L'ACTIVITE DE L'EGLISE

 

Se rattachant à la pensée des Pères de l'Eglise des premiers siècles, le protestantisme reconnaît dans le Christ le seul et unique signe de la présence de Dieu dans le monde des hommes, la révélation la plus achevée de la Parole de Dieu, dont les autres manifestations n'étaient que des ébauches imparfaites et incomplètes. En parlant de Jésus Christ, il se réfère tout naturellement à l'humanité concrète de Jésus de Nazareth : c'est dans cette humanité particulière qu'il est la manifestation primordiale de la Révélation divine, c'est par elle que toutes les manifestations secondes peuvent prendre leur sens, c'est-à-dire leur but et leur signification. Le Christ n'est pas le but de la création, il en est, à proprement parler, le premier commencement. L'événement de l'incarnation, celui de la Parole faite chair, est un grand mystère, sinon le plus grand, du christianisme : en vérité, aucune autre réalité de l'existence humaine, ou de l'histoire, ne peut être comparée à cet événement unique de l'intervention de Dieu dans le monde des hommes. Toute la théologie protestante peut se définir dans sa christologie, dans sa perception du Christ comme de l'incarnation de la Parole de Dieu. Celle-ci s'est, par lui, manifestée réellement dans le monde humain, elle s'est en quelque sorte objectivée dans l'existence même de Jésus de Nazareth dont l'humanité est la manifestation visible et authentique, bien que sous une forme voilée, du Dieu inconnaissable en dehors de la révélation qu'il fait de lui-même. Pour que lui, l'inconnaissable, celui que les hommes ne peuvent pas atteindre par le simple exercice de leur raison et de leur sagesse, soit connu par les hommes, il était nécessaire qu'il sorte de lui-même, pour se présenter à l'humanité dans une objectivité lui n'était pas la sienne propre ; car la révélation de Dieu n'est que l'octroi de signes indicateurs pour l'homme, elle est bien l'attestation de Dieu par lui-même, mais dans des moyens qui sont propres à l'homme ; pour se faire connaître à l'homme, pour lui dévoiler son identité et sa personnalité, Dieu ne peut disposer que des moyens humains. Pour se dévoiler, il est, en quelque sorte, contraint de se voiler à travers les signes mêmes de sa création. Dès lors, la révélation, et elle seule, peut être considérée comme le Sacrement même de Dieu, si on peut donner pour définition provisoire du sacrement la manifestation visible d'une réalité invisible. Et cette révélation atteint son point culminant dans la réalité même de l'homme Jésus, jusque dans l'événement particulier de sa mort, qui est l'exaltation du Christ. C'est sur la croix que le Christ a été exalté, c'est sur la croix qu'il est le seul prédestiné, le seul élu de Dieu.

Jésus Christ, sacrement de Dieu

A la lumière de la croix, comme manifestation ultime de la révélation divine, comme lieu de l'unique sacrement de la présence de Dieu, les paroles et les actes de Jésus de Nazareth peuvent être relus comme des manifestations tout aussi réelles de la révélation divine, comme des sacrements de la présence de Dieu invisible dans le monde visible des hommes. C'est à partir de la croix qu'il est possible de comprendre la condition terrestre de Celui qui est l'incarnation de la Parole de Dieu, de Celui qui a dévoilé le Dieu caché dans les formes humaines. Toute l'activité terrestre de Jésus s'exprime dans la parole qu'il a prononcée, et dans laquelle ses disciples ont vu l'expression même de la Parole de Dieu. C'est précisément ce lien étroit entre la parole et l'action de Jésus qui témoigne de sa divinité ; mais cela n'a pu être reconnu par les hommes que parce que cela fut reconnu par le Dieu Père qui l'a exalté, se reconnaissant en lui, tout en le considérant comme différent de lui. Il s'agit là d'une réalité qu'il n'est pas possible de percevoir en dehors de la foi, de même que les premiers disciples immédiats de Jésus n'ont pas reconnu visiblement en lui le Fils de Dieu, la Parole faite chair.

Ce n'est qu'après sa mort et son exaltation que Jésus peut être dit Christ et Seigneur, Fils de Dieu et Dieu lui-même, ce qui n'exclut évidemment pas le fait qu'il l'était dès sa vie terrestre, dans laquelle il était également la révélation du Père, sous une forme absolument cachée. Puisque l'homme est incapable d'atteindre, par ses seules forces, l'objectivité de Dieu, Christ a été l'intermédiaire qui a permis d'approcher ce Dieu inconnaissable, celui qui a permis la rencontre du Dieu invisible.

Mais, après le départ de Jésus Christ, cette Parole allait-elle demeurer parmi les hommes pour qu'ils puissent continuer d'être portés à la rencontre du Père par le Christ ? A trop insister sur l'unicité sacramentelle du Christ, situé historiquement et géographiquement, il serait facile de tomber dans le subjectivisme le plus effréné, dans un illuminisme de mauvais aloi, contre lequel les premiers Réformateurs se sont élevés avec une certaine virulence, ou bien de faire de l'historicisme en reproduisant, d'une manière ou d'une autre, la vie de Jésus Christ, mais non pas en menant une existence semblable à la sienne. Il n'est pas question, pour les chrétiens, de renouveler l'action temporelle du Christ, ni même son action éternelle de Parole de Dieu, mais il s'agit d'y être incorporé : le chrétien se trouve alors être l'incarnation du Christ, d'une manière presque similaire à celle dont le Christ était l'incarnation de la Parole de Dieu. Cette oeuvre d'incorporation au Christ est l'oeuvre de toute l'Eglise, comme rassemblement de tous les hommes qui partagent la même foi.

L'Eglise, comme assemblée de témoins

L'Eglise n'est pas une sorte de prolongement de celui qui la fonde, elle ne consiste pas en une poursuite de l'existence concrète du Christ, de sa mort et de sa résurrection ; elle est un peuple de témoins, témoins des actions et des paroles de Dieu, témoins de la révélation divine dans le monde présent.

Si la réforme luthérienne découvrait, dans ses origines, une communauté de foi, si la réforme calvinienne découvrait, quant à elle, une communauté de prédestination, il apparaît, de plus en plus, au long des siècles de l'histoire du protestantisme, que l'Eglise est devenue la communauté de la Parole de Dieu. Eglise de la Parole de Dieu, cela implique que Dieu continue de lui parler, et qu'elle devient elle-même le lieu propre de la révélation de Dieu, qui continue de se faire dans la visibilité mère de l'Eglise, par la prédication de l'Évangile et par l'administration correcte des sacrements. D'ailleurs, la confession d'Augsbourg donnait de l'Eglise une définition qui est devenue classique : la communauté des saints dans laquelle Évangile est purement enseigné et les sacrements correctement administrés. Calvin, pour sa part, affirmait, dans son Institution de la religion chrétienne : Partout où nous voyons la Parole de Dieu être purement prêchée et écoutée, les sacrements être administrés selon l'institution du Christ, là il ne faut douter nullement qu'il n'y ait l'Eglise. Et le théologien Karl Barth, oui a fortement marqué la théologie réformée, jusqu'à sa mort en 1968, allait même plus loin, en présentant une nouvelle définition de cette Eglise, dans la même lignée : L'Eglise, le Corps du Christ et le Christ lui-même sont présents là où les signes néotestamentaires de la prédication, du baptême et de la cène existent conformément à l'institution de l'apostolat.

Toute la vie de l'Eglise repose sur son activité, sur l'action de ses ministres, action verbale dans la prédication et action gestuelle dans le sacrement, qui est lui aussi une des formes de la prédication. C'est dans cette double activité que la foi est communiquée, entretenue et développée. La prédication est le moyen ordinaire par lequel la foi est communiquée aux hommes. Il ne s'agit pas pour l'Eglise de prendre la place de son Seigneur, de prétendre le remplacer par son activité présente : le rôle de l'Eglise est d'attester, dans la visibilité qui est la sienne, la gloire invisible, la gloire du Dieu unique. Elle ne peut donc être qu'une Eglise de témoins ; si les témoins prennent la place du Christ et de l'Esprit, si l'Eglise estime être, en elle-même, avec sa propre parole et ses sacrements, une grandeur autonome, elle perd sa capacité de témoignage, en voulant être ainsi le dernier mot de l'existence humaine. Autrement dit, la sacramentalité de l'Eglise, pour employer une expression d'origine catholique, ne peut se saisir autrement que par la différence fondamentale du Christ et de son Eglise, différence dans laquelle se présente également l'unité profonde oui les joint. Cela revient à dire que l'Eglise n'est pas un donné de fait, mais un donné à faire : elle n'est pas une institution, ni un lieu de conservation ou de défense des valeurs morales et spirituelles, elle est une assemblée de témoins dont la charge est de faire entendre au monde la Bonne Nouvelle du Royaume de Dieu, dont elle n'est que la figure imparfaite. Si elle perd cette référence première au message chrétien, elle se perd elle-même, en dégénérant en une institution humaine.

Au contraire, l'Eglise doit continuer à devenir ce qu'elle est : un peuple de témoins de la révélation de Dieu, et c'est là son ordre de marche. Ainsi, en se situant dans la lignée des grands Réformateurs, Barth, le théologien de Bâle, peut présenter nettement la place que doit tenir dan; l'Eglise la prédication, avec ses deux pôles essentiels de la parole et du sacrement : Les Réformateurs n'ont pas cru pouvoir interpréter la grâce de Jésus Christ comme un influx ou comme une cause originelle, mais bien comme une Parole et comme une foi. Dès lors, il leur fallait définir l'événement central de la vie de l'Eglise comme une prédication, c'est-à-dire comme un acte qui fait intervenir la parole et l'audition. Ils ont cru aussi que cet acte et le contenu même de la prédication n'instituaient pas une relation objective, mais provoquaient une rencontre personnelle. D'où l'obligation pour eux d'ordonner d'une manière très précise les rapports du sermon et des sacrements... Ainsi donc : ni le sacrement seul, ni le sermon seul... mais le sermon avec le sacrement, le sermon avec l'action visible, oeuvre divine confirmant le discours humain, qui est l'élément constitutif, le centre visible de la vie de l'Eglise.

De cette conception de l'unité entre la parole humaine, prononcée dans la prédication, comme manifestation visible, audible, de la Parole de Dieu, et l'action humaine dans le sacrement, comme manifestation de l'action invisible de Dieu, le protestantisme ne se départit guère, affirmant sans cesse que la prédication revêt ces deux formes complémentaires, nécessitées, comme le soulignait Calvin, à cause de la faiblesse humaine : Notre Seigneur, envoyant ses apôtres, leur commanda de prêcher Évangile et de baptiser tous les croyants pour la rémission des péchés. Voilà une loi inviolable qui est imposée à tous ceux qui se disent successeurs des apôtres, loi qu'ils doivent observer à perpétuité ; c'est de prêcher Évangile, et d'administrer les sacrements. L'enseignement de la Parole de Dieu et l'administration des sacrements sont inséparables dans l'ordre même du Christ qui les institue pour l'avenir de son Eglise.

La prédication, rôle de l'Eglise

Toute la mission de l'Eglise réside dans sa prédication, selon l'enseignement même du Christ Jésus. La prédication est le fait de Dieu lui-même qui parle, la parole humaine de la prédication, ou du sermon, étant en réalité la Parole même de Dieu. C'est donc une réalité qu'il convient de prendre au sérieux, tout comme il faut prendre au sérieux la révélation de Dieu dans l'Écriture, laquelle contient, d'une certaine manière, les sacrements, comme attestations, sous la forme visible d'actions salvifiques, de l'annonce de Évangile. De la même façon, le sermon est l'attestation de Évangile, sous la forme d'un discours. Il apparaît, dès lors, que la Parole de Dieu, pour autant qu'elle est prêchée par des hommes, en Eglise, n'est pas seulement une parole, mais qu'elle est aussi et bien davantage l'action de Dieu, par laquelle il ne cesse de manifester pour tous les hommes le fait accompli, une fois pour toutes, de la révélation. En effet, dans la tradition réformée, depuis Calvin, l'acteur principal, aussi bien dans la prédication orale que dans le sacrement, ce n'est pas l'homme, fut-il membre de la communauté ecclésiale, mais Dieu lui-même.

De même que la prédication orale est une oeuvre à la fois de Dieu et de l'homme, de même la prédication sacramentelle est une oeuvre et de Dieu et de l'homme. Oeuvre de l'homme, le sacrement n'est donné aux hommes qu'en raison de leur faiblesse, pour nourrir, affermir et confirmer leur foi ; ils sont, comme le dit le Réformateur genevois, vraiment nommés témoignages de la grâce de Dieu et comme sceaux de la ferveur qu'il nous porte. L'Eglise, qui effectue les sacrements, n'est qu'un moyen de l'action de Dieu, elle n'est pas l'agent, en tant que tel. Et, tout en étant ce moyen, elle est aussi le témoin de l'action de Dieu. Si l'Eglise se pensait être la dispensatrice des sacrements, si elle s'investissait de cette façon du rôle propre à Dieu, elle perdrait sa qualité de témoin des promesses et des réalisations de Dieu, elle deviendrait autonome, mais elle ne rendrait en aucune façon témoignage à Dieu, à qui seul revient toute la gloire. Oeuvre de l'homme, le sacrement ne l'est que parce qu'il est d'abord l'oeuvre de Dieu ; l'action de l'homme ne serait rien indépendamment d'une action simultanée de Dieu qui authentifie et qui certifie que quelque chose se passe pour le croyant dans l'acte sacramentel, ce quelque chose n'étant autre chose que la promesse du Seigneur qui sera, comme le dit aussi Calvin, à la suite de la Bible, notre Dieu et que nous lui serons son peuple.

Ainsi, le baptême est une action réelle, une mainmise de Dieu sur un homme particulier, en même temps qu'il est une annonce du fait que cet homme est désormais placé sous l'empire de Jésus Christ. Et cette action de Dieu est première, en ce sens que Dieu lui-même agit avant même que l'homme ne prenne une décision en face de Dieu. Dans la perspective de la Reforme, c'est toujours Dieu d'abord qui agit, avant que l'homme ne se sente concerné par cette action divine. Le message chrétien n'est d'ailleurs pas autre que l'affirmation que Dieu est l'allié des hommes, et cela non seulement au niveau de la parole, dans le cadre d'un discours, mais aussi au niveau du sacrement, dans le cadre d'une action que l'homme entreprend à l'égard d'autres hommes, pour manifester clairement que Dieu est avec eux.

Il est impossible de séparer les sacrements de la personne même du Christ, avec son activité particulière, de même qu'il est impossible de séparer la prédication orale de l'Eglise de la prédication particulière du Christ. Cela ne veut pas dire, dans l'optique protestante, que l'Eglise ait pris la succession du Christ, ni qu'elle soit la dépositaire de sa grâce. Au contraire, le Christ, en tant que Parole de Dieu, continue d'agir dans le monde et dans l'Eglise, cette dernière n'étant que le moyen et le témoin de l'action divine de Jésus-Christ. S'il fallait reprendre le texte de la Confession d'Augsbourg, affirmant que l'Eglise est le rassemblement des saints dans lequel Évangile est annoncé dans toute sa pureté et les sacrements administrés selon la rectitude de l'enseignement du Christ, il serait alors possible de prolonger cette affirmation en disant que la bonne administration des sacrements apparaît comme le témoignage du fait que Évangile est droitement enseigné, et, du même coup, les sacrements témoignent du fait que la parole prêchée se rapporte bien également à Jésus Christ. C'est en cela que la position protestante diffère de l'interprétation catholique, laque.1e perçoit, dans les sacrements, des moyens de la grâce, alors que, pour la position réformée, ils ne peuvent être que des témoignages, signifiant l'action même de Dieu dans l'homme. Si la théologie romaine perçoit dans la grâce un don surnaturel que Dieu fait à l'homme, que Dieu peut accorder ou refuser, la théologie protestante, s'inspirant de Écriture, se refuse à opérer une séparation entre l'acte de Dieu qui fait grâce et l'être même de Dieu qui est grâce. La manière unique d'être chrétien, c'est d'être le témoin du Sacrement de Dieu, d'être le témoin du Christ, de celui par qui Dieu fait grâce et par lequel il manifeste que son être est entièrement grâce.

Le baptême, sacrement de conversion

Le témoignage biblique affirme que Jésus Christ a donné à son Eglise la mission d'annoncer sa Parole, dans la prédication orale et par l'administration des sacrements qu'il a lui-même institués. C'est par là que la foi peut naître dans le coeur des hommes, c'est par là également qu'elle doit être entretenue et fortifiée. La foi est une réponse suscitée par Dieu dans le coeur de l'homme, une réponse à la vocation divine : elle consiste à saisir ce que Jésus Christ est et fait pour l'homme. Elle ne peut se présenter, de la part de l'homme, que sous la forme de l'humilité. Tout en demeurant pécheur et orgueilleux, l'homme devient croyant de par sa vocation divine et de par sa réponse personnelle, mais, en abandonnant sa propre souveraineté pour se soumettre à l'action de Dieu en lui, en devenant un sujet humble. Alors, l'homme se convertit, il se renouvelle, il commence à vivre comme membre de l'Eglise, dans une attitude de vis-à-vis de la parole de Dieu. De cette conversion, réalisée par la Parole de Dieu, entendue dans la prédication de l'Eglise, puisque la Parole de Dieu ne peut se faire entendre à l'homme que par l'entremise d'une parole humaine, laquelle prononce la promesse de Dieu dans l'Eglise, le baptême, premier sacrement de l'existence chrétienne, est le signe manifeste et concret pour l'homme. Le baptême apparaît comme une attestation donnée au baptisé : il lui confirme son appartenance au peuple de l'alliance nouvelle, il lui certifie son incorporation au Christ Seigneur, il lui prouve son appartenance à la communauté des croyants, appelés à se renouveler et à recevoir la sanctification. Désormais, pour le baptisé, Évangile devient une exigence de poursuivre la conversion entreprise. Le sacrement est, en quelque sorte, la confirmation de la promesse, afin que l'homme puisse croire. Comme tel, il n'ajoute rien à la promesse, mais il peut sembler être un moyen pour croire. Ainsi que le soulignait déjà Calvin, le sacrement n'est jamais rien sens la Parole de Dieu qui le précède. Ce n'est pas parce que la Parole n'est pas assez ferme en elle-même, ou qu'elle puisse avoir une meilleure confirmation pour elle-même, mais c'est pour nous confirmer en elle. Car notre foi est si petite et si faible que si elle n'était appuyée de tous côtés et soutenue par tous les moyens, elle serait rapidement ébranlée de toutes parts, agitée et vacillante.

Dans le baptême, le signe important est tout à la fois parole et geste : le geste donne une confirmation visible à la parole prononcée par le ministre, mais la parole du ministre est précédée par la Parole de Dieu, qui fait grâce à l'homme pécheur, pour autant que celui-ci accepte de croire en cette Parole qu'il reçoit. La foi ne dépend pas de l'homme, de son autonomie, elle dépend uniquement de Dieu qui, par le baptême, fait d'un homme son véritable enfant, eu égard à la réconciliation opérée en Jésus Christ. L'homme peut alors reconnaître Dieu comme son Dieu en regardant comme témoignage de sa nouvelle filiation l'acte même du baptême. En effet, dans le sacrement, quelque chose se passe, quelque chose se produit, dont l'acte sacramentel n'est que le signe apparent : il s'agit de la naissance de l'homme nouveau à une vie selon l'Esprit de Dieu. C'est dans cette nouvelle vie que le chrétien baptisé se découvre comme un homme qui existe et qui subsiste dans la Parole même de Dieu, en fonction de laquelle il peut déterminer son existence.

En effet, le baptême apparaît facilement comme le premier pas d'un homme qui détermine son existence, en fixant son regard sur Jésus Christ et en accompagnant une communauté de croyants dont toute l'existence dépend également de ce même Seigneur Jésus Christ. Porter ses regards vers le Christ ne signifie pas se détourner des urgences du monde présent, se détacher de ce monde, mais se tourner vers celui qui peut donner un sens définitif à toute existence, en ouvrant la voie à une vie nouvelle. Dans l'acte même du baptême, le croyant et la communauté qui le baptise se placent dans une situation identique, celle de l'obéissance de la foi à la Parole de Dieu, prêchée dans Évangile Tous deux découvrent que l'homme pécheur est justifié et sanctifié, dans l'oeuvre, accomplie une fois pour toutes en Jésus Christ. La mort de celui-ci sur la croix a été l'achèvement de la justification de l'homme ; et le baptême est une incorporation de l'homme à cette croix du Christ, par lui, l'homme pécheur est justifié devant Dieu. Dans la résurrection du Christ, au matin de Pâques, Dieu a signifié la sanctification de chaque homme incorporé au Christ. Placé ainsi dans la considération de la mort et de la résurrection du Christ, le baptême apparaît comme l'ensevelissement de l'homme pécheur et comme une résurrection à la vie nouvelle : il suscite une espérance, celle de vivre à la manière de Jésus Christ, en apportant, à chaque instant de l'existence humaine, de nouvelles réponses à la Parole de Dieu que le baptisé a approuvé, lors de son baptême. L'homme nouveau, régénéré dans les eaux baptismales, se renouvelle sans cesse, ainsi que l'affirme l'apôtre Paul, dans une lettre aux chrétiens de Corinthe : C'est pourquoi nous ne perdons pas courage et même si, en nous, l'homme extérieur (c'est-à-dire l'homme ancien) va vers sa ruine, l'homme intérieur (c'est-à-dire l'homme nouveau) se renouvelle de jour en jour. Car nos détresses d'un moment sont légères par rapport au poids extraordinaire de gloire éternelle qu'elles nous préparent. Notre objectif n'est pas ce qui se voit, mais ce qui ne se voit pas ; ce qui se voit est provisoire, mais ce qui ne se voit pas est éternel (2 Cor. 4, 16-18).

Comme acte humain, le sacrement, celui du baptême, comme celui de la sainte Cène, ne peut être compris que comme une indication de ce que Dieu lui-même accomplit dans l'homme ; il est le signe de l'action divine, mais il ne la cause pas, car, l'action de Dieu, pour le croyant, a une réalité objective. Et celle-ci oriente l'existence présente de l'homme, à la fois pécheur et justifié, vers l'avènement du Royaume de Dieu. Le baptême, comme la sainte Cène, offre au croyant la possibilité d'une anamnèse de l'événement rédempteur, Jésus Christ, dans la mesure où ils le rendent participants à cet événement.

La Sainte Cène, fête de la rédemption accomplie Le partage du pain et du vin, au cours de la Cène, est l'actualisation du dernier repas de Jésus avec ses disciples, en même temps qu'il est l'anticipation du banquet eschatologique de l'avènement du Royaume de Dieu.

C'est le Christ vivant qui en assure la présidence et qui invite tous les hommes à partager le repas du salut. Le dernier repas de Jésus avec ses disciples s'inscrit dans le cadre de la célébration juive de la délivrance de la servitude dans la maison d'Égypte. Pour exprimer la nouvelle alliance qu'il va établir, il recourt au rite pascal. Le peuple d'Israël revivait, chaque année, la rédemption de Égypte dans laquelle il avait trouvé son existence. La note dominante de la fête était celle de la rédemption et de la joie qu'Israël trouvait en son Seigneur : Béni sois-tu, Éternel notre Dieu, roi de la terre, qui as donné à ton peuple Israël ces jours de fête pour la joie et le souvenir. La joie vient au peuple du fait que le Seigneur Dieu a montré sa puissance et son amour en délivrant Israël de la servitude. En renouvelant cette célébration, Israël manifeste que le souvenir de l'action de Dieu garde toute son actualité : ce que Yahvé avait accompli en faveur des pères du peuple, il ne cessait de l'accomplir pour chaque membre de son peuple, fidèle à l'alliance sinaïtique. Les aliments mêmes du repas pascal : pain sans levain, laitues crues, agneau pascal (qui n'était d'ailleurs pas obligatoire hors des murs de Jérusalem), vin (dont l'usage n'est pourtant pas prescrit dans l'Exode)... ne visaient pas la satisfaction du corps, mais avaient une signification pour le coeur de tous les croyants ; ils évoquaient le souvenir de la grande libération, et ils associaient effectivement tous participants au repas pascal à la réalité même de ce qu'ils signifiaient. Le croyant était ainsi mis en présence de la rédemption qui s'accomplissait pour lui, dont il était le bénéficiaire au même titre que ses pères. Le souvenir de la délivrance ancienne anticipait la réalisation de toutes les délivrances futures ; le passé détenait l'espérance des réalisations nouvelles que Dieu ne manquerait pas d'accomplir en faveur d'Israël. En inscrivant dus le cadre de la libération du peuple l'alliance nouvelle, Jésus permettait à ses disciples de comprendre la signification des événements qui allaient survenir : il identifiait son propre destin à celui de l'agneau pascal dont le sang avait épargné ceux qui entreprenaient de marcher à travers le désert, en réponse à la seule Parole de Dieu ; et, dans le même mouvement, Jésus signifiait à ses disciples que le sacrifice ancien était devenu caduc, une alliance nouvelle s'établissait en lui, non seulement pour la libération d'un peuple particulier, mais pour la libération effective de toute l'humanité, Par le sang qu'il allait verser sur la croix, Jésus Christ allait accomplir la rédemption définitive de l'humanité entière. Au moment d'affronter la mort, il célèbre la Pâque juive et il institue la Cène, comme le signe de sa présence continuée au milieu des hommes et comme le signe de sa vie donnée pour les croyants et pour tous les hommes. Et, dès les premiers temps de l'Eglise, les communautés chrétiennes ont voulu attester la résurrection du Christ Seigneur, en célébrant le repas qu'il avait institué, à la veille de souffrir et de mourir pour le pardon des péchés de la multitude. Comme pour le rite pascal juif, le repas du Seigneur exigeait une réitération : les gestes et les paroles de Jésus sont valables pour tous et pour toujours, son oeuvre a une portée universelle, toujours actuelle. La réalité sacramentelle de la Cène est en relation avec une réalité surnaturelle que le rite symbolise et permet de reconnaître, selon l'acception primitive du terme symbole . En effet, le symbole désigne un signe de reconnaissance, formé par les deux moitiés d'un objet brisé que l'on rapproche. Le sacrement est un symbole, puisqu'il est le signe concret d'une réalité invisible et transcendante. ; il est une indication, dans un acte proprement humain, de ce que Dieu accomplit lui-même, la rédemption définitive de toute l'humanité, lorsque la rédemption du peuple juif est devenue caduque.

Par sa mort, Jésus signifie que Dieu préfère souffrir et mourir que punir les hommes : il pardonne, en prenant sur lui le péché des hommes et ses conséquences. Le pain de l'eucharistie reste du pain, il ne fait que signifier l'intention du sacrifice et du pardon, de l'amour crucifié dans le coeur de Dieu, manifesté par la mort de Jésus sur la croix. Mais il devient sacrement dès que le croyant y perçoit l'intention divine et y adhère en lui apportant sa réponse, dans la foi. La célébration de la Cène exprime à la fois la souffrance du Christ et sa mort, tout en assurant aux croyants la certitude de la présence réelle de la force de la résurrection, dans l'attente de l'avènement du Royaume de Dieu, pour lequel les croyants vivent dans l'espérance.

La question de la présence réelle

Le repas de la Cène est partagé à tous ceux qui confessent que Jésus Christ est crucifié et ressuscité pour la rédemption de tous les hommes. Pécheurs pardonnés par le sacrifice unique de Jésus, ils peuvent relever la tête et marcher dans l'espérance et dans la foi, en adressant leur prière à Dieu le Père, par l'intermédiaire de Jésus Christ, le seul grand prêtre, le seul intercesseur auprès de Dieu, présent parmi les hommes.

Depuis les origines de la Réforme, le débat sur la présence réelle du Christ dans la célébration de la sainte Cène est un sujet brûlant dans le dialogue qui existe entre toutes les confessions chrétiennes. Certes, il y a unanimité entre les différentes Églises pour affirmer que le Christ est réellement présent lors de la célébration eucharistique, mais il y a divergence quand il s'agit de lier cette présence au pain et au vin de la dite célébration.

Toute la question a été soulevée à partir du quatrième concile oecuménique du Latran, en 1211, avec l'introduction dans la théologie occidentale de la notion de transsubstantiation, qui indiquait la transformation du pain et du vin en corps et sang du Christ : la substance change, se transforme, même si les accidents, comme l'apparence, le goût, demeurent ceux du pain et du vin. En s'appuyant sur les paroles mêmes du Christ : Ceci est mon corps... ceci est mon sang... , les décrets conciliaires affirmaient que, depuis ses origines, l'Eglise avait compris ces paroles comme signifiant une transformation de la substance du pain et celle du corps du Christ et de la substance du vin en celle du sang du Christ, même si le terme même de transsubstantiation n'avait encore jamais été employé pour signifier cette transformation. S'appuyant sur la philosophie d'origine aristotélicienne, la théologie scolastique fit de cette question le centre même de la célébration eucharistique. L'élévation de l'hostie après la consécration du pain par les paroles de Jésus, lors de l'institution du repas chrétien, date de cette même époque, ainsi que la grande vénération et même l'adoration des éléments restants après le partage du repas entre les fidèles présents. A vrai dire, le débat sur la question de la présence réelle ne date pas exactement des premières années de la Réforme : Luther, lui-même, accepte la transsubstantiation, reconnaissant que le pain et le vin donnés, dans la célébration du repas eucharistique, sont le vrai corps et le vrai sang de Jésus Christ, mais il reproche au pape d'avoir fait de cette doctrine un article de foi, contraignant l'obéissance des croyants. Pourtant, Luther expliquera, à sa manière, la présence du Christ dans les éléments du pain et du vin, en soulignant qu'il s'agit d'un mystère qu'il est possible de comparer au mystère de la personne même du Christ, véritablement homme et véritablement Dieu : les éléments restent du pain et du vin, tout en étant le vrai corps et le vrai sang du Christ. L'histoire de la théologie parle de consubstantiation pour désigner cette position du père de la réforme protestante.

Le problème de la présence réelle du Christ dans l'eucharistie n'oppose pas seulement l'Eglise catholique du seizième siècle et les Réformateurs, mais elle oppose surtout les Réformateurs entre eux : ainsi, Zwingli refuse catégoriquement toute idée de transsubstantiation, ne pouvant accepter que ce qui est matériel puisse avoir une signification spirituelle. Pour lui, le pain et le vin de la Cène ne sont que des signes rappelant aux hommes le corps et le sang du Christ ; établir un lien étroit entre les éléments matériels et le Christ lui-même portait atteinte à la divinité même de Jésus Christ. Pour Zwingli, ce n'était pas le pain et le vin qui devenaient le corps vivant du Christ, mais la communauté chrétienne rassemblée pour cette célébration, l'Eglise, seul corps vivant du Ressuscité.

Jean Calvin apporta également sa contribution à cette question théologique, en prenant une position différente de celle de Luther et de Zwingli : contre Luther, il insiste sur le mystère de la présence du Christ, mais, contre Luther il fait dépendre cette présence de la foi de la communauté chrétienne rassemblée. C'est par la foi seule que le fidèle croyant reçoit le corps et le sang du Christ, sous les espèces du pain et du vin. Dans la participation à la Cène le croyant reçoit le corps du Christ, tandis qu'un incroyant ne mange que du pain. Les théologiens luthériens reprocher à cette conception son trop grand subjectivisme, puisqu'elle fait dépendre la présence du Christ de la foi du croyant. Il va sans dire que l'Eglise catholique romaine s'opposait également à une telle interprétation.

Ce n'est qu'en cette fin de vingtième siècle que la question a pu être examinée de nouveau, aussi bien dans les Églises issues de la Réforme entre elles que dans leur relation avec l'Eglise romaine, dans le contexte d'un dialogue oecuménique. En 1973, la concorde de Leuenberg proclame la communion ecclésiale entre les Églises luthériennes et les Églises réformées, sur le plan européen ; elle définit, sous la forme d'un compromis la question de la présence réelle dans le repas eucharistique : Dans la Cène, Jésus Christ, le ressuscité, s'offre lui-même, en son corps et en son sang donnés pour tous, par la promesse de sa Parole, avec le pain et le vin. La question de la présence réelle a perdu de son importance pour favoriser une plus grande communion ecclésiale. La présence réelle du Christ, dans le repas de la sainte Cène, est affirmée par toutes les Églises, même si la manière de cette présence est souvent interprétée de manière différente. Car cette présence du Christ dans le pain et le vin demeure un mystère qu'il ne sera jamais possible à l'Eglise de sonder jusqu'au fond. Déjà, en 1931, le synode de l'Eglise réformée de France s'exprimait sur cette question, de la manière suivante : Sur le monde de la présence du Seigneur dans le sacrement les croyants peuvent varier de sentiment, mais non sur le fait de la présence elle-même, présence réelle selon l'Esprit, inséparable des éléments de la Cène dans l'acte même de la célébration. Dans la même ligne, l'assemblée commune des Églises luthériennes et réformées de France, les 21 et 22 mars 1981, à Liebfrauenberg, définissait le repas de la sainte Cène : Dans la Cène, repas de la nouvelle alliance, le Seigneur se lie à l'acte communautaire de manger et de boire. Pour nous communiquer la grâce de sa présence, il a choisi le pain qu'il nous invite à manger et le vin qu'il nous invite à boire. En les recevant, nous recevons le corps du Christ donné pour nous. Cette présence, dont aucune explication ne pourra jamais rendre compte de manière entièrement satisfaisante, est fondée sur la promesse du Christ. Elle n'est pas l'oeuvre de la subjectivité et de la piété humaine, mais elle est l'oeuvre du Saint-Esprit.

En matière d'eucharistie, la question de la présence réelle du Christ ne déchaîne plus les passions entre les catholiques et les protestants. La plus grande ligne de séparation se trouve à présent dans la question de la présidence du repas du Seigneur.

La question du ministère

Si tous les chrétiens peuvent se rapprocher dans une même foi en l'eucharistie, ils restent séparés par la difficulté de celui qui est appelé à présider la célébration même de l'eucharistie. Dans l'Eglise catholique romaine, comme dans l'Eglise orthodoxe, seul un prêtre ordonné par un évêque, lui-même ordonné par d'autres évêques, peut assurer la présidence du repas du Seigneur. Dans le protestantisme, certaines Églises, comme l'Eglise anglicane et une grande partie des Églises luthériennes, reconnaissent également un ministère épiscopal, bien que celui-ci ne soit pas reconnu par le catholicisme ; d'autres, comme la plupart des Églises réformées ne disposent pas d'un ministère épiscopal ni d'un ministère sacerdotal : un laïc peut présider la sainte Cène affirment donc certains protestants, puisque tous les chrétiens participent au sacerdoce universel, tous sont prêtres. Les ministres, dans l'Eglise, sont au service de l'unique sacerdoce du Christ, ils sont les serviteurs du sacerdoce royal et prophétique du peuple de Dieu. Pour le protestantisme, l'ordination qui confère un ministère à un homme ne lui enlève pas sa condition humaine du laïcat : il reste uni à tous ses frères chrétiens dans toute son existence. Avant toutes choses, les ministres sont des prédicateurs, car l'annonce de la Parole de Dieu est prioritaire pour la vie de l'Eglise : les pasteurs ne sont ministres des sacrements que parce qu'ils sont d'abord les ministres de la parole, la seule présidence revenant au Christ lui-même, par qui s'édifie et se sanctifie toute la communauté rassemblée en son nom. Il se sert des ministres dans l'Eglise comme de signes et d'instrument pour proclamer lui-même sa Parole, pour exercer son pouvoir de Pasteur pour l'ensemble de l'Eglise, dans la célébration des sacrements qui indiquent sa présence et son action.

L'abolition de toute trace d'un sacerdoce personnel, d'une prêtrise considérée comme une qualité attachée à une personne, par une vertu sacramentelle, n'empêche certainement pas, dans le protestantisme, l'existence d'un corps constitué, le pastorat. Celui-ci se caractérise par l'exercice d'une fonction, reposant sur une compétence, favorisée par une formation théologique. Seulement, en favorisant un type de pastorat, de presbytérat, qui repose sur une formation la plupart du temps universitaire, l'Eglise se prive elle-même d'un pastorat qui serait beaucoup plus proche des laïcs de toutes les conditions. Sans exclure la nécessité d'une formation biblique et théologique, il faut à l'Eglise protestante d'aujourd'hui des ministres qui soient moins cléricaux et moins intellectuels, en tout cas beaucoup plus proches du peuple de Dieu. C'est ainsi que l'Eglise réformée de France a accepté le principe de la délégation. La délégation pastorale accorde le droit d'exercer les charges du ministère pastoral à des hommes qui n'ont pas encore reçu la consécration ministérielle. La délégation de desserte permet à un bénévole d'exercer le ministère de la Parole et d'administrer les sacrements dans une Eglise locale, pour un temps déterminé ou pour une circonstance précise.

Du point de vue des fidèles, il est important qu'ils sachent reconnaître les bons ministres que Dieu leur envoie : l'Eglise ne peut jamais s'imaginer qu'elle est capable de fabriquer de bons pasteurs, elle ne peut que les recevoir de Dieu. La seule raison d'être du pasteur, c'est d'exposer la Parole de Dieu dans toute sa vérité ; il ne lui est donc pas possible d'être simplement le secrétaire d'une association religieuse, chargé de faire fonctionner la machine ecclésiastique par une activité débordante. Par leur annonce de la Parole et par l'administration des sacrements, ils instituent les chrétiens, ou plus exactement Jésus Christ au moyen de leur enseignement, façonne les chrétiens et les sanctifient. Car toute l'autorité appartient au Christ seul, et celui-ci exerce son autorité par le truchement des ministres de l'Eglise.

La fonction de l'Eglise

L'Eglise est, par sa définition étymologique même, une communauté, une assemblée où se trouvent réunis ceux qui ont en commun une même foi en Jésus Christ. Elle est le lieu dans lequel les chrétiens sont placés pour se convertir, se repentir et croire à la Parole de Dieu, dans le temps qui les sépare de l'avènement du Royaume de Dieu dans sa plénitude. L'autorité suprême, sous laquelle elle se place, est celle de la Parole de Dieu, qui régit toute la vie humaine des fidèles. La tâche première de cette Eglise est, ainsi qu'il a déjà été dit, de prêcher Évangile de Jésus Christ et d'administrer les sacrements selon son institution. C'est Dieu qui est le juge de toute l'activité de l'Eglise, mais Dieu en Jésus Christ, c'est-à-dire Dieu qui fait grâce et qui prend patience à l'égard des pécheurs : et c'est les yeux fixés sur lui qu'elle avance dans la confiance et l'espérance, assurée qu'elle est de la victoire de sa grâce offerte sans cesse en Jésus Christ.

Dans le monde actuel, l'Eglise ne cesse pas d'être le corps du Christ, et c'est à partir du Christ qu'elle doit chercher sa véritable figure ; elle est le moyen historique par lequel il se rend présent au monde. C'est la raison pour laquelle une perspective historiciste est totalement faussée : le Christ n'a pas fondé l'Eglise une fois pour toutes, mais il ne cesse de la fonder, de l'entre tenir et de la vivifier, par la prédication de Évangile, qui fait résonner la voix de Dieu lui-même par les ministres qui sont ses instruments. En ce sens, l'Eglise devient une école, en laquelle Dieu lui-même est l'enseignant qui nourrit ses élèves par l'annonce de la doctrine de vérité.