Servir au sein de l’Eglise

 

 

La pastorale [1] vise

à accompagner les hommes sur le chemin de la foi,

à les assister dans les situations de leur existence

pour qu’ils trouvent le salut offert en Jésus-Christ.

La pastorale veut transmettre le salut,

elle ne peut pas le créer.

 

 

 

 

 

« En recevant et en annonçant l'Évangile dans la force de l'Esprit, l'Eglise devient une communauté évangélisée et évangélisante, et par là elle se fait la servante des hommes. L'Eglise avance avec les hommes et vit dans une solidarité totale et intime avec leur histoire », écrit Jean-Paul II [2].

 

Tous les membres de l'Eglise sont appelés au service de Dieu [3], tous sont responsables dans l'œuvre à accomplir avec Dieu. Tous sont appelés à évangéliser, c'est-à-dire « porter la Bonne Nouvelle dans tous les milieux de l'humanité et, par son impact, transformer du dedans, rendre neuve l'humanité elle-même [4] ». Tous n'ont cependant pas le même service (ou ministère). Chacun d'eux doit accomplir, dans l'Eglise, la tâche que Dieu lui confie [5]. Les divers ministères ont un seul but : la vie et la croissance de l'Eglise, dans l'amour et l'obéissance à Jésus-Christ. Au sein de l’Eglise, l’exercice de fonctions n’est jamais une fin en soi, mais cet exercice a pour objectif de permettre à tous les fidèles de connaître et d’entrer dans le Royaume de Dieu, en faisant partie du Corps du Christ [6]. L’exercice des fonctions de service doit se faire dans l’obéissance aux indications évangéliques et au Magistère de l’Eglise.

 

L’Eglise est à la fois divine et humaine, spirituelle et physique, universelle et locale. Elle est dans le monde et dans le temps : elle est signe du monde divin, qui inspire et anime le monde humain [7] . Et dans cette Eglise, Dieu a équipé chaque homme des moyens pour faire son oeuvre avec compétence. C’est ce que soulignait déjà la première lettre de Pierre : « Chacun selon la grâce reçue, mettez-vous au service les uns des autres, comme de bons intendants d’une multiple grâce de Dieu » [8].

 

Personne n’est inutile et personne ne peut se passer des autres. Tout chrétien est, selon son charisme et avec les dons qui lui sont propres, ministre de Dieu : « Il y a, certes, diversité de dons spirituels, mais c’est le même Esprit; diversité de ministères, mais c’est le même Seigneur ; diversité d’opérations, mais c’est le même Dieu qui opère tout en tous » [9], et tous les services sont importants même si certains sont plus en vue et d’autres à l’arrière plan. Dès lors, on ne travaille pas dans l’Eglise dans un but d’autosatisfaction ou par concurrence. On ne travaille pas pour prouver à l’autre que l’on est meilleur que lui, ou pour profiter d’une gloire passagère dans la satisfaction de la vanité. Le service pour l’Eglise vise l’édification, c’est-à-dire la construction et l’affermissement du Corps de Christ.

 

C’est la raison pour laquelle le travail des autres doit être une source de motivation et non de rivalité. C’est aussi pour cette raison qu’il n’y a aucune honte à utiliser les idées des autres et à les développer. Ce serait même un signe d’intelligence que d’éviter de travailler en opposition les uns avec les autres. Tout le service de l’Eglise se doit être synergique, c’est-à-dire augmenter en puissance quand il s’associe à ceux des autres, ainsi que semble le souligner l’apôtre Paul dans sa lettre aux Philippiens : « n’accordez rien à l’esprit de parti, rien à la vaine gloire, mais que chacun par l’humilité estime les autres supérieurs à soi ; ne recherchez pas chacun vos propres intérêts, mais plutôt que chacun songe à ceux des autres » [10]. Car nous dépendons les uns des autres et nos services sont imbriqués les uns dans les autres au point que nous ne pouvons être indépendants des autres.

 

Le but du service dans l’Eglise, toujours selon saint Paul, c’est la croissance de tous : « C’est lui encore qui a donné aux uns d’être apôtres, à d’autres d’être prophètes, ou encore évangélistes, ou bien pasteurs et docteurs, organisant ainsi les saints pour l’œuvre du ministère, en vue de la construction du Corps du Christ, au terme de laquelle nous devons parvenir, tous ensemble, à ne faire plus qu’un dans la foi et la connaissance du Fils de Dieu, et à constituer cet Homme parfait, dans la force de l’âge, qui réalise la plénitude du Christ » [11].

 

Mais il y a des écueils à éviter, et parmi ceux-ci le plus sérieux est la tentation de prendre la place de Dieu. Nous ne sommes pas Dieu, mais ses instruments. Quand nous avons accompli un service et que cela a réussi, nous devons éviter de faire comme si c’était grâce à nos efforts que le succès a été obtenu. Même dans nos discours et dans nos gestes ou dans notre attitude générale nous ne devons pas en rajouter pour être au premier plan. En faisant cela, nous poussons les autres à nous glorifier et nous empêchons la sainteté de Dieu de se manifester. Nous avons été choisis comme instruments de Dieu. En travaillant ainsi, le Christ ne nous « appelle plus serviteurs mais amis » [12].

 

Pourtant, si le serviteur n’est qu’un instrument de Dieu, il n’est pas un objet, un simple outil. C’est pourquoi celui qui vise à être un serviteur authentique de l’Eglise doit s’équiper, se former, se perfectionner, se recycler afin d’être toujours utile. C’est dans cet esprit que Paul adressait ses recommandations à son disciple Timothée : « Pour toi, tiens-toi à ce que tu as appris et dont tu as acquis la certitude. Tu sais de quels maîtres tu le tiens ; et c’est depuis ton plus jeune âge que tu connais les saintes Ecritures. Elles sont à même de te procurer la sagesse qui conduit au salut par la foi dans le Christ Jésus. Toute Ecriture est inspirée de Dieu et utile pour enseigner, réfuter, redresser, former à la justice : ainsi l’homme de Dieu se trouve-t-il accompli, équipé pour toute oeuvre bonne » [13].

 

Après ce survol théologico-biblique de la condition du serviteur de Dieu dans l’Eglise, force est de constater que ce service qui était apostolique dans les premiers temps de l’Eglise, (avant de devenir un service diaconal, avec l’institution des Sept, chargés de veiller à la gestion du « temporel » tandis que les apôtres se livraient à la prédication [14]) est devenu celui de tous les fidèles. Comme Jésus a été le serviteur de tous, de même tout chrétien est appelé à se mettre au service de la communauté pour que la vie soit présente en surabondance. Le service, ou si l’on veut la « diaconie » est l’affaire de tous les chrétiens. Dans une société cléricalisée, le rôle des laïcs [15] a pu être dévalorisé ; mais avec la sécularisation et la diminution quantitative des prêtres dans les pays d’Occident, les laïcs sont appelés à jouer le rôle essentiel qu’ils avaient en quelque sorte perdu dans les temps de surabondance... Et l’attention se porte naturellement sur « la diaconie », qui est à la fois le service dans l’Eglise et le service dans la société, tant il est vrai que les deux services sont unis. Servir appartient à l’attitude fondamentale du croyant.

 

Mais de quelle manière convient-il de donner corps à cette attitude dans la réalité contemporaine, au milieu des hommes vers qui les disciples sont envoyés ? Pour que ce service soit authentique et devienne réellement concret, il faut réfléchir sans cesse à la manière dont il peut être accompli.

 

1. Premier aspect sociologique : aujourd’hui comme hier ou peut-être davantage qu’hier, la vie est dure pour beaucoup. Tous les hommes cherchent comment mieux vivre. Les chrétiens seront jugés sur leur capacité à ouvrir des pistes de bonheur. Savent-ils écouter les questions des hommes afin de pouvoir leur dire que Dieu est un Père, plein de tendresse ?

 

2. Deuxième aspect religieux (dans le sens du lien avec Dieu et avec les autres) : les chrétiens sont appelés à convertir leur regard sur le monde que Dieu a créé ; à approfondir leur connaissance de la Parole de Dieu qui donne la vie ; à témoigner, là où ils sont que la vie fraternelle peut triompher.

 

3. Troisième aspect œcuménique : les divisions entre les confessions chrétiennes, dont on ne discerne plus les origines ni les raisons, apparaissent à tous, y compris au peuple chrétien, comme un anachronisme à l’heure de la mondialisation. Comment espérer que le message chrétien soit audible si des divisions, parfois de véritables compétitions, apparaissent entre les Eglises, et entre les membres d’une même communauté ?

 

Il semble illusoire de chercher à revenir à la situation ancestrale de la profusion des ministres ordonnés, en recherchant des candidats à la prêtrise, mais il s’agit de faire face aux besoins de l’évangélisation, en s’appuyant de manière pragmatique et inventive sur les hommes et les femmes prêts à travailler pour l’Eglise et pour le Royaume. Il faut donner leur place aux laïcs, à la lumière de la mission confiée à l’Eglise, et non seulement dans la perspective de l’aide qu’ils peuvent apporter aux prêtres. Au dix-neuvième et au début du vingtième siècle, l’Eglise était considérée de manière pyramidale, le pape au sommet, les évêques soumis au pape, les prêtres soumis à leur évêque, puis les laïcs soumis à tous. Le concile Vatican II allait renverser cette pyramide. L’Eglise, c’est d’abord le Peuple de Dieu, le vocabulaire de ce concile sera avant tout pastoral [16] : le Christ est le Bon Pasteur qui connaît chacune de ses brebis par son nom, et les responsables dans l’Eglise doivent non pas exercer un pouvoir, mais diriger tout le peuple comme un berger guide son troupeau [17].

 

Le chrétien fait partie d’un ensemble, d’un peuple organisé par l’appel de Dieu. L’Eglise ne se présente pas comme une foule anonyme dans laquelle l’homme finirait par éprouver la plus vive solitude, elle ressemble davantage à un meeting, composé d’hommes et de femmes répondant à une invitation qui leur est adressée personnellement. C’est pourquoi l’Eglise ne cesse d’être une réalité sociale, qui risque de ne pas être toujours bien comprise, comme toutes les réalités humaines ou sociales, véhiculant une idéologie qui échappe au contrôle de la raison. Une place importante est réservée au laïcs qui sont des hommes comme les autres, et qui doivent exprimer leurs opinions, leurs idées sur les problèmes qui agitent le monde à n’importe quelle époque.

 

Vers une typologie des services

Le premier service, c’est l’étude.

On ne peut parler que de ce que l’on connaît, et pour bien connaître, il faut étudier, même si cela est parfois ardu et pénible. Dans un livre abordable, Timothy Radcliffe [18] s’interroge : « Pourquoi l’étude est-elle si difficile pour tant d’entre nous ? », et il apporte une tentative de réponse : « En partie parce que nous sommes marqués par une culture qui ne croit plus que l’étude est une activité qui vaut la peine ; une culture qui doute que le débat peut nous conduire à la vérité à laquelle nous aspirons… Étudier, c’est entrer dans une conversation... avec les autres êtres humains, dans notre recherche de la vérité qui nous libérera tous ». Même si ses propos s’adressent d’abord aux frères dominicains, ils sont aussi valables pour ceux qui répondent à un appel et se mettent au service de l’Eglise. A chacun revient le devoir de servir en prenant appui sur la Bible, en l’étudiant. Un rabbin disait : « Lire la Bible, c’est entrer au Paradis dans la présence de Dieu ». Il y a plusieurs degrés pour cette entrée, depuis la lecture paisible du texte jusqu’au dialogue silencieux et amoureux avec Dieu en passant par le labourage du texte à l’aide des études scientifiques et l’enrichissement des lectures faites par d’autres de ce texte.

 

Il faut créer un climat d’écoute, avoir un cœur écoutant. La Bible est Parole, c’est-à-dire possibilité de dialogue entre Dieu et l’humanité. Il faut aussi savoir écouter et obéir. C’est le même verbe en hébreu. Comme le souligne le livre de l’Exode : « Tout ce que le Seigneur a dit nous le ferons (en premier lieu) et nous l’écouterons (encore) » [19]. Ainsi, mettre en pratique c’est écouter et comprendre vraiment. La lecture de la Parole doit conduire à la diaconie (au service) et à l’agapé (à l’amour des autres), Dieu ne parle pas hébreu ! mais il parle encore aujourd’hui dans les situations présentes. Il faut entrer dans une lecture plus spirituelle qui permet de percevoir la Parole dans les mots de la Bible. Dans la Bible, tout n’est pas Parole de Dieu. Il convient de distinguer le terme de l’Ecriture et le sens, l’esprit dans lequel ce terme est énoncé. Enfin, la lecture de la Parole doit être une écoute dans la prière. La lecture spirituelle nourrit notre prière. Elle nous permet d’intégrer les présences du Christ ressuscité dans la Parole, dans l’Eucharistie, dans l’Eglise. Une telle lecture fait écouter « ce que l’Esprit dit aux Eglises », comme l’indique l’Apocalypse [20].

 

Le deuxième service, c’est l’amour de l’Eglise.

Pour développer le sens du service, il est nécessaire de reconnaître le lieu où ce service peut s’exercer, à savoir l’Eglise elle-même. Et cette Eglise n’est pas une réalité humaine comme les autres, elle ne se réduit pas à une structure, à une institution… « Personne ne peut avoir Dieu pour Père, s’il n’a pas l’Eglise pour mère » disait saint Cyprien. De même, Jeanne d’Arc, au cours de son procès affirmait : « M’est avis que le Christ et l’Eglise, c’est tout un ». L’Eglise est le sacrement (le signe et l’instrument) de la présence du Christ, « l’Incarnation prolongée » comme disent certains théologiens. Fondée par le Christ, l’Eglise et elle seule nous donne Jésus-Christ et assure sa présence vivante et salvatrice au monde. Rien à voir avec une sorte de structure humaine créée par les Apôtres ou leurs successeurs, qui auraient éprouvé le besoin de s’organiser pour faire face au développement de la communauté.

 

L’Eglise est une mère [21]. Une mère porte son enfant neuf mois avant de le mettre au monde, elle lui donne la vie, elle le nourrit, veille à son développement, l’éduque, l’enseigne, le défend contre les dangers, le soigne lorsqu’il est malade. Elle n’a de cesse que le bonheur de son enfant. Il en est de même pour l’Eglise : c’est elle qui engendre à la vie nouvelle par le baptême, c’est elle qui fait grandir cette vie en transmettant la Parole de Dieu, en en garantissant la juste interprétation. C’est elle qui rend accessible le dépôt de la foi, elle sert de guide dans la vie chrétienne et le chrétien doit la suivre. L’enfant qui ne tient pas compte des avertissements de sa mère n’apprendra jamais rien. Il perdra l’occasion de l’aide que sa mère lui offrait. Le chrétien s’engage à écouter l’Eglise, à grandir dans sa foi, renouvelant son attachement à Jésus-Christ. L’Eglise apparaît comme le lieu même de la révélation du Christ.

 

Nul ne pourrait accomplir un service dans l’Eglise sans être passionnément amoureux de cette Eglise « sainte » et pourtant pécheresse [22]. Il n’y a pas de foi réelle si l’homme refuse d’entrer dans le jeu de Jésus-Christ, dans le jeu de l’Eglise qui est le lieu de sa présence dans le monde. Personne ne peut le rencontrer s’il ne le reconnaît dans la communauté qu’il a lui-même instituée: « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps » [23].

 

Le troisième service, c’est d’accepter une « hiérarchie des vérités ».

Cette expression peut paraître étonnante à première vue, elle provient d’un décret du concile Vatican II [24], elle signifie que tout n’est pas à mettre sur le même plan dans la foi de l’Eglise. Ce principe de bon sens peut paraître compliqué : la foi catholique consiste en l’adhésion aux enseignements de l’Eglise portant sur les vérités que Dieu a révélées par son Fils, et qui se traduisent par un aspect dogmatique, par la définition des voies d’accès au salut.

 

Les vérités contenues dans le Symbole de la Foi [25] requièrent l’adhésion la plus forte, puisqu’elles ont Dieu lui-même pour objet ; elles sont tellement centrales que le croyant est appelé à professer chacune d’entre les déclarations de foi appelées « articles de Foi ». Ces articles présentent la vérité qui doit guider chaque chrétien dans sa vie. Mais la vérité ne se fabrique pas, il faut l’admettre telle qu’elle se présente. On ne peut rien y changer [26]. La foi est une conviction sur les choses que nous ne voyons pas. Elle est adhésion volontaire, mais raisonnable, à une vérité qui n’offre pas une évidence directe, mais qui apparaît comme digne d’être raisonnablement tenue pour vraie.

 

Être chrétien suppose aussi admettre des vérités appelées « dogmes ». Un dogme est une vérité contenue dans la Révélation et proposée par l’Eglise comme faisant partie de l’enseignement donné par le Christ [27]. Ce sont des vérités qui peuvent et doivent aider l’homme à se tourner vers Dieu. Beaucoup croient que tout ce que dit le pape ou le Magistère [28] romain relève de la dogmatique, ce n’est pas le cas. En fait, il n’existe pas beaucoup de dogmes, ces derniers ayant comme fonction d’établir les balises fondamentales de la foi en permettant une marge de liberté à l’intérieur du cadre de leur compréhension.

 

Le Magistère de l'Eglise s'exerce dans sa catéchèse et sa prédication, avec l'aide des oeuvres des théologiens. Ainsi se transmet de génération en génération le « dépôt » de la foi. Le pape et les évêques en « docteurs authentiques », pourvus de l'autorité du Christ, prêchent au peuple la foi qui doit être appliquée dans les mœurs. Le Magistère ordinaire et universel du Pape et des évêques en communion avec lui enseigne aux fidèles la vérité à croire et la charité à pratiquer. Le degré suprême dans la participation à l'autorité du Christ est assuré par le charisme de l'infaillibilité [29]. L’infaillibilité de l’Eglise, et non pas la seule infaillibilité du pape, définie au Concile Vatican I [30], s'étend aussi loin que le dépôt de la Révélation divine ; elle s'étend à tous les éléments de doctrine, y compris morale, sans lesquels les vérités salutaires de la foi ne peuvent être gardées, exposées ou observées [31].

 

Le problème survient lorsque l’Eglise ignore ou occulte le caractère socio-historique des dogmes, qui ont été créés à un moment précis et dans un contexte social et culturel déterminé. Le défi pour l’Eglise est de rendre les dogmes pertinents pour l’homme sécularisé d’aujourd’hui. Il s’agit de prendre en compte la dimension historique de la parole doctrinale de l’Eglise [32]. En témoignent les paroles du pape Jean XXIII au concile Vatican II : « Autre chose est le dépôt ou les vérités de la foi, autre chose est la façon selon laquelle les vérités sont exprimées, à condition toutefois d’en sauvegarder le sens et la signification ». Cela conduit à une réinterprétation de l’attitude que le fidèle peut avoir selon les critères que le magistère ecclésial donne à ses déclarations. En tant que « témoin authentique de l’intelligence que l’Eglise elle-même a de la Révélation, le Magistère du pape et des évêques n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il la sert » [33]. Enfin, « authentique » ne veut pas dire « infaillible ». L’histoire offre de nombreux et spectaculaires revirements d’attitude de la part du Magistère, dans des domaines variés [34]. L’Eglise cherche à se nourrir de la Parole de Dieu, et la raison d’être du magistère des évêques et du pape, c’est de maintenir l’Eglise dans la pureté de la foi transmise par les apôtres [35]. Dès lors l’adhésion réclamée du croyant, n’est pas exactement la même que celle qui est requise pour la foi en Dieu et en sa Révélation. Néanmoins il est demandé aux fidèles d’y adhérer avec une soumission religieuse de la volonté et de l’intelligence [36].

 

Le service, ministère d’amour

Après ce détour sur le service de l’Eglise dans sa hiérarchie, il convient de revenir au service auquel le fidèle se trouve appelé dans le cadre du ministère qui peut lui être confié. Un ministère qui ne se place pas sous les signes de l’humilité et d’une réévaluation constante selon les critères évangéliques dégénérerait rapidement en illusion et en abus de pouvoir.

 

Chaque participation à l’un des services dans l’Eglise est importante aux yeux de Dieu, c’est une démonstration d’amour et de reconnaissance. S’il est vrai que certains services sont plus visibles que d’autres, il n’est pas vrai de prétendre que tel ou tel service est plus important que l’autre. Nous faisons tous partie d’un seul et même corps, pour reprendre l’exemple développé par saint Paul : la main ne peut pas se passer du pied ni inversement… La manière de servir Dieu est révélatrice de l’amour, de la foi, de la fidélité envers Dieu lui-même. Et cela implique quelques petits conseils pratiques :

 

· Ne pas manquer pas à son devoir. Quand on s’est engagé pour un service, il faut tenir son engagement. Si, par cas de force majeure, on ne peut tenir son engagement, il faut prévenir le responsable afin que le nécessaire soit fait pour trouver un remplaçant, si cela est possible. Il vaut mieux prévenir avant, plutôt que de s’excuser après...

 

· Etre à l’heure, respecter les horaires. Quand on a accepté un délai, un travail, il est nécessaire de respecter sa promesse.

 

· Ne pas bâcler pas son travail, mais faire du mieux possible pour le bénéficiaire...

 

Ces considérations sont non seulement une exigence pour la vie courante, mais aussi une preuve d’authenticité. La crédibilité des personnes dépend de leur capacité à tenir leurs promesses et leurs engagements, à agir de manière cohérente. Dans ce contexte, l’apôtre saint Jacques propose un repère précieux : « Mettez en pratique la Parole et ne vous bornez pas à l’écouter en vous trompant vous-mêmes par de faux raisonnements » [37]. Il convient d’être toujours disposé à examiner son attitude personnelle, en respectant les conceptions religieuses des autres, sans dénigrer une autre culture, une autre tradition ou coutume, en témoignant à chacun le respect qui lui est dû et en n’exigeant pas davantage des autres que ce l’on est soi-même disposé à faire.

 

La question de l’autorité : pouvoir et charisme

Les remarques précédentes conduisent à poser la question de l’autorité. Il faut faire la distinction entre l’autorité extérieure (le pouvoir) et l’autorité intérieure (le charisme). L’autorité extérieure consiste en l’exercice d’un pouvoir lié à la position de l’individu (enseignant et enseigné). L’autorité intérieure [38] relève de la capacité d’intériorisation, de la force de conviction liée à la crédibilité, de la manière fondée et cohérente dont l’enseignant transmet la doctrine de l’Eglise, selon ce qui est annoncé clairement par Jésus : « N’allez pas croire que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que tout ne soit réalisé. Celui donc qui violera l’un de ces moindres préceptes, et enseignera aux autres à faire de même, sera tenu pour le moindre dans le Royaume des Cieux ; au contraire, celui qui les exécutera et les enseignera, celui-là sera tenu pour grand dans le Royaume des Cieux » [39]. L’autorité ne s’impose pas par la force, l’intelligence ou le nombre mais par la légitimité.

 

Au sein de la communauté, il y a une hiérarchie dans les services et les devoirs. Le premier responsable est l’évêque [40] du diocèse en coopération collégiale avec tous les autres évêques de l’Eglise. Ses collaborateurs directs dans la pastorale sont les prêtres [41] en vertu de leur ordination ainsi que les laïcs à titre professionnel par mandat épiscopal. Les prêtres sont envoyés parmi les hommes pour leur annoncer la Parole de Dieu, pour leur administrer les sacrements et pour rassembler les fidèles pour la célébration de l’eucharistie. Tous les baptisés sont appelés à participer activement à la mission de l’Eglise pour être « des pierres vivantes » de l’Eglise. Ils ont une responsabilité commune à l'égard de la foi et du témoignage de toute l'Eglise. La dimension communautaire suppose l'unité dans la diversité, et implique que tous s'expriment d'un seul coeur et d'un seul esprit [42]. Pour ce faire, il leur revient d’adhérer à la profession de foi de l’Eglise. Les fidèles, y compris les théologiens et les pasteurs, ne sont pas tenus seulement de professer le Credo et les autres symboles de la foi, ils doivent aussi adhérer à tout ce que l’Eglise, à travers le temps, a pu définir comme précision dans le domaine purement dogmatique mais aussi celui qui relève de la morale. Nul n’oblige personne à adhérer à la foi de l’Eglise et aux principes qui en découlent. Mais lorsqu’on a fait le choix de la foi, il faut être conséquent avec soi-même, en ne refusant pas à l’autorité ecclésiale sa légitimité.

 

Puisque, dans le domaine catéchétique [43], il s’agit de transmission de la foi et aussi de la vie morale, il n’est pas possible de s’aventurer dans des explications ou des enseignements qui ne seraient pas en conformité totale avec l’enseignement des apôtres et avec le Magistère. Quels que soient les destinataires du message que le catéchiste souhaite transmettre, il faut se souvenir que ce catéchiste n’est pas le seul locuteur du catéchisé, et donc que celui-ci peut aller puiser à d’autres sources : le message ne pourra être réellement crédible que s’il est totalement partagé par les différents locuteurs [44]. Même si, comme dans une symphonie, il peut y avoir plusieurs voix, il faut néanmoins respecter entièrement la partition, afin d’éviter toute cacophonie...

 

On ne naît pas chrétien, on le devient. Si les chemins sont variés pour le devenir, celui des jeunes se trouve balisé par la catéchèse. La formation chrétienne, dans le cadre scolaire est un service que l’Eglise rend aux jeunes, afin de leur faire découvrir la personne de Jésus- Christ et leur donner des orientations et des perspectives pour leur vie. Il s’agit d’inciter les jeunes à une réflexion sur leur identité, pour qu’ils puissent adopter un projet de vie, en harmonie avec ceux qui les entourent, avec le monde et l’Eglise. En cette époque où les jeunes sont confrontés à toutes sortes de doctrines, le catéchiste devient un guide et une aide dans leur recherche personnelle, en transmettant les connaissances relatives à la foi chrétienne, l’héritage culturel et religieux de leur société. La crédibilité d'une action ou d’un enseignement se vérifie aux fruits, pas seulement aux discours. La catéchèse doit permettre l’ouverture aux autres, à l’Autre : Dieu. Pour que cette ouverture se réalise dans le catéchisé, il semble prioritaire qu’elle se fasse également chez le catéchiste.

 

Le catéchiste sert de référence et de modèle aux jeunes qui sont lui confiés. C’est l’intérêt général de l’Eglise qui doit être au premier rang de ses préoccupations. Il ne faut jamais faire un mauvais usage d’un ministère ou d’un service en l’exerçant dans son intérêt personnel, ou en recherchant les honneurs. C’est la raison pour laquelle il convient d’être ouvert aux suggestions des autres, particulièrement celles qui visent à mieux discerner les exigences et les objectifs de l’Eglise ou de la communauté locale : il est indispensable que s’instaure une vraie communication entre tous ceux qui participent au même service dans l’Eglise. Le fait d’expliquer les décisions est utile à l’unanimité ; les discussions ne sont pas le signe d’une discordance, mais celui de la recherche de l’unité et de l’unanimité.

 

Toute mission, particulièrement dans le cadre de la catéchèse, apparaît comme un service d’Eglise. Ainsi les catéchistes se doivent de servir les objectifs proposés comme cadres pastoraux dans leur totalité, se consacrant au service du bien commun, sans chercher à favoriser l’idéologie propre à un groupe particulier auquel ils pourraient appartenir par ailleurs. Le service particulier repose avant tout sur la mission commune. Seule la vie peut se proposer. Le catéchiste ne doit pas projeter ses souhaits ou ses rêves, il doit avant tout vivre authentiquement sa foi. L'Eglise suit un exemple vécu et pas seulement un enseignement. C'est le défi de l'authenticité.

 

Avec une grande charité évangélique, il faudrait faire comprendre à tous les fidèles que l’on ne peut pas se présenter comme « candidat » à l’exercice d’un service, mais bien plutôt accepter de l’accomplir comme en réponse à un appel, qui vient de la part d’un ou de plusieurs responsables. Ceux-ci auront fait preuve de discernement pour appeler ceux qui manifestent une fidèle adhésion à l’Eglise d’aujourd’hui avec son magistère actuel, ceux qui ont un esprit de dialogue et d’ouverture pour respecter les diversités, tant dans l'Eglise que dans la société civile.

 

Se pose alors la question d’une formation. Il est toujours possible d’être de brillants sujets intellectuels et pratiques dans les choses de la vie courante et d’être de petits enfants dans le domaine spirituel et religieux. Il ne s’agit pas de renier « la foi du charbonnier » ; celle-ci est estimable et admirable… mais pour le charbonnier ! A chacun de prendre le temps d’un enracinement, dans son histoire personnelle mais aussi dans la Tradition de l’Eglise, en réfléchissant sur le contenu du message qu’elle peut délivrer aujourd’hui, tant il est vrai qu’il est important d’être très rigoureux et sérieux dans l’annonce de l’Evangile. La formation reposera principalement sur deux grands axes, d’une part la connaissance du mystère chrétien, afin de mieux en vivre et de mieux en témoigner, mais d’autre part, elle portera aussi sur le monde actuel, avec ses techniques et ses progrès. C’est dans celui-ci que l’Eglise est engagée.

 

Pour qu’une formation soit efficace, plusieurs éléments doivent être pris en compte dans une démarche de discernement : l'équilibre humain et la maturité, une foi adulte, un mode de vie correspondant aux valeurs évangéliques et à l'enseignement de l'Église, une expérience de la vie de l'Église… Cette formation sera d’abord théologique, en ce sens que ceux qui veulent réellement servir l’Eglise doivent connaître les fondements de la foi chrétienne et de la Tradition catholique afin de pouvoir l'exprimer et l'expliquer. Ils doivent chercher sans cesse à l'approfondir [45]. Le but n'est pas d'accumuler des savoirs ni d’acquérir un savoir universitaire. Il s'agit plutôt d'ordonner, d'approfondir et de préciser les connaissances antérieures, en acquérant des compétences. Mais il ne s’agit pas seulement de connaître le « pourquoi » de la pastorale, il faut aussi envisager le « comment » : comment animer un groupe, comment soutenir les bénévoles, comment mener à bien le travail en équipe, etc [46]. L'élément clé de la formation sera la collaboration : il faut apprendre à travailler avec les autres, à partager les responsabilités et les prises de décision, à apprécier les forces des autres et leurs limites, et à faire partie d'une communauté de service.

 

Devenir chrétien au vingt-et-unième siècle

A l’aube du troisième millénaire, il n’est plus possible d’être chrétien comme au dix-neuvième siècle… pas plus qu’il n’est possible d’affirmer se référer uniquement et directement aux évangiles. L'homme moderne a vraiment besoin de chrétiens qui répondent à ses attentes. Cette préoccupation n’est d’ailleurs pas un phénomène contemporain, comme le soulignait déjà l’auteur de la lettre à Diognète [47] ou encore le poème d'un auteur anonyme allemand du quatorzième siècle [48].

 

Les chrétiens laïcs appartiennent à la fois au Peuple de Dieu et à la société civile. En raison de leur compétence dans le domaine profane, ils doivent réaliser l’harmonie de leurs droits et de leurs devoirs dans l’Eglise et dans la société. Leur principal devoir, c’est le témoignage du Christ, qu’ils doivent rendre par leur vie et leurs paroles dans leur famille, dans leur groupe social, dans leur milieu professionnel. Les chrétiens, partout où ils vivent [49], sont tenus de manifester, par l'exemple de leur vie, le témoignage de leur parole et par le style de leur existence, le sens authentique de la vie humaine, afin de faire grandir dans la société juste le Royaume de Dieu [50]. Vivant en milieu séculier, les chrétiens laïcs doivent, comme le levain dans la pâte, transformer les cultures en étant des témoins de l'Évangile.

 

Pour rendre témoignage au Christ, ils doivent se reconnaître comme des membres du monde dans lequel ils vivent, avoir une part active dans la vie culturelle et sociale, dans les affaires économiques et politiques. La mission des laïcs dans un ministère pastoral se concrétise dans une fonction qui engage sur les plans de l’agir et de l’être. Pour accomplir leur ministère (ou leur mission), ils doivent être habités par le souci de l’Église, à l’intérieur de leur engagement personnel en vue du service destiné au bien de la communauté chrétienne. Ils portent en eux une double dimension, celle de sa solidarité avec le monde et celle avec l’institution ecclésiale. En effet l'Eglise, en tant qu’institution, ne veut en aucune manière s'ingérer dans le gouvernement de la cité terrestre. Elle ne revendique pour elle-même d'autre titre que celui d'être au service des hommes. Les chrétiens doivent ainsi présenter aux hommes le véritable témoignage du Christ. En effet, l’Eglise n’est pas « notre » Eglise, elle est « son » Eglise.

 

 

 

 

 

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[1] La « pastorale » (appelée en Droit canonique : « cura animarum ») s'étend à l'éventail complet des activités qui aident les personnes baptisées à grandir dans la foi au sein d'une communauté chrétienne, et à la vivre au milieu du monde.

 

[2] en 1988 dans son Exhortation Les fidèles laïcs.

 

[3] C'est la vocation de l'Eglise tout entière d'être au service du dessein de Dieu. Elle est appelée à servir le monde en tout temps et en tout lieu.

 

[4] Paul VI, Evangeli nuntiandi, 18

 

[5] C’est l'Esprit Saint qui accorde des dons à chacun des membres du corps du Christ en vue de l'édification de la communauté de l'Eglise et de l'accomplissement fidèle de la mission du Christ. Tous ont reçu des dons et tous ont à en répondre.

 

[6] Tous les membres de l'Eglise, en fonction de leur baptême, servent le monde en proclamant l'Evangile, en témoignant de leur foi par leur façon de vivre et en intercédant pour le salut du monde. Cela fait également partie de leur service au monde de nourrir ceux qui ont faim, de venir en aide aux pauvres et aux exclus, de réparer les injustices et de se soucier de la sauvegarde de la création, avec toutes les personnes de bonne volonté. En agissant ainsi, ils sont en harmonie avec la mission de l'Eglise.

 

[7] Comme le souligne la lettre à Diognète, citée ultérieurement.

 

[8] 1 P. 4, 10.

 

[9] 2 Co. 12, 4-6.

 

[10] Phi. 2, 3-4.

 

[11] Eph. 4,11-13.

 

[12] Jn. 15, 15.

 

[13] 2 Tim. 3,14-17.

 

[14] Ac. 6, 1-7.

 

[15] Le mot « laïc » est dérivé du grec laos, peuple. Dans la langue de l’Eglise les laïcs sont ceux qui appartiennent au peuple, par opposition au clergé. Le terme « laïc » apparaît pour la première fois dans la première lettre de Clément de Rome à la fin du premier siècle (vers 90). Dans ce texte, le terme désigne les fidèles juifs à la différence des prêtres et des lévites du temple. Au début du troisième siècle la transposition aux fidèles chrétiens se trouve réalisée. Le laïc est maintenant le fidèle, qui se différencie du prêtre et du diacre (Clément d’Alexandrie), du clerc (Origène), du ministre (Tertullien).

 

[16] Le mot « pasteur », dans le sens théologique implique une autorité de surveillance et de discipline mais non l’idée de chef dominateur.

 

[17] Cela a conduit ce concile Vatican II à être un concile pastoral plutôt que dogmatique… Dans la Constitution Dogmatique Lumen gentium, l’Eglise est définie comme Peuple de Dieu sans qu’il y ait de différences entre les catégories de croyants. Ce ne sont pas seulement les ministres, (pape, évêques, prêtres) qui sont comptés comme membres du « Peuple de Dieu », mais ce sont tous les membres de l’Eglise.

 

[18] Maître de l’Ordre des Dominicains (1994-2000), Je vous appelle amis.

 

[19] Ex. 24, 7.

 

[20] Ap. 3, 22.

 

[21] « Notre seule mère, l’Eglise catholique, a enfanté tous les fidèles chrétiens répandus dans le monde entier… La Mère catholique elle-même, avec le pasteur qui est en elle, cherche partout les égarés, fortifie les faibles, soigne les malades, bande les membres fracturés » disait saint Augustin.

 

[22] « Devant le Sauveur, nous sommes tous pauvres et pécheurs. Et pourtant l’Eglise nous conduit aux sources de la sainteté depuis notre baptême. Elle est notre Mère. Une Mère qui nourrit et qui réconcilie. Une Mère, on ne peut pas la critiquer comme une étrangère, car on l’aime, celle qui nous a donné la vie ! » affirme Jean-Paul II.

 

[23] Mt. 28,20.

 

[24] Décret sur l’œcuménisme, 11 : « La méthode et la manière d’exprimer la foi catholique ne doivent nullement faire obstacle au dialogue avec les frères. Il faut absolument exposer clairement la doctrine intégrale. Rien n’est plus étranger à l’oecuménisme que ce faux irénisme, qui altère la pureté de la doctrine catholique et obscurcit son sens authentique et incontestable. En même temps, il faut expliquer la foi catholique de façon plus profonde et plus droite, utilisant une manière de parler et un langage qui soient facilement accessibles même aux frères séparés. En outre, dans le dialogue oecuménique, les théologiens catholiques, fidèles à la doctrine de l’Eglise, en conduisant en union avec les frères séparés leurs recherches sur les divins mystères, doivent procéder avec amour de la vérité, charité et humilité. En exposant la doctrine, ils se rappelleront qu’il y a un ordre ou une « hiérarchie » des vérités de la doctrine catholique, en raison de leur rapport différent avec les fondements de la foi chrétienne. Ainsi sera tracée la voie qui les incitera tous, par cette émulation fraternelle, à une connaissance plus profonde et une manifestation plus évidente des insondables richesses du Christ ».

 

[25] autrement dit : le symbole des apôtres ou le Credo de Nicée-Constantinople, que l’on récite le dimanche durant la célébration eucharistique. Le mot grec symbolon signifiait la moitié d’un objet brisé (par exemple un sceau) que l’on présentait comme un signe de reconnaissance. Les parties brisées étaient mises ensemble pour vérifier l’identité du porteur. Le « symbole de la foi » est donc un signe de reconnaissance et de communion entre les croyants. Symbolon signifie ensuite recueil, collection ou sommaire. Le « symbole de la foi » est le recueil des principales vérités de la foi. D’où le fait qu’il sert de point de référence premier et fondamental de la catéchèse.

 

[26] Il y a deux moyens d’avoir la certitude de la vérité : en entrant, par soi-même, en contact physique avec les choses : c’est alors l’évidence immédiate ; et en apprenant, par les autres qui ont vu, entendu, étudié à notre place. Dans ce cas, il s’agit alors de l’évidence par témoignage, ou encore ce qu’on appelle aussi l’évidence indirecte. Avoir la foi, croire, c’est tenir pour vrai le témoignage de ceux qui ont été les acteurs de ce dont ils témoignent. L’acceptation de leurs affirmations repose sur leur qualité de témoins.

 

[27] Un dogme se rapporte généralement à un Mystère : l’Eucharistie, l’Assomption... Mais aux yeux de l’Eglise, un mystère, ce n’est pas quelque chose qu’on ne comprend pas ; c’est quelque chose de tellement riche qu’on n’a jamais fini de le comprendre. Les dogmes ont joué un rôle essentiel dans le christianisme en établissant les limites des croyances fondatrices. Dans les premiers siècles de l’ère chrétienne, vu l’absence d’une structure ecclésiale, plusieurs membres de l’Eglise ont adhéré à des croyances qui frôlaient ce qu’on appelle aujourd’hui l’hérésie. Les conciles oecuméniques de Nicée et de Constantinople, au quatrième, siècle avaient pour objectif de régler la question du monophysisme, croyance voulant que Jésus de son vivant ait été uniquement de nature divine et non humaine, en condamnant cette hérésie par l’affirmation que Jésus relevait fondamentalement de deux natures, divine et humaine. L’importance des dogmes est indéniable, offrant un cadre de compréhension et de délimitation aux coordonnées de base de la foi chrétienne.

 

[28] Étymologiquement, le mot « magistère » vient du latin magister « maître ». Il désigne l’exercice d’une compétence en matière de vérité qui s’exprime sur le mode d’un enseignement. Il s’agit d’un service du pape et des évêques qui consiste à interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, avec l’autorité reçue du Christ, au nom et par le pouvoir du Christ.

 

[29] Le pape peut être un pécheur... pour autant il reste le successeur de Pierre. Le Christ connaît son imperfection humaine. Il admet que nul homme, même pape, ne puisse prendre de décisions parfaites. La seule chose parfaite qu'il puisse faire, c'est de redire ce qui est contenu dans la Bible. C'est là qu'il est infaillible : lorsqu'il définit la foi de l'Eglise, et lorsqu'il précise quelles doivent être les moeurs, car dans ces deux cas, il tire ses propres propos de l'Ecriture. En revanche, les actes et le mûrissement intellectuel sont sujets à des imperfections. Là, il n'y a pas infaillibilité, et l'erreur entre dans les aléas du gouvernement de l'Eglise.

 

[30] « Le Pontife romain, lorsqu’il parle ex cathedra, c’est-à-dire lorsque, remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de sa suprême autorité apostolique, qu’une doctrine sur la foi ou les mœurs doit être tenue par toute l’Eglise, jouit, par l’assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que fut pourvue son Église, lorsqu’elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs. Par conséquent, ces définitions du Pontife romain sont irréformables par elles mêmes et non en vertu du consentement de l’Église. » (Vatican I, Constitution Pastor aeternus, ch. IV).

 

[31] L'autorité du Magistère s'étend aux préceptes de la loi naturelle. En rappelant les prescriptions de cette loi, le Magistère exerce sa fonction prophétique d'annoncer aux hommes ce qu'ils sont en vérité et de leur rappeler ce qu'ils doivent être devant Dieu. Les fidèles ont le devoir d'observer les constitutions et les décrets portés par l'autorité légitime de l'Eglise. Même si elles sont disciplinaires, ces décisions réclament l’obéissance du cœur. La conscience personnelle doit éviter de s'enfermer dans une considération individuelle pour s'ouvrir à la considération du bien de tous.

 

[32] L’histoire montre que l’Église a toujours cherché à améliorer l’expression de sa foi, quitte à corriger le langage de tel ou tel concile.

 

[33] Catéchisme pour adultes, § 65.

 

[34] Ainsi, même si les mêmes mots ne recouvrent pas forcément les mêmes choses, il est curieux de noter que Pie VI condamne les droits de l’homme (dans le Bref Quod aliquantum, du 10 mars 1791), alors que Paul VI et Jean-Paul II s’en font les hérauts. Grégoire XVI, dans son encyclique Mirari vos de 1832, qualifie la liberté religieuse de « délire » et Pie IX, dans son encyclique Quanta cura de 1864, de « liberté de perdition », alors que Vatican II prône la liberté religieuse comme une exigence évangélique. Pie XI fustige les velléités oecuméniques naissantes (Mortalium animos du 6 janvier 1928), alors que les trois derniers papes ne cessent de proclamer l’oecuménisme comme une nécessité vitale pour l’Eglise.

 

[35] L’Eglise remonte aux apôtres, elle leur est demeurée fidèle à travers les siècles par la succession apostolique : le pape et les évêques ont succédé à Pierre et aux apôtres, ils continuent de parler au nom du Christ dont ils sont les mandatés.

 

[36] Les critères de la pleine appartenance à l’Eglise catholique sont exprimés dans le Code de Droit canonique : « Sont pleinement dans la communion de l’Eglise catholique sur cette terre les baptisés qui sont unis au Christ dans l’ensemble visible de cette Eglise, par les liens de la profession de foi, des sacrements et du gouvernement ecclésiastique » (Can. 205).

 

[37] Jac. 1, 22.

 

[38] L’absence d’autorité intérieure entraînerait la perte de la confiance, sinon voire le rejet par les destinataires.

 

[39] Mt. 5,17-19.

 

[40] La diversité des dons que Dieu fait à l'Eglise exige un ministère de coordination, de façon à ce que ces dons puissent bénéficier à toute l'Eglise, à son unité et à sa mission. L’évêque (étymologiquement l’épiscope, le surveillant) est au service de toute la communauté.

 

[41] Les ministres ordonnés (évêques, prêtres et diacres) ont une responsabilité particulière dans le ministère de la Parole et des sacrements. Ils exercent en outre un ministère d'accompagnement pastoral et conduisent la communauté dans la mission. Ainsi, ils affermissent la communion de foi, de vie et de témoignage de l'ensemble du peuple de Dieu.

 

[42] Phi. 2, 1-2.

 

[43] Au point de vue étymologique, « catéchèse » renvoie à ce qui fait écho à la Parole. Le terme grec catechein signifie « faire retentir une parole et susciter en retour un écho » ; chez les grecs, le mot signifie aussi : aviser, notifier, informer, enseigner, instruire, initier. Ces significations traduisent un processus de communication. Dans les épîtres de Paul, catechein a le sens précis d’instruire.

 

[44] Ce qui est essentiel au témoignage de l'Eglise, ce ne sont pas seulement ses paroles mais aussi l'amour mutuel de ses membres…

 

[45] Cette formation devrait donc inclure les éléments suivants : théologie fondamentale et dogmatique (christologie et théologie sacramentaire), exégèse et théologie biblique, théologie morale, histoire de l'Église, spiritualité.

 

[46] Une formation appropriée en ce sens doit inclure les éléments suivants : théologie pastorale, liturgie, catéchèse, droit canonique, psychologie appliquée et sociologie (qui comprend l'animation et la dynamique de groupe, les techniques de communication, la résolution des conflits, la gestion).

 

[47] Ce texte est un écrit anonyme du deuxième siècle. Son style et son contenu sont d’une étonnante actualité. Il nous renseigne sur la place du chrétien dans le monde : « Les chrétiens ne se distinguent des autres hommes ni par le pays, ni par le langage, ni par les coutumes. Car ils n'habitent pas des de villes qui leur soient propres, ils n'emploient pas quelque dialecte extraordinaire, leur genre de vie n'a rien de singulier. Leur doctrine n'a pas été découverte par l'imagination ou par les rêveries d'esprits inquiets ; ils ne se font pas, comme tant d'autres, les champions d'une doctrine d'origine humaine. Ils habitent les cités grecques et les cités barbares suivant le destin de chacun ; ils se conforment aux usages locaux pour les vêtements, la nourriture et le reste de l'existence, tout en manifestant les lois extraordinaires et vraiment paradoxales de leur manière de vivre. Ils résident chacun dans sa propre patrie, mais comme des étrangers domiciliés. Ils s'acquittent de tous leurs devoirs de citoyens, et supportent toutes les charges comme des étrangers. Toute terre étrangère leur est une patrie, et toute patrie leur est une terre étrangère. Ils se marient comme tout le monde, ils ont des enfants, mais ils n'abandonnent pas leurs nouveau-nés. Ils prennent place à une table commune, mais qui n'est pas une table ordinaire. Ils sont dans la chair, mais ils ne vivent pas selon la chair. Ils passent leur vie sur la terre, mais ils sont citoyens du ciel. Ils obéissent aux lois établies, et leur manière de vivre est plus parfaite que les lois. Ils aiment tout le monde, et tout le monde les persécute. On ne les connaît pas, mais on les condamne ; on les tue et c'est ainsi qu'ils trouvent la vie. Ils sont pauvres et font beaucoup de riches. Ils manquent de tout et ils ont tout en abondance. On les méprise et, dans ce mépris, ils trouvent leur gloire. On les calomnie, et ils y trouvent leur justification. On les insulte, et ils bénissent. On les outrage, et ils honorent. Alors qu'ils font le bien, on les punit comme des malfaiteurs. Tandis qu'on les châtie, ils se réjouissent comme s'ils naissaient à la vie. Les Juifs leur font la guerre comme à des étrangers, et les Grecs les persécutent ; ceux qui les détestent ne peuvent pas dire la cause de leur hostilité. En un mot, ce que l'âme est dans le corps, les chrétiens le sont dans le monde ».

 

[48] Christ n'a pas assez de mains.

Il n'a que nos mains pour faire son travail aujourd'hui.

Christ n'a pas assez de pieds.

Il n'a que nos pieds pour conduire les hommes sur son chemin.

Christ n'a pas de lèvres.

Il n'a que nos lèvres pour parler de Lui aux hommes.

Il n'a pas d'aides.

Il n'a que notre aide pour mettre les hommes à ses côtés.

Nous sommes la seule Bible que le public lit encore.

Nous sommes le dernier message de Dieu écrit en actes et en paroles.

 

[49] Parce qu'ils sont les membres du Corps dont le Christ est la Tête, les chrétiens contribuent par la constance de leurs convictions et de leur moeurs, à l'édification de l'Eglise.

 

[50] A contrario, il faudrait peut-être méditer cette allégorie de Boccace, dans le Décaméron (première journée, deuxième nouvelle), au milieu du quatorzième siècle. Un chrétien, raconte-t-il, était grand ami d'un marchand juif. Jean le chrétien voulait bien convertir Abraham. Ce dernier, voulant juger sur pièces, se décide d'aller à Rome pour observer le genre de vie du pape et des cardinaux. « Si leur conduite vient confirmer tes paroles et me fait comprendre... que votre foi est supérieure à la mienne », je me convertirai, dit-il. Le chrétien, découragé par « la vie criminelle et la débauche des clercs » tente de dissuader son ami d'aller à Rome. Mais Abraham y va tout de même. Le juif ne rencontre à Rome que sodomites, courtisanes et mignons, gloutons et ivrognes, avaricieux et prévaricateurs. Scandalisé, il revient à Paris. Il lui semble que le pape et les cardinaux font tout pour bannir de ce monde la religion chrétienne. Mais « comme ce but n'est pas atteint, et que votre religion se répand de jour en jour... je crois comprendre... que le Saint-Esprit en est le fondement et le garant... » Abraham se convertit donc.

 

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