Le bout du tunnel : conte bouddhiste

 

 

Fils d'un samouraï, Zenkai était un homme juste et droit. Il menait une vie paisible jusqu'au jour où, ayant aperçu la femme du roi, il en tomba follement amoureux. Aveuglé par sa passion, il tua le roi pour s'enfuir avec elle.

La femme était très belle. Mais elle avait mauvais caractère. Elle se montra si dure avec lui que Zenkai la tua à son tour.

Deux fois assassin, il se fit mendiant. Ainsi espérait-il échapper à la police, et surtout au fils de ses victimes qui le recherchait.

Un jour, il rencontra un moine bouddhiste. En parlant avec lui, Zenkai fut frappé de sa sagesse et de sa douceur. Il se rendit compte alors qu'il avait commis deux crimes horribles. Et il résolut de les expier.

Il se trouvait dans un village au pied d'une haute montagne. Les habitants, pour aller vendre leurs produits à la ville située de l'autre côté de la montagne, étaient obligés de la gravir par une mauvaise route, si étroite et si escarpée que souvent elle avait provoqué des accidents mortels.

Zenkai eut alors une idée : il expierait ses fautes en rendant service. Il décida de creuser un tunnel sous la montagne. De cette façon, les villageois pourraient se rendre sans danger à la ville.

Et l'on vit Zenkai tout seul manier le pic, la pelle, et la brouette. Il mendiait sa nourriture pendant la journée et creusait son tunnel pendant la nuit.

Trente ans déjà s'étaient écoulés depuis qu'il travaillait au tunnel, quand, un jour, il vit venir à lui un homme qu'il reconnut aussitôt: c'était le fils du roi, dont il avait tué les parents.

Ah ! Je te retrouve enfin, Zenkai, s'écria le prince en brandissant son sabre. Cette fois, tu ne m'échapperas pas ! Je vais te tuer.

- C'est justice, lui répondit humblement Zenkai. Mais laisse-moi d'abord achever mon tunnel. Je n'en ai plus que pour deux ans de travail. Ensuite, je te le promets, tu pourras me mettre à mort, je me laisserai faire.

Surpris, le fils du roi accepta. Mais il s'installa dans le village pour surveiller Zenkai de peur qu'il ne s'échappe.

Zenkai continua à creuser. Au bout de quelques mois, le fils du roi, impatient, décida de lui donner un coup de main : ainsi pourrait-il plus vite exécuter sa vengeance.

Et on le vit, au côté de Zenkai, manier, lui aussi, le pic, la pelle, et la brouette. En moins d'un an le tunnel fut achevé. Et les gens du village, tout heureux, vinrent l'inaugurer. Ils félicitèrent Zenkai pour sa bonne idée et le remercièrent de l'immense travail qu'il avait accompli.

Zenkai se tourna alors vers le fils du roi. - J'ai achevé mon oeuvre, lui dit-il. Tu peux venger le meurtre de tes parents. Tranche-moi la fête. Je suis prêt.

Mais, à son très grand étonnement, il entendit l'autre lui répondre :  - Maintenant ce n'est plus possible. Car, à travailler avec toi, j'ai changé mon coeur. Je te pardonne, Zenkai. Désormais tu es mon  ami et mon frère.