaient une divinité nationale, et même internationale, don l'autorité s'étendait sur un horizon de plus en plus large : il était un dieu lointain, le dieu des cieux qui dominait sur les dieux et sur les hommes. A ce type de dieu appartenaient Mardouk du panthéon babylonien, El le dieu suprême cananéen, et YHWH le dieu du peuple d'Israël. D'autre part, il y avait le dieu tribal, le dieu du clan, le dieu du père de tel ou tel individu de la famille. Plus tard, il sera le "dieu des pères", soit la divinité de la totalité du clan descendant d'un même père. C'était avec cette divinité que l'on entretenait des rapports intimes : elle manifestait directement à son peuple. Et c'est dans cette forme de représentation ù dieu tribal que la notion d'alliance entre Dieu et son fidèle a pu s'élaborer dans la conscience d'Israël, de façon de plus en plus marquée. Le culte rendu au dieu de la tribu n'entrait sans doute pas en concurrence avec le culte réservé au dieu suprême : les deux cultes étaient complémentaires, et l'homme pouvait reconnaître en son dieu personnel le Dieu suprême et transcendant. Il cherchait alors à le rencontrer dans son intimité. A mesure que YHWH devenait le seul et unique Dieu pour un peuple d'Israël unique, les deux types de divinités se soient confondus et identifiés en un seul Dieu qui est devenu le Dieu transcendant, le Dieu maître de l'univers et de l'histoire, qui a établi sa royauté avant la création du monde et qui la fera durer jusqu'au-delà de la fin des temps. Ainsi, dans les temps les plus anciens de la religion d'Israël, les patriarches n'étaient pas polythéistes, au sens où ils auraient adoré de nombreuses divinités. Polythéistes, ils l'étaient à leur manière, sur un plan pratique et non pas sur un plan théorique. Ils n'ont vraisemblablement : pas établi de différences entre les noms et les représentations de Dieu. Les ancêtres du peuple d'Israël ont sans doute adopté un monothéisme très souple, avec plusieurs variantes de nomination pour le même Dieu. Et le culte final de YHWH fut simplement le terme d'un processus lent et complexe qui devait aboutir à l'unification des tribus qui se constituèrent en une nation unique : en fait, c'est la centralisation du culte rendu par les différentes tribus d'Israël qui a contribué à faire de YHWH l'unique Dieu national, lequel présida au rassemblement et à l'unification du peuple.
Le Dieu d'Israël est transcendant et souverain : ce sont les deux caractères qui le définissent dans la Bible. YHWH est son nom, qui est transcrit en hébreu biblique YHWH puisque la langue hébraïque ignore les voyelles ; mais il est lu Adonaï, le Seigneur, afin de préserver à ce nom divin le caractère sacré que la Bible lui attribue. Chaque fois que le tétragramme divin YHWH apparaît, le lecteur lui substitue immédiatement le terme de Adonaï. Ce nom sacré ne pouvait être prononcé qu'une fois par an, à Jérusalem, le jour du grand Pardon ; mais, depuis la destruction du Temple, en 70, la véritable prononciation s'est perdue, sans chance d'être retrouvée.
YHWH est le nom que Dieu s'est donné lui-même quand il s'est fait connaître à Moise :
Moïse dit à Dieu : 'Voici ! Je vais aller vers les fils d'Israël et je leur dirai : le Dieu de vos pères m'a envoyé vers vous. S'ils me disent : Quel est son nom ? - que leur dirai-je ?'. Dieu dit à Moïse : 'Je suis qui je serai'. Il dit : tu parleras ainsi aux fils d'Israël : Je suis m'a envoyé vers vous. Ex. 3, 13-14
Ce court passage apparaît comme une tentative d'explication
doctrinale du nom divin, mais cette parole est énigmatique. On peut la
comprendre : Je suis qui je suis, autrement dit : je refuse de donner
mon nom. De même, on peut comprendre : Je suis celui qui est, en
comparaison des autres dieux qui ne sont que des néants. La version grecque de
la Bible hébraïque, version dite des Septante, a adopté cette
interprétation, soulignant ainsi le concept de l'existence de Dieu, que le
peuple d'Israël ne mettait pas en doute. En comprenant : Je suis qui je
serai, le nom de YHWH devient le lieu d'une histoire qui va se nouer entre Dieu
et les hommes. C'est dans l'histoire des hommes que Dieu manifestera peu à peu
qui il est. La réponse faite à Moïse est à la fois une révélation et un
refus de se révéler complètement. C'est seulement dans les événements de
l'exode et dans le cours ultérieur de l'histoire du salut que Moïse et tout le
peuple pourront comprendre plus précisément qui est le Dieu qui est entré en
relation avec eux, dans le cadre d'une alliance, au Sinaï.
La notion d'alliance
La notion la plus caractéristique de la pensée biblique est celle de l'alliance qui est présentée comme le lieu de la rencontre de Dieu avec l'homme. Cette alliance, exprimée par le terme hébreu Berith, s'exprime sous la forme d'un contrat, conclu la plupart du temps selon un rite de sacrifice qui manifeste concrètement l'union entre les deux alliés. La découverte en 1901 du code de Hammourabi, roi de Babylone vers 1750 avant Jésus-Christ, a permis de comprendre de manière plus précise la structure de l'alliance dans le Proche-Orient, particulièrement en Israël. Le terme même de Berith avait une signification politico-religieuse en Canaan : c'est un engagement pris entre deux personnes ou entre deux groupes humains, représentés par leurs chefs. Il y a Berith quand il s'agit de renouer ou même d'asseoir une relation entre deux personnes ou deux groupes après une période d'hostilité. Ainsi, parler d'alliance, c'est déjà soupçonner qu'on peut la rompre ou qu'elle a déjà été rompue, c'est aussi poser la possibilité d'un renouvellement de l'accord entre les deux parties.
Le
code de Hammourabi est un texte gravé sur un bloc de pierre d'une hauteur de
deux mètres vingt-cinq, conservé au musée du Louvre. Sur la partie
supérieure de cette stèle, le roi se tient devant le dieu de justice, Shamash.
Celui-ci, assis sur un trône, dicte ses lois au roi, debout en face de lui. Le
souverain devra faire se lever le soleil de justice, en supprimant le méchant
et le pervers, en empêchant le fort d'écraser le faible.
Ce code comporte deux cent quatre-vingts articles qui définissent les règles de vie pour les grandes classes de la société, à savoir les nobles, les roturiers et les esclaves. Cependant, l'état babylonien était organisé avant Hammourabi, il était régi par le droit coutumier. Ce roi n'a fait que regrouper toutes les lois du droit coutumier, en les révisant et en les améliorant. Si ces règles sont gravées sur la pierre, c'est pour que chacun, et en particulier le juge, puisse savoir quels sont les droits des uns et des autres. Ce code est constitué comme un recueil d'arrêts de justice dont les juges pouvaient s'inspirer librement, en respectant les traditions locales de telle ou telle partie de l'empire unifié par ce souverain. Depuis la découverte de ce Code, on a retrouvé de nombreux textes législatifs de l'Orient antique, ce qui a permis de comprendre la structure de la Berith pour Israël. Les différents traités législatifs adoptent un schéma comparable :
- présentation du suzerain : nom et titre,
-résumé de ses rapports avec son vassal,
- stipulations adressées au vassal, notamment sur la conduite qu'il doit adopter envers son suzerain,
- stipulation éventuelle de l'endroit où le traité doit être conservé,
- invocation aux dieux des deux parties pour qu'ils soient les témoins de l'acte (mais les dieux ne sont pas partie prenante de l'engagement),
- liste de bénédictions ou de malédictions en cas de respect ou de rupture de l'alliance.
La conclusion du traité se fait par le serment du vassal et parfois celui du suzerain. Les contractants se retrouvent autour d'un repas de paix.
Tous ces éléments des codes législatifs se retrouvent dans les différentes alliances entre Dieu et son peuple. Dieu se présente toujours avec ses titres au moment de conclure une alliance, avec Abraham, avec Moïse... Un résumé de l'histoire des relations entre Dieu et son serviteur ou son peuple est chaque fois présenté. Des décisions sont prises par Dieu dans le domaine de la conduite morale ou religieuse de son peuple, avec aussi parfois l'indication de la manière de se souvenir de l'alliance. Pour l'ancêtre Noé, le signe de cette Berith sera l'arc-en-ciel, pour le patriarche Abraham, le signe sera la circoncision des mâles, pour le peuple en exode dans le désert du Sinaï, le signe des tables de la Loi sera conservé dans l'arche d'alliance.
Il est pratiquement impossible d'attribuer une date historique à la conclusion de l'alliance entre Dieu et son peuple, car l'alliance se répète et doit se renouveler régulièrement dans toute l'histoire du peuple, même si celui-ci se réfère toujours à une alliance unique. La Bible présente une pluralité d'alliances bâties sur le modèle d'une alliance unique, attestant l'unicité de celle-ci dans la pluralité.
Le Dieu qui se révèle, qui se manifeste aux hommes, n'est pas un Dieu construit abstraitement par quelque métaphysicien, il est un Dieu qui se donne à connaître aux hommes et qui, dans une mesure plus que certaine, se livre à eux pour qu'ils le fassent connaître. Le destin même de YHWH se trouve ainsi remis entre les mains des croyants : il se fait connaître, mais aussitôt il se retire, car c'est à l'homme qu'il revient de faire connaître Dieu, en rappelant les actions de salut déjà accomplies. Il y a donc une amplification de la révélation : l'événement fondateur, celui de l'alliance au Sinaï, s'éloigne dans le temps, puisque les générations se succèdent mais l'enseignement demeure, dans la permanence de la tradition.
Le propre de la tradition d'Israël n'est pas situé simplement dans un code législatif, mais bien davantage dans la lecture des événements de l'histoire du peuple comme dessein de Dieu voulu dans le cadre même de l'alliance. Si les actions mises en rapport avec l'accomplissement des commandements ne sont plus les mêmes - car l'histoire n'est pas répétition mais progression - leur rattachement à la Berith perdure : la foi d'Israël en l'alliance est immuable, bien que les manifestations extérieures changent de génération en génération. La spécificité même de l'alliance est de demeurer identique à elle-même, dans la succession des événements comme dans la suite des générations. En un certain sens, l'alliance est un signe de la transcendance de Dieu. La grandeur de YHWH, c'est de se lier à une décision humaine : il entre en relation avec l'homme, il prend parti pour son fidèle. Ce qui fait la grandeur de Dieu, c'est cette dimension de relation qu'il établit entre lui et l'homme, en engageant sa propre fidélité : l'éternel est entré dans le temps en devenant le partenaire de l'homme, en agissant pour lui tout au long d'une histoire.
Mais, si le judaïsme ne cesse d'affirmer la sainteté de Dieu, dans le cadre même de l'alliance, il affirme dans le même temps la culpabilité de l'homme : c'est cette dernière qui implique que la notion même d'alliance soit comprise comme la prescription d'une Loi à laquelle les membres du peuple doivent se soumettre.
Il semble, à la lecture des textes bibliques, que les fidèles du peuple n'aient jamais pu concevoir une alliance sans qu'elle ne soit accompagnée de prescriptions détaillées. Ainsi, la nouvelle alliance annoncée par le prophète Jérémie en plusieurs oracles parle également d'une Loi :
Je mettrai ma Loi au fond de leur être, et je l'écrirai sur leur coeur. Alors, je serai leur Dieu et eux seront mon peuple. Jr. 31, 33 b
Alors, ils seront mon peuple et moi je serai leur Dieu : Je leur donnerai un seul coeur et une seule manière d'agir. Jr. 32, 38-39a
La communauté juive s'est constituée autour de la notion
d'alliance. Et même si originellement le pacte conclu par Dieu avec son peuple
est lié à la possession d'une terre, très vite les Hébreux n'ont pas
attaché une importance à l'espace matériel, comme lieu de leur relation avec
leur Dieu ; ils ont pris conscience que leur domaine réel était
l'histoire, et ils ont ainsi valorisé davantage le temps, qui est le lieu
propre de l'histoire du peuple avec Dieu. Aucune tradition antique n'a insisté
sur cet "avec" Dieu comme Israël : Dieu n'est plus
l'inaccessible, mais celui avec qui l'homme peut travailler. L'homme devient
ainsi celui qui achève la création de Dieu, en suivant son alliance et sa
Loi : pour les hommes, libérés de la servitude, il ne s'agit pas
simplement de pratiquer des actes de justice, mais aussi et surtout de
participer à l'oeuvre de Dieu dans le monde. Puisque Dieu a libéré son peuple
d'Egypte, il revient à ce dernier de faire connaître tout ce que YHWH a fait.
L'enseignement des merveilles de Dieu est la condition du renouvellement de
l'alliance d'une génération à l'autre : le but de l'éducation, c'est
d'instituer un rapport entre l'homme et la sainteté de Dieu, afin de faire
comprendre à l'homme pécheur qu'il n'est vraiment libre, vraiment autonome,
que parce qu'il est soumis à son créateur.
La situation de l'homme
Dans la connaissance de l'alliance avec Dieu, l'homme ne cesse de se reconnaître pécheur, devant la sainteté absolue de Dieu. Devant les choses de ce monde, le fidèle fait l'expérience de l'échec chaque fois qu'il ne reconnaît pas l'ordre voulu par le Seigneur dans sa création. De même, dans ses relations avec les autres hommes, il fait l'expérience de sa culpabilité, de son indignité en face des autres, en face surtout de l'Autre qu'est Dieu. L'homme est un être créé par Dieu, et en tant que tel, il est dépendant de lui. Seulement, ainsi que le montrent les récits bibliques relatifs à la création, Dieu l'a établi souverain dans l'ordre du monde. Ainsi l'homme dépend de son Seigneur, tout en jouissant de la possibilité de prendre ses distances par rapport à lui, en exerçant son propre pouvoir sur le monde. La grandeur du Dieu de la Bible, c'est d'avoir créé un être tel qu'il pouvait le remettre en question, le contester et même le nier (cette négation étant la forme suprême du péché) ; mais aussi, après avoir contesté et même nié Dieu, l'homme est capable de le reconnaître comme celui qui fonde son autonomie, sa liberté. Le rapport de l'homme à Dieu ne se situe pas au plan d'une dépendance infantile, dans une sorte d'innocence qui ne poserait aucun problème : la nature même de l'homme, c'est de ne pas être innocent.
A l'origine, dans la période des commencements absolus, Dieu
fit le monde et tout ce qu'il contient, et il vit que cela été bon. Puis, il
créa l'homme et la femme "à son image et à sa ressemblance" en leur
laissant la domination totale du monde sur lequel il les établit maîtres et
seigneurs. Le récit biblique ne dit rien de la condition ontologique de cet
homme, le premier dont le nom même indique sa domination sur la terre (Adam
signifie simplement le "terreux") ; il ne décrit pas davantage
la vie quotidienne de ces premiers ancêtres de l'humanité. Il semblerait même
que la chute soit un instant synchronique de la création. Le temps ne s'écoule
pas entre la naissance de l'homme et le moment de sa déchéance. Son innocence
originelle était en harmonie avec les lois naturelles que Dieu avait établies
sur le monde. L'homme ne faisait qu'un avec la nature comme il ne faisait
vraisemblablement qu'un avec Dieu : il ne se distinguait alors en rien de
la pierre, de la plante, de l'animal qui vivent en accomplissant parfaitement
leur nature. Mais l'homme à l'état de nature ressemble à l'enfant avant
l'éveil de la raison : il n'a pas conscience de lui-même. Et c'est en
prenant conscience de lui-même qu'il se sépare de Dieu : c'est la
connaissance qui rend l'homme mauvais et non pas le fait de manger le fruit de
tel ou tel arbre. En découvrant qui il est, l'homme se sépare de Dieu, et cela
constitue une chute, mais, dans le même temps il se découvre une
responsabilité dans le monde. Le récit de la Genèse présente deux
conséquences directes de la faute : le travail et la mort, avec leur
caractère commun de pénibilité. Il faudrait aussi mentionner l'enfantement
dans la douleur qui revient à celle qui a été l'occasion de la scission
d'avec Dieu. Dans le texte même, le travail et la mort sont présentées comme
des conséquences de la transgression de la volonté divine, comme une sorte de
châtiment venant à la suite de la sanction de Dieu. Ainsi, le travail est
présenté comme quelque chose qui aurait dû ne pas avoir lieu ; mais, en
même temps, il est possible de considérer le travail comme un privilège de
l'homme : il marque la supériorité de l'homme qui parvient à la
connaissance de soi.
L'homme, dans son innocence primitive, pouvait sans doute trouver dans la nature de quoi satisfaire ses besoins élémentaires ; mais celui qui se sédentarise a des besoins qui se multiplient à l'infini : et c'est par le travail qu'il trouve la satisfaction de ses besoins qui ne sont plus simplement naturels. De la sorte, le récit de la Genèse arrive à présenter les deux aspects du travail qui est pénible en raison de la chute initiale, mais qui permet aussi le plein épanouissement de l'homme.
L'homme cesse d'être innocent, mais sa grandeur de créature lui vient de sa capacité de contester le Dieu qui l'a créé. Un apologue biblique représente Dieu enseignant les anges et Israël. Dans cette école divine, les anges (intelligences sans défaillance mais sans malice) demandent à Israël, placé au premier rang, le sens de la parole divine. Ce récit montre que l'existence humaine, malgré son infériorité, est le seul lieu où la parole divine peut devenir signifiante : la parole de Dieu prend du sens quand l'homme l'entend.
Ainsi, l'homme, dans la pensée biblique, est créé à l'image et à la ressemblance de Dieu. Plus qu'un partenaire de l'alliance, il apparaît presque comme un Dieu, en tout cas comme le couronnement de la création. Par son élection, Israël, qui est le représentant de toute l'humanité, est invité à s'identifier dans le monde à ce que Dieu peut être pour l'ensemble de l'univers. Dieu, qui est transcendant, séparé du monde, le pénètre par son acte créateur ; Israël, qui est aussi mis à part au milieu des nations, témoigne de sa fidélité à l'alliance en essayant de vivre selon la volonté divine. Mis à part des nations, Israël devient responsable des autres : et il connaît toutes les situations de la condition humaine dont il fait souvent la triste expérience. Ainsi le particularisme de ce peuple s'exprime comme la condition de son universalité : le rapport de l'homme avec son Dieu passe nécessairement par la médiation des autres hommes. Aussi la religion biblique apparaît facilement comme une éthique dans laquelle la relation avec les autres, avec le prochain, est une dimension religieuse : le rapport à autrui place l'homme dans sa relation avec Dieu. La connaissance de YHWH n'est jamais donnée que sous la forme d'un ordre à exécuter. Quand Dieu affirme : "Je suis miséricordieux", cela veut dire : "soyez miséricordieux, comme je l'ai été moi-même pour vous". Connaître YHWH, c'est apprendre à découvrir et à mettre en oeuvre sa volonté ; et c'est parce que l'homme peut pratiquer la justice envers les autres qu'il peut concevoir son rapport avec Dieu : la voie qui mène à YHWH passe nécessairement par les autres hommes. Et s'il est un verset qui résume toute la Bible, c'est celui-ci : Tu aimeras ton prochain comme toi-même.
La loi ne se présente alors pas comme un joug qui serait imposé au peuple, elle est l'objet dont le fidèle a toujours soif : la sainteté de Dieu est le modèle que doit atteindre l'homme. Toute la Torah ne cesse de reprendre l'impératif catégorique : Soyez saints ! qui exprime le désir de salut de YHWH pour le peuple avec qui il a conclu une alliance. Pour le fidèle, la sainteté ne peut être atteinte que par la pratique des commandements, qui traduisent dans le monde la volonté d'amour de YHWH. Ainsi la Loi n'est pas contraignante, car c'est par elle, comme signe de l'alliance, que Dieu lui-même parvient à s'insérer dans l'histoire, et c'est aussi par elle que l'homme peut accéder à la satisfaction entière de devenir de plus en plus "à l'image et à la ressemblance de Dieu". Ainsi, le psalmiste peut-il chanter :
La loi du Seigneur est parfaite, elle rend la vie ;
la charte du Seigneur est sûre, elle rend sage le simple.
Les préceptes du Seigneur sont droits,
ils rendent joyeux le coeur ;
le commandement du Seigneur est limpide, il rend clairvoyant. (Ps. 19, 8-9)
Toutes les affirmations de la Bible conduisent Israël à se considérer comme séparé du monde, même s'il reste profondément présent dans le monde. En sauvegardant son originalité au milieu des nations qui l'entourent, il doit répandre le message d'amour et d'appel à la sainteté pour tous les hommes de manière à rendre universelle l'alliance que Dieu a conclue avec son peuple. Toute la pensée biblique est traversée par ce souci majeur d'Israël de faire connaître à toutes les nations la révélation que YHWH a fait de lui-même en s'engageant, lui, l'éternel et le transcendant, dans le temps de l'histoire et dans la réalité humaine, en se donnant à connaître à son peuple, par l'intermédiaire d'hommes particuliers qu'il s'est choisis et qui ont marqué le destin d'Israël.
La formation du Nouveau Testament
A une époque où les hommes savants consignaient déjà par
écrit le message qu'ils voulaient transmettre aux générations ultérieures,
Jésus, le prophète galiléen, n'a rien écrit : il s'est contenté de
parler et de proclamer que le Royaume de Dieu était arrivé. Une telle
proclamation, entendue par les foules du pays de Palestine, signifiait, pour
elles, que la fin des temps était arrivée et que l'histoire allait connaître
son plein achèvement. L'enthousiasme des foules devait être grand à l'écoute
d'un tel message qui répondait à l'attente plus que millénaire du peuple
juif ; mais les chefs religieux et les responsables du peuple ne
partageaient pas cet enthousiasme : si Jésus de Nazareth était le Messie
attendu, il ne répondait absolument pas aux critères messianiques énoncés
par les prophètes. Les responsables religieux demeuraient sceptiques... et la
suite des événements semble leur donner raison : Jésus est arrêté, sur
une dénonciation de l'un de ses proches, traduit devant le tribunal religieux,
qui le condamne pour des motifs religieux, et qui le renvoie devant le tribunal
de droit commun dirigé par le gouverneur romain, Pilate, qui le condamnera à
mort, pour tentative de sédition dans le peuple. La grande épopée messianique
de Jésus s'achève sur la croix des suppliciés, la veille de la fête juive de
la Pâque... Le message de Jésus semble donc voué à l'oubli, d'autant plus
que ses disciples se sont enfuis et dispersés. Tout était rentré dans
l'ordre, en quelques jours... et pourtant, cinquante jours après la mort de
Jésus, les disciples de ce crucifié se manifestent à nouveau et se mettent à
proclamer que celui que les chefs religieux avaient livré aux mains des
exécuteurs romains est ressuscité, qu'il est de nouveau vivant, et ceux qui
avaient suivi Jésus sur les routes de Palestine et qui avaient vécu avec lui
pendant toute sa prédication se mettent à leur tour à proclamer la Bonne
Nouvelle qu'il avait d'abord adressé au peuple juif : ils sont décidés
à vivre selon l'Esprit de Jésus qui les anime. Pas plus que Jésus, les
disciples immédiats de celui-ci ne livrent leur message par des écrits. Au
jour de la Pentecôte, Pierre, au nom des apôtres, prend la parole pour
exprimer le don de l'Esprit de Dieu et pour affirmer la résurrection de ce
Jésus qui a été fait Seigneur et Christ par la puissance de Dieu. Et son
discours n'est finalement qu'une suite de citations de ce que les chrétiens
vont bientôt appeler l'Ancien Testament : Pierre, pas plus que les
premiers chrétiens, ne peuvent se passer de la Bible, de l'Ecriture Sainte,
transmise par des générations de membres du peuple juif. C'est à la lumière
de la Bible hébraïque que les apôtres vont commencer par justifier la
mission, la vie et l'oeuvre de ce Jésus de Nazareth avec lequel ils avaient
cheminé pendant quelques années sur les routes de Palestine. La prédication
apostolique, enracinée dans la longue tradition biblique, va donc présenter
Jésus comme celui qui porte à leur achèvement toutes les données
scripturaires : les discours du livre des Actes des Apôtres ne feront rien
d'autre que cette démonstration... Mais les lecteurs du vingtième siècle sont
parfois bien embarrassés devant une telle pratique ; ils finissent par
découvrir dans ce qu'ils appellent l'Ancien Testament le programme de l'action
de Jésus, comme si celui-ci n'avait eu qu'à exécuter un plan prévu depuis
longtemps, sans pouvoir exercer sa propre liberté. La prédication apostolique
essayait de comprendre l'oeuvre de Jésus par l'Ecriture, alors que le lecteur
du vingtième siècle effectue la démarche inverse : il essaye de
justifier toute l'Ecriture par l'oeuvre de Jésus, ce qui entraîne une sorte de
déterminisme total pour la vie de Jésus. Quand un évangéliste rapporte dans
son texte une phrase telle que il fallait que l'Ecriture s'accomplisse, il ne
veut pas dire que la vie de Jésus était entièrement programmée par Dieu,
mais il veut simplement interpréter son oeuvre à la lumière des Ecritures.
La Bible des chrétiens
Plus qu'un livre unique, la Bible est une véritable bibliothèque : ce terme, féminin singulier dans la langue française, vient d'un pluriel grec (ta biblia, les livres) qui désignait les livres saints. Le christianisme a distingué deux grandes parties dans la Bible : l'Ancien Testament et le Nouveau Testament. Mais ce terme de 'testament' n'a pas immédiatement le sens d'une disposition écrite relative à la partition des biens de quelqu'un entre ses héritiers, après sa mort. Ce terme comporte, dans son acception latine de testamentum la notion hébraïque de Berith, d'alliance, d'accord passé entre Dieu et les hommes. Mais le judaïsme refuse cette distinction entre deux testaments, ne cessant de reconnaître en Moïse, par qui s'est effectuée l'alliance éternelle entre Dieu et son peuple...
Les
livres du Nouveau Testament ont été écrits bien après la mort et la
résurrection du Christ, bien après que ses premiers disciples aient également
commencé leur prédication. Deux faits historiques marquent les débuts de
l'Eglise, d'une part la mort de Jésus, et d'autre part la proclamation de la
Bonne Nouvelle par ses disciples. Toutefois, le lien entre ces deux événements
repérables historiquement ne relève pas de l'histoire, mais de la foi :
les disciples découvrent que cet homme Jésus, qui a été crucifié sous
Ponce-Pilate, ne cesse de traverser leur existence, qu'il est ressuscité, et
que, par son Esprit, il leur donne de devenir les témoins de sa résurrection.
Les écrits de Nouveau Testament vont alors proposer la foi de ces disciples qui
proclament une 'bonne nouvelle', un 'évangile' (translitération d'un terme
grec signifiant : bonne nouvelle) qui a traversé leur vie particulière.
Mais de l'annonce orale à la rédaction écrite, un temps assez long s'est
écoulé, celui de la naissance et de la vie de l'Eglise primitive. Avant toute
rédaction, il y a la vie de l'Eglise : c'est elle qui a donné le jour aux
écrits néotestamentaires, en méditant chaque jour les actions et les paroles
de ce Jésus de Nazareth. Désormais, il n'est plus possible d'atteindre Jésus
directement, il faut sans cesse passer par le témoignage de l'Eglise primitive
et de sa foi qui, pendant une cinquantaine d'années, a mené une existence de
prédication orale avant de consigner par écrit son expérience propre de la
vie de Jésus, mort et ressuscité.
Quand des chrétiens abordent la lecture des écrits du Nouveau testament, ils doivent donc se libérer préalablement d'une conception qui ferait de ces textes une sorte de reportage au jour le jour sur la vie de Jésus. L'évangile que les apôtres prêchaient n'était pas un livre, mais plutôt un témoignage qu'ils rendaient quotidiennement à la manière dont Jésus lui-même avait vécu. Aussi les apôtres ont-ils été rapidement amenés à relire leur expérience de vie avec le prophète galiléen à la lumière des événements qu'ils traversaient eux-mêmes dans leur histoire. Ainsi l'entrée des païens dans l'Eglise primitive a posé une sérieuse question aux apôtres : Jésus n'avait-il pas recommandé de ne pas se rendre chez les païens, mais auprès des brebis perdues de la maison d'Israël ? Or, le livre des actes des Apôtres manifeste que rapidement les premiers disciples sont conduits à dépasser la parole même de leur maître et à ouvrir les portes de l'Eglise à des individus qui n'étaient pas juifs. L'évangélisation auprès des païens était la condition sans laquelle il n'était pas possible de proclamer la Bonne Nouvelle dans l'ensemble du monde connu, et particulièrement à Rome : si la capitale de l'empire pouvait recevoir cette Bonne Nouvelle, l'ensemble de monde la recevrait. La question de l'entrée des croyants non-juifs fut réglée par le 'concile de Jérusalem' et Paul fut chargé de mission auprès des nations païennes. C'est sans doute par le récit des aventures de la primitive Eglise qu'il conviendrait de commencer la lecture du Nouveau Testament. Ecrivant vers les années 80, Luc retrace, en quelque sorte, le journal de l'Eglise pendant les trente premières années de son existence, montrant à quels problèmes les disciples de Jésus se trouvent affrontés, comment ils reçurent le nom de chrétiens, quelles tribulations ils durent subir pour étendre le message de l'Evangile jusqu'aux extrémités du monde. Mais, même s'il faut commencer par ce récit, il ne convient pas d'oublier que les Actes des Apôtres constituent le second livre de Luc : son évangile retrace la vie de Jésus jusqu'au jour de sa résurrection, alors que les Actes ouvrent le temps de l'Eglise. Mais la prédication apostolique concerne essentiellement la personne de Jésus, sa vie et sa mission de salut pour le monde.
Et
précisément, ce Jésus n'a rien écrit. Ses disciples se sont contentés de
l'écouter comme un prophète, et même plus qu'un prophète, puisque, après sa
résurrection, ses disciples ont acquis la conviction qu'il était lui-même la
Parole que Dieu adressait aux hommes. Et pour comprendre cette Parole
définitive de Dieu, ils ont eu recours aux Ecritures Saintes du peuple juif,
dans lesquelles ils ont en quelque sorte glané les extraits qui leur semblaient
s'appliquer le plus directement à Jésus. Les spécialistes des origines du
christianisme sont souvent tentés de reconstituer ce que devait être la
première Bible des chrétiens : certains textes vétéro-testamentaires
annoncent et préfigurent le message de Jésus. Ce sont principalement des
textes prophétiques qui situent un nouvel Israël, héritier des promesses
divines alors que l'Ancien les avait délaissées (une première théologie de
l'Eglise peut ainsi voir le jour), des textes qui présentent la perspective du
salut à la fin des temps et qui se sont accomplis dans la résurrection de
Jésus (c'est la naissance de l'eschatologie chrétienne, centrée sur le rôle
prééminent du Christ dans la rédemption du monde), des textes messianiques
qui présentent le Juste comme celui qui souffre à cause du péché de son
peuple (et c'est la christologie chrétienne qui prend le relais du messianisme
juif). La Bible des premiers chrétiens était donc une collection de morceaux
choisis de l'Ancien Testament. Mais, dans le même temps, la prédication
apostolique annonçait Jésus de Nazareth, cet homme que Dieu avait accrédité,
en le dotant de pouvoirs extraordinaires, cet homme que les siens avaient fini
par livrer à la mort, mais que Dieu avait ressuscité. Des récits concernant
Jésus, son enseignement, ses miracles, se sont ainsi formés
progressivement ; et le but de ces récits était toujours de susciter un
désir chez les auditeurs, celui de mieux connaître cet homme hors du commun.
Mais, parmi les auditeurs de la prédication apostolique, certains s'en
prenaient directement à la nouvelle secte qui se constituait ; et pour
justifier les polémiques qui opposaient les disciples aux membres les plus
influents du judaïsme, les apôtres rapportaient également les différentes
controverses que Jésus lui-même avait pu avoir avec ses adversaires.
Les principaux éléments des récits évangéliques se sont ainsi constitués progressivement au cours des premières prédications, au milieu des foules, juives ou païennes.
Les
hommes, qui entendaient cette prédication, se convertissaient et se
regroupaient en communautés, principalement dans les grandes villes que
visitaient les différents apôtres, accompagnés de leurs disciples. Il fallait
rester en lien avec ces différentes communautés pour les aider dans leur
découverte du Christ et pour les orienter dans leur vie chrétienne : les
apôtres, et principalement Paul, leur écrivent des lettres afin de les
soutenir et de les conforter dans leur foi naissante. Les lettres de Paul sont
les premiers écrits du Nouveau Testament, puisque Paul est mort avant que le
premier évangéliste, Marc, n'ait écrit son évangile. Dans ses lettres, Paul
souligne généralement un aspect de la foi chrétienne qui lui paraît
essentiel et que les chrétiens ont tendance à oublier, puis il tire les
conséquences concrètes que la foi en Jésus Christ peut avoir dans la vie
quotidienne, avant de donner de ses propres nouvelles aux communautés qu'il a
lui-même fondées. Mais Paul n'est pas le seul apôtre à expédier des
lettres : Jacques, chef de la communauté de Jérusalem, Pierre et Jude
envoient aussi des lettres aux communautés...
Mais déjà les apôtres commencent à disparaître : Jacques a été lapidé à Jérusalem, Pierre et Paul ont connu le martyre au nom du Seigneur Jésus. Il ne faudrait pas que l'enseignement des apôtres soit définitivement perdu après leur disparition : il faut garder ce que les chrétiens savent de Jésus, toutes les traditions qui circulent à son propos, soit oralement, soit sous forme de petits billets relatant tel ou tel récit. Quatre auteurs vont donc travailler à partir des données qui avaient pris des formes diverses selon les communautés : ils recueillent et mettent par écrit, selon une perspective théologique ou historique qui leur est particulière, les enseignements transmis à propos de Jésus. L'Evangile, qui était une Bonne Nouvelle proclamée aux hommes, va se fixer rapidement en des 'évangiles' des textes issus des communautés chrétiennes, des textes qui répondront aux besoins principaux des communautés chrétiennes dans lesquelles ils ont été élaborés.
L'Evangile traversera les siècles en quatre petits livrets. Trois sont relativement similaires : ils sont dits 'synoptiques', du nom d'un ouvrage paru à la fin du dix-huitième siècle 'la Synopse' qui permet la lecture simultanée des évangiles de Matthieu, Marc et Luc, sur trois colonnes parallèles. Le quatrième évangile, celui de Jean, présente des originalités qui le mettent à part des autres et qui le situent dans une ''école johannique' qui a permis de classer dans le Nouveau testament des lettres attribuées à Jean, ainsi qu'un texte apocalyptique, qui clôt le canon néotestamentaire.
Le canon du Nouveau Testament
Dans la littérature chrétienne, vingt-sept livres occupent une place privilégiée, car ils constituent, en quelque sorte la norme de la foi reçue des apôtres : ces livres forment le Nouveau Testament. Ils ont tous été écrits en grec : le plus ancien manuscrit complet dont dispose le christianisme a été découvert dans le monastère sainte Catherine sur le mont Sinaï, en 1859. Il porte le nom de 'Sinaïticus'. Mais il existe de très nombreux manuscrits plus ou moins complets : à force d'être recopiés à la main, ces textes ont subi des modifications ou des altérations, certaines n'ayant trait qu'à la grammaire grecque, d'autres affectant le sens profond lui-même. Les traducteurs contemporains ne privilégient pas un texte aux dépends d'un autre, mais essayent d'établir leur texte en tenant compte des différentes leçons dont ils disposent à travers les différents manuscrits : le but idéal de la critique textuelle est de reconstituer, à partir de tous ces éléments, un texte qui se rapproche le plus possible du texte originel, tout en sachant qu'il sera impossible de remonter jusqu'à l'original lui-même.
Le Nouveau Testament comprend quatre évangiles, les Actes des apôtres, treize lettres attribuées à Paul, trois à Jean, deux à Pierre, une à Jacques, une à Jude, une lettre aux Hébreux, et l'Apocalypse.
Pour les premières générations chrétiennes, les deux pôles de l'autorité dans le domaine de la foi étaient l'Ancien Testament, compris comme la révélation de Dieu qui devait conduire à Jésus, et l'enseignement du Seigneur Jésus, tel qu'il était rapporté par les apôtres. Cet enseignement était d'abord oral, avant d'être codifié par des écrits, quand les chrétiens constatèrent qu'avec la disparition des apôtres cet enseignement oral direct allait disparaître lui aussi. Le premier recueil écrit, utilisé dans les rassemblements liturgiques, fut l'ensemble des lettres de Paul, qui ne prétendaient nullement se substituer à l'Ancien Testament, ni même constituer une sorte de supplément à l'Ecriture sainte hébraïque. Dès le début du deuxième siècle, des auteurs chrétiens laissent entendre qu'ils connaissent la totalité des écrits pauliniens, signe que ceux-ci sont conservés précieusement et diffusés dans toutes les églises locales. Vers le milieu de ce même deuxième siècle, des témoignages certifient l'existence d'un recueil collectionnant les récits évangéliques. C'est à partir de 150 que commence une période importante pour la formation du canon - c'est-à-dire de la règle de foi - du Nouveau Testament. Dans un texte qui présente le déroulement d'une célébration eucharistique, Justin de Rome, qui s'adresse à des hommes qui ne partagent pas la foi chrétienne, explique les principes fondamentaux de la foi et souligne particulièrement :
Le jour dit du soleil, tous ceux des nôtres qui habitent dans les villes ou les champs s'assemblent en un même lieu : on lit les mémoires des apôtres et les écrits des prophètes, autant que le temps le permet... Car les apôtres, dans les mémoires qui sont d'eux et que l'on appelle : Evangiles, nous ont rapporté ce que Jésus leur avait prescrit...
Justin
est le premier à signaler que les chrétiens, réunis pour l'assemblée
dominicale, lisent les évangiles, qui sont considérés comme les oeuvres des
apôtres ; il est le premier à signaler que les chrétiens attribuent à
ces écrits une autorité semblable à celle des écrits de l'Ancien Testament,
puisqu'ils sont mis sur le même plan que 'les écrits des prophètes'.
L'autorité de ces textes évangéliques ne vient pas du fait qu'on les attribue
aux apôtres ou à des disciples très proches des apôtres, mais au fait qu'ils
retracent la vie du Seigneur Jésus, selon la tradition reçue oralement. Mais
les écrits biographiques concernant Jésus proliférèrent rapidement ;
leur contenu relevait parfois de la plus haute fantaisie... C'est la raison pour
laquelle, dès le milieu de ce même deuxième siècle, le besoin d'une norme
officiellement reconnue se fit ressentir dans toute l'Eglise. Et celle-ci
s'orienta vers la collection des quatre évangiles qui s'étaient imposés en
raison surtout du témoignage qu'ils rendaient unanimement au Christ Jésus,
Seigneur. Ces quatre évangiles, mais aussi les autres textes du Nouveau
testament, qui furent considérés comme exprimant la véritable foi catholique,
constituèrent le 'canon' des Ecritures chrétiennes et jouirent ainsi de la
vénération des fidèles et des copistes. Ceux-ci les maintinrent aussi
scrupuleusement qu'il leur était possible dans l'état reçu, jusqu'à
l'époque de l'invention de l'imprimerie. Mais les autres écrits, qui
remontaient également à l'époque la plus ancienne et qui ne furent pas
reconnus comme établissant la règle de foi, furent écartés plus ou moins
rapidement, selon qu'ils bénéficiaient de l'estime générale ou non. En tout
cas, ils furent interdits de lecture publique lors des assemblées dominicales.
On les appela 'apocryphes', c'est-à-dire cachés, parce qu'ils véhiculaient
des idées et des doctrines qui étaient considérées comme étrangères à
l'ensemble de l'Eglise, même si, pour certains d'entre eux, la lecture en
était recommandée en privé, pour le bien spirituel des croyants. En règle
générale, les ouvrages apocryphes du Nouveau Testament sont des compositions
postérieures aux écrits canoniques, dont ils ne sont que des imitations.
A la fin du deuxième siècle, un ensemble de textes néotestamentaires étaient donc déjà considérés comme Ecriture Sainte, au même titre que l'Ancien Testament, même s'il fallut encore attendre deux siècles pour avoir une recension complète des différents écrits composants le Nouveau Testament, eu égard aux hésitations sur la lettre aux Hébreux, l'Apocalypse, les lettres de Jacques et de Jude, la seconde lettre de Pierre, et les deuxième et troisième lettre de Jean. En 367, Athanase énumère les vingt-sept livres composant le canon scripturaire de l'Eglise chrétienne sans qu'il soit possible pourtant de savoir si ce nombre était universellement admis. Pourtant, en 397, un concile réuni à Carthage confirmera ce nombre.
Le contenu des écrits du Nouveau testament
L'Evangile, c'est d'abord, selon l'étymologie même de ce terme, une Bonne Nouvelle. Et cette Nouvelle, c'est que le salut de Dieu est offert à tous les hommes en Jésus-Christ. Cette annonce de Jésus, Christ et Sauveur, s'est faite primitivement par une tradition orale, puis elle s'est fixée dans les écrits évangéliques attribués à différents rédacteurs. Chacun de ses rédacteurs a essayé d'exprimer sa relation et la relation de la communauté chrétienne dans laquelle il vivait avec ce Christ Seigneur. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les auteurs évangéliques ont recueilli les traditions orales relatives à la vie de Jésus, à sa mort et à sa résurrection, traditions qui étaient véhiculées dans les différentes communautés fondées par l'un ou l'autre apôtre, traditions qui s'exprimaient dans le culte liturgique, dans la prédication, dans la catéchèse... Certains récits étaient déjà, semble-t-il, bien constitués avant que les évangélistes ne commencent leur travail de recension, ainsi les textes relatifs à la dernière semaine de Jésus avant sa passion et sa Résurrection. Les évangélistes ont travaillé à partir des différentes données dont Ils disposaient, afin d'annoncer aussi aux générations chrétiennes, qui n'auraient pas connu les apôtres directement, la Bonne Nouvelle du salut apporté en Jésus-Christ. Chaque évangéliste a pour idéal le désir de répondre à la question de tout homme qui entend parler de Jésus et qui se demande : mais quel est donc cet homme ?
L'auteur
du premier évangile complètement rédigé, tel qu'il est passé dans la
tradition de l'Eglise, est Marc. Celui-ci s'efface complètement devant le
message qu'il veut transmettre. Grâce à la tradition, on suppose qu'il s'agit
du Marc, dont parlent les Actes des Apôtres, et chez qui les premiers
chrétiens se réunissaient à Jérusalem. II était le cousin de Barnabé,
lequel lui fit connaître Paul, dont Jean, surnommé Marc, devint le disciple,
l'accompagnant dans ses voyages à Chypre, à Antioche et dans plusieurs villes
de l'Asie Mineure. Mais, après une brouille, Marc quitta Paul pour retourner à
Jérusalem. Plus tard, lorsque Paul sera en prison, Marc et Paul se
réconcilièrent. Mais Marc fut aussi un des intimes de Pierre qui l'appelle son
propre fils. Marc a donc, très tôt, participé à l'évangélisation, dans le
sillage des plus grands apôtres qu'il accompagnait lors de leurs déplacements.
Il les écoutait prêcher et gardait fidèlement leur enseignement. Cela devait
lui permettre de savoir ce dont il parlait en écrivant son propre évangile. La
tradition patristique, avec Papias, évêque de Hiéropolis, aux environs de
140, présente Marc comme l'interprète de Pierre. Et Irénée de Lyon précise
que cet évangile a été écrit à Rome, d'après le témoignage de Pierre,
mais après la mort de cet apôtre, c'est-à-dire après l'an 64. L'évangile
selon Marc est marqué par la situation de l'Eglise romaine après la
persécution de Néron, et c'est la raison pour laquelle le théologien Marc
n'hésite pas à faire proclamer par un centurion romain l'identité même de
Jésus, qui était demeurée caché tout au long de sa vie terrestre ; au
pied de la croix, le centurion, témoin de la mort de Jésus, affirme :
Vraiment, cet homme était Fils de Dieu (Mc. 15, 40).
La communauté chrétienne à Rome était essentiellement composée d'anciens païens, et l'on comprend l'importance que Marc accorde à l'évangélisation des païens, se situant ainsi d'emblée beaucoup plus dans le sillage de Paul que des autres apôtres, encore fortement enracinés dans leurs traditions juives. Toute la pensée théologique de Marc est exprimée dans la première phrase de son oeuvre : Commencement de l'Evangile de Jésus Christ, Fils de Dieu.
Tout le drame, qui sera celui de l'existence de Jésus se résume dans cette phrase ; car Jésus est bien le Christ, c'est-à-dire le Messie, mais il n'apparaît pas comme celui que les juifs attendaient, et ce même Jésus est aussi le Fils de Dieu, scandale pour les juifs et folie pour les païens. Mais c'est pourtant sur le nom de Jésus que tous les hommes doivent décider du sens de leur existence. En se situant dans le présent qui est celui de la communauté romaine, Marc se tourne vers le passé pour signifier le 'commencement' de l'évangélisation, mais un commencement qui doit se poursuivre sans cesse dans la vie des communautés chrétiennes répandues à travers le monde.
L'évangile
selon Matthieu, qui occupe la première place dans les livres du Nouveau
testament, aurait été écrit vers les années 80, probablement en Syrie. On ne
connaît pas avec certitude la personnalité de Matthieu : il semble qu'il
existait, dans l'antiquité une certaine reconnaissance qui liait
l'évangéliste à l'apôtre Matthieu. Disciple de Jésus, mais bien enraciné
dans son judaïsme originaire, Matthieu s'adresse donc d'abord à des
communautés chrétiennes venues du judaïsme ; aussi est-il
l'évangéliste qui est le plus documenté sur les traditions, les lois et
coutumes juives, dont il n'éprouve absolument pas le besoin de justifier
l'existence (puisque ceux à qui il s'adressait les connaissaient). Mais il est
aussi celui qui permet d'affirmer que la Loi de Moïse a trouvé son
accomplissement dans la personne même de Jésus : il invite donc les
communautés d'origine juive à se renouveler, en écartant les prescriptions
trop légalistes, issues des milieux pharisiens, pour permettre l'accès des
païens à la Bonne Nouvelle. Dès le deuxième siècle, cet évangile selon
Matthieu est considéré comme l'évangile de l'Eglise, qui a mené à son
parfait accomplissement le peuple d'Israël : l'Eglise n'est pas un nouvel
Israël, elle est le véritable Israël, le véritable peuple de Dieu. Mais
cette Eglise ne peut pas encore s'identifier au Royaume de Dieu, que Jésus
lui-même prêchait : elle est provisoire, c'est dire qu'elle est appelée
à disparaître quand s'installera le Royaume.
Le
troisième évangile, celui de Luc, est le premier volet d'un diptyque, l'autre
volet se présentant dans le livre des Actes des Apôtres. Luc était également
un compagnon de Paul. Originaire d'Antioche en Syrie, c'était un homme très
cultivé, connaissant à la perfection toutes les subtilités de la langue
grecque de son époque. Il écrit son évangile vers les années 80 également
mais il ne s'adresse pas à des juifs convertis, mais à des chrétiens venus du
paganisme. Sans doute était-il lui-même d'origine païenne et a-t-il été
converti lors du passage de Paul et de Barnabé à Antioche. Il n'a pas connu
personnellement Jésus de Nazareth ; mais il est soucieux de voir les
chrétiens mettre en oeuvre la parole même de ce Jésus. Plus que les autres
évangélistes, il s'attarde sur les manifestations de la tendresse et de la
miséricorde de Dieu, telles qu'elles ont pu être découvertes dans la personne
de Jésus.
Dans la présentation de son oeuvre, Luc veut faire oeuvre d'historien, même si l'histoire qu'il va présenter est une histoire sainte qui ne peut se comprendre entièrement que dans la foi. En effet, le propos de Luc est de montrer la signification que peuvent avoir les événements de la vie de Jésus pour la foi chrétienne, de même que dans son second livre, tout en faisant oeuvre d'historien des premières communautés chrétiennes, il soulignera comment la foi pascale des disciples peut éclairer toutes les entreprises de la vie quotidienne de l'Eglise affrontée au monde.
La
tradition ou école johannique rassemble toute une communauté de disciples qui
prêchaient en se rattachant au témoignage de l'apôtre, qui était considéré
comme le garant de leur parole. Pour répondre aux besoins des premiers
chrétiens, le témoignage de Jean s'est moulé dans des structures tantôt
catéchétiques, tantôt liturgiques, tantôt polémiques, mais toujours avec le
souci de faire apparaître l'actualité de la vie et des paroles de Jésus. De
cet enseignement oral sont nés des matériaux écrits plus ou moins élaborés.
Un disciple les a recueillis et disposés dans un ensemble structuré. Ainsi la
plupart des spécialistes finissent par se mettre d'accord sur l'identité de
l'auteur du quatrième évangile : Jean, le fils de Zébédée, 'le
disciple que Jésus aimait' serait bien la source de cet évangile, mais il ne
l'aurait pas rédigé lui-même. Comment, en effet, pourrait-on expliquer qu'un
simple pêcheur galiléen, sans instruction particulière, ait pu écrire un
texte aussi élaboré, aussi adapté à la pensée de son auditoire de culture
hellénique ? Cet évangile aurait été mis en forme dans les années
90-100, et plus que les autres, il se présente comme une méditation des
paroles et des gestes de Jésus : plutôt que de retenir une multiplicité
de faits, l'auteur a préféré en retenir un très petit nombre qu'il va
exploiter au maximum pour manifester la progression qui existe dans la vie de
Jésus jusqu'à l'heure qui sera la sienne, celle de son exaltation dans la
gloire, mais aussi dans l'humiliation et la détresse de la croix. On pense
généralement que la communauté dans laquelle cet évangile est la communauté
d'Ephèse, qui rassemblait des juifs et des païens et dans laquelle se
côtoyaient les cultures grecques et juives. Le rédacteur de ce quatrième
évangile connaît très bien la géographie de la Palestine, les lieux où
Jésus a exercé son ministère, et particulièrement Jérusalem, qui apparaît
comme la ville qui refuse Jésus : le Temple, lieu vénérable de la
présence de Dieu au milieu de son peuple, sera détruit pour faire place au
seul vrai Temple de Dieu, le Corps du Christ.
Rédigé par Luc, l'auteur du troisième évangile, le livre des Actes des Apôtres se présente comme une grande fresque sur les origines de l'Eglise, depuis Jérusalem jusqu'à Rome. C'est le premier travail de l'évangélisation apostolique qui se trouve rapporté ; et le but de la prédication des apôtres c'est la conversion des auditeurs au Dieu qui a ressuscité Jésus d'entre les morts. Il ne saurait donc être question d'envisager ce livre que sous son seul aspect historique : sa visée théologique est aussi très importante, elle manifeste que l'oeuvre de Dieu, commencée en Jésus, Christ et Seigneur, ne cesse de se poursuivre dans le quotidien des communautés où la Bonne Nouvelle du salut est annoncée.
Les
treize lettres attribuées à Paul, dans le corpus biblique néo-testamentaire,
sont généralement classées par ordre de grandeur décroissante, les lettres
aux communautés chrétiennes précédant les billets adressés à des
individus : une lettre aux Romains, deux lettres aux Corinthiens, une
lettre aux Galates, une aux Ephésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens,
deux aux Thessaloniciens, et trois lettres pastorales : deux adressées à
Timothée, une à Tite, et un court billet destiné à Philémon. Toutefois,
afin de mieux comprendre la pensée de Paul, il convient de les resituer -
autant qu'il est possible, par les indications contenues dans ces lettres ou
dans les Actes des Apôtres - dans le cadre de l'histoire de l'Eglise du premier
siècle. Les lettres de Paul s'échelonnent de l'année 5l, quelques mois après
le concile de Jérusalem, au moment de sa mort. Durant son séjour à Corinthe,
de l'hiver 50 à l'été 52, il envoie ses deux lettres aux Thessaloniciens.
Pendant son séjour dans la communauté d'Ephèse, qui dura deux ans et trois
mois, il écrivit ses deux lettres aux Corinthiens, sa lettre aux Galates et
sans doute sa lettre aux Philippiens. Revenu dans la communauté de Corinthe
pour l'hiver 57-58, il écrit aux Romains. Et au moment de sa captivité, ou
plus exactement de sa mise en résidence surveillée à Rome, il envoie ses
lettres aux Colossiens, aux Ephésiens, son billet à Philémon, et ses lettres
pastorales à Timothée et à Tite.
Dans ses lettres aux Thessaloniciens, qui sont non seulement les premiers écrits pauliniens, mais aussi les premiers écrits de l'ensemble du Nouveau Testament. Paul vient de quitter une communauté qu'il a lui-même fondée et il veille à manifester les liens qui l'unissent à elle, la joie qui est la sienne de voir les Thessaloniciens répondre avec empressement à la Bonne Nouvelle du salut. Il déploie la foi qu'il a lui-même reçue du Christ et des apôtres pour entretenir ces chrétiens dans l'espérance de la venue prochaine du Royaume : le souci prioritaire de tout chrétien est de veiller dans l'attente du Jour du Seigneur.
Ecrivant aux Thessaloniciens, Paul annonçait dans le même temps l'Evangile dans la ville de Corinthe où il séjourna pendant dix-huit mois et où il fonda également une communauté chrétienne. La ville de Corinthe était une cité où les populations de toutes les races et de toutes les religions se côtoyaient, mais ce qui était le plus frappant, c'était la distinction entre les classes sociales : seule, une minorité disposait de la richesse, tandis que la majorité de la population était constituée de petites gens et d'esclaves méprisés. Le visage de la communauté de Corinthe reflétait également la vie quotidienne de cette cité cosmopolite. La communauté pouvait être vivante et fervente, mais elle n'était pas à l'abri des dangers spirituels et moraux que représentaient les différents courants de pensée et de vie dans cette ville portuaire. Quand Paul quitte Corinthe, afin de poursuivre son activité missionnaire, il reste en lien avec cette communauté, qui ne cesse d'éprouver de la difficulté à vivre de l'Evangile, en se détournant des pratiques de débauche antérieures. Paul, pour faire suite aux nouvelles qu'il reçoit de Corinthe, va être amené à inventer une morale chrétienne, une manière de vivre qui corresponde à l'Evangile qu'il a lui-même annoncé et pour lequel il ne cesse de lutter. A partir des faits concrets qui agitaient l'Eglise de Corinthe, comme le scandale des oppositions entre les riches et les pauvres, comme le scandale des dissensions entre les chrétiens Paul réfléchit et fait réfléchir sur ce qui fait le coeur de la foi chrétienne : Jésus Christ, mort et ressuscité, sur qui les disciples doivent engager leur vie tout entière.
La lettre de Paul aux Galates est une sorte de circulaire qu'il adresse aux différentes communautés chrétiennes de Galatie. Paul s'était arrêté quelque temps dans leur région, en raison d'une maladie grave : les Galates, païens d'origine, l'avaient bien accueilli et soigné, ils avaient même reçu la Parole de l'Evangile avec joie et les dons spirituels n'avaient pas manqué à ces chrétiens. Mais, après le départ de Paul, des prédicateurs chrétiens certes, mais fortement judaïsants, sont venus contrecarrer la prédication de Paul, en rappelant les exigences de la Loi juive. Et les Galates se sont laissés séduire et se sont mis à observer les préceptes de la Loi juive, en particulier la circoncision, sans découvrir le danger qu'ils pouvaient ainsi courir. Car s'il faut ajouter quelque chose - la Loi juive, en l'occurrence avec la pratique particulière de la circoncision - à l'Evangile, c'est que le Christ est incapable de sauver totalement l'homme. L'objet de la lettre de Paul aux chrétiens de Galatie sera donc de leur rappeler que leur baptême a suffi pour leur donner le salut et que les pratiques juives sont définitivement abolies. Pour Paul, l'Evangile qu'il annonce est une Parole libératrice : il n'y a plus de commandement auquel il faut se soumettre, c'est pour que les hommes soient vraiment libres que le Christ les a libérés ; par lui, ils sont devenus une création nouvelle.
Dans sa lettre aux Romains, Paul reprend de manière plus
systématique le message qu'il adressait avec passion aux Galates et il
développe les principales préoccupations de son apostolat. Tout d'abord, il
constate que tous les hommes, qu'ils soient juifs ou qu'ils soient païens, sont
unis dans une même solidarité, qui est celle du péché, mais cette
solidarité en appelle immédiatement une autre : tous les hommes sont
également solidaires dans le salut apporté par Jésus-Christ. Lui seul
apparaît alors comme le Nouvel Adam qui suscite une création nouvelle, par la
foi et par le baptême : la tendresse et la miséricorde de Dieu pour tous
les hommes leur ont valu une surabondance de dons spirituels. Par la mort et la
résurrection du Christ, par le don de l'Esprit à tous les croyants, les hommes
peuvent vivre en communion les uns avec les autres, se découvrant ainsi une
filiation divine : ils peuvent appeler Dieu leur Père. La conséquence
pratique qu'en tire Paul, c'est que les chrétiens doivent vivre véritablement
comme des enfants de Dieu, en offrant toute leur vie dans le même Esprit qui
fait vivre l'Eglise universelle.
Quand il écrit aux Philippiens, Paul indique lui-même qu'il est prisonnier, mais il n'indique pas le lieu de son incarcération. Les Actes des Apôtres ne présentent que deux captivités de Paul, l'une à Césarée, l'autre à Rome, cette dernière n'étant que le prolongement de la première. II semble difficile d'imaginer que Paul ait écrit aux Philippiens de Rome, car, dans le texte même de sa lettre, il laisse supposer de nombreux échanges entre lui et la communauté de Philippes... et la distance qui sépare les deux villes est trop importante pour laisser supposer des échanges très fréquents. D'autre part, dans cette même lettre, Paul ne semble pas croire que l'issue de cette captivité lui sera fatale. Alors, les spécialistes ont émis l'hypothèse d'une autre captivité de Paul, que les Actes n'auraient pas mentionnée, cette captivité se plaçant à Ephèse. De plus, la lettre qu'il adresse aux Philippiens reprend les grands thèmes des lettres du séjour de Paul à Ephèse, et particulièrement sa certitude de savoir que tous les hommes sont sauvés en Jésus-Christ. Mais, si dans sa lettre aux Romains, il développait sa pensée, en s'imposant une discipline littéraire, dans cette lettre à ses chers Philippiens, Paul se livre tout entier en dévoilant la grande amitié qui le lie à cette communauté. Proche d'eux, il l'est, malgré sa captivité, car il vit avec eux dans la communion fraternelle avec le Christ, qui lui assure que son sort ne peut pas être indifférent aux progrès de l'évangélisation.
Pendant les quatre années qui séparent les lettres précédentes des suivantes, Paul se trouve prisonnier - deux ans, à Césarée Maritime, en Palestine, et deux ans en résidence surveillée à Rome -, pendant ces quatre années, il a le temps de réfléchir et d'élargir ses horizons. Il ne renie pas le grand intérêt qu'il porte à la croissance de l'Evangile, mais il va le centrer davantage sur la personne du Christ qui est à l'oeuvre dans la croissance de l'Eglise, par la prédication apostolique. Il en ressent d'autant plus la nécessité absolue qu'il découvre qu'une communauté qu'il n'a pas lui-même fondée, celle de Colosses, est menacée d'hérésie. C'est Epaphras, originaire de Colosses, qui a fondée cette Eglise, et c'est d'après ses informations que Paul va rédiger sa lettre. Paul écrit aux Colossiens depuis sa captivité romaine, vers l'an 63 : malgré les études importantes, faites par les spécialistes, on ne sait pas exactement quel était le risque d'hérésie que pouvait courir cette communauté, sans doute une tentation judaïsante qui finissait par ne plus considérer le Christ que comme un simple maillon entre Dieu et les hommes, une puissance céleste comparable à celle des anges ou des puissances occultes. La tendance théologique paraissait réduire le rôle éminent et particulier de Jésus, Christ, la Sagesse de Dieu incarnée : l'Evangile, prêché par les apôtres, exprime pleinement le mystère de Jésus-Christ en qui Paul découvre la tête, c'est-à-dire le chef de l'Eglise. Et par le travail que les chrétiens effectuent dans ce monde, c'est déjà au Royaume de Dieu qu'ils travaillent.
En envoyant sa lettre aux Colossiens par l'intermédiaire de
Tychique, Paul adresse aussi un court billet à un chrétien de Colosses,
Philémon. Dans cette lettre à Philémon, entièrement écrite de la main de
l'apôtre, Paul exprime, d'une manière nouvelle pour l'époque, la qualité des
relations qui doivent exister entre un maître et un esclaves chrétiens.
Onésime, un des esclaves de Philémon, s'était enfui de chez son maître. La
loi romaine était intransigeante pour de tels fugues : la mort était
souvent le lot de l'esclave, lorsqu'il était retrouvé. Onésime a rencontré
Paul, on ne sait dans quelle circonstance ; mais Paul s'est pris d'amitié
pour lui, et il le renvoie chez son maître, en recommandant à ce dernier de
l'accueillir non plus comme un esclave, mais comme un frère bien-aimé dans le
Christ Jésus.
En écrivant aux Ephésiens, Paul s'adresse collectivement à
l'ensemble des Eglises d'Asie Mineure : il fait découvrir à ces
chrétiens la grandeur du plan de Dieu sur le monde, qui vise à réunir
l'ensemble de l'humanité sous un seul chef, le Christ. Paul qui se présente
comme le prisonnier du Christ, décrit la place que le Seigneur Jésus Christ
occupe dans le projet de Dieu sur l'ensemble de l'humanité : c'est par lui
que peut se faire l'union entre les juifs et les païens dans une même foi au
salut apporté aux hommes par la résurrection du Christ. Paul exhorte alors ces
chrétiens à vivre dans l'unité de l'Eglise, qui se présente comme le Corps
continué du Christ et comme son Epouse bien-aimée qu'il s'est acquise au prix
de son sang. Il les invite à vivre en enfants de lumière qui
renoncent aux pratiques anciennes pour se situer dans le régime de la loi
d'amour et pour vivre sans cesse dans l'action de grâces. Cette lettre aux
Ephésiens, par l'unité de la pensée qu'elle développe, rappelle la lettre
aux Colossiens, mais elle constitue, dans le même temps, une synthèse
doctrinale remarquable qui permet d'y découvrir une sorte de testament
spirituel de l'apôtre, au soir de sa vie.
Trois lettres personnelles à des compagnons privilégiés de Paul viennent achever le corpus paulinien. Si l'on accepte l'origine paulinienne de ces écrits, il faut supposer que l'apôtre a été libéré de sa première captivité romaine et qu'il a repris son activité missionnaire avant de revenir dans la capitale impériale, pour y subir le martyre vers 67. Mais on peut également supposer que ces trois lettres sont le testament spirituel par lequel Paul faisait ses ultimes recommandations aux pasteurs de l'Eglise, qui allaient devoir désormais conduire la 'barque de Pierre', en particulier ceux que Paul lui-même avait institués ministres, c'est-à-dire serviteurs du Christ Jésus et de son Eglise, Timothée, que Paul appelait avec tendresse son frère et son collaborateur dans la prédication de l'Evangile du Christ, et Tite, que Paul désigne comme son véritable enfant dans la foi commune des chrétiens. La principale préoccupation que l'apôtre livre à ceux qui seront désormais ses successeurs, c'est son désir de les voir garder intact le dépôt de la foi qu'il leur a lui-même transmise, et aussi son souhait d'organiser les différentes communautés chrétiennes pour que tous ceux qui se réclament du nom de Jésus puissent continuer de communier à la louange de Dieu, telle que l'Eglise primitive le faisait, dans l'exaltation de la grandeur du Christ et de son oeuvre.
La lettre aux Hébreux n'est pas à proprement parler une lettre dans le style épistolaire d'un Paul ; c'est plutôt un grand sermon sur le sacerdoce, à la fin duquel on a ajouté un court billet d'accompagnement, avant de l'envoyer à une communauté éloignée. Et même, en poussant davantage l'analyse, ce 'sermon' n'est même pas adressé à des Hébreux : ceux-ci ne sont jamais nommés, ni même désignés sous les vocables traditionnellement employés par l'apôtre Paul dans ses lettres, 'les juifs, 'les israélites', de plus aucune mention n'est faite de la circoncision. Ainsi, il apparaît très rapidement que la lettre aux Hébreux n'est pas une lettre, et qu'elle n'est pas adressée aux Hébreux... Mais elle est destinée à des chrétiens, sans que leur origine ne soit mentionnée. Et l'auteur s'emploie à démontrer la continuité qui existe entre l'Ancien et le Nouveau testament. Il se peut donc que ces chrétiens issus du judaïsme regrettaient les cérémonies juives magnifiées par la présence des prêtres du temple. L'auteur, qui n'est pas l'apôtre Paul, mais sans doute un de ses disciples, esquisse une théologie du sacerdoce, en démontrant que le seul prêtre de la Nouvelle Alliance est Jésus-Christ. Il est encore un problème qui se pose : celui de la datation d'un tel écrit. L'auteur se réfère aux liturgies juives du Temple comme à des réalités qui ont encore leur actualité : il semble qu'il faille donc le situer avant 70, dans les années qui ont immédiatement précédé la destruction du temple de Jérusalem, auquel cas cet écrit aurait été pratiquement contemporain du martyre de Paul. Et, de fait, certains traits théologiques laissent penser à une certaine parenté entre les lettres de la captivité de Paul et ce sermon sur le sacerdoce.
L'auteur de ce sermon est le seul auteur du Nouveau Testament à appliquer au Christ les titres de prêtre et de grand-prêtre, en montrant comment ce Jésus, qui n'appartenait pas à une famille sacerdotale (telle que le judaïsme pouvait en connaître), et qui avait eu de nombreux démêlés avec toute la caste sacerdotale, avait opéré le seul véritable sacrifice qui annulait, qui réduisait à néant tous les sacrifices d'animaux opérés dans le Temple. Pour désigner Jésus comme grand prêtre, l'auteur passe donc par l'analyse du sacrifice ; les prêtres du judaïsme devaient recommencer régulièrement les sacrifices qu'ils offraient pour l'expiation des péchés du peuple, tandis que le Christ, en s'offrant lui-même comme victime, était entré, une fois pour toutes dans la proximité de Dieu, ouvrant ainsi l'accès à Dieu pour l'ensemble de l'humanité, sans qu'il lui soit jamais nécessaire de réitérer son sacrifice, Il revient donc aux chrétiens, à ceux qui se réclament du Christ, de tourner uniquement leurs regards vers ce nouveau grand-prêtre et de marcher vers lui, de la même manière que les Hébreux, dans l'Ancienne Alliance du Sinaï, avaient sans cesse cheminé vers la Terre Promise.
Dès l'époque d'Origène (185-252), ce sermon sacerdotal fut rattaché au corpus paulinien, même si l'on percevait déjà que cet écrit ne ressemblait guère aux lettres de Paul. Très rapidement, cet écrit fut réuni aux autres lettres du Nouveau Testament, que dans les années 350 on rassemblait sous le nom de lettres 'catholiques', c'est-à-dire 'ayant une dimension universelle', et non pas seulement lettres destinées à telle ou telle communauté chrétienne bien précise, désignée dans l'adresse... Ces autres lettres du Nouveau Testament sont au nombre de sept : une attribuée à Jacques, deux à Pierre, trois à Jean et une à Jude. Seules, la première lettre de Pierre et la première lettre de Jean entrèrent très rapidement dans le canon officiel des différentes Eglises locales, les cinq autres n'y entrant qu'au cinquième ou au sixième siècle, c'est la raison pour laquelle elles sont parfois appelées deutéro-canoniques.
Selon l'opinion traditionnelle, la lettre de Jacques a pour
auteur Jacques, habituellement désigné comme le frère du Seigneur, et comme
le chef de l'Eglise de Jérusalem. Mais la plupart des critiques s'accordent
pour refuser une telle identification qui serait trop rapide : l'auteur
serait un chrétien d'origine juive et qui appartient à la deuxième
génération chrétienne ; il possédait une grande connaissance des
subtilités de la langue grecque et une vaste culture aussi bien fondée sur
l'hellénisme que sur la Bible, dans sa traduction grecque des Septante ;
il aurait écrit sa lettre après la ruine de Jérusalem. Dans cette lettre,
l'auteur veut surtout donner un enseignement moral qui ressemble parfois à s'y
méprendre à certains enseignements de la morale grecque de l'époque. Mais il
rappelle aussi des exigences évangéliques que Jésus lui-même avait
développées dans son Sermon sur la Montagne, soulignant avec fermeté qu'il
est impossible de servir Dieu et l'argent, non pas pour condamner les riches
sans rémission, mais pour les inviter à méditer sur la caducité des biens
terrestres et les inviter à rechercher les biens spirituels. Il n'aborde le
grand thème de la foi que partiellement pour rappeler aux baptisés que la
gratuité du salut qui leur a été offert en Jésus-Christ les engage à ne pas
laisser vaine la grâce de Dieu déposée en eux : la foi chrétienne
implique, pour rester efficace des actes concrets. Sur la fin de sa lettre,
l'auteur recommande la prière pour les malades, invitant celui qui souffre à
faire appel aux prêtres pour que ceux-ci prient sur lui, en lui faisant une
onction d'huile, afin qu'il s'en trouve bien : cette prière, soutenue par
la foi confiante, lui vaudra même, s'il est pécheur, le pardon de tous ses
péchés.
La première lettre de Pierre apparaît comme une homélie sur le baptême, dans laquelle il est possible de retrouver la catéchèse de l'Eglise primitive. Pierre aurait écrit cette lettre, ou l'aurait fait écrire par un secrétaire, Sylvain, peu de temps avant la persécution de Néron, vers les années 63-64. La qualité de la langue grecque rend difficile l'attribution directe de cette lettre à l'apôtre Pierre, le pêcheur galiléen, mais le travail de Sylvain rend probable une composition remontant à l'apôtre, même si celui-ci ne fait pas d'allusion directe au Jésus terrestre, qu'il a connu sur les routes de Palestine. Pourtant, il invite son lecteur à méditer sur le mystère du Christ dans sa passion, mystère du Serviteur souffrant qui prend sur lui le péché du monde, acceptant de mourir pour la multitude et valant à celle-ci la rémission et le pardon de tous ses péchés. Pourtant si le Christ a porté toutes les souffrances, celles-ci n'en demeurent pas moins des réalités actuelles que connaissent les destinataires de cette lettre ; l'espérance n'en doit pas moins demeurer vivante, puisqu'elle est un don de ce Dieu qui a ressuscité des morts ce Jésus qui est allé prêcher l'Evangile de la libération jusqu'aux enfers et qu'elle oriente tous les hommes vers le Royaume de Dieu, malgré les épreuves au milieu desquelles vit le croyant et au milieu desquelles il doit toujours être prêt à rendre compte de son espérance. Puisque le Christ est vainqueur de toutes les limitations humaines, le chrétien lui aussi est assuré de surmonter toutes les épreuves.
La deuxième lettre attribuée à Pierre est un écrit beaucoup plus tardif, composé vraisemblablement au début du deuxième siècle de l'ère chrétienne et placé sous le patronage de 'Syméon Pierre'. L'auteur attaque directement les faux docteurs qui se sont levés pour faire apparaître la foi chrétienne comme une fable et non pas comme trouvant son origine dans le témoignage des apôtres, et il invite les chrétiens à garder le dépôt de la foi qu'ils ont reçu des véritables prophètes inspirés par l'Esprit et à demeurer fidèles à leur vocation, même si le retour du Christ tarde. Car, à cette époque, le problème de ce retard commençait à se poser avec une certaine acuité : la promesse du nouvel avènement du Christ ne se réalisait pas, et les pères dans la foi étaient morts sans connaître ce retour du Christ de gloire. L'auteur reproche alors à ses lecteurs leur manque de foi en ce Dieu qui ne mesure pas le temps à la manière des hommes et qui, pour assurer le salut de tous, est disposé à leur accorder le délai de grâce, ce délai qui leur permettra de se convertir. L'essentiel de la vie chrétienne est de vivre chaque jour l'idéal de la sainteté, en laissant Dieu lui-même agir pour le bien de tous et de chacun.
Vers les années 80-90, un auteur qui se présente comme étant Jude, le frère de Jacques, qui était aussi appelé frère du Seigneur, écrit une lettre qui peut paraître étrange, dans laquelle il utilise des textes juifs contemporains, afin de mettre en garde les chrétiens contre la menace des faux docteurs qui peuvent toujours séduire l'Eglise. Seulement, il est assez difficile de connaître ces adversaires, dont la doctrine n'est pas précisée, sinon que pour insinuer leur manque de moralité évidente, alors qu'ils prétendent être eux-mêmes inspirés par l'Esprit de Dieu. Insistant sur la menace évidente du châtiment pour les coupables, l'auteur se place dans une lignée apocalyptique, pour évoquer la punition divine qui s'exercera sur tous les méchants. A côté de la profession de foi au monothéisme le plus strict, on trouve une esquisse de théologie trinitaire ; Dieu, le Père, est celui qui châtie les impies et qui appelle à la vie éternelle les justes ; Jésus est le Maître unique qui a racheté les chrétiens pour qu'ils reçoivent la vie éternelle ; l'Esprit Saint garde constante la foi reçue des apôtres et il évite aux chrétiens les pièges des docteurs qui veulent pervertir la sainte doctrine. Cette lettre attribuée à Jude sera réutilisée dans le texte même de la seconde lettre de Pierre, ce qui suppose qu'elle avait déjà à la fin du premier siècle une certaine audience parmi le peuple chrétien. Pourtant, elle sera parfois contestée, comme n'étant pas canonique, puisque développant des doctrines exprimées par les courants non reconnus par l'Eglise primitive.
Les
deux premières lettres johanniques ne contiennent aucun détail qui permette
d'éclairer les circonstances de leur composition ou de se faire une idée
précise sur leur auteur. Tout ce qu'il est possible de découvrir par l'analyse
de ces lettres, c'est la situation dans laquelle se trouvait la communauté qui
recevait de tels messages : des doctrines contraires à la foi chrétienne
se répandaient et menaçaient la pureté de l'enseignement reçu des apôtres.
L'auteur les présente comme des Antéchrists ces faux docteurs qui sèment le
trouble par leurs mensonges et leurs erreurs doctrinales : ils prétendent
vivre dans la communion divine alors que toute leur vie se pose en contradiction
avec la révélation apportée en Jésus-Christ. Mais la visée ultime de
l'auteur n'est pas d'entreprendre une polémique avec ces faux docteurs :
il veut surtout montrer aux croyants, à ceux qui se sont engagés à la suite
de Jésus-Christ, qu'ils sont déjà eux-mêmes et eux seuls entrés dans la
communion avec Dieu. La deuxième et la troisième lettre présente, dès leur
premier mot, un titre : 'l'Ancien' qui désigne la personnalité de
l'auteur. Ce titre d'ancien ne précise pas que cet auteur soit un chef de la
communauté, mais un homme qui appartenait à la première génération
chrétienne et qui avait au moins vécu avec les premiers disciples du Seigneur,
ce qui lui conférait une autorité considérable ; dans la première
lettre, cet auteur se présente également comme un témoin oculaire de la vie
de Jésus. C'est la raison pour laquelle on a facilement attribué ces trois
lettres à l'apôtre Jean, et sinon à lui directement, du moins à une école
qui se serait formée autour de son enseignement. Pour répondre aux besoins des
premiers chrétiens, le témoignage de l'apôtre Jean se serait moulé dans des
structures tantôt catéchétiques, tantôt liturgiques, tantôt polémiques,
mais toujours en visant à faire apparaître l'actualité de la vie et des
paroles de Jésus. De son enseignement oral seraient nés des matériaux écrits
plus ou moins élaborés qu'un de ses disciples aurait alors recueillis et
disposés dans des ensembles structurés, qui furent l'évangile, les lettres et
même l'apocalypse. La plupart des spécialistes de l'exégèse finissent par se
mettre plus ou moins d'accord sur la question de l'auteur de ces écrits :
Jean, le fils de Zébédée, serait bien à la source de ceux-ci, mais il ne les
aurait pas rédigés lui-même. Comment, en effet, pourrait-on expliquer qu'un
pêcheur galiléen, totalement dépourvu d'instruction, ait pu composer des
textes aussi élaborés, aussi adaptés à la mentalité d'un auditoire de
culture hellénique très élevé ?
La première lettre de Jean se présente comme une exhortation d'un homme, qui possédait une véritable autorité religieuse sur ceux qu'il appelle 'ses petits enfants', pour que ces chrétiens demeurent fidèles à la foi commune reçue par le témoignage apostolique : c'est une lettre pastorale visant à soutenir la foi dans les combats qu'elle est amenée à livrer contre toutes les tentations d'erreur et d'égarement. L'auteur veut montrer aux chrétiens à qui il s'adresse qu'ils possèdent la véritable foi et qu'ils sont par là déjà engagés dans la vie éternelle : sa certitude première est que Dieu a aimé les hommes en premier, et par suite, c'est par l'amour que les chrétiens se manifestent les uns aux autres qu'ils entrent dans la véritable communion avec Dieu. Aimer ses frères est le signe manifeste, tangible, perceptible de l'amour porté à Dieu. La preuve que le chrétien peut donner de sa foi en Dieu par le Christ Jésus, c'est l'amour qu'il porte à ses frères.
La deuxième lettre de Jean est un court billet adressé à 'la Dame élue et à ses enfants', c'est-à-dire à une Eglise et aux membres qui composent la communauté. Cette Eglise demeure fidèle à la foi chrétienne, mais elle est aussi menacée par la présence de faux docteurs qui ne reconnaissent pas la réalité de l'incarnation, et qui, en conséquence ne sont pas fidèles à la véritable foi reçue des apôtres. Le but de cette courte lettre, qui se présente également comme un condensé de la première, est d'insister sur la nécessité de l'attachement à la foi et à la vie fraternelle qui permettront de se préserver de l'enseignement dangereux des faux docteurs.
La troisième lettre est adressée à un certain Gaïus que l'auteur de ce billet félicite parce qu'il reste fidèle à la vérité de la foi. Mais elle concerne un conflit qui oppose le chef d'une communauté à l'auteur des billets qu'il lui avait adressés par des messagers, Diotréphès, ce chef de la communauté, a refusé de recevoir les porteurs de ses lettres, et il a même expulsé de la communauté les chrétiens qui avaient accepté de les recevoir. Mais Gaïus ne s'est pas laissé entraîner. Aussi reçoit-il les éloges de l'auteur de la lettre qui le presse à continuer son oeuvre de soutien à ses émissaires et missionnaires. Sans que cette lettre porte une dimension pastorale importante, puisqu'elle ne souligne pas une hérésie du chef de la communauté, mais plutôt une conduite inhospitalière indigne pour une véritable Eglise chrétienne, cette lettre indique que l'amour chrétien trouve son origine dans la vérité révélée en Jésus-Christ.
Le
terme d'apocalypse, qui est le nom attribué au dernier livre canonique du
Nouveau Testament, et donc de l'ensemble de la Bible chrétienne, est une
transcription littérale d'un mot grec, qui signifie : lever le voile,
dévoiler ce qui était caché ; par suite, le terme d'apocalypse a
signifié la révélation faite par Dieu à des hommes des mystères cachés que
lui seul connaissait. La Bible chrétienne s'achève ainsi de la même manière
que s'ouvrait l'Ancien Testament, par une sorte de vision ; mais elle ne
décrit plus, sous une forme poétique, les origines du monde, ainsi que le
faisait le livre de la Genèse, elle présente ce qu'un demi-siècle de vie et
d'expérience chrétienne a permis aux chrétiens de découvrir, le projet de
Dieu sur le monde et sur l'humanité en vue d'établir un monde nouveau et une
humanité nouvelle, au jour de la venue de son Royaume. L'apocalypse de Jean est
le seul livre biblique à porter ce titre, bien que d'autres livres, inspirés
par les prophètes, pourraient le revendiquer également, car le genre
littéraire de la 'révélation' était très courant dans le judaïsme, et de
nombreuses 'apocalypses' existaient dans la littérature extra-biblique dans le
premier siècle avant Jésus-Christ comme dans le siècle qui le suivit. C'est
donc dans un courant littéraire bien défini que s'inscrit l'apocalypse de
Jean, mais, puisque c'est une oeuvre chrétienne, elle prend une dimension
différente des écrits juifs de la même époque.
L'auteur de l'apocalypse donne lui-même son nom : il
s'appelle Jean, et il se désigne comme 'prophète' et comme témoin du Christ
vivant. La première tradition chrétienne, qui attribuait directement la
composition de ce livre de révélation à l'apôtre Jean, a été rapidement
contestée ; et il est très vraisemblable qu'elle est l'oeuvre d'une
école se rattachant directement à l'enseignement oral de l'apôtre, cette
école se situant à Ephèse après l'année 70 mais avant la fin du premier
siècle de l'ère chrétienne. Dans ce livre, unique en son genre dans le
Nouveau Testament, tout semble étrange, et l'on comprend pourquoi il fut
souvent sujet à de vives discussions relatives à sa canonicité. Le symbolisme
y prend une place considérable, permettant d'évoquer sous les aspects les plus
directement perceptibles des réalités spirituelles ou abstraites, l'auteur se
présentant alors comme le prophète, c'est-à-dire comme le héraut, le
porte-parole de Dieu qui interprète tout ce que Dieu peut dévoiler de
lui-même, de sa vie intime et de son projet sur l'ensemble du monde et de
l'humanité, mais aussi comme le 'voyant', celui qui reçoit des visions de la
part de Dieu avec lequel il entretient des relations mystiques qui lui
permettent de parvenir à une connaissance de Dieu qui dépasse toutes les
données sensibles. Il n'est
alors pas possible de comprendre directement les images symboliques que le
Voyant propose à la manière des réalités physiques : il convient de
découvrir progressivement le symbolisme sans se laisser dérouter par les
particularités qui peuvent paraître étonnantes. Il ne faudrait pas davantage
essayer de chercher à comprendre ce que pourra être l'avenir de l'Eglise à
travers les présentations qui sont faites dans ce livre ; il s'agit
peut-être simplement de découvrir la réalité de la vie quotidienne des
chrétiens de la fin du premier siècle, qui étaient affrontés à une
persécution sanglante et à qui l'auteur de ce livre veut adresser un message
de consolation et d'espérance. Car ces chrétiens connaissaient un moment de
désarroi profond : la foi qu'ils avaient reçue de la tradition
apostolique leur enseignait que la résurrection du Christ marquait le début
d'un monde nouveau, que le Royaume de Dieu allait survenir avec toute sa gloire,
que le retour du Christ était imminent, puisque Jésus, vainqueur de la mort,
avait définitivement vaincu le monde... et voici que la persécution la plus
violente s'abattait sur ceux qui avaient mis leur foi en ce Jésus, mort et
ressuscité. La persécution semblait être le signe de la ruine de tout le
message chrétien. Alors l'auteur de l'apocalypse veut redonner confiance aux
chrétiens, en reprenant les grandes lignes de l'argumentation prophétique de
l'Ancien Testament : la persécution n'aura qu'un temps, il faut garder
l'espérance, Dieu interviendra lui-même au moment où il le voudra pour faire
triompher définitivement ceux qui ont mis leur confiance dans la parole de
Jésus-Christ. Sans souligner ce désir de l'auteur qui veut redonner confiance
et espérance à ses lecteurs le message de l'apocalypse n'est guère
compréhensible.
A une Eglise universelle, répartie en communautés locales, qui est ainsi profondément enracinée dans des réalités humaines, le Voyant propose de faire un véritable examen de conscience à partir des réalités concrètes que les 'sept Eglises' vivent En effet, pour ce visionnaire, c'est dans la vie même des communautés que le Christ intervient pour adresser son appel particulier à chaque chrétien, comme à chaque communauté. Le Royaume que le Christ peut établir sur le monde n'est pas une réalité de pure fiction, mais une réalité présente qui se construit dans les différentes communautés : la parole prophétique du Voyant invite alors chaque croyant à se situer en vérité devant les expériences concrètes et à découvrir que le Jour même du Seigneur ne se trouve pas dans un avenir lointain ; l'instant présent est le moment même de la révélation de Dieu. Cette Eglise, incarnés dans le monde, est aussi une Eglise engagée, affrontée aux problèmes de son époque, se détachant et rompant définitivement avec le monde juif qui n'a pas reconnu celui qui lui était envoyé comme Christ et Sauveur, mais aussi rencontrant un monde païen qui lui est hostile et qui la persécute. Les chrétiens vont être contraints de choisir entre le culte du Christ et celui de l'empereur ; malgré le martyre qu'ils seront certainement appelés à connaître pour avoir voulu rester fidèles au Christ, les chrétiens ne doivent pas perdre confiance : le Voyant de l'apocalypse leur annonce que Dieu lui-même interviendra pour renverser les puissances qui s'opposent à la foi chrétienne, qu'il jugera et condamnera les persécuteurs de l'Eglise. Ceux qui reconnaissent en Jésus Christ le Sauveur du monde seront associés à son triomphe, tandis que ceux qui ne le reconnaissent pas et qui demeurent, par le fait même, en situation d'opposition avec Dieu, seront voués à la condamnation définitive, suivant dans sa ruine Satan, l'auteur du péché du monde, tel qu'il pouvait déjà être dépeint dans le livre de la Genèse qui ouvrait la Bible. Dans le monde présent, qui est pétri des contradictions, conséquences du péché, l'Eglise est sans cesse appelée à poursuivre l'oeuvre du Christ, en la menant jusqu'à son plein accomplissement : l'Eglise sera transfigurée avec la venue du monde nouveau, elle descendra du ciel, véritable paradis pour les hommes qui l'ont cherché tout au long de leur existence. Ce paradis est l'objet de toute l'espérance chrétienne, mais il ne doit pourtant pas faire oublier la réalité de l'histoire : la cité terrestre est une préparation de la cité éternelle, et le croyant découvre que l'histoire humaine dans son ensemble n'est pas dépourvue de sens. Le monde présent est certainement appelé à disparaître, à cause de sa perversité, mais cette disparition permettra l'avènement du monde nouveau, qui marquera le triomphe final de Dieu, lors de la Parousie, c'est-à-dire lors du retour glorieux du Christ, qui viendra rétablir toutes choses selon la justice de Dieu.
La numérotation en chapitres et versets
Comme l'Ancien Testament, le Nouveau Testament est divisé en ouvrages différents : évangiles, actes des apôtres, lettres des apôtres, apocalypse. Et, afin de pouvoir repérer très facilement un passage à l'intérieur de ces livres, l'ensemble du texte a lui aussi été subdivisé en chapitres, eux-mêmes divisés en versets : ainsi chaque phrase est numérotée. De plus, pour désigner les livres, on utilise des abréviations, dont le tableau suivant donne la liste alphabétique.
Ac Actes des Apôtres Ap Apocalypse 1 Co 1° lettre aux Corinthiens 2 Co 2° lettre aux Corinthiens Col Lettre aux Colossiens Ep Lettre aux Ephésiens Ga Lettre aux Galates He Lettre aux Hébreux Jac Lettre de Jacques Jn Evangile de Jean 1 Jn 1° lettre de Jean 2 Jn 2° lettre de Jean 3 Jn 3° lettre de Jean Jude Lettre à Jude
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Lc Evangile de Luc Mc Evangile de Marc Mt Evangile de Matthieu 1 P 1° lettre de Pierre 2 P 2° lettre de Pierre Ph Lettre aux Philippiens Phm Lettre à Philémon Rm Lettre aux Romains 1 Thes 1° lettre aux Thessaloniciens 2 Thes 2° lettre aux Thessaloniciens 1 Tim 1° lettre à Timothée 2 Tim 2° lettre à Timothée Tit Lettre à Tite |
Ainsi, comme pour l'Ancien Testament, ce système d'abréviations et de références est de plus en plus utilisé, pour que le lecteur de travaux spécialisés sur le Nouveau Testament puisse très rapidement retrouver le texte auquel il est fait allusion en telle ou telle circonstance : de la sorte, Ep. 5, 15 désigne la lettre de Paul aux Ephésiens, chapitre 5, verset 15.
Cette classification est une découverte relativement tardive dans l'histoire de la 'littérature'. En effet, c'est pour se retrouver facilement dons la Bible qu'un certain Etienne Langton eut l'idée de diviser chaque livre en chapitres numérotés : cette première classification fut faite en 1226. Plus de trois siècles plus tard, en 1551, l'imprimeur Robert Estienne, voyageant en diligence entre Lyon et Paris, subdivisa les chapitres en versets. Certes, cette subdivision n'apporte pas d'éléments permettant de mieux comprendre le texte, et même elle ne tient pas toujours compte du sens précis du texte biblique ; mais, elle a l'immense avantage d'être pratique, c'est la raison pour laquelle toutes les bibles l'ont rapidement adoptée...