La confirmation, sacrement de Pentecôte

 

Le baptême fait entrer le nouveau chrétien dans le mystère même du Christ, mort et ressuscité, dans le mystère pascal, de la mort de l’homme ancien jusqu’à la vie de l’homme nouveau, investi de la personne même du Christ Seigneur. La confirmation constitue le baptisé comme le témoin des dons de Dieu, et particulièrement des dons de son Esprit, qui travaille à la transformation du monde pour en faire une demeure habitable par Dieu.

Tout d’abord, il convient d’éviter une fausse idée du sacrement de confirmation : il n’est pas le seul à communiquer la vie selon l’Esprit de Dieu, comme si les autres sacrements n’étaient pas aussi l’oeuvre de l’Esprit dans le coeur des hommes. Le baptême était déjà une entrée dans la famille de Dieu : Je te baptise, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Par là, il fondait une communion de vie avec les trois personnes divines. Et le concile Vatican II, dans sa Constitution dogmatique, s’il insiste sur le fait que, par le baptême, le nouveau chrétien devient membre du Corps du Christ, souligne également que l’Esprit associe le baptisé à l’oeuvre sacerdotale, royale et prophétique du Christ.

La confirmation apparaît comme le sacrement qui donne au baptisé la force de l’Esprit : celui-ci permet alors de porter au monde le témoignage du Christ ressuscité.

Le jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint descendit sur les apôtres, assemblés avec Marie ; tous furent remplis de l’Esprit-Saint et témoignèrent des oeuvres opérées en Jésus-Christ. Ceux qui entendirent ce témoignage furent baptisés, et ils reçurent eux aussi les dons de l’Esprit. Depuis ce temps, les apôtres, pour accomplir la volonté du Christ, communiquèrent aux croyants, par l’imposition des mains, le don de l’Esprit qui porte à son achèvement l’oeuvre de Dieu opérée depuis le baptême. L’imposition des mains est reconnue par l’Eglise catholique comme l’origine du sacrement de la confirmation, celui-ci prolongeant ainsi, en quelque sorte, le don de l’Esprit au jour de la Pentecôte.

La Pentecôte, inauguration du témoignage apostolique

Après sa résurrection, Jésus se montre pendant quarante jours à ses amis, continuant son enseignement et les préparant à leur mission. Il les envoie dans le monde proclamer ce qu’ils ont vu et entendu. Ils seront ses témoins. Quarante jours après sa Pâque, Jésus fait ses adieux avant de rejoindre son Père :

Ils étaient donc réunis et lui avaient posé cette question : Seigneur est-ce maintenant le temps où tu vas rétablir le Royaume pour Israël ? Il leur dit : Vous n’avez pas à connaître les temps et les moments que le Père a fixés de sa propre autorité, mais vous allez recevoir une puissance, celle du Saint Esprit qui viendra sur vous, vous serez alors mes témoins à Jérusalem, dans toute la Judée et la Samarie, et jusqu’aux extrémités de la terre. A ces mots, sous leurs yeux, il s’éleva et une nuée vint le soustraire à leurs regards. Comme ils fixaient encore le ciel où Jésus s’en allait, voici que deux hommes en vêtements blancs se trouvèrent à leurs côtés et leur dirent : Gens de Galilée, pourquoi restez-vous là à regarder vers le ciel ? Ce Jésus qui vous a été enlevé pour le ciel viendra de la même manière que vous l’avez vu s’en aller vers le ciel (Ac. 1, 6-11).

Au début de ce court texte, qui retrace l’Ascension de Jésus, celui-ci est encore présent au milieu de ses disciples. Arguant de cette présence, les disciples peuvent l’interroger afin de savoir si le temps de la restauration d’Israël est enfin arrivé. A la fin de cette péricope, Jésus est définitivement absent, il est enlevé par une nuée, signifiant symboliquement la présence de la divinité. De cette façon, Jésus accède à Dieu d’une manière visible pour les disciples. Ceux-ci ont reçu de sa part une promesse qui sera un ordre de mission : ils recevront l’Esprit qui fera d’eux des témoins, et non seulement en Israël, mais aussi dans le monde entier. L’espace n’est donc plus limité au seul peuple d’Israël vers lequel les disciples tournaient encore leurs regards et leurs espérances, l’espace est ouvert jusqu’à l’extrémité de la terre. Parallèlement le temps qui est le leur, ce n’est plus le passé, mais l’avenir qui s’ouvre devant eux par le fait même de la disparition physique de Christ.

La présence de Jésus leur permettait encore de tourner leurs yeux vers le passé, vers la restauration du royaume pour le peuple d’Israël. Sa disparition et son absence leur permettent de se découvrir comme porteurs d’une dimension d’avenir, comme porteurs d’une espérance qui n’est plus sélective, mais universelle. Jésus envoie donc ses apôtres, ils seront ses témoins jusqu’aux extrémités du monde. Ils sont surpris devant l’immensité de la tâche à accomplir. Ils pensaient que leur Maître allait rétablir la royauté de David sur Israël, qu’il allait bâtir le monde nouveau annoncé par les prophètes. Depuis de nombreuses générations, les juifs pieux attendaient le Messie, ils pensaient qu’il rassemblerait toutes les nations autour de Jérusalem.

Jésus renverse toutes les perspectives. Il ne rétablit pas la dynastie davidique, il envoie ses amis dans le monde pour préparer la venue du Royaume de Dieu. Il ne leur demande pas de rassembler toutes les nations autour de Jérusalem, mais de quitter la ville pour aller à la rencontre des hommes, là où ils se trouvent. Il ne leur demande plus de regarder vers le passé, mais de se tourner résolument vers l’avenir. Il ne faut pas compter sur une intervention directe de Dieu pour régler les problèmes humains. Dieu se retire de l’histoire des hommes, il a dit son dernier mot dans la résurrection du Christ. Il ne reviendra pas sur sa parole, il a tout donné. Jésus demande à ses disciples de devenir eux-mêmes les artisans du monde pour faire de celui-ci une demeure habitable par Dieu, au jour où le Christ reviendra dans la gloire.

Chez les disciples, ce départ aurait dû provoquer la tristesse, le découragement. Au contraire, c’est la joie qui les envahit. La disparition de Jésus n’est que l’envers de sa présence invisible : Jésus s’éloigne pour se rendre plus proche. Il gagne le ciel, pourtant ce n’est pas là qu’il faut le chercher, mais sur la terre où tout pouvoir lui a été donné. Que signifie ce ciel où Jésus disparaît ? Quel sens peut-il avoir pour la vie des hommes et des chrétiens ? Jésus est venu sur la terre pour faire la volonté du Père, il est venu vivre sur terre le ciel pour lequel les hommes sont faits. Dieu a écouté l’appel du prophète Esaïe : Ah ! si tu déchirais les cieux, si tu descendais !

Dieu a répondu au désir de l’homme, il ne sera plus un Dieu lointain, mais un Dieu proche des hommes. Jésus envoie donc ses apôtres, ils seront ses témoins jusqu’aux extrémités du monde. Ils sont surpris devant l’immensité de la tâche à accomplir. Ils pensaient que leur Maître allait rétablir la royauté de David sur Israël, qu’il allait bâtir le monde nouveau annoncé par les prophètes. Depuis de nombreuses générations, les juifs pieux attendaient le Messie, ils pensaient qu’il rassemblerait toutes les nations autour de Jérusalem.

Jésus renverse toutes les perspectives. Il ne rétablit pas la dynastie davidique, il envoie ses amis dans le monde pour préparer la venue du Royaume de Dieu. Il ne leur demande pas de rassembler toutes les nations autour de Jérusalem, mais de quitter la ville pour aller à la rencontre des hommes, là où ils se trouvent. Il ne leur demande plus de regarder vers le passé, mais de se tourner résolument vers l’avenir. Il ne faut pas compter sur une intervention directe de Dieu pour régler les problèmes humains. Dieu se retire de l’histoire des hommes, il a dit son dernier mot dans la résurrection du Christ. Il ne reviendra pas sur sa parole, il a tout donné. Jésus demande à ses disciples de devenir eux-mêmes les artisans du monde pour faire de celui-ci une demeure habitable par Dieu, au jour où le Christ reviendra dans la gloire.

Pour être ses témoins jusqu’aux extrémités de la terre, les apôtres doivent d’abord se souvenir de ce qu’ils ont vu et entendu de la bouche même de Jésus. Le témoignage qui est demandé aux disciples n’a rien à voir avec une connaissance spéculative de Dieu : ils n’ont pas à connaître Dieu en lui-même, mais simplement à reconnaître que cet homme singulier qu’était Jésus de Nazareth est véritablement le Révélateur du Père. C’est le témoignage rendu à la connaissance d’un homme singulier et unique, en qui les disciples ont pu reconnaître l’action de Dieu. La puissance de l’Esprit leur permettra de découvrir en Jésus le Serviteur de Dieu qui a été glorifié par le Dieu d’Abraham, d’Isaac, de Jacob, le Dieu des pères, le Dieu-Père du peuple, le Dieu de Jésus-Christ qu’il a glorifié et exalté.

L’absence de Jésus et la puissance de l’Esprit vont permettre aux apôtres de prendre la parole, d’exprimer ce qu’ils ont vécu avec ce Jésus de Nazareth que les Juifs ont crucifié, mais que Dieu a ressuscité d’entre les morts. D’une certaine manière, le Ressuscité, en disparaissant à la vue des disciples, leur permet de devenir eux-mêmes dans le témoignage qu’ils vont rendre de lui, ce témoignage sera celui de la re-connaissance, celui d’une nouvelle naissance à l’intérieur d’une communion avec Celui qui est ressuscité. Les disciples auront alors un avenir marqué par une singularité, celle de la puissance de l’Esprit, qui, par eux, rendra lui-même témoignage à Jésus-Christ.

La tradition chrétienne la plus ancienne découvre donc dans l’événement de Pentecôte l’acte fondateur de l’Eglise, dans l’acte même de la prise de parole par Pierre. Si l’Ascension permet aux disciples de parler de Celui qui est l’Absent de l’histoire, la Pentecôte va permettre à ses mêmes disciples de communiquer leur foi et de faire naître ainsi une communauté de foi avec les hommes de toutes les races et de toutes les langues. Que s’est-il donc passé le jour de la Pentecôte ? Luc, dans son livre des Actes, nous le rapporte :

Quand le jour de la Pentecôte arriva, ils se trouvaient réunis tous ensemble. Tout à coup survint du ciel un bruit comme celui d’un violent coup de vent : la maison où ils se tenaient en fut toute remplie. Alors leur apparurent comme des langues de feu qui se partageaient et il s’en posa sur chacun d’eux. Ils furent tous remplis de l’Esprit Saint et se mirent à parler d’autres langues comme l’Esprit leur donnait de s’exprimer. Or, à Jérusalem, résidaient des juifs pieux, venus de toutes les nations qui sont sous le ciel. A la rumeur qui se fit, la foule se rassembla et fut en plein désarroi, car chacun les entendait parler dans sa propre langue. Déconcertés, émerveillés, ils disaient : Tous ces gens qui parlent ne sont-ils pas des Galiléens ? Comment se fait-il que chacun de nous les entende dans sa langue maternelle ?... Tous, nous les entendons annoncer dans nos langues les merveilles de Dieu. Ils étaient tous déconcertés et dans leur perplexité, ils se disaient les uns aux autres : Qu’est-ce que cela veut dire ? D’autres s’esclaffaient : Ils sont pleins de vin doux. Alors s’éleva la voix de Pierre, qui était là avec les Onze, il s’exprima en cas termes : Hommes de Judée et vous tous qui résidez à Jérusalem, comprenez bien ce qui se passe et prêtez l’oreille à mes paroles. Non, ces gens n’ont pas bu comme vous le supposez, nous ne sommes en effet qu’à neuf heures du matin... Israélites, écoutez ces paroles : Jésus le Nazoréen, cet homme que Dieu avait accrédité auprès de vous en opérant par lui des miracles, des prodiges et des signes au milieu de vous, comme vous cet homme, selon le plan bien arrêté et la prescience divine, vous l’avez livré et supprimé en le faisant crucifier par la main des impies, mais Dieu l’a ressuscité en le délivrant des douleurs de la mort, car il n’était pas possible que la mort le retienne en son pouvoir... Frères, il est permis de vous le dire en toute liberté : le patriarche David est mort, il a été enseveli, son tombeau se trouve encore aujourd’hui chez nous. Mais il était prophète et savait que Dieu lui avait juré par serment de faire asseoir sur son trône quelqu’un de sa descendance, issu de ses reins, il a donc vu par avance la résurrection du Christ et c’est à son propos qu’il a dit : il n’a pas été abandonné au séjour des morts et sa chair n’a pas connu la corruption. Ce Jésus, Dieu l’a ressuscité, nous tous en sommes témoins. Exalté par la droite de Dieu, il a donc reçu du Père l’Esprit Saint promis et il l’a répandu, comme vous le voyez et l’entendez... Que toute la maison d’Israël le sache avec certitude : Dieu l’a fait Seigneur et Christ ce Jésus que vous, vous aviez crucifié. Le coeur bouleversé d’entendre ces paroles, ils demandèrent à Pierre : Que ferons-nous, frères ? Pierre leur répondit : Convertissez-vous, que chacun de vous reçoive le baptême au nom de Jésus Christ pour le pardon de ses péchés et vous recevrez le don du Saint Esprit. Car c’est à vous qu’est destinée la promesse, et à vos enfants ainsi qu’à tous ceux qui sont au loin aussi nombreux que le Seigneur notre Dieu les appellera. Par bien d’autres paroles Pierre rendait témoignage et les encourageait : Sauvez-vous, disait-il de cette génération dévoyée. Ceux qui accueillirent sa parole reçurent le baptême et il y eut environ trois mille personnes ce jour-là qui se joignirent à eux (Ac. 2, 1-41).

Avant la Pentecôte, les apôtres vivaient dans la crainte d’une persécution juive, ils étaient paralysés par la peur. Pourtant, il ne s’agissait par d’individus isolés, ils formaient une communauté assidue à la prière. Et c’est toute la communauté priante qui reçoit l’Esprit, et dès ce jour-là, leur courage renaît, ils retrouvent leur assurance la plus intrépide.

L’Esprit se manifeste à eux sous la forme du vent et du feu, deux images concrètes qui indiquent dans toute la Bible, la présence de l’Esprit de Dieu, et qui rappellent notamment les paroles de Jean-Baptiste :

Le peuple était dans l’attente et tous se posaient dans leur coeur des questions au sujet de Jean : Ne serait-il pas le Messie ? Jean répondit à tous : Moi, je vous baptise dans l’eau, mais il vient celui qui est plus fort que moi, et je ne suis pas digne de délier la lanière de ses sandales. Lui, il vous baptisera dans l’Esprit-Saint et le feu. Il a sa pelle à vanner à la main pour nettoyer son aire et pour recueillir le blé dans son grenier ; mais la bale, il la brûlera dans un feu qui ne s’éteint pas (Lc. 3, 15-18).

Pour les apôtres, la Pentecôte fut une véritable résurrection spirituelle, celle-ci étant un des signes les plus éclatants de la réalité de la résurrection de Jésus. Ils n’ont plus peur, car ils ont désormais la certitude de l’authenticité de leur mission. Ils ont reçu la force de l’Esprit de Dieu qui leur permet de clamer partout ce qu’ils ont vu et entendu de la part de Jésus, cet homme envoyé par Dieu, cet homme qui avait opéré des miracles, des signes et des prodiges au milieu de son peuple, cet homme qui a été crucifié par les romains, cet homme que Dieu a ressuscité, cet homme que Dieu a fait Seigneur et Christ.

Après la résurrection de Jésus, Dieu fait irruption dans le monde. C’est d’une manière fracassante que les premiers chrétiens ont décrit cette intervention de Dieu. C’est comme si un feu brûlait toutes les peurs, les angoisses et même le monde ancien. C’est la nouvelle alliance, la Pentecôte, une symphonie qui se joue devant un peuple surpris. Les disciples sont saisis dans ce vent et des langues de feu se posent sur chacun d’eux, signe que chacun pourra dès lors parler des merveilles de Dieu : en chacun d’eux, c’est l’Esprit qui est à l’oeuvre. Et les hommes, venus de toutes les régions de la terre, en entendant les apôtres, comprennent dans leur propre langue qu’il s’agit d’une parole de Dieu.

Chacun entend dans sa propre langue raconter les merveilles de Dieu, et l’audition est parfaite : l’Esprit de Dieu vient remplir le coeur des hommes. Dans ce concert nouveau, chaque instrument est unique, différent du voisin, et cependant, l’accord est unanime. L’Esprit de Dieu n’abolit pas la diversité des langages, il ne supprime pas les différences, mais les dissonances apparentes font la richesse de l’accord : l’Esprit de Dieu est source de communion. Il est en quelque sorte un chef d’orchestre qui permet à l’humanité de réaliser sa propre cohésion, son unité. Les apôtres eux-mêmes sont invités à reconnaître la diversité : eux qui avaient cheminé avec Jésus de Nazareth sur les routes de Palestine, ils ne veulent plus faire qu’un avec tous ceux qui sont venus d’ailleurs. Et ces hommes réalisent qu’il s’agit d’une parole de Dieu, puisqu’ils comprennent l’annonce qui leur est faite.

La grande nouvelle annoncée par Pierre, c’est la résurrection de Jésus. Par celle-ci, Dieu s’est fait proche des hommes à qui il donne aussi son Esprit de force et d’amour pour porter le témoignage du Ressuscité jusqu’aux extrémités de la terre.

Par la résurrection de Jésus, Dieu s’est fait proche des hommes à qui il donne aussi son Esprit de force et d’amour pour porter le témoignage du Ressuscité jusqu’aux extrémités de la terre.

L’Eglise de Pentecôte se présente essentiellement comme une Eglise de mission. Elle reçoit l’Esprit pour annoncer aux hommes les merveilles de Dieu, et particulièrement ce qu’il a accompli en faveur de cet homme singulier qu’était Jésus de Nazareth, mis à mort par la main des hommes et que Dieu a ressuscité d’entre les morts. Le don de l’Esprit de Dieu aux hommes s’enracine dans le mystère pascal, celui de la mort et de la résurrection du Christ.

C’est l’Esprit Saint qui continue d’animer l’Eglise, en rendant le Christ présent de multiples manières, par sa Parole, la Bonne Nouvelle de l’amour de Dieu pour les hommes, par la prière, les sacrements, signes de la rencontre de Dieu et de l’homme, par la vie fraternelle, le partage et l’amour.

La mission confiée par Jésus : De tous les peuples faites des disciples n’est pas réservée aux apôtres et elle ne finit pas avec eux. C’est la mission de l’Eglise, c’est la mission de tout chrétien.

L’Eglise est l’Eglise de Pentecôte

Le deuxième concile du Vatican a opéré une nouvelle Pentecôte pour l’ensemble de l’Eglise, en retrouvant la plus pure théologie de l’Eglise, non plus une Eglise verticale, centrée sur une hiérarchie, au sommet de laquelle se trouvait le pape, auquel étaient soumis les évêques, auxquels étaient soumis les prêtres, et enfin les chrétiens laïcs, soumis à tous, mais une Eglise horizontale, celle du peuple de Dieu, comme il s’est manifesté au jour de la Pentecôte. C’est une Eglise de la communauté priante réunie autour de Pierre et des apôtres, une communauté qui reçoit ensemble le don de Dieu, l’Esprit-Saint.

Une fois achevée l’oeuvre que le Père avait chargé son Fils d’accomplir sur la terre, le jour de la Pentecôte, l’Esprit-Saint fut envoyé, qui devait sanctifier l’Eglise en permanence et procurer ainsi aux croyants, par le Christ, dans l’unique Esprit, l’accès au Père. C’est lui, l’Esprit de vie, la source jaillissante pour la vie éternelle, par qui le Père donne la vie aux hommes que le péché avait fait mourir, en attendant de ressusciter dans le Christ leur propre corps mortel. L’Esprit habite dans le Christ et dans le coeur des fidèles comme dans un temple, en eux il prie et atteste leur condition de fils de Dieu par adoption. Cette Eglise qu’il introduit dans la vérité tout entière et à laquelle il assure l’unité dans la communion et le service, il l’équipe et la dirige grâce à la diversité des dons hiérarchiques et charismatiques, il l’orne de ses fruits. Par la vertu de l’Evangile, il rajeunit l’Eglise et il la renouvelle sans cesse, l’acheminant à l’union parfaite avec son Époux. L’Esprit et l’Epouse, en effet, disent au Seigneur Jésus : Viens. Ainsi l’Eglise universelle apparaît comme un peuple qui tire son unité du Père et du Fils et de l’Esprit-Saint (Lumen Gentium, 4).

Envoyé du Père par le Christ exalté dans la gloire, l’Esprit se répand sur toute l’Eglise, dont il assure l’unité dans la communion. C’est par lui que la communauté chrétienne peut porter le témoignage de la Bonne Nouvelle de salut à tous les hommes.

Ce sont ces mêmes merveilles que les chrétiens sont appelés à faire connaître aux hommes de leur temps. Il y a des signes qui ne trompent pas et qui peuvent permettre de reconnaître les véritables envoyés de Dieu, des signes qui paraissent parfois paradoxaux, puisqu’ils se fondent uniquement sur les béatitudes et qui révèlent une religion en contradiction la plupart du temps avec les aspirations et les réalités du monde présent. C’est dans la communauté rassemblée que la parole de Jésus est vivant pour les chrétiens aujourd’hui. C’est dans l’Eglise que Jésus leur laisse les signes de sa présence, des signes porteurs de vie, que l’on appelle les sacrements. L’Eglise a reçu mission de garantir qu’à travers la parole et les gestes, Jésus communique aux hommes sa propre vie. Les chrétiens connaissent le chemin de la fidélité défini par les apôtres : se rassembler chaque dimanche en Eglise, prier avec Marie pour recevoir l’Esprit de Dieu et vivre les sacrements comme des rencontres personnelles avec Dieu.

Ce qui commence effectivement au jour de la Pentecôte, c’est le temps de l’Eglise : les disciples, autour des apôtres, inaugurent l’Eglise primitive. Le rôle actuel de l’Eglise est de montrer à tous les hommes que Jésus est le Vivant. Avec ses deux mille ans d’histoire, l’Eglise est plus vivante que jamais : fondée timidement par douze hommes rendus intrépides par la résurrection de leur Maître, elle a subi l’épreuve et les persécutions au fil des siècles, elle a connu des hérésies, des divisions au cours de son histoire, elle a eu parfois des responsables indignes de leur charge, elle rassemble des chrétiens pécheurs, qui ont bien du mal à se convertir... Mais comment aurait-elle pu survivre et faire surgir tant d’hommes et de femmes ouverts aux dimensions de l’humanité, si le Christ ressuscité ne l’habitait pas, si l’Esprit qu’il avait promis ne l’animait pas ?

Les chrétiens doivent manifester le Christ vivant par des signes du même type que ceux des premiers chrétiens : la réconciliation, l’union des fidèles célébrant l’eucharistie, l’esprit d’amour et le partage, la révolte contre l’injustice et la misère, l’action contre le mensonge sous toutes ses formes, l’action contre le mépris des pauvres et des petits... C’est à ce signe que les hommes de notre temps reconnaîtront Jésus-Christ vivant pour toujours, à la gloire de Dieu le Père de tous les hommes.

L’Eglise a reçu mission de garantir qu’à travers la parole et les gestes, Jésus communique aux hommes sa propre vie. Les chrétiens connaissent le chemin de la fidélité défini par les apôtres : se rassembler chaque dimanche en Eglise, prier avec Marie pour recevoir l’Esprit de Dieu et vivre les sacrements comme des rencontres personnelles avec Dieu.

La confirmation, sacrement de Pentecôte

De même que l’événement de la Pentecôte était une confirmation pour la communauté chrétienne née de l’expérience pascale, de même la confirmation est le sacrement qui confirme la fondation de l’Eglise dans le monde de notre temps. Ce sacrement est une nouvelle Pentecôte pour toute l’Eglise qui est, depuis ses origines, l’Eglise de la Pentecôte. En effet, c’est toute l’Eglise, signifiée dans la première communauté priante de Jérusalem, qui a reçu l’Esprit de Dieu, et non pas seulement quelques individus. Mais, de même que l’eucharistie est mémorial de la Pâque du Seigneur, de même la confirmation est mémorial de la Pentecôte pour les chrétiens. Et dans la célébration de ce sacrement, l’Eglise veut signifier qu’elle n’est pas une société humaine ordinaire, qu’elle n’est même pas une société religieuse particulière : elle signifie qu’elle est LE peuple de Dieu, né au jour de la Pentecôte :

L’ensemble de ceux qui regardent vers Jésus, en croyant en lui comme l’auteur du salut et le principe de l’unité et de la paix, Dieu les a convoqués pour en faire son Eglise, afin qu’elle soit, pour tous et pour chacun, le sacrement visible de cette unité porteuse de salut (Lumen Gentium, 9).

Tout baptisé, quel qu’il soit, est membre de plein droit, de cette Eglise de Pentecôte, car il n’est pas d’autre Eglise que celle qui est née de la venue de l’Esprit sur la communauté des croyants. Et, comme membre de cette Eglise, le baptisé participe réellement à la mission complète de l’Eglise.

Les questions posées par l’administration de la confirmation

Depuis les années 1960, le sacrement de la confirmation a suscité de nombreuses réflexions dans les différents diocèses du monde. C’est en effet à cette époque que l’on s’est posé la question de sa signification, de sa valeur de signe pour l’ensemble de la communauté chrétienne. Jusqu’alors, les chrétiens vivaient dans un monde, qualifié par un régime de chrétienté. Or, le monde a changé et le régime de chrétienté a été sérieusement bousculé. Les théologiens, comme les pasteurs, se sont légitimement interrogés sur les différents aspects de ce sacrement.

Est-il le complément indispensable du baptême ? Auquel cas, il faudrait l’administrer le plus rapidement possible après le baptême, ainsi que le fait l’Eglise d’Orient. L’orthodoxie, en effet, pratique ‘la chrismation’ au moment même du baptême.

Ou, est-il le sacrement de l’âge adulte, comme le préconisait saint Thomas d’Aquin ? La confirmation serait alors au baptême ce que la croissance est à la naissance.

Est-il le renouvellement des dons reçus au baptême ? Sans être un second baptême, la confirmation serait le renouvellement de toutes les promesses du baptême. La position protestante est alors plus explicite, puisqu’elle préconise, dans une confirmation, le renforcement, à l’âge pleinement conscient, des engagements pris, à la fois par Dieu et par l’individu, lors du baptême.

Est-il, comme le monde catholique le pensait, dans les années 1930-1940, le sacrement de l’apostolat ? Le chrétien confirmé deviendrait alors véritablement le soldat du Christ, capable de défendre sa foi et son attachement au Christ, même au péril de sa vie, comme c’était le cas dans les premiers siècles de l’Eglise, pendant les persécutions.

Est-il le sacrement de l’Esprit-Saint, le don de Dieu ? Mais alors ce serait une manière de penser qui ferait que le don de l’Esprit au baptême est incomplet. Ou alors, il faut penser que le baptême donne déjà l’Esprit et que la confirmation le donne en plénitude. Baptême et confirmation seraient alors deux étapes inséparables d’une même initiation chrétienne.

Est-il le sacrement de la communion ecclésiale ? Ce caractère serait alors souligné par la présence de l’évêque qui est le garant de l’identité chrétienne de toute la communauté. Mais ne serait-ce pas oublier que le baptisé participe, du fait même de son baptême, à la communion de l’Eglise, et de l’Eglise de la Pentecôte ?

Toutes ces questions précisent la richesse du sacrement de confirmation et impliquent des pratiques très diverses, selon les réponses que l’on peut donner dans une pastorale concrète...

Le sacrement, signe efficace

Dans un régime de chrétienté, c’est toute la communauté qui est signe de Jésus-Christ, et il est alors légitime de dire que tel ou tel sacrement produit tel ou tel effet chez celui qui le reçoit, sans se soucier de sa valeur de signe pour les autres, puisque personne ne se trouve présent pour découvrir un signe de Jésus-Christ. Alors les chrétiens ne se définissaient pas par le signe qu’ils pouvaient donner aux autres, mais bien plus par les sacrements qu’ils recevaient. Était considéré comme chrétien celui qui était baptisé, confirmé, celui qui pratiquait la religion du groupe auquel il appartenait.

Aujourd’hui, dans un régime qui n’est plus de chrétienté, sauf en de rares endroits, le chrétien ne se définit plus par sa pratique sacramentelle, mais bien par le témoignage qu’il peut donner avec ceux de sa communauté aux hommes qui ne partagent pas sa foi. Le chrétien doit devenir lui-même "signe" pour les autres, non plus seulement par la fréquentation des sacrements, mais aussi et surtout par le témoignage de toute sa vie. Et c’est ainsi qu’il est possible de retrouver la dimension missionnaire de tout sacrement. L’Eglise qui célèbre les sacrements particuliers se doit d’être elle-même tout entière "Sacrement de Jésus-Christ", c’est-à-dire porter le témoignage de son action et de sa présence dans le monde contemporain. C’est en ces termes que s’exprimait encore la Constitution dogmatique sur l’Eglise, à Vatican II :

Les fidèles, incorporés à l’Eglise par le baptême, ont reçu un caractère qui les délègue pour le culte religieux chrétien ; devenus fils de Dieu par une régénération, ils sont tenus de professer devant les hommes la foi que, par l’Eglise, ils ont reçue de Dieu. Par le sacrement de confirmation, leur lien avec l’Eglise est rendu plus parfait, ils sont enrichis d’une force spéciale de l’Esprit-Saint et obligés ainsi plus strictement tout à la fois à répandre et à défendre la foi par la parole et par l’action en véritables témoins du Christ (Lumen Gentium, 11).

Il s’agit de définir ce que peut signifier (au sens fort) le sacrement de confirmation, et cette signification, cette valeur de signe pour le monde ne peut se trouver que dans une Eglise qui est tout entière l’Eglise de la Pentecôte. C’est la plénitude de l’Esprit qui est donnée à la plénitude de l’Eglise.

En faisant l’exégèse de l’événement même de Pentecôte, Pierre expliquait à tous les résidents de Jérusalem que le don de l’Esprit, qui était perçu comme un don eschatologique, s’est effectué dans l’histoire des hommes. Ce qui était perçu comme une réalité devant se réaliser à la fin des temps, "dans les derniers jours", a été signifié dans le temps de l’humanité. Le signe que Dieu a donné à certains hommes dans la résurrection du Christ est devenu pleinement efficace pour tous les hommes dans l’événement de la Pentecôte. L’Esprit de Dieu a été répandu sur toute chair, sur tout homme qui devient alors prophète, c’est-à-dire porte-parole de Dieu.

Dans toute la littérature biblique, chaque fois que l’Esprit de Dieu investit un homme, c’est pour en faire un témoin, un envoyé de Dieu parmi les hommes. La mission de celui qui reçoit l’Esprit peut se situer sur une échelle humaine, son pouvoir se situe alors dans les domaines de la connaissance des réalités matérielles ou des réalités spirituelles :

Il l’a rempli de l’Esprit de Dieu pour qu’il ait sagesse, intelligence, connaissance et savoir-faire universel : création artistique, travail de l’or et de l’argent, du bronze, ciselure des pierres de garnitures, sculpture sur bois et toutes sortes de travaux artistiques. Il a mis en lui le don d’enseigner... (Ex. 35, 31-34).

Cette mission peut aussi se situer à l’échelle du gouvernement du peuple. Ainsi l’idéologie royale présente le souverain comme possédant l’Esprit de Dieu et exerçant son pouvoir royal animé par cet Esprit. Le roi-messie, annoncé par Isaïe, est présenté de la sorte :

Un rameau sortira de la souche de Jessé, un rejeton jaillira de ses racines. Sur lui reposera l’Esprit du Seigneur, esprit de sagesse et de discernement, esprit de conseil et de vaillance, esprit de connaissance et de crainte du Seigneur (Is. 11, 1-2).

De même, le prophète était considéré comme envoyé de Dieu, rempli de son Esprit :

L’Esprit du Seigneur est sur moi. Le Seigneur, en effet, a fait de moi un messie, il m’a envoyé porter un joyeux message aux humiliés, panser ceux qui ont le coeur briser, proclamer aux captifs l’évasion, aux prisonniers l’éblouissement, proclamer l’année de la faveur du Seigneur, le jour de la vengeance de notre Dieu, réconforter tous les endeuillés (Is. 61, 1-2).

C’est cette même parole de l’Ancien Testament que Jésus invoquera lorsqu’il prendra la parole dans la synagogue de Nazareth :

L’Esprit du Seigneur est sur moi, parce qu’il m’a conféré l’onction, pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, il m’a envoyé proclamer aux captifs la libération et aux aveugles le retour à la vue, renvoyer les opprimés en liberté, proclamer une année d’accueil par le Seigneur (Lc. 4, 18-19).

L’homme investi de la puissance de l’Esprit de Dieu devient un homme nouveau. Il existe une sorte d’engendrement spirituel par l’action de l’Esprit. Et c’est dans cette ligne de l’engendrement que l’on peut lire différents récits du Nouveau Testament. Ainsi, l’annonce de la naissance de Jésus à Marie :

L’Esprit-Saint viendra sur toi et la puissance du Trés-Haut te couvrira de son ombre, c’est pourquoi celui qui va naître sera saint et sera appelé Fils de Dieu (Lc. 1, 35).

L’Esprit de Dieu opère une oeuvre créatrice et vivifiante, de même qu’à la création, il vivifiait le monde. De même, au commencement de la vie publique de Jésus, lors de son baptême :

Comme tout le peuple était baptisé, Jésus, baptisé lui aussi, priait. Alors le ciel s’ouvrir, l’Esprit-Saint descendit sur Jésus sous une apparence corporelle, comme une colombe, et une voix vint du ciel : Tu es mon Fils, moi, aujourd’hui, je t’ai engendré (Lc. 3, 21-22).

Recevant l’Esprit de Dieu au jour de son baptême, Jésus devient alors, pour ainsi dire, l’instigateur d’une nouvelle communauté. Des disciples vont le suivre, à qui il révélera sa condition filiale avec Dieu, dans l’Esprit. La Pentecôte peut aussi être lue dans cette perspective, comme le certificat de naissance d’une communauté nouvelle, l’Eglise, qui, elle aussi, sera envoyée en mission et qui recevra pour tâche de faire naître à la foi en Jésus, et au nom de Jésus, des hommes de toutes les nationalités de la terre.

Le signe efficace de l’action de l’Esprit est toujours une naissance à un monde nouveau, à une nouvelle manière de vivre la relation avec Dieu. Le signe efficace d’un sacrement, tel celui de la confirmation, peut alors se trouver dans la naissance, ou du moins dans la proposition d’une naissance, d’autres hommes à la foi de l’Eglise. De cette manière, l’Eglise qui célèbre la confirmation, cette Eglise en laquelle l’Esprit agit, s’ouvre à une dimension d’avenir puisqu’elle marque la croissance du Royaume et puisqu’elle invite les hommes à découvrir, dans cette croissance, le signe de l’amour de Dieu qui les rejoint dans leur vie quotidienne, pour les faire participer au salut apporté en Jésus-Christ et confirmé par le don de l’Esprit. Il apparaît donc que célébrer la confirmation est une nécessité vitale pour l’Eglise, non seulement parce que c’est dans cette célébration que certains individus de la communauté chrétienne reçoivent en plénitude le don gratuit de Dieu, mais aussi et surtout parce que c’est dans cette célébration qu’elle fait mémoire de l’événement qui l’a fondée. Elle célèbre celui qui la fait naître, celui qui la maintient dans l’existence, en la faisant croître, celui qui lui garde son unité (malgré ses diversités), celui qui fonde son témoignage, celui qui lui donne toute sa vitalité.

La confirmation dans l’histoire

Le fondement historique du sacrement de confirmation se trouve dans le livre des Actes des apôtres, qui parlent explicitement du don de l’Esprit-Saint par le geste de l’imposition des mains :

Une fois arrivés en Samarie, Pierre et Jean prièrent pour les Samaritains afin qu’ils reçoivent l’Esprit-Saint. En effet, l’Esprit n’était encore tombé sur aucun d’eux, ils avaient seulement reçu le baptême au nom du Seigneur Jésus. Pierre et Jean se mirent donc à leur imposer les mains et les Samaritains recevaient l’Esprit-Saint (Ac. 8, 15-17).

Ils (des Éphésiens) l’écoutèrent et reçurent le baptême au nom du Seigneur Jésus. Paul leur imposa les mains et l’Esprit vint sur eux, ils parlaient en langues et prophétisaient. Il y avait en tout environ douze personnes (Ac. 19, 5-7).

On peut aussi découvrir des allusions à l’Esprit dans les lettres apostoliques, mais il n’existe pas de témoignage explicite sur le sacrement de confirmation proprement dit avant le troisième siècle, sans doute parce que l’onction était donnée en même temps que le baptême, qui imprimait sur les nouveaux baptisés la marque, le sceau (en grec, la SPHRAGIS) de l’Esprit et qui faisait d’eux de nouveaux "oints", de nouveaux "christs" par le Christ. La simultanéité du baptême et de la confirmation, appelée chrismation, est encore en usage dans l’Eglise d’Orient.

Comme le soulignait le pape Paul VI, dans sa constitution apostolique, Divinae consortium naturae, en août 1971 :

la manière de conférer le don du Saint-Esprit a donné lieu dans l’Eglise, depuis l’Antiquité, à des rites variés. En Orient comme en Occident, ils connurent des changements divers en conservant toujours cependant la même signification : communiquer le Saint-Esprit.

Il est impossible de préciser quand l’Eglise a commencé à combiner les deux rites de l’imposition des mains et de l’onction du saint-chrême. Mais la doctrine reconnue par les Pères de l’Eglise est que la confirmation est le sacrement du don de l’Esprit, qui constitue le sceau définitif de l’initiation chrétienne : la confirmation indique la participation effective à la fonction messianique du Christ.

Et il faut encore noter que, durant les trois premiers siècles, le baptême était directement administré par l’évêque, au cours de la nuit pascale. Ainsi, au sortir du bain baptismal, le nouveau baptisé recevait le sacrement de confirmation, soit par l’imposition des mains, soit par une signation (signe de croix sur le front). Mais à la fin du troisième siècle, les candidats au baptême sont de plus en plus nombreux, si bien que l’évêque n’est plus en mesure de les baptiser tous lui-même : il consacre alors l’eau baptismale, commence la série des baptêmes, puis délègue ses pouvoirs à des prêtres ou à des diacres (et même à des diaconesses pour le baptême des femmes). Il reçoit les nouveaux baptisés et accomplit sur eux les rites du don de l’Esprit selon des modalités qui diffèrent entre l’Occident (imposition des mains) et l’Orient (chrismation), sans omettre la signation sur le front, par laquelle le chrétien porte la marque, le sceau indélébile de l’Esprit, puis l’évêque donne au baptisé le baiser de paix.

Avec la paix constantinienne, c’est-à-dire vers la fin des persécutions contre l’Eglise, les conversions se multiplient, ainsi que les communautés chrétiennes qui s’étendent à l’extérieur des villes de l’empire jusque dans les campagnes. De plus, les baptêmes d’enfants deviennent aussi de plus en plus nombreux. Alors deux solutions se présentaient. Ou bien, le prêtre baptisé lui-même le nouveau-né au nom de l’évêque, et il différait la confirmation à plus tard, quand l’évêque passerait dans la région, c’est la position qui a été adoptée par l’Eglise d’Occident. Ou bien le prêtre baptisait et confirmait lui-même le nouveau baptisé, le prêtre ayant alors reçu le pouvoir de confirmer au nom de l’évêque, c’est la solution qui a été adoptée par l’Eglise d’Orient, dans laquelle le prêtre baptise, confirme et aussi fait participer le nouveau baptisé à l’eucharistie en lui donnant quelques gouttes du vin eucharistié. L’Occident a donc préféré dissocier le baptême et la confirmation, réservant ce dernier sacrement à l’évêque. L’onction sur le front introduite au cinquième siècle prend de plus en plus d’importance, à côté de la nécessaire imposition des mains.

Au long des siècles, des questions et des doutes surgirent sur ce qui appartenait avec certitude à l’essence du rite de la confirmation. Il est utile de rappeler au moins quelques-uns des éléments qui contribuèrent, depuis le treizième siècle, dans les conciles oecuméniques comme dans les documents des souverains pontifes, à mettre fortement en lumière l’importance de la chrismation sans faire oublier cependant l’imposition des mains.

Innocent III, notre prédécesseur a écrit : Par la chrismation sur le front est signifiée l’imposition des mains, car par elle le Saint-Esprit est donné pour la croissance et la force.

Innocent IV rappelle, lui aussi, que les apôtres donnaient le Saint-Esprit par l’imposition de la main, que représente la confirmation ou chrismation sur le front.

Sans la profession de foi de l’empereur Michel Paléologue, lue au second concile de Lyon, mention est faite du sacrement de confirmation que les évêques confèrent par l’imposition des mains, en marquant du saint-chrême les nouveaux baptisés.

Le décret pour les Arméniens, porté par le concile de Florence (22 novembre 1439), affirme que la matière du sacrement de confirmation est le saint-chrême, fait d’huile et de baume. Après avoir rapporté les termes des Actes des apôtres sur Pierre et Jean qui donnèrent l’Esprit-Saint par l’imposition des mains, il ajoute : A la place de cette imposition des mains, dans l’Eglise, on donne la confirmation.

Le concile de Trente, en 1547, bien que ne voulant pas définir le rite essentiel de la confirmation, le désigne cependant uniquement par le nom de saint-chrême de la confirmation.

Benoît XIV déclara : Ceci est hors de discussion. Dans l’Eglise latine, le sacrement de confirmation est donné en se servant du saint-chrême (c’est-à-dire d’huile d’olive mélangée de baume) béni par l’évêque, par une onction en forme de croix sur celui qui le reçoit par le ministre du sacrement qui prononce en même temps les paroles constituant la forme.

De nombreux théologiens défendirent, à cause de ces déclarations et de ces traditions que l’onction de saint-chrême, faite sur le front par l’imposition de la main, était seule requise pour conférer validement la confirmation. Dans les rites de l’Eglise latine néanmoins, l’imposition des mains sur les confirmands avant l’onction du saint-chrême était toujours requise...

En Occident, les paroles du rite qui complète le baptême ne furent pas clairement déterminées jusqu’aux douzième et treizième siècles. En fait, c’est dans le pontifical romain du douzième siècle qu’apparaît pour la première fois la formule devenue ensuite commune : Je te marque du signe de la croix et je te confirme avec le chrême du salut, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit.

Par tout ce que nous avons rappelé, il apparaît clairement que, dans l’acte de confirmer, en Orient comme en Occident, de manières certes diverses, l’onction du saint-chrême qui représente, d’une certaine façon, l’imposition des mains faite par les apôtres a tenu la première place. Comme cette onction du saint-chrême symbolise de manière adaptée l’onction spirituelle du Saint-Esprit qui est donné aux fidèles, nous voulons en confirmer l’existence et l’importance. Pour ce qui est des paroles prononcées lors de la chrismation, nous avons estimé à sa juste valeur la dignité de la vénérable formule utilisée dans l’Eglise latine. Nous avons jugé cependant qu’il fallait préférer l’antique formule propre au rite byzantin, par laquelle est exprimé le don de l’Esprit-Saint lui-même et rappelée l’effusion de l’Esprit le jour de la Pentecôte. Aussi avons-nous adopté cette formule presque mot pour mot.

Le sacrement de confirmation est conféré par l’onction de saint-chrême sur le front, faite en imposant la main, et par ces paroles : Accipe signaculum Doni Spiritus Sancti, Sois marqué de l’Esprit-Saint, le Don de Dieu.

(Paul VI, Constitution apostolique, Divinae consortium naturae, 15 août 1971).

Le pape Paul VI rappelait ainsi l’évolution de l’administration du sacrement de confirmation, en insistant sur le rite essentiel de l’imposition de la main et de l’onction simultanée (qui peut alors apparaître comme la consignation de l’onction baptismale).

Les personnes concernées par le sacrement

C’est d’abord toute la communauté qui est concernée par le sacrement de la confirmation. C’est en effet elle qui fait mémoire de l’événement fondateur de l’Eglise, au jour de la Pentecôte. Cela amène à dire explicitement que la confirmation n’est pas le sacrement qui serait donné à un individu pour s’inscrire dans son histoire personnelle. Mais cela est aussi vrai de tous les autres sacrements : ils sont des événements qui marquent le don accordé par Dieu à tout son peuple et à toute l’humanité. En célébrant la confirmation, l’Eglise célèbre le don gratuit de Dieu, qui fait d’elle un peuple de témoins pour l’ensemble de l’humanité. Elle affirme aussi qu’elle n’est pas une société humaine semblable aux autres, mais qu’elle reçoit sa vie et se reçoit elle-même du don de Dieu. La confirmation n’est pas une dévotion privée, elle s’inscrit comme événement fondateur de l’Eglise, comme mémorial de Pentecôte, comme enracinée dans la Pâque du Seigneur. En ce sens, il lui est nécessaire d’être ‘signe’ pour le monde.

L’Eglise universelle est signifiée par la présence de l’évêque qui donne habituellement le sacrement, en tant qu’il est lui-même successeur des apôtres qui, ayant reçu l’Esprit-Saint, l’ont transmis par l’imposition des mains à ceux qui avaient cru au nom de Jésus et s’étaient fait baptiser. L’évêque est celui qui assure la cohésion ecclésiale, effectuant en sa personne la communion de la communauté chrétienne. Et dans le sacrement de la confirmation, sa présence signifie le lien qui unit tous les confirmés à l’ensemble de l’Eglise de la Pentecôte, les invitant alors, au nom de son ministère propre, à porter témoignage du don reçu par la grâce de Dieu. En effet, il revient aux confirmés de mener par la suite une vie conforme au don reçu. La confirmation ne s’achève pas dans la célébration du sacrement, c’est son point de départ, dans la transmission de la foi aux hommes qui ne la connaissent pas encore.

Confirmer des laïcs et ne pas leur donner de responsabilités effectives dans la vie de l’Eglise, c’est manquer à la signifiance du sacrement lui-même. Confirmer des enfants et ne pas accepter de les voir différents, membres à part entière du peuple de Dieu, c’est refuser d’admettre que l’Esprit agit et souffle là où il veut... Aussi est-ce dans cette perspective qu’il est légitime de s’interroger sur l’âge optimal pour recevoir ce sacrement qui clôt l’initiation chrétienne. Il importe, selon la tradition en vigueur dans l’Eglise catholique que l’enfant ait atteint " l’âge de raison ". Mais cet âge de raison ne se limite pas aux seules facultés intellectuelles, il est nécessaire qu’une première annonce de la foi ait été faite depuis le baptême.

L’accès à la confirmation est le résultat d’une démarche personnelle, même si le sacrement est le signe de l’Eglise universelle de Pentecôte. Il est commandé par l’existence d’une vie de foi authentique et réfléchie selon les capacités du candidat. Ainsi, il peut arriver qu’un très jeune enfant soit "apte" à recevoir le sacrement, comme il peut arriver qu’un jeune ou même un adulte ne soit pas encore "apte". Il n’est donc pas possible de dresser des critères objectifs et précis pour fixer un âge pour la réception de ce sacrement. Ce qu’il convient de faire, c’est d’exiger que le candidat vive un minimum d’autonomie dans sa foi et qu’il ait une expérience réelle de la vie de l’Eglise, comme envoyée en mission par son Seigneur.

Eglise de Pentecôte, peuple de pécheurs

Bien qu’elle se sache l’Eglise de la Pentecôte, l’Eglise catholique sait aussi qu’elle est simplement composée d’hommes et de femmes, installés dans leurs habitudes, traversés par les doutes les plus profonds ; elle sait qu’elle constitue un peuple de pécheurs appelés à vivre de la sainteté même de Dieu. Les chrétiens confirmés par le don de l’Esprit sont appelés à se mettre tout entiers au service du Royaume en construction dans le monde présent, avec toute leur intelligence, toute leur volonté, toute leur capacité d’amour. Ce Royaume a besoin de toutes les volontés et de tous les coeurs, même si les hommes qui ont reçu de don de l’Esprit n’en restent pas moins limités, même si ces hommes sont sans cesse appelés à vivre la réconciliation avec Dieu qui les appelle.