Petite étude sur les Psaumes

Au coeur de la Bible se trouve un livre de prières... les Psaumes. Ces Psaumes, appelés « Livre de louanges » par la Bible hébraïque, sont les prières traditionnelles du peuple d'Israël. On a pu écrire que les Juifs « naissaient avec ce livre aux entrailles » pour exprimer combien les Psaumes font corps avec la vie de ce peuple.

Le livre des Psaumes est un livre qui pose beaucoup de questions aux spécialistes. C'est le trésor de la prière du peuple d'Israël. Ces cent cinquante poèmes, de styles et de tailles différents, aux contenus très divers, sont difficiles à dater. La tradition les attribue à David, même s’il apparaît que beaucoup d’entre eux sont postérieurs à ce roi, même si de plus un certain nombre précise qu'ils sont des fils de Coré, des lévites d'Étân, des fils d'Asaph... L’attribution des psaumes à David peut se justifier, car si d’autres en ont composé quelques-uns, c’est David qui peut être considéré comme le vrai « maître de la lyre hébraïque ». Il a fait des expériences plus riches et plus variées que n’importe lequel des personnages de l’Ancien Testament. Il a connu des souffrances, les conséquences du péché, les épreuves d’un pénitent. Il a connu aussi l’humiliation mais aussi les honneurs…

Traditionnellement, on compte cent cinquante psaumes dans ce livre. Il faudrait dire un mot de la numérotation des psaumes. Les psaumes écrits en hébreu ont été traduits en grec. Les deux psautiers, hébreu et grec, correspondent, mais les psaumes ne sont pas tous découpés de la même manière, ce qui entraîne une double numérotation dans nos bibles. Les bibles donnent d’abord le numéro hébreu puis le numéro grec ou latin. Le psautier liturgique donne d’abord le numéro grec et latin, puis le numéro hébreu. Entre le psaume 9 et le psaume 147, donc la quasi totalité du psautier, on est en décalage d'un point. Cela veut dire que pour désigner un psaume, il y a deux numéros sauf pour les huit premiers et pour les trois derniers. Selon les livres, il y a un chiffre et l'autre entre parenthèses. La numérotation liturgique est en retard d'un point sur la numérotation hébraïque.

Il est difficile de savoir avec précision quel était l’usage des psaumes. L’organisation finale du Psautier a du être faite au service de la liturgie du Temple au retour de l’Exil. Mais ils étaient aussi utilisés pour la prière personnelle, dans les liturgies familiales et à la synagogue.

Le Livre des Psaumes est un recueil de méditations, de prières et de louanges prononcées par diverses personnes en diverses circonstances, sous l’action de l’Esprit Saint. Les Psaumes sont commémoratifs, prophétiques, ils peuvent aussi exprimer les circonstances par lesquelles passe un homme. On y trouve des confessions, des supplications, des louanges. Le style en est doctrinal, historique ou prophétique. Ce sont parfois des méditations ou des expériences peu définies, en suivant le fil des pensées du croyant, amenées non pas par ce qui l’entoure, mais par ce qu’il connaît de Dieu, de ses voies envers les hommes, ou de la manière dont Dieu s’occupe de lui.

Ils sont pleins de la vie de tous les jours, "ils sont humains, terre à terre, pétris de chair et de sang, miroirs de nos révoltes et de nos fidélités" (Etienne Charpentier dans l'introduction de Pour prier les Psaumes, Cahier Evangile n° 13, 1991). Toute l'épaisseur de notre réalité humaine y est présente : angoisse mais aussi désespoir, voire de révolte mais aussi cris d'allégresse et de louange Malgré la distance historique qui nous sépare des Psaumes, nous nous sentons "chez nous", non seulement parce qu'ils font partie de notre patrimoine spirituel, mais bien plus encore parce qu'ils correspondent s souvent à ce que nous vivons, ressentons.

Les psaumes sont la prière traditionnelle du peuple juif : au temps de l'Ancien Testament, ils faisaient partie de la liturgie et quelle que soit l’origine de leur composition, c’est au titre de chants liturgiques qu’ils ont été transmis dans la Bible. Les juifs se servaient des psaumes, que ce soit au Temple ou à la synagogue, comme un des éléments fondamentaux de leur prière. Notamment, on sait qu'à la synagogue, à l'office du matin, pendant une heure, chacun ruminait ces psaumes à voix plus ou moins haute, ce qui fait d'ailleurs un certain chari-vari, dans une synagogue, quand on entre au début de l'office, chacun raconte son psaume à sa vitesse, les versets qui lui plaisent, etc… Même si nous avons peu de précisions sur la prière juive au temps de Jésus, il est certain que les psaumes jouaient un rôle dans la catéchèse scolaire et la prière privée : ils étaient familiers aux juifs. En ce qui concerne Jésus, il ne faut pas oublier la réalité de son humanité. C’est un juif, pétri de la culture de son peuple. Il a sans doute appris à lire dans les livres de la Bible. Il a prié avec les mots de la prière juive. Les psaumes ont donc dû tenir une place importante dans sa vie spirituelle. C’est pourquoi nous voyons dans les Évangiles, Jésus et ses interlocuteurs les citer fréquemment de même que les apôtres dans leurs prédications. C’est vraisemblablement la lecture et la méditation de la Parole de Dieu qui ont permis à Jésus de comprendre la mission qu’il devait remplir. En reprenant l’expérience du peuple de Dieu et de la relation avec Dieu découverte peu à peu par les juifs, Jésus découvre sa place et la manière de remplir la mission confiée. Jésus a prié les psaumes et c’est sans doute à travers eux qu’il a découvert peu à peu la volonté de son Père et le sens du chemin qu’il avait à parcourir. Il n’a pas commencé sa mission avec une idée toute faite de toutes les étapes à parcourir. C’est au fil du temps, face aux réactions des disciples, de la foule et de ses adversaires, qu’il a relu la Parole de Dieu pour y découvrir les étapes qu’il devait franchir. C’est avec les psaumes que les disciples ont eux aussi pu comprendre le sens et la portée de la vie, de la mort et de la résurrection de Jésus.

Dans l’Église, on a adopté les psaumes comme étant un des piliers fondamentaux de la prière liturgique de la communauté. Les psaumes jouent un rôle important dans la prière liturgique : il y a toujours un psaume dans la liturgie de la Parole de nos Eucharisties ; et puis il y a la prière de l’Office des moines et des prêtres, bâti autour des Psaumes. Pourtant la prière des psaumes n’est pas toujours évidente. Ils sont difficiles à comprendre. Ils expriment souvent tellement de violence, appelant à la guerre ou à la vengeance contre les ennemis. Un chrétien peut-il encore prier tous les psaumes ? La prière des psaumes nous rejoint dans notre humanité avec ses ombres et ses lumières 

Ils nous situent d’emblée en présence de Dieu créateur et sauveur, du Dieu de l’Alliance, qui écoute et répond par des gestes et des paroles d’amour qui nous font vivre de la vie dans l’Esprit. Au fil des psaumes, nos yeux s’ouvrent aux merveilles de Dieu dans la création et dans l’histoire de son peuple, devenue la nôtre. Mais les psaumes n’occultent pas pour autant les autres sentiments qui nous habitent, même ceux que nous serions tentés de taire car jugés indignes de la prière : colère, désir de vengeance, sentiment d’injustice ou d’abandon, désespoir. Bien au contraire, les psaumes nous enseignent comment ces sentiments peuvent devenir le terreau de notre prière et le lieu d’une rencontre qui nous fait retrouver le chemin de la louange, et cela autant que nos élans de reconnaissance et de joie.

Les psaumes sont d’abord des cris. En cela ils rejoignent ce que nous avons dit de la prière au début de notre réflexion : cris d’hommes et de femmes dans la détresse, dans les angoisses d’une existence difficile ou, au contraire, cris de joie pour la victoire ou pour la fête d’un mariage ou d’un couronnement royal…

Les psaumes sont des poèmes avec toutes les caractéristiques de la poésie hébraïque. Les mots et les images sont ceux de notre existence quotidienne, en particulier le langage du corps, ce qui fait que nous parlons souvent de Dieu de manière très anthropomorphique. Mais ce langage très concret permet de dire la profondeur des sentiments. Ces poèmes pouvaient être accompagnés de musiques.

Il est difficile de dater les psaumes, sans doute parce qu’ils ont été repris et retravaillés à différentes époques. Ils sont l’expression d’une prière vivante et ils se sont, sans doute, fixés assez tardivement. Ils étaient mémorisés et enrichis au fil de l’histoire. Les psaumes sont la relecture et la méditation de l’histoire sainte. Les événements de l’Exode, mais aussi de la royauté sont au cœur de beaucoup de psaumes. Dans les périodes de crise, Israël relit et médite son histoire pour retrouver la confiance en la fidélité de Dieu. Le peuple exprime sa confiance en ce Dieu qui a agi pour libérer son peuple et qui ne cessera pas d’intervenir en sa faveur. Le temps de l’Exode, par exemple est évoqué dans de nombreux psaumes qui célèbrent l’intervention de Dieu pour sauver son peuple, la constitution de ce peuple, mais on ne cache pas le péché et l’infidélité de ce peuple qui met à l’épreuve la fidélité de son Dieu.

Il est aussi très difficile de classer les psaumes par genres littéraires. On pourrait, sans difficulté et par simplicité, ne retenir que deux catégories, les psaumes de plainte et les psaumes de louange, mais pour dire que, si l’un ou l’autre des thèmes domine, les deux sont présents dans tous les psaumes.

Les psaumes expriment la plainte des hommes dans le concret de leur existence difficile : expérience de la maladie et de la souffrance, expérience de l’injustice contre les personnes ; expérience plus collective du peuple confronté à ses ennemis avec les joies de la victoire et la détresse de la défaite, les souffrances de l’exil... Ces expériences amènent à crier vers Dieu pour lui demander d’intervenir, de se réveiller, de se rappeler ses engagements envers son peuple, pour lui demander aussi de le débarrasser de ses ennemis, de le venger. Mais souvent la plainte se change en louange, parce que la maladie a été vaincue, parce que la mort a été évitée, parce que la justice a été faite.

Paradoxalement, la plainte est une part essentielle de la relation de l’homme à Dieu ; dans les temps de détresse, et plus encore de catastrophe nationale, elle devient même le seul moyen pour l’homme de rester en contact, fût-il conflictuel, avec son Dieu. La révolte est le langage de l’homme quand il croit que Dieu est à la source de son malheur, mais tant que l’homme se révolte contre Dieu, il lui reste encore attaché. On devient « impie » le jour où l’on cesse de s’adresser à Dieu : on est alors tout près de dire : « il n’y a pas de Dieu ». La plainte permet à l’homme de garder sa dignité d’interlocuteur de Dieu.

Mais les psaumes peuvent être aussi des psaumes de louange. La louange surgit souvent devant l’expérience de la délivrance d’une épreuve, personnelle et collective. Elle exprime la joie de cette délivrance et la confiance que Dieu ne cessera pas d’intervenir pour continuer à libérer son peuple. Et cette louange faisant mémoire de toutes les interventions de Dieu dans l’histoire peut déboucher sur l’adoration de Dieu.

Plainte et louange sont les deux modes inséparables et indispensables du dialogue de l’homme avec Dieu. Si l’une des deux est oubliée, c’est l’équilibre de la prière qui est mis en cause. Sans la plainte, l’homme échappe à sa condition d’homme, il s’évade du monde réel qui ne peut être sans souffrance puisqu’il n’est pas sans péché. Sans la louange, l’homme oublie qui est Dieu, son Créateur et son Sauveur ; il oublie que le Dieu de l’alliance donne la vie, au cœur de toute souffrance humaine.