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Le Bouddhisme

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L’enseignement qu’aujourd’hui en Occident on appelle le bouddhisme prit sa source dans l’expérience d’Éveil du Bouddha sous l’arbre de la Bodhi, il y a deux mille cinq cents ans.

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C’est donc avec le Bouddha que commence le bouddhisme. Mais la question qui se pose tout de suite est : « Qui était le Bouddha ? »

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Il faut d’abord préciser que le terme « Bouddha » n’est pas un nom propre, mais un titre qui signifie « celui qui sait, celui qui comprend ». Il signifie aussi « celui qui est éveillé ».

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Ce titre a d’abord été donné à un homme dont le nom était Siddhartha, et dont le nom de clan ou de famille était Gautama,

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et qui vivait au sixième siècle avant notre ère, dans une région située en partie au sud du Népal et en partie au nord de l’Inde.

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Par chance, nous savons beaucoup de choses du début de sa vie.

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La tradition la plus ancienne considère que les dates de sa naissance et de sa mort sont respectivement de 624 et 544 avant Jésus-Christ.

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Les récits de la vie du Bouddha, perpétués par la tradition orale, ne seront rédigés que quelques centaines d'années après sa mort.

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Sa vie pourrait se résumer ainsi :

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Mayadevi, épouse de Suddhodana, souverain du royaume de Kosala constitué par des tribus Sakyas, sera prise de douleurs à la fin de sa grossesse, alors qu'elle rendait visite à sa mère, dans un petit village du Népal.

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Elle s'allongera sous un arbre et accouchera d'un garçon du nom de Siddhârta Gautama.

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La légende du récit de sa naissance indique que sa mère, dont le nom signifie "illusion", aurait conçu Siddhârta en songe, par un éléphant blanc à six défenses.

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Elle aurait accouché sur la route qui la conduisait chez ses parents, debout et accrochée à une branche d'arbre, tandis que les divinités brahmaniques faisaient pleuvoir des pétales de fleurs sur elle.

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Sitôt né, l'enfant se serait mis debout et aurait "pris possession" de l'Univers en se tournant en marchant sept pas vers chacun des quatre points cardinaux.

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Le jeune homme recevra une éducation achevée et une formation dans les domaines appropriés à un aristocrate, tels que les arts martiaux,

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la gestion des domaines agricoles, les langues, la littérature, une compréhension profonde des idées religieuses et philosophiques de sa culture et de son temps par un brahmane.

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Ses soirées seront consacrées à la musique et, parfois, à la danse.

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La légende raconte que son père fera venir huit voyants célèbres auprès de son fils.

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Les sept premiers prédiront un avenir brillant au jeune homme qui devait succéder à son père, le dernier qu'il quittera le royaume.

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Le roi fera enfermé ce royaume par une grande muraille. Siddharta Gautama était un homme sportif, compétent en arts martiaux tels que la lutte et le tir à l'arc, il pouvait parcourir des kilomètres sans difficulté et camper dans la nature sauvage.

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Les images du gros « Bouddha gai » ou Bouddha riant ne sont pas des représentations de Siddharta Gautama.

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Le prince tombera amoureux et épousera à vingt ans, sa cousine, fille d'un seigneur du voisinage. Les époux emménagent dans trois palais : un de bois de cèdre pour l'hiver, un de marbre pour l'été et un de briques pour la saison des pluies. Ils donneront naissance à un garçon.

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Siddhârta, qui s'ennuie, entreprend de longues promenades. Il rencontrera successivement un vieillard qui marche avec peine, un pestiféré couvert de bubons purulents, une famille en larmes qui transporte le cadavre d'un des siens vers le bûcher, un moine mendiant qui quête sa nourriture, sans cesser de garder les yeux baissés.

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"Honte à la vie, s'écria-t-il, puisque la décomposition de tout ce qui vit est une vérité notoire !". Et ayant observé la sérénité du moine, il résolut de devenir religieux. Mais son père voulut l'en empêcher.

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Il fit doubler les musiques, remplit ses jardins de femmes encore plus belles, qui l'enlacèrent de force. Il résista à leurs tentations et persista dans son projet.

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Le prince comprend que, si sa condition le met à l'abri du besoin, rien ne le protègera de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Il quitte alors son monde pour étudier la voie du salut.

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Il entreprend une vie d'ascèse et se consacre à des pratiques méditatives austères. Il coupe sa longue chevelure et la lance vers le ciel où les dieux la recueillirent.

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Il troque ses fins habits de l'éclatant prince Siddhârtha, pour faire place au moine Gautama, l'anachorète.

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Il écouta les leçons de nombreux maîtres brahmanes, demanda l'aumône comme le font tous les bonzes, pratiqua les méditations du yoga.

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Six années durant, il vécut assis les jambes croisées, immobiles, tel que nous le voyons représenté des milliers de fois dans les monuments de pierre ou les statues de chair sur le bord des routes de l'Asie. Il devint semblable à un squelette et les dieux eurent peur pour sa vie.

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Au terme de ces six ans, il abandonne ces pratiques qui ne l'ont pas mené à la compréhension du monde, il met fin à ses mortifications.

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Il se concentre dès lors sur la méditation et la voie moyenne, celle qui consiste à nier les excès, en refusant le laxisme comme l'austérité excessive.

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Il s’installe sous un figuier et fait voeu de ne pas bouger avant d'avoir atteint la Vérité. Il découvre que la cause de la douleur universelle est la soif d'existence.

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Nous n'existons que pour notre moi, nous ne nous appuyons que sur de fausses pensées et sur le monde matériel. Si donc nous supprimons cette soif d'exister en supprimant ses causes intellectuelles, nous supprimerons la douleur.

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Telle fut l'Illumination, la Révélation de la Sagesse Parfaite, et l'accession à l'état de suprême Bouddha.

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Plusieurs légendes racontent comment Mâra, démon de la mort, effrayé du pouvoir que Siddharta allait obtenir contre lui en délivrant les hommes de la peur de mourir, tentera de le sortir de sa méditation en lançant contre lui des hordes de démons effrayants et ses filles séductrices.

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C'est dans la posture de prise de la terre à témoin de ses mérites passés qu’il accède à l'éveil et devient le Bouddha. Il affirmera être parvenu à la compréhension de la nature et des causes de la souffrance et des étapes nécessaires à son élimination.

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Le Bouddha insistera sur le fait qu'il n'est ni un dieu, ni le messager d'un dieu et que l'illumination n'est pas le résultat d'un processus surnaturel, mais le résultat d'une attention particulière à la nature de l'esprit humain, qui pouvait être découverte par n'importe qui. Il avait fini par atteindre le stade d'Eveil suprême et libérateur… Le Royaume intérieur dont parlera le Christ quelques siècles plus tard...

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Ensuite il se leva, partit vers Bénarès, et "mit en branle la Roue de la Loi". Arrivé dans cette ville il se rendit au Parc des Gazelles et y retrouva cinq disciples qui l'avaient abandonné. Il les convertit et furent appelés depuis les Sermons de Bénarès.

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"Ô moines, disait-il, il y a deux extrêmes dont il faut rester éloigner : une vie de plaisirs, cela est bas, ignoble, contraire à l'esprit, indigne et vain. Et une vie de macération : cela est triste, indigne et vain. De ces deux extrêmes, ô moines, le Parfait s'est gardé éloigné, et il a découvert le chemin qui passe au milieu, qui mène au repos, à la science, à l'illumination, au nirvana...

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Voici, ô moines, la vérité sainte sur la douleur : la naissance, la vieillesse, la maladie, la mort, la séparation d'avec ce qu'on aime sont douleur. Voici d'origine de la douleur : c'est la soif de plaisir, la soif d'existence, la soif d'impermanence. Et voici la vérité sur la suppression de la douleur : c'est l'extinction de cette soif par l'anéantissement du désir".

Il dit aussi : "Faire un peu de bien vaut mieux que d'accomplir des oeuvres difficiles. Si on voulait comprendre combien est grand le fruit des aumônes on ne mangerait pas sa dernière bouchée de nourriture avant d'en avoir donné.

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L'homme parfait n'est rien s'il ne se répand en bienfaits sur les créatures, s'il ne console pas les abandonnés. La voie du salut est ouverte à tous".

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Le Bouddha reprit ensuite sa vie errante. Il allait de village en village, prêchant et faisant des miracles.

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Ayant expérimenté en vain les plaisirs de la cour autant que l'austérité monastique, il prêchera comme chemin du Salut, la « voie du milieu » qui n'est pas sans faire penser à la « porte étroite » évoquée par le Christ.

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Ainsi, dès son premier sermon à Bénarès, Bouddha enseigne les « Quatre Saintes Vérités » : de la naissance à la mort, tout est douleur car tout est impermanent. D'autre part, c'est la soif d'existence qui conduit à intégrer le cycle de l'impermanence inhérente à celui de l'incarnation. Ainsi, la douleur prend racine dans le désir. Elle peut être transcendée par l'épuisement de la soif existentielle.

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La voix de la fusion avec l'ordre cosmique suppose un long travail intérieur qui consiste en l'anéantissement du Moi et le contrôle absolu du corps, de la pensée et de la parole. Une évolution qui s'échelonne nécessairement sur une multitude d'existences…

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Suscitant de nombreuses vocations, Bouddha répandra, durant les quarante-cinq dernières années de sa vie, dans la région du Gange et de ses affluents, les fruits de sa quête d'absolu prêchant le chemin de l'accomplissement comme remède au problème de la souffrance.

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Il enseignera sa pratique en matière de méditation et fondera la communauté des moines et des nonnes pour perpétuer ses enseignements après sa disparition.

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Bouddha, sentant sa mort venir, demandera à un disciple de lui préparer un lit entre deux arbres. Il décédera à Kusinagar en Inde, à l'âge de quatre-vingt ans. Ses derniers mots seront : "L'impermanence est la loi universelle. Travaillez à votre propre salut".

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Chacune des douze étapes de l’existence de Gautama aide à l'établissement de son enseignement. Ces douze actions sont : de quitter les cieux et de se manifester sur terre au moment le plus adéquat,

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d'entrer dans le ventre d'une mère, et ainsi de naître dans la famille la plus appropriée pour ce qui allait suivre,

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de naître de manière miraculeuse,

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de grandir en démontrant des prouesses physiques uniques et une grande intelligence mentale,

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de se réjouir de ses compagnons et des plaisirs les plus raffinés que la vie mondaine peut offrir,

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de quitter les mondanités,

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de pratiquer l'ascétisme de manière plus radicale qu'on ne le fit jamais et alors d'y renoncer parce que ce n'est pas pertinent,

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d'aller à l'endroit où les Bouddhas de ce monde manifestent l'illumination,

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et là de vaincre les énergies négatives de ce monde,

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d'indiquer la reconnaissance de la voie du milieu et d'atteindre l'illumination,

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d'enseigner les vérités universelles, et

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d'entrer en le nirvana.

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Chaque aspect contient tout un enseignement… S’il n'avait pas été un prince riche, s'il n'avait pas eu de belles femmes, s'il n’avait été un athlète et un érudit etc., comment aurait-il pu être crédible, en déclarant que les possessions ne sont pas tout ?

 

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S'il n'avait été qu'un yogi, on aurait pu l'accuser de trouver qu’il lui était facile de dénigrer des plaisirs qu'il n'aurait pas connus.

 

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Comment aurait-il pu dire qu’il ne fallait pas se mortifier, s’il n'avait pas erré sans nourriture, s'il n'avait été assis au soleil brûlant, sans boire ?

 

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Deux siècles et demi après la mort de son fondateur, le Bouddhisme était devenu la religion officielle de l'Inde, et il commençait la conquête de l'Extrême-Orient.

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L'expansion du Bouddhisme fut facilitée parce qu'il n'imposait aucune habitude et aucune institution nouvelles ; à l'inverse de l'Hindou, qui veut que sa nourriture soit pure et préparée par des personnes pures, le moine mendie à toutes les portes, sans distinction.

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les règles de conduite ne sont qu'un moyen de parvenir à la maîtrise de soi, elles ne sont pas un but : celui-ci est le salut et il ne dépend pas de l'observation de telle ou telle règle.

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Le Bouddhisme, religion sans Dieu, initia l'Inde à la dévotion en lui proposant la méditation du Bouddha. Mais il fut menacé le jour où le vishnouisme et le çivaïsme opposèrent à la figure du Bouddha l'image de leurs dieux et de leurs déesses, aux cérémonies bouddhiques leurs fêtes pompeuses et à la mythologie du Bouddhisme une fable splendide, celle du dieu-homme Krishna antagoniste de l'homme-dieu Bouddha.

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Aux Etats Unis comme en Europe, on découvre le bouddhisme depuis une cinquantaine d’années. Avant, l'étude des textes était réservée à quelques orientalistes réputés ou à quelques érudits.

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L'arrivée des maîtres tibétains, puis zen à donner un nouvel essor au bouddhisme. Sur plus de 400 millions de bouddhistes, à peine 6 millions pratiquent le bouddhisme tibétain et à peine 10% des bouddhistes japonais appartiennent à l'une des deux écoles principales du Zen.

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le Dalaï Lama, chef spirituel et temporel des tibétains, sans être un "Pape" est considéré comme un grand maître spirituel par les autres écoles bouddhistes.

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Comme toute nouvelle spiritualité, le bouddhisme a commencé à se diffuser par les élites pour se diffuser ensuite vers des couches toujours plus larges de la population.

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Si le bouddhisme a le "vent en poupe" en Occident, il n'en va pas de même lorsqu'on regarde sa situation et son évolution au vingtième siècle : le christianisme, l'Islam et l'Hindouisme ont vu chacune leurs effectifs respectifs multipliés par trois entre 1900 et 2000. Or, il y a à peu près le même nombre de bouddhistes dans le monde en 2000 qu'en 1900. Leur nombre n'a pas sensiblement augmenté sur cette période.

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Si l'Hindouisme a chassé le bouddhisme de l'Inde et si l'Islam la chassé du Pakistan et l'a coupé de l'Occident et de la Grèce dans les siècles antérieurs, il est certain que l'avènement du communisme en Chine et dans certains pays du sud-est asiatique au vingtième siècle a été un lourd facteur explicatif de la non expansion du Bouddhisme.

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En Chine, la Révolution Culturelle a anéanti des dizaines de millions de personnes et parmi elles de très nombreux bouddhistes pratiquants, moines et autres. Le chauvinisme fait montrer du doigt la "religion étrangère", le bouddhisme, par rapport au confucianisme.

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Il ne faut pas oublier le génocide, ethnique et culturel, du peuple tibétain qui, avec plus de 1 500.000 morts et 90% des temples et monastères détruits, constitue un des crimes les plus odieux du vingtième siècle.

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Le régime des Khmers rouges communistes de Pol Pot a fait également plus d'un million de morts en quelques années, avec pour cibles principales les "bourgeois" c'est-à-dire les élites culturelles et religieuses.

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La junte militaire au pouvoir en Birmanie opprime les bouddhistes qui cherchent à rétablir la paix et la démocratie.

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Alors, si l'on considère en Europe et aux Etats-Unis que le Bouddhisme est à la mode, cela dépend vraiment de quel point de vue l'on regarde, et cette expression révèle plutôt l'européano-centrisme de ceux qui la formulent....

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Depuis la première prédication de Gautama Bouddha, au parc des Gazelles de Bénarès, la doctrine de l'Éveillé se présente comme une promesse de salut, une voie de libération des réincarnations successives.

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Le phénomène que le Bouddha constate avec une grande précision, c'est le caractère universel de la souffrance. L'homme est un être voué à la mort, un être voué à la souffrance dès l'instant de sa naissance.

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Pour lui, aucune solution intellectuelle ne peut être apportée à la présence de la souffrance dans toute vie humaine.

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La réalité que rencontre le bouddhisme n'est pas une idée, mais un vécu concret, ressenti par les individus et par les sociétés.

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Tout l'effort du bouddhisme sera de parvenir à l'état de boddhi, d'éveillé, qui ouvre l'accès au nirvâna, ce lieu où sont éteints tous les phénomènes, par le passage de la mort.

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Dans la plus pure tradition de Gautama, le fait de parvenir à la délivrance était une fin, un but. Cependant, arriver à l'éveil, devenir soi-même « éveillé » n'est pas une fin à proprement parler.

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Le zen souligne avec une grande justesse, que l'éveil ne peut s'obtenir que par celui qui est totalement désintéressé. Cet état d'éveil est inexplicable par des mots, il ne peut être qu'expérimenté : le zen n'est pas une voie vers une issue, mais une pratique, un mode de vie.

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L'adepte peut atteindre le nirvâna dès le moment présent, tout en sachant que son éveil ne tardera pas à disparaître, lorsqu'il sera pris une nouvelle fois par les occupations qu'il avait abandonnées pour s'asseoir et se livrer à la méditation.

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Dans le monde présent, coexistent l'éveil et l'illusion, ces deux contraires qui permettent au sage de sortir du monde des illusions, de même que le jour n'existerait pas sans la nuit, le chaud sans le froid, la clarté sans l'obscurité.

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Les maîtres zen ne cessent de rappeler à leurs disciples qu'ils ne doivent pas se lancer dans la quête de l'illumination, car l'éveil n'est pas un but que l'on peut atteindre comme une flèche atteint sa cible.

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L'éveil est au plus profond de l'homme lui-même : Vous êtes tous des Bouddha, il vous suffit de le savoir.

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Bien que le bouddhisme primitif ait renoncé à toute représentation de Bouddha, les premières générations de fidèles imposèrent rapidement une matérialisation des symboles du bouddhisme.

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Le Maître lui-même avait pourtant recommandé, au moment de sa mort, de ne plus s'attacher à sa personne, mais de rester simplement fidèle à sa doctrine

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L'image même du Bouddha historique n'était que de peu d'importance par rapport à la grandeur et à la noblesse de son enseignement.

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Des milliers de statues ont fini par peupler les lieux saints du bouddhisme. Ces statues sont proposées à la vénération des fidèles qui finissent par reconnaître dans ce Maître de vérité une authentique incarnation de la divinité.

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Il n'y a cependant pas lieu de penser qu'il s'agisse d'une idolâtrie, Bouddha lui-même aurait désapprouvé cette forme de culte à son égard. Mais, dans l'esprit des moines ou des simples fidèles, par ces représentations, le Bouddha continue de faire passer son enseignement.