LA REFORME EN ANGLETERRE
A Wittenberg, à Zurich, à Strasbourg et à Genève, le
mouvement réformateur était conduit pas des théologiens et par des hommes d'Eglise.
Il en fut à peu près de même en Écosse, avec John Knox. Celui-ci avait été
ordonné prêtre en 1536, et il fut le témoin des premiers mouvements de
réforme populaire, suscités après la mort du roi Jacques V, en 1542. Il
entend la prédication de George Wishart le pionnier du calvinisme en Écosse,
avec lequel il se lie d'amitié. Mais ce
prédicateur calviniste est condamné
et supplicié sur le bûcher, en 1546. La noblesse écossaise, pendant la
régence en faveur de Marie Stuart, qui n'avait qu'un an à la mort de Jacques
V, l'appelle pour prêcher l'Évangile et poursuivre l'oeuvre de Wishart. Lié
aux nobles, il est fait prisonnier par les armées françaises et condamné aux
galères, en 1547. Gracié l'année suivant, il part en Angleterre où il
continue sa prédication, d'abord à Berwick, puis à Newcastle, et enfin à la
cour de Londres, où il col1abore à la rédaction du Second Prayer Book .
Mais, après la mort d'Édouard VI, qui était favorable au courant réformateur, et à la suite des troubles par lesquels s'inaugure le règne de la catholique Marie Tudor, il prend la route de l'exil, vers la France, puis en Suisse, notamment à Zurich et à Genève. Rappelé par la noblesse écossaise, il regagne sa patrie en 1559, pour entreprendre une réforme sur le modèle de l'Eglise genevoise : il prêche contre le culte idolâtrique du catholicisme romain, entraînant les masses populaires à se livrer au pillage des biens ecclésiastiques. Il inspire l'adoption par le parlement d'une Confession de foi écossaise , dans la ligne calviniste ; cette confession interdit le culte catholique et déclare l'autorité du pape supprimée sur le peuple écossais : ainsi, le protestantisme devient la religion officielle du pays, en 1560. Knox s'en prend aussi à la reine Marie Stuart, considérant qu'il est impossible à une reine catholique de gouverner un État protestant : elle ne peut, en effet, être nommée chef de l'Eglise, comme cela se fait dans l'Angleterre voisine. Jusqu'en 1572, année de sa mort, il ne cesse de durcir ses affirmations théologiques d'inspiration calvinienne, se réservant toute autorité en matière ecclésiastique, bien qu'accordant à chaque paroisse le droit d'élire elle-même ses pasteurs et ses anciens. L'Eglise Écosse devenait ainsi une véritable Eglise presbytérienne, sur le modèle genevois.
Henri VIII et la rupture avec Rome
En Angleterre, la Réforme, si elle répondait aux voeux de
nombreux croyants, ne fut pas l'oeuvre des hommes d'Eglise, mais celle de la
royauté. C'est Henri VIII qui la prépara, en s'inspirant de l'humanisme
professé par Érasme. Celui-ci souhaitait une réforme de l'Eglise, mais une
réforme pacifique, qui soit l'oeuvre d'un monarque, lequel pouvait imposer ses
idées nouvelles au pape lui-même. Henri VIII embrassa ce projet, en se
déclarant favorable à une réforme dont il serait lui-même le chef : Érasme
lui dédia son Traité du libre arbitre.
En 1509, alors qu'il était âgé de dix-huit ans, Henri VIII monte sur le trône d'Angleterre. C'est un prince humaniste et sportif, une figure de la Renaissance, épris de faste et de gloire, mais aussi féru de théologie : dès le début de son règne, il souhaite une réforme évangélique de l'Eglise, en faisant visiter les couvents par son chancelier, Thomas Wolsey, avec le titre de légat du pape, afin d'améliorer notamment le système scolaire ecclésiastique et de veiller ainsi à une meilleure formation du clergé.
En agissant ainsi, il ne s'écartait nullement des croyances
traditionnelles auxquelles il demeurait fidèle. Au moment même où le
luthéranisme recrutait ses premiers adeptes y compris dans les milieux
cléricaux et dans les universités. Henri VIII refusait la position de Luther
et pressait l'empereur Charles Quint d'intervenir rapidement pour extirper
l'hérésie de son empire. Scandalisé par la publication du traité de Luther
sur La captivité babylonienne de l'Eglise , qui niait les sacrements, il
collabore activement à l'Assertio septem sacramentorum qu'il dédie au pape,
en 1521, comme signe de sa foi et de son amitié.
Léon X, pour le remercier de sa prise de position, lui accorde le titre qu'il convoitait : Defensor fidei , le défenseur de la foi. Le roi se laisse alors aller à une tendance qui n'avait rien de révolutionnaire, celle de se mettre de plus en plus à la place du pape, pour assurer la réforme de l'Eglise en Angleterre : tous les princes de l'Europe catholique en faisaient autant. Mais Henri VIII avait une raison supplémentaire pour pousser à l'extrême son grand problème religieux : l'affaire de son mariage.
Lors de son avènement, il avait épousé la veuve de son
frère, Catherine d'Aragon, une des tantes de Charles-Quint. De ce mariage
étaient nés six enfants qui, sauf une fille, Marie - laquelle rétablira plus
tard le catholicisme en Angleterre, par la persécution des protestants, ce qui
lui valut le nom de Marie la Sanglante - moururent en bas âge. La succession au
trône d'Angleterre se trouvait en question, car, jusqu'alors, jamais une reine
n'avait été au pouvoir ; Henri VIII était désireux de s'assurer une
descendance mâle et de surcroît, il était amoureux d'une jeune fille de sa
cour, Anne Boleyn. Afin de l'épouser et de s'assurer la descendance attendue,
il demande au pape l'annulation de son mariage, non sans invoquer des fondements
scripturaires pour appuyer sa supplique, adressée en cour de Rome par Wolsey.
Pour ne pas mécontenter Charles-Quint, avec qui il venait de faire la paix,
Clément VII refusa d'accéder à la demande royale. Wosley fut démis de ses
fonctions et remplacé par Thomas More, un humaniste prudent et réservé, bien
qu'adversaire des projets du roi. Ce dernier, sur les conseils de Thomas
Cranmer, professeur à Cambridge, et sous l'influence d'un membre habile du
Parlement, Thomas Cromwell, se tourna vers les grandes universités
d'Angleterre, de France et d'Italie. La plupart d'entre elles estimèrent
légitime sa demande d'annulation de mariage ; Cromwell persuada le roi de
suivre l'exemple des princes allemands et de se séparer de l'autorité romaine.
Henri VIII se fait alors attribuer par la chambre des Lords le titre de chef
suprême de l'Eglise d'Angleterre, en 1531. La déclaration qui l'établissait
comme l'unique protecteur de l'Eglise, son maître suprême et unique, pour
autant que la loi du Christ le permettait fondait la Réforme anglaise. Le roi
fait interdire le paiement des impôts du pape, les annates, qu'il réclame pour
son propre compte ; il se fait attribuer par le clergé le droit de contrôle
sur le droit canon. En Janvier 1133, Cranmer
bénit le mariage du roi avec Anne
Boleyn et, quelques mois plus tard, déclare nul son mariage avec Catherine
d'Aragon, reconnaissant la nouvelle union comme parfaitement valide. En
Septembre naissait la future reine Élisabeth. En juillet 1534, le pape
prononça l'excommunication du roi, de sa femme et de Cranmer. Henri VIII
riposte en faisant promulguer par le Parlement une série de lois qui enlèvent
au pape tout pouvoir de juridiction sur l'Eglise d'Angleterre : le roi et ses
successeurs deviennent l'unique autorité temporelle de l'Eglise d'Angleterre.
La dénomination d'Eglise anglicane ne date pas de la
Réforme. Avant 1521, elle marquait simplement l'unique Eglise d'Angleterre, en
communion avec le siège apostolique de Rome. Désormais, cette même
dénomination va désigner une Eglise particulière, détachée de Rome,
établie par un acte du Parlement et soumise au roi d'Angleterre. D'ailleurs, la
séparation se situe davantage sur le plan de la juridiction de la papauté que
sur celui de la doctrine chrétienne. Les liens qui unissaient l'Eglise
anglicane avec le siège romain sont coupés, les évêques sont affranchis de
la soumission au successeur de Pierre, et le roi s'octroie, sur l'Eglise
anglicane, le pouvoir que possédait précédemment la papauté. Le pape, pas
plus qu'un autre évêque étranger, ne peut plus désormais intervenir dans les
affaires internes de l'Eglise d'Angleterre. D'une certaine façon, le schisme
est alors consommé ; cependant, Henri voulait, à tout prix, maintenir, parmi
ses sujets, la foi catholique. Ce schisme ne connaît aucune résistance dans le
peuple qui n'appréciait guère l'autorité abusive de la papauté et de la
curie romaine, le clergé, quant à lui, s'était déjà soumis au catholicisme
d'état. Seuls, quelques prêtres et quelques évêques résistèrent au roi, en
refusant de prêter le serment par lequel ils devaient reconnaître la
suprématie du roi sur les affaires de l'Eglise Parmi eux se trouvent le savant
évêque de Rochester, John Fisher, et le chancelier, Thomas More. Ils furent
emprisonnés, puis décapités. La plus grande résistance venait de la part des
couvents : le roi décréta la dissolution des monastères et la confiscation de
leurs biens, les moines étant chasses et contraints au mariage, les biens
conventuels étant vendus ou remis au roi. Durant ces événements, Henri VIII
faisait décapiter Anne Boleyn pour épouser Jeanne Seymour, qui, avant de
mourir, après une existence conjugale très brève, lui donnait un fils, le
futur roi Édouard VI.
Inconstant en amour, le roi prétendait demeurer fidèle avec l'orthodoxie de la foi catholique, bien qu'il se soit séparé de la juridiction romaine. Seules, des raisons politiques l'obligèrent à se rapprocher de la Réforme.
Pour résister à une coalition possible entre l'empereur et
le roi de France, il cherche une alliance du côté des princes allemands,
protestants, et, pour ce faire, il autorise les théologiens de l'Eglise
d'Angleterre à prendre contact avec les théologiens de Wittenberg. Ainsi, en
1536, un synode anglais donnait au pays sa première confession de foi, Les dix
articles , qui contenaient, certes, des éléments luthériens, que les
théologiens essayèrent d'harmoniser avec la doctrine catholique. Les sources
de la foi chrétienne sont l'Écriture et les trois premiers symboles : le
Symbole de Nicée-Constantinople, le Symbole des Apôtres et le Symbole
d'Athanase ; la justification est considérée comme une doctrine acceptable ;
trois sacrements, le baptême, la pénitence et la cène, occupent une place
prépondérante, bien que les autres ne voient pas leur existence considérée
comme illégitime ; en ce qui concerne la présence du Christ dans le sacrement
de la cène, la terminologie est ambiguë, puisqu'elle maintient la
transsubstantiation catholique, une idée chère au roi Henri VIII, et la
consubstantiation défendue par Luther ; les cérémonies catholiques, la
vénération des saints et la prière pour les morts sont maintenues...
Dans les explications de ces Articles, les Injonctions , composées sous l'inspiration de Cromwell, l'inspiration est plus nettement protestante : le culte des images et des reliques, les pèlerinages sont interdits ; les prières de l'Eglise se feront désormais dans la langue du pays, et chaque église devra posséder une Bible anglaise. Toujours habile politique, et craignant une nouvelle coalition entre l'empereur Charles-Quint et le roi François Ier, que le pape incitait à mener une expédition punitive outre-Manche, Henri VIII s'assure de l'aide des princes protestants allemands, tout en fournissant aux catholiques une preuve de son attachement à l'orthodoxie. En 1538, il interdit le mariage des prêtres. Et, l'année suivante, le Parlement, sur l'ordre du roi et en dépit de l'opposition protestante, édicte une loi : les six articles , loi qui devait entraîner la persécution et le massacre de ceux qui ne se soumettaient pas aux décisions prises loi qui fut appelée le Bloody Act, le statut sanglant. Le dogme catholique de la transsubstantiation est, une nouvelle fois, affirmé ; la communion sous les deux espèces n'est pas nécessaire ; le célibat ecclésiastique est considéré comme un précepte divin ; les religieux doivent tenir leur voeu de chasteté ; les messes privées et la confession auriculaire sont reconnues comme nécessaires. La répression se fait violente contre tous ceux qui n'admettent pas la doctrine de la transsubstantiation et contre tous ceux qui s'opposent à la pure doctrine catholique.
Cromwell, considéré comme traître et comme hérétique,
fut exécuté ; des prêtres subissent également la peine de mort, sous
prétexte qu'ils s'élevaient contre l'arbitraire de la position royale ; des
protestants, qui tenaient des propos diffamatoires contre la religion
catholique, connaissent la même peine. En 1543, Henri VIII publie un livre
qu'il a lui-même composé en grande partie, un livre anti-protestant La
nécessaire doctrine et instruction de tout chrétien .
Il s'oppose à Luther en affirmant que la justice du Christ n'est pas imputée aux hommes, pas plus qu'elle n'est accordée seulement à ceux qui ont la foi ; que la justification de l'homme peut s'acquérir par la pratique des vertus de la foi, de la charité et de l'espérance, ainsi que par le repentir et la crainte de Dieu, moyennant certains efforts de la part de l'homme dans l'exercice de son libre arbitre, lequel avait été nié par Martin Luther ; que la vénération de la Vierge Marie et des saints était recommandée. La lecture de Écriture fut interdite aux masses populaires à partir de 1546 ; les exécutions des luthériens se poursuivirent jusqu'à la mort du roi, l'année suivante.
L'instauration de la Réforme en Angleterre
Si le schisme avait été consommé avec Rome par Henri VIII,
c'est plutôt son fils, Édouard VI, sous l'influence de ses protecteurs, qui va
entraîner le royaume d'Angleterre dans l'hérésie protestante. Il faut dire
que le jeune Édouard n'a que neuf ans quand il monte sur le trône et qu'il
n'atteindra pas sa dix-septième année. Les précepteurs protestants du jeune
roi l'élevaient selon les principes de la Réforme ; mais Édouard VI ne put
jamais gouverner seul, le pouvoir réel étant entre les mains de son oncle, le
duc de Somerset, qui reçut du Parlement le titre de Protecteur . Celui-ci
chercha, dès le début de son protectorat, à introduire la Réforme en
Angleterre ; et l'on pouvait croire que le calvinisme aller trouver dans ce
royaume un nouveau terrain d'expansion : les articles sanglants furent
supprimés, la communion sous les deux espèces redevenant obligatoires, le
mariage des prêtres à nouveau permis. Cette modération doit sans doute être
mise au compte de Martin Bucer qui séjournait alors en Angleterre. Calvin fit
parvenir au duc de Somerset tout un programme de réformes qui devaient
permettre au peuple de professer la vraie foi réformée. Des mesures
liturgiques furent prises, donnant naissance au Book of commun prayer, le livre
de la prière commune , auquel le Parlement donna force de loi, en 1549.
L'ordre de la messe catholique était maintenu, mais on
éliminait toutes les formules laissant supposer qu'il pouvait s'agir d'un
sacrifice eucharistique et celles qui présentaient le dogme de la
transsubstantiation : la nouvelle liturgie remplaçait l'usage du latin par
l'anglais. Ce livre était un véritable compromis qui pouvait satisfaire les
protestants sans effrayer les catholiques. Une nouvelle édition de ce Book of
common prayer, en 1552, constitue une véritable refonte du précédent : il
est totalement imprégné de théologie calvinienne, tous les aspects évoquant
le sacrifice étant définitivement supprimés, de même que tous les passages
de la messe qui invitaient à la prière pour les morts. Après cette
reformulation du livre de la prière, Thomas Cranmer, archevêque de
Cantorbéry, dote l'Eglise d'Angleterre d'une confession de foi, qui s'inspire
des entretiens de 1538 entre les théologiens anglais et les théologiens de
Wittenberg. Dans les Quarante-deux articles , qu'il propose, l'esprit de la
Réforme calvinienne se fait nettement ressentir, notamment en ce qui concerne
le sacrement de la cène et la doctrine de la prédestination Sont jugés comme
contraires à la Parole de Dieu les indulgences, la vénération des reliques,
le purgatoire, l'invocation des saints. La transsubstantiation, dans le
sacrement de la cène, est rejeté ; le pouvoir de juridiction du pape sur l'Eglise
anglicane est totalement nié. Le maintien de la fonction épiscopale est le
seul point où l'Eglise anglicane ne suit pas la doctrine réformée. Édouard
VI avait à peine approuvé ces quarante-deux articles quand il mourut, en 1553.
L'existence de l'Eglise anglicane devait être remise en question par
l'accession au trône de la reine Marie Tudor, fille catholique d'Henri VIII et
de Catherine d'Aragon.
L'établissement de l'anglicanisme
Malgré les mesures prises par Édouard VI pour empêcher sa
soeur de lui succéder, le peuple et la noblesse la reconnurent pour leur reine
légitime. Pour assurer son autorité royale personnelle, mise en doute par les
discussions sur la validité du mariage de ses parents, mais aussi pour
répondre à ses convictions catholiques personnelles, Marie Tudor, restée
fidèle à sa religion pendant le règne de son demi-frère, voulait ramener son
peuple à la vieille religion ; d'une main ferme, aux prix d'emprisonnements et
de condamnations à mort, elle essaya de ramener le catholicisme dans son
royaume. Ce faisant, elle méconnaissait la situation religieuse de son pays :
le catholicisme était sans vie, tandis que le protestantisme était débordant
de vitalité. Conseillé par son cousin, l'empereur Charles-Quint, elle inaugura
son règne avec modération, se contentant d'abroger les lois ecclésiastiques
prises sous le règne Édouard VI, emprisonnant Cranmer et condamnant à l'exil
certains de ses sujets. Elle n'entamait aucune persécution sanglante contre les
protestants ; mais elle ne tenait pas compte des oppositions de son peuple, ni
de des résistances du Parlement. Pour manifester son désir de redonner
naissance au catholicisme, elle épousait, en juillet 1554, le fils de Charles
Quint, Philippe, héritier du trône d'Espagne. Cette réintégration solennelle
de l'Eglise d'Angleterre dans le giron de l'Eglise romaine lui attire la haine
de nombreux milieux qui fomentent des complots contre l'autorité royale ; ces
complots seront sévèrement réprimés.
Pour que la réintégration de l'Eglise anglicane soit effective, le grand obstacle était la restitution des biens d'Eglise, sécularisés sous le règne d'Henri VIII, et qui avaient permis à certains de s'enrichir rapidement. Le pape Jules III ne réclama pas cette restitution ; il envoya même son légat, le cardinal Reginald Pole, un neveu de la reine Marie, avec pour mission de donner à tout le peuple anglais la pleine absolution pontificale. Officiellement, l'autorité de Rome est de nouveau reconnue dans le royaume d'Angleterre : les lois antipapales sont abrogées, le Parlement remet en vigueur les lois contre les hérétiques, les évêques exigent une action énergique contre tous les protestants. La persécution sanglante se dresse alors non seulement contre les dignitaires ecclésiastiques, comme l'ancien archevêque Cranmer, mais aussi contre les masses populaires, suscitant de fait une hostilité contre Marie la Sanglante et nourrissant un nouvel antipapisme. La persécution cesse avec la mort de Marie, en 1558. Élisabeth Tudor, fille d'Anne Boleyn, est appelée à succéder à sa demi-soeur. Certes, à l'occasion du couronnement de Marie, Élisabeth avait confessé la foi catholique et promis de défendre la vraie religion ; mais, en raison des critiques que lui opposaient les catholiques, lui reprochant le mariage de sa mère avec Henri VIII, Élisabeth, qui n'était pourtant pas touchée personnellement par les questions religieuses, se devait de favoriser le protestantisme. Plus habile politique que sa soeur, elle travaille à ne s'aliéner aucun de ses sujets, les catholiques comme les protestants.
Élisabeth renonce au titre de Chef suprême de l'Eglise d'Angleterre, pour prendre un titre, qui parait moins gênant aux yeux des catholiques, celui de Gouverneur suprême de l'Eglise , elle renonce à certaines prérogatives royales dans le domaine ecclésiastique ; elle remet en vigueur de livre de la prière commune, en le modifiant de manière à ne pas heurter la susceptibilité catholique. Ainsi le Prayer Book de 1559 ne contient plus de prière contre le pape ; il parle du sacrement de la cène en des termes satisfaisant les tenants de la présence réelle du Christ et ceux qui la refusaient. Elle fait aussi remettre en vigueur l'Acte de suprématie, par lequel son père avait défini son autorité sur l'Eglise anglicane. Ceux qui refusent de prêter serment perdent leurs fonctions : ainsi en est-il des évêques, alors que le bas-clergé l'accepte. A la place des évêques déposés, il lui faut établir une nouvelle hiérarchie, à la tête de laquelle elle place Matthieu Parker, un ancien professeur de l'université de Cambridge : celui-ci est nommé archevêque de Cantorbéry et sacré à la fin de l'année 1569, selon le rituel promulgué par Édouard VI, et qui avait été déclaré invalide par le pape Paul IV, en 1555.
Parmi les nouveaux évêques se trouvent des hommes qui avaient été contraints à l'exil, sous le règne de Marie et qui avaient pu sympathiser avec le calvinisme. La nouvelle Eglise d'Angleterre devait posséder une nouvelle confession de foi ; celle-ci fut élaborée par les évêques, qui transformèrent les quarante-deux articles de 1553 en trente-neuf. Ces Trente-neuf articles, commencés en 1563, furent adoptés par l'assemblée du clergé en 1571, et ils constituent encore aujourd'hui l'assise doctrinale de l'Eglise anglicane. D'après ces articles, Écriture sainte est le seul fondement de la foi chrétienne, la seule autorité dans le domaine de la foi ; l'Eglise romaine est considérée comme ayant erré dans sa recherche sur la foi, même lors des conciles universels ; les deux seuls sacrements du baptême et de la cène sont conservés, comme ayant été institués par le Christ lui-même ; tout en rejetant le dogme de la transsubstantiation, les évêques affirment la présence réelle du Christ dans le sacrement de la cène ; les consécrations épiscopales, faites sous le règne Édouard VI sont reconnues comme valides ; les prêtres et les évêques sont autorisés à se marier ; la juridiction sur l'Eglise d'Angleterre revient au souverain et non pas au pape.
Avant d'être acceptés par l'assemblée du clergé, ces
trente-neuf articles avaient été soumis au Parlement qui, dès 1563, exigeait
un serment de suprématie de la part de tous ceux qui étaient suspectés d'un
attachement à la religion ancienne. Et, comme la violence entraîne la
violence, la persécution des protestants qui s'était faite sous le règne de
Marie entraîne la persécution des catholiques. Ceux qui sont surpris en train
de dire ou d'assister à la messe, trois fois de suite, sont punis de la prison
à vie. Les premières peines atteignent les biens et la liberté, puis elles
laissent la place aux condamnations à mort qui s'appliquent à tous ceux qui
sont suspects de crime de haute trahison pour ne pas suivre la nouvelle
religion. Devant l'intensification des persécutions, le pape Pie V proclame
l'excommunication Élisabeth, en 1570, et il délie ses sujets de tout serment
de fidélité qui pouvait les retenir sous sa juridiction. Mais, comme Marie
Tudor précédemment, ce pape méconnaissait les catholiques anglais, vaincus
par le découragement ; ceux-ci ne participèrent pas aux complots politiques
pour libérer Marie Stuart, reine Écosse, prisonnière Élisabeth.. Les
persécutions aboutissent à l'anéantissement complet des catholiques, certains
mourant pour la défense de leur foi, d'autres préférant prendre les chemins
de l'exil, d'autres enfin renonçant à leur foi pour adopter la religion
officielle. Le seul espoir qui subsistait parmi les derniers catholiques anglais
était que le successeur Élisabeth sur le trône d'Angleterre soit le fils de
Marie Stuart : en souvenir de sa mère, exécutée en 1587, Jacques VI Écosse,
devenu Jacques Ier d'Angleterre, ne pouvait qu'apporter des adoucissements à la
dure condition réservée aux catholiques. Les premiers assouplissements qu'il
apporte au début de son règne ne sont cependant pas maintenus : un complot, la
conspiration des poudres , préparait un attentat contre le roi et contre le
Parlement, en 1605, est déjoué, les conjurés, parmi lesquels se trouvait le
supérieur des jésuites, sont exécutés. Le roi finit par imposer aux
catholiques un serment de fidélité à la couronne. C'est seulement après le
mariage du prince-héritier, Charles avec une française, en 1624, que les
catholiques connaissent un peu plus de liberté. Après la disparition de
Jacques Ier, l'accession au trône de Charles Ier est également accueillie avec
beaucoup d'espoir ; à la suite de son mariage avec Henriette-Marie de France,
il accorde sa faveur à certaines personnalités catholiques, ce qui ne manque
pas de lui attirer de l'hostilité de la part de son peuple, peu enclin
d'ailleurs à être gouverné par un monarque aussi absolu que lui : après
1629, et pendant plus de dix ans, Charles va, en effet, essayer de gouverner
seul, sans parlement, mais simplement aidé de quelques ministres énergiques,
dont l'archevêque Laud, décidé à établir l'unité religieuse en Angleterre,
sous la forme anglicane. En 1660, en Irlande, les catholiques se soulèvent et
massacrent les protestants ; à Londres même, l'émeute gronde ; le roi doit
quitter sa capitale, décidé à reconquérir son pouvoir par la force. La
guerre civile s'installe, elle va durer deux ans : le roi, vaincu par les
Écossais sera livré au Parlement de Londres, traduit devant une haute cour de
justice qui instruit son procès, sous l'accusation de haute trahison : Charles
IX est condamné à mort et décapité, le 9 février 1649. L'Angleterre devient
alors une sorte de république, avec 0livier Cromwell comme protecteur ; il
accorde la liberté de conscience aux nombreuses sectes protestantes qui voient
le jour à cette époque, tout en faisant appliquer des lois sévères de
persécution à l'encontre des catholiques. Même après la restauration des
Stuart sur le trône d'Angleterre, avec l'accession au pouvoir de Charles II,
les catholiques, les papistes ne connaîtront pas d'amélioration de leur sort :
en 1673, le Parlement fait appliquer le bill du Test qui impose à tout
fonctionnaire un serment rejetant les dogmes du catholicisme.
La particularité de l'anglicanisme
Dès ses origines, l'anglicanisme diffère profondément du protestantisme luthérien ou calviniste : sur le continent, les Réformateurs furent des hommes de doctrine, des théologiens, avant d'être des hommes d'action ; en Angleterre, rien de comparable, puisque les meneurs sont d'habiles politiques qui s'affranchissent de la tutelle de Rome bien avant de se constituer une référence dans des écrits.
Et il semble même possible de penser que ces politiques aient été parfois quelque peu indifférents en matière de religion : c'est ainsi que les évêques sont choisis en raison de leur fidélité et de leur docilité au régime, à la fois royal et parlementaire. Dans le protestantisme continental, c'est Dieu qui se trouve au centre de la perspective réformatrice ; dans l'anglicanisme, la Réforme est plutôt une affaire État Et il convient de remarquer ici que l'Eglise anglicane a presque toujours évité de se dire protestante , elle tient la fidélité à l'Eglise du quinzième siècle. Aussi le climat de pensée théologique est-il toujours beaucoup plus proche du catholicisme que du protestantisme. C'est par un abus de langage, c'est par une assimilation trop rapide à l'Eglise de Luther et de Calvin que l'Eglise anglicane est présentée, d'une manière générale, dans le cadre du protestantisme : il faudrait lui définir un statut tout à fait spécial, en tenant compte à la fois de son indépendance par rapport à Rome et de son indépendance par rapport à Wittenberg et à Genève. Toutefois, il convient de noter que l'Eglise anglicane possède des affinités évidentes avec la Réforme, sur le plan de l'organisation ecclésiale, tout en ne développant pas une théologie qui s'apparente de façon immédiate avec la théologie protestante dans son ensemble.
L'Angleterre offre cette particularité étonnante dans l'histoire de la Renaissance, au seizième siècle, qu' elle fut le seul pays où le protestantisme , sous toutes ses formes, avec toutes ses tendances et toutes ses aspirations, a pu trouver un lieu d'accueil, qui lui a permis de se développer d'une manière aussi originale, en le constituant comme une Eglise établie dans tout le Royaume.
Les puritains et les quakers
C'est sous Élisabeth que l'anglicanisme se révèle comme la voie moyenne entre le catholicisme et le protestantisme : seuls sont exclus de l'anglicanisme les catholiques et les puritains.
Dans toutes les confessions religieuses, ceux qui recherchent un culte sans apparat et ceux qui se décident à suivre strictement une morale très étroite sont souvent appelés puritains ; mais, ce même terme désigne historiquement un mouvement qui prit naissance au seizième siècle en Angleterre, afin d'obtenir une révision du système ecclésiastique, mis en place par la réforme anglaise. Les puritains combattaient l'organisation épiscopale de l'Eglise, trop imprégnée du modèle catholique et souhaitaient obtenir un statut presbytérien, sur le modèle de l'Eglise d'inspiration calvinienne. Élisabeth craignait grandement une constitution ecclésiastique presbytérienne, qui aurait pu porter atteinte à l'institution royale ; aussi favorisa-t-elle le système épiscopalien, en choisissant elle-même les évêques parmi ceux qui avaient émigré sous la reine Marie.
De vives discussions eurent lieu dans les universités, et particulièrement à Cambridge, où se formèrent progressivement les partis anglicans et puritains. La menace que les puritains faisaient penser sur l'épiscopat, et sur la couronne elle-même, leur valut d'être durement frappés par la législation, alors même qu'ils ne se séparaient guère de l'Eglise anglicane, revendiquant simplement un modèle encore plus originel pour le christianisme. D'ailleurs, certains évêques eux-mêmes manifestaient assez nettement une tendance presbytérienne, influencés qu'ils étaient par les idées calvinistes qu'ils avaient rencontrées pendant leur exil sur le continent. De même certains puritains admettaient la présence d'évêques dans leur système, à condition que ceux-ci gardent simplement un rôle administratif.
Ainsi, les origines du puritanisme ne sont guère distinctes du mouvement anglican par lui-même. Passionnément attachés à la lettre de Écriture, ils voulaient un culte purement spirituel, dépouillé de tout faste. Ainsi, à Cambridge, ils souhaitaient voir supprimer les ornements liturgiques et ils plaçaient la table de communion au milieu de l'assemblée, de la congrégation, pour enlever toute idée sacrificielle au culte, ce qui était encore souligné par la présence de l'autel à l'extrémité Est de l'église. Les enseignements puritains se propagèrent rapidement grâce au talent de leurs prédicateurs : les prêtres anglicans étaient peu qualifiés pour la prédication, et certains évêques, particulièrement endettés, n'avaient pas hésité à vendre la charge de prédicateur à des puritains, les prêtres devant simplement se contenter d'accomplir l'office liturgique proprement dit. Les paroissiens étaient avides d'apprendre, désireux de connaître les enseignements scripturaires et les idées nouvelles en matière de religion. Les largesses de leurs auditeurs leur permettaient d'assurer leur subsistance et de faire face aux frais des procès qui leur furent intentés lorsque les autorités ecclésiastiques s'aperçurent du danger que pouvait entraîner leur prédication. Ils furent alors pourchassés et souvent réduits à prendre le chemin de l'exil... Alors, le puritanisme, qui était jusque là un mouvement fidèle à État développa une nouvelle théorie, celle de la séparation de l'Eglise et de État, en instaurant l'autonomie des deux pouvoirs, ainsi que celle des différentes communautés religieuses. Ils adoptèrent alors les principes ecclésiastiques presbytériens, en refusant l'autorité de la Haute Eglise : la reine Élisabeth entreprit de les persécuter, elle fut suivie par son successeur, Jacques Ier. Beaucoup de puritains émigrèrent aux Pays-Bas ; puis, craignant que leur postérité ne soit contaminée par l'exemple hollandais, parfois enclin à l'hérésie, ils partirent pour le Nouveau Monde, sur le May Flower. Cette émigration fut financée en partie par des marchands de Londres : trente-cinq homes, qui allaient être appelés les pères-pèlerins, débarquèrent en novembre 1620 et fondèrent la ville de New-Plynouth, avec de nombreux aventuriers en quête d'une fortune facile. Ils allaient être suivis, quelques années plus tard, par une seconde vague, numériquement plus importante : vingt mille puritains environ s'établirent en Amérique, implantant leurs propres colonies, vivant sobrement dans la plus grande fraternité et réalisant concrètement leurs aspirations religieuses et civiles, tout en témoignant à l'égard de ceux qui ne partageaient pas leurs convictions d'une intolérance extrême. Ils se croyaient le Nouvel Israël , le nouveau peuple élu de Dieu, et, pour eux, l'Amérique était la Nouvelle Jérusalem, le refuge que Dieu avait choisi pour préserver de la corruption ceux qu'il avait librement choisis. Aussi, en raison des persécutions qu'ils avaient eux-mêmes subies dans le passé, ils finirent par faire preuve de plus de tolérance et accordèrent la liberté de conscience à ceux qui ne partageaient pas leurs croyances.
Les puritains, qui étaient restés en Angleterre, tout en affirmant être des membres fidèles de l'Eglise anglicane, organisèrent leur vie sociale et religieuse sur le modèle des congrégations : toute leur vie était centrée sur l'église, régie par un ministre élu parmi ses pairs, sans supérieur hiérarchique. La bourgeoisie anglaise, en réaction contre l'absolutisme du roi Charles Ier, devenait de plus en plus favorable au courant puritain ; le primat de Cantorbéry persécutait le clergé à tendance puritaine, voulant aboutir à une uniformité de culte dans tout le royaume. . . L'exécution du roi et l'arrivée de Cromwell au pouvoir transformèrent l'Angleterre en une république, dans laquelle les épiscopaliens, en même temps que les catholiques, tombèrent sous le coup de la persécution, alors que des sectes d'obédience protestante voyaient le jour et recrutaient leurs membres parmi les soldats du Protecteur et parmi les masses populaires. Pour le Lord-Protecteur, l'Eglise pouvait se définir comme une simple communauté rassemblée par un pacte ; ainsi, son armée formait elle-même une Eglise en marche, puisqu'elle rassemblait des hommes unis entre eux et avec Dieu par un même pacte : les soldats et leurs officiers recherchaient, dans leurs réunions de prières, comment accomplir la volonté de Dieu, à travers la guerre, pour le gouvernement du pays.
L'absence de liturgies, régulièrement fixée, ne pouvait que conduire à la multiplication des sectes, parmi ceux qui recevaient la pleine liberté pour prêcher, prophétiser, prier ensemble, sans l'intervention d'aucune hiérarchie. A la fin du gouvernement de Cromwell, il y aurait eu, à Londres, deux cent quarante-six sectes... A la mort de Cromwell, effrayés de la prolifération de ces sectes, les puritains favorisèrent la restauration royale, mais, le Parlement, favorable aux épiscopaliens, persuada Charles II, à poursuivre la persécution contre les puritains, persécution qui dura ainsi jusqu'en 1688.
La seule secte, qui a vu le jour sous le Lord Protecteur et qui a pu survivre, sans être communautaire, est celle des Quakers. Leur fondateur, George Fox (1624-1690), appartenait à une famille modeste d'artisans, mais famille très pieuse. Apprenti cordonnier, il passa par des expériences mystiques qui l'amenèrent à penser qu'aucune Eglise n'enseignait la vérité de Évangile.: Il se mit donc à rechercher lui-même la seule vérité, en étudiant la Bible, qui pouvait, seule, l'amener à la connaissance véritable de Jésus-Christ. Il découvre ainsi que chaque homme porte en lui-même une semence de .a lumière divine qu'il lui faut retrouver et cultiver dans la méditation silencieuse. Essentiellement intérieure, la vie de la foi chrétienne ne nécessitait donc pas d'organisation ecclésiastique : tous les croyants sont égaux, la fonction de pasteur est inutile, les sacrements sont également inutiles, même le baptême et la cène. Chaque acte du chrétien doit apparaître comme le signe de la grâce de Dieu aussi bien pour lui-même que pour les autres hommes. Malgré l'aspect très individualiste de sa prédication, ceux qui sont appelés à faire leur salut dans la crainte et le tremblement (d'où le sobriquet donné aux membres de la secte : quakers signifie trembleurs ), les quakers s'organisèrent en réunions de fidèles, la Société des Amis , laquelle se caractérise par son attitude de protestation dans tous les domaines, le social comme le religieux. Leur attitude anarchique leur valut la persécution, comparable à celle de tous les dissidents : Fox passe six années de sa vie en prison. Mais la Société a survécu, en s'implantant aux États-Unis, dans État de Pennsylvanie, ou ils ont voulu établir un État quaker pacifiste.
Si, aujourd'hui, ils représentent une petite minorité chrétienne, avec moins de deux cent mille fidèles, ils sont encore la protestation vivante contre l'anglicanisme, et une protestation qui est d'origine populaire, alors que l'Eglise anglicane, au moment de leur naissance, était liée aux classes dirigeantes et bourgeoises. D'autre part, en raison de sa structure, la Société des Amis apparaît comme une secte, alors que, par ses croyances et ses habitudes religieuses, elle s'apparente beaucoup au protestantisme, caractérisé par un grand dépouillement cultuel, dans la ligne de la Reforme radicale.
L'anglicanisme, hier et aujourd'hui
Au seizième et au dix-septième siècles, la vie religieuse était très intense en Angleterre, sujette à de nombreuses turbulences, dans tous les milieux de la société. Mais, la grande particularité de ce royaume fut son libéralisme à l'égard du mouvement réformateur, libéralisme qui permit un protestantisme pluraliste, riche de promesses, malgré les persécutions en tous genres que durent subir les tenants de telle ou telle confession, suivant les régimes royaux. A la mort de Charles II, en février 1685, sa succession fut assurée par son frère, Jacques II, lequel était catholique, mais qui prêta le serment de défendre la religion protestante. L'Eglise d'Angleterre était, une fois de plus, partagée entre une minorité qui soutenait les pratiques royales, notamment celles en faveur du catholicisme romain, et une majorité résolument hostile à ce type de monarchie.
Le débarquement de Guillaume III en Angleterre, le 5 Novembre 1688, mit fin à la royauté de Jacques II, qui fut contraint de trouver refuge en France. Le nouveau roi était d'obédience calviniste, et il se trouva d'emblée en opposition avec ceux qui soutenaient la tendance de Jacques II, son prédécesseur. La Haute-Eglise anglicane trouve alors son acte de naissance dans cette opposition au calvinisme pur et simple.
Le caractère compréhensif des chrétiens anglais et de leur Eglise a permis la naissance et la coexistence, au sein de l'Eglise anglicane, de plusieurs tendances. La High Church, la Haute-Eglise, se caractérise par son attachement au catholicisme, c'est l'anglo-catholicisme, qui a connu un important mouvement de renouveau, au dix-neuvième siècle, sous l'influence de l'Université d'Oxford, avec Newman. Le mouvement évangélique est également très florissant, en trouvant ses racines dans le puritanisme ; la Low Church, la Basse-Eglise, est l'héritière de l'anglicanisme le plus ancien, conservant l'évangélisme le plus traditionnel
Il existe une troisième grande tendance dans l'anglicanisme, c'est la tendance libérale, la Broad Church , qui s'oppose aussi bien à la perception catholicisante qu'à. la perception strictement évangélique ; mais elle constitue plus un système de pensée, une forme de mentalité, qu'une organisation ecclésiastique proprement dite, en ce sens qu'elle est soucieuse rte vérité scientifique et d'humanisme bien plus que de dogmatisme et de formulations théologiques. L'essentiel, pour les fidèles anglicans, ne semble pas d'appartenir à tel ou tel parti religieux, mais bien plutôt à se référer, sans cesse, aux quatre éléments constitutifs de l'anglicanisme : la bible, l'épiscopat, le Prayer Book , et la couronne royale, tout en restant très soucieux de compréhension envers ceux qui partagent la même religion chrétienne, exprimée par l'anglicanisme, sous ses différentes formes.
Toutes les crises, qui ont pu survenir, ou qui peuvent survenir, dans l'Eglise anglicane, sont toujours résolues dans ce même esprit de compréhension mutuelle, ce qui est un motif de fierté et d'action de grâces pour tous les fidèles.