La Bible reste souvent un
livre sur le rayon de la bibliothèque, un livre qui n’est pratiquement jamais
ouvert ! Pourtant chacun sait que les chrétiens et les juifs parlent de la
Bible comme de la Parole de Dieu. Cela explique le respect qu’ils lui
témoignent. Ce respect est tel qu’ils n’ouvrent jamais personnellement ce
livre. Ils se contentent d’en entendre des extraits dans les offices de leur
religion, quand ils daignent y participer.
Alors que renferme ce
livre mystérieux ? Est-ce un traité d’histoire, la saga d’un peuple, un
recueil de poésies et de légendes, un livre philosophique, le fruit de
l’imagination des hommes ou celui d’une inspiration divine ? C’est ce que
nous allons essayer de découvrir par cette étude.
Toutes les religions ont
leurs textes sacrés, leurs croyances, leur culte, leur pratique. La
sacralisation des textes, ou des livres vient de leur fonction qui les place
hors de l’ordre profane, et elle est en rapport avec l’autorité qui leur est
reconnue.
On connaît des textes
sacrés de la tradition gréco-romaine, on a pu déchiffrer des textes venus de
civilisations disparues, en Égypte, en Mésopotamie, en Asie Mineure. Il y a
aussi les religions vivantes dont les livres sacrés ont été introduits en
Occident, comme ceux de l’Inde, ceux du Bouddhisme, dont l’influence s’exerce
sur plusieurs centaines de millions d’hommes. Il faudrait encore citer le livre
de l’Islam, le Coran.
Si la Bible n’est pas un
cas isolé dans l’histoire des religions, elle est dans une situation
particulière, du fait que deux religions, apparentées mais différentes, s’en
réclament : le Judaïsme et le Christianisme divisé en plusieurs
branches : Catholicisme, Orthodoxie et
Protestantisme.
La Bible a marqué de son
empreinte et de son être la nature même d’une importante partie de la
civilisation et de la culture. Sans la Bible, le discours, la façon de parler
et d’écrire, de juger et de penser, de créer et de rêver, serait en effet tout
autre.
Du côté juif, la Bible est
constituée par une liste d’ouvrages, fixée par des docteurs juifs vers la fin
du premier siècle de l’ère chrétienne. Le Christianisme, né au sein du
Judaïsme, a repris à son compte cet ensemble sous une forme plus large que
celle du Canon fixé par les docteurs juifs, en y ajoutant ses propres écrits.
Dans le Judaïsme, l’hébreu
est la langue sacrée, mais l’explication de l’Écriture et l’enseignement
peuvent s’adapter aux situations. Dans le christianisme, il n’y a plus de
langue sacrée, dès l’antiquité, la Bible chrétienne a connu une multitude de
traductions. De ce fait, la Bible est le texte le plus traduit, le plus édité.
Elle est traduite dans près de trois mille langues.
Pourquoi existe-t-il une
traduction grecque de la Bible hébraïque ? Bien qu’ayant connu une
évolution au contact des dialectes voisins, l’hébreu reste jusqu’au sixième
siècle avant Jésus-Christ une langue comprise par l’ensemble de la population
d’Israël. A partir du retour d’Exil en 535, et surtout du quatrième siècle
avant Jésus-Christ, la population juive ne se fixe plus seulement en Palestine,
elle s’implante sur le pourtour méditerranéen. C’est ce que l’on appelle la
Dispersion ou Diaspora. Les pays de la Diaspora se trouvent sous domination
grecque et l’influence hellénistique s’exerce dans tous les domaines.
Progressivement, le grec se substitue aux autres langues. L’hébreu est de moins
en moins connu même par la communauté juive. Il faut donc traduire le texte
original. Ainsi naîtra une traduction grecque appelée Septante, destinée à être
comprise des fidèles éloignés de Jérusalem et à nourrir leur foi.
« Septante » ce
nom tire vient d’une légende. A la fin du deuxième siècle avant Jésus-Christ,
la lettre d’Aristée, rapporte une légende selon laquelle Ptolémée, roi Égypte,
aurait demandé au grand prêtre Eléazar,
une traduction grecque des livres saints afin de les faire figurer dans la
bibliothèque d’Alexandrie ! Les rouleaux sont expédiés de Jérusalem à
Alexandrie, et le roi païen se prosterne sept fois devant les Saintes
écritures... Et la légende précise qu’Eléazar envoya ses traducteurs, sages et
savants - six par tribu - à Alexandrie. Ces soixante douze vieillards, isolés
les uns des autres pour accomplir leur tâche, produisirent soixante-douze traductions
absolument identiques les unes aux autres !
En fait, la traduction de
la Bible en grec fut faite par étapes à partir du troisième siècle. En dépit de
la légende, la traduction grecque n’est pas calquée sur le texte hébreu et des
différences traduisent des interprétations qui
renseignent sur la pensée juive au seuil de l’ère chrétienne. C’est
presque toujours d’après la Septante que les auteurs du Nouveau Testament
citent l’Écriture.
Depuis 1950, les
traductions en langue française se sont multipliées. Pourquoi recommencer la
traduction d’un texte connu depuis longtemps ? Parce que le travail des
traducteurs n’est jamais terminé. Les langues ne se superposent pas, il faut
trouver les équivalences convenables. Les façons de traduire sont variées, et
elles oscillent entre la littéralité rigoureuse et la recherche de la beauté
littéraire. Les publics sont différents, les uns s’accommodent d’une langue
technique tandis que d’autres préfèrent le français courant.
Pour s’en tenir aux
traductions qui font autorité, on peut citer les quatre grandes éditions :
la Bible de Jérusalem,
refondue en 1973 (éditions du Cerf) ;
la Bible en trois volumes
parue dans la Pléiade ;
la Bible d’Osty (éditions
du Seuil)
la Traduction oecuménique
de la Bible, réalisée en commun par des spécialistes catholiques, protestants
et orthodoxes.
Il existe des éditions
illustrées pour le grand public, des éditions de luxe pour bibliophiles, des
traductions en français courant, des textes choisis pour enfants, etc. En 2001,
est parue une nouvelle traduction de la Bible,
oeuvre commune d’écrivains et d’exégètes catholiques, sous l’égide de
BAYARD-PRESSE
La Bible a été longtemps
le seul recueil littéraire connu de la culture ancienne du Proche-Orient et
elle en reste un des témoins majeurs. À ce seul titre, elle mérite l’intérêt de
l’homme cultivé. Cet intérêt est renforcé par son influence sur la civilisation
occidentale par le christianisme. Elle reste le « livre sacré » des
religions juive et chrétiennes : elle est un écrit vivant, en ce sens
qu’elle nourrit la foi d’une grande fraction de l’humanité. À ce deuxième
titre, la Bible fait partie de notre héritage, quelle que soit la position
adoptée vis-à-vis de son contenu religieux. Livre religieux, elle est entourée
de la vénération des fidèles des deux grandes religions juive et chrétienne. Ce
livre est l’expression d’expériences humaines et religieuses vécues dans le
temps et dépendant les unes des autres.
En proposant la Bible
comme un seul livre, on risque de se faire illusion : il ne s’agit pas d’UN
livre, mais d’une bibliothèque. En grec,
ta Biblia : les livres. Cette bibliothèque paraît déroutante ; on y
trouve des récits historiques, qui ne sont guère intéressants pour la connaissance
du passé, des récits d’une morale pas toujours édifiante, des guerres, des
meurtres, des chants de joie et de peine.
La Bible est autre chose
qu’un livre, elle est l’aventure d’un peuple dévoré par la recherche de
Dieu : chaque écrit est comme un condensé de cette expérience
passionnante, interprétée par un écrivain qui donne le sens des événements, ou
tente d’apporter une signification à chaque fait de l’histoire du peuple.
Les textes sacrés de la
religion d’Israël sont devenus les textes du christianisme, et on les appelle
alors Ancien Testament. Ce terme de « testament » désigne l’alliance
que Dieu a passée avec son peuple par l’intermédiaire de Moïse. Et l’Ancien
Testament s’oppose au Nouveau, qui désigne l’alliance établie en Jésus-Christ.
Dans les traductions
françaises, la Bible présente ces deux versants, parce qu’en Occident la
religion la plus répandue est le christianisme.
Pour essayer de comprendre
comment un Juif du premier siècle pouvait percevoir le contenu des livres
sacrés de son peuple, nous pouvons recourir aux textes évangéliques.
Les chrétiens connaissent
ce passage d’Évangile où des pharisiens demandent à Jésus quel commandement il
considérait comme le plus grand et où Jésus répondit : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton
coeur, de toute ton âme et de tout ton pouvoir. Voilà le plus grand et le
premier commandement. Le second lui est semblable : Tu aimeras ton
prochain comme toi-même. A ces deux commandements se rattachent toute la Loi et
les Prophètes » (Mt 22, 37-40).
On peut aussi citer cet
autre passage où Jésus souligne l’importance de toutes les Écritures : « Il
leur dit : Voici les paroles que je vous ai adressées quand j’étais encore
avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui a été écrit de moi dans
la loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes » (Lc 24, 44)
Cette « Loi » et
ces « Prophètes » auxquels Jésus se réfère, ce sont les
« Écritures » qui constituent pour le peuple juif « le
Livre » par excellence, le trésor le plus précieux, la parole vivante du
Dieu vivant.
Il est un autre texte qui
peut en parler. Certes, ce texte ne semble pas répondre directement à notre
question, mais si on le lit au-delà des apparences premières, il peut être
riche d’enseignement. Il s’agit de la multiplication des pains par Jésus,
rapportée par exemple en Luc 9, 12-17 : « Le jour commençait de
baisser. Les Douze s’approchèrent et lui (Jésus) dirent : Renvoie la
foule, qu’ils aillent loger dans les villages et les hameaux des environs et
qu’ils y trouvent à manger, car nous sommes ici dans un endroit désert. Mais il
leur dit : Donnez-leur à manger vous-mêmes. Alors, ils dirent : Nous
n’avons pas plus de cinq pains et deux poissons... à moins d’aller nous-mêmes
acheter des vivres pour tout ce peuple. Il y avait environ cinq mille hommes.
Il dit à ses disciples : Faites-les s’installer par groupes d’une
cinquantaine. Ils firent ainsi et les installèrent tous. Jésus prit les cinq
pains et les deux poissons et, levant son regard vers le ciel, il les bénit, les
rompit, et il les donnait aux disciples pour les offrir à la foule. Ils
mangèrent et furent tous rassasiés ; et l’on remporta ce qui leur restait
de morceaux : douze paniers ».
On n’aura jamais fini de
s’interroger sur la réalisation même de cette multiplication des pains. Comment
s’est-elle produite ? On pourra dire qu’une enfant ayant sorti son
pique-nique, tout le monde fit de même, et les foules furent rassasiées. On
pourra dire que, parmi les personnes qui suivaient Jésus, se trouvait la femme
de l’intendant d’Hérode, et qu’elle se serait chargée d’assurer le
ravitaillement. Mais on peut lire ce texte de manière plus symbolique.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de nourriture, et cette nourriture doit être donnée par les
Douze : Donnez-leur vous-mêmes à manger ! leur dit Jésus. Mais on se
souvient des paroles de Jésus qui affirme que : Ce n’est pas seulement de
pain que l’homme vivra, mais de toute parole qui sort de la bouche de Dieu. La
nourriture qui doit être donnée aux hommes n’est pas seulement faite pour
apaiser la faim des corps, mais surtout pour celle de l’esprit et du cœur. Ce
que les Douze doivent donner comme nourriture, c’est la Parole de Dieu. Or,
comment cela se traduit-il dans ce texte ? Par cinq pains et par deux
poissons. Ces cinq pains et ces deux poissons représentent symboliquement la
Parole de Dieu que les disciples pouvaient connaître avant l’enseignement de
Jésus, c’est-à-dire, pour faire bref, de la Bible connue à cette époque. Cette
Bible comprenait le grand enseignement de la Loi donnée par Dieu à Moïse (ce
qu’on appelait la Torah) et d’autres livres (ceux des prophètes et des écrits
divers). La Bible était déjà divisée en trois grandes parties : la Torah,
les Prophètes et les autres Écrits. La Torah, elle-même, était subdivisée en
cinq livres différents, qui seront réunis sous le titre de Pentateuque dans la
Bible des Septante : la Genèse, l’Exode, les Nombres, le Lévitique et le
Deutéronome.
De là à dire que les cinq
pains représentent, de manière allégorique, les cinq livres de la Torah qui
constituent la nourriture spirituelle du peuple et que les deux poissons
représentent les livres des Prophètes et des autres Écrits, il n’y a qu’un pas
que l’on peut franchir allègrement. Toute la nourriture du peuple se trouve
dans les Écritures, c’est la Parole de Dieu qui nourrit le peuple pendant la
traversée de son désert terrestre.
Mais la Parole de Jésus va
plus loin, quand il dit aux Douze : Donnez-leur vous-mêmes à manger !
Il ne s’agit plus simplement de se contenter de tout ce qui a été donné dans le
passé, même si cela reste légitime, puisque Jésus bénit les pains et les
poissons, il faut innover et donner un supplément de nourriture, et c’est ce
dont les Douze sont chargés : un enseignement nouveau s’inaugure avec
Jésus, et c’est de cela dont seront chargés les apôtres qui ramassent les douze
paniers de restes après cette multiplication des pains et des poissons.
Dans ce texte évangélique,
il est possible de voir un déploiement des Écritures, entre le passé du peuple
juif et l’avenir de nouveauté de ce qui sera le peuple chrétien. Le passé n’est
pas aboli, il est béni et sublimé. Il s’agit là d’une transition qui permet
d’effectuer le passage de la Bible juive à la Bible chrétienne.
Pour les Juifs, la Bible est
le Livre par excellence, toujours actuel, présent par le message qu’il apporte
dans leur vie religieuse, dans leur conception de Dieu, du monde et de l’homme.
La Bible hébraïque compte des Livres divisés en trois grandes parties : la
Torah, les Neviim, les Ketouvim : d’où le nom de TaNaKh (formé de la
première consonne des noms des trois parties, par lesquels les Juifs désignent
la Bible).
Malgré la diversité
d’auteurs, de styles, de genres à travers l’histoire et la géographie, une
unité jaillit de la Bible, celle de l’inspiration divine, qui se manifeste à
travers les conditions concrètes de la vie du peuple d’Israël.
La Bible est l’histoire
d’un dialogue entre Dieu et les hommes, ce dialogue passe par la rencontre
unique de Dieu et du Peuple d’Israël. Par l’intermédiaire des Prêtres, des
Prophètes, des Rois et des Sages, le peuple comprend l’appel que Dieu adresse à
l’humanité et la vocation particulière qui lui est assignée.
De tous les livres
bibliques, c’est la première partie, la Torah, qui occupe la place éminente
dans la tradition. Le mot Torah est habituellement traduit par loi, c’est
cependant une traduction trop restrictive. Ce mot, d’une très grande richesse,
signifie enseignement, doctrine, orientation dans le droit chemin.
La Torah est composée de
cinq livres (d’où le nom Pentateuque). Elle débute par le récit des origines et
embrasse la période fondamentale de l’histoire d’Israël, celle des patriarches
Abraham, Isaac et Jacob, et celle de Moïse. Elle renferme la plupart des préceptes,
lois, commandements, règles rituelles qui furent données au peuple pour faire
de lui une nation sainte.
C’est la partie la plus
ancienne - d’après la tradition, elle a été écrite par Moïse. Elle renferme les
vérités fondamentales sur Dieu et sur l’homme. C’est pourquoi elle est
constamment lue, commentée, étudiée.
On appelle Nabi, prophète,
un homme qui a reçu l’appel de Dieu à travers une vision ou un songe. Il
devient le porte-parole de Dieu dont il transmet la volonté aux hommes à
travers ses actes, ses discours ou ses silences. Les Neviim constituent la
seconde partie du TaNaKh. Elle comporte deux livres, les « Premiers
prophètes » et les « Derniers prophètes ».
Les Premiers Prophètes
comprennent le livre de Josué, des Juges, de Samuel et des Rois. Ils
constituent l’histoire des Israélites à la conquête de Canaan jusqu’à la
destruction du Temple de Jérusalem. Cet ensemble est classé dans « les
Prophètes » parce que l’histoire qu’il relate est interprétée à la lumière
de la prophétie, c’est-à-dire par des hommes conscients de l’action de Dieu
dans l’histoire de leur peuple. Les Derniers Prophètes comprennent les livres
des grands prophètes : Isaïe, Jérémie, Ezéchiel et les livres des « 12 »
derniers prophètes.
Ces paroles, diverses dans
leur forme (vision, allégorie, paraboles, etc.) se rejoignent dans une unité de
vision de Dieu et de l’homme : exaltation du Dieu unique, diatribes
implacables contre l’idolâtrie, l’injustice sous toutes ses formes,
l’hypocrisie religieuse. Ces paroles adressent un appel permanent à tous les
hommes.
Ces écrits, variés par
leur contenu, ont été écrits par des auteurs animés, non plus de
« l’esprit prophétique » mais de « l’esprit de la
Sagesse ». Ils comprennent d’extraordinaires poèmes religieux, des
sentences et maximes de sagesse universelle, des récits religieux et
philosophiques sur les problèmes qui hantent l’homme à travers tous les
temps : la souffrance et la mort, le doute et la foi.
La Bible est appelée par
les Juifs « Loi Ecrite ». Dès les origines elle fut une lecture qui
s’explicite, s’amplifie, se perpétue, se colore, se diversifie, se dévoile par
« Tradition orale ».
Cette Tradition
interprétative, fut d’abord transmise de maîtres à disciples sans passer par
l’intermédiaire de l’écrit. Elle fut ensuite mise par écrit entre le deuxième
et le huitième siècle après Jésus-Christ, donnant naissance à des ouvrages
connus sous le nom de Talmud et recueils midrashiques.
Après la clôture du
Talmud, les maîtres d’Israël continuèrent à commenter les enseignements de la
Bible pour qu’ils soient toujours vivants, compris et appliqués par les Juifs.
Chaque époque a apporté son maillon dans la chaîne de la tradition qui s’est
ainsi enrichie, a évolué, est vivante aujourd’hui comme hier.
Les livres dont se compose
la Bible se présentent dans un certain ordre qu’il faut connaître si l’on veut
se retrouver facilement dans cette vaste bibliothèque.
La Torah, Loi divine, est
le monument littéraire sur lequel la nation s’appuie pour survivre. C’est la
base d’un statut juridique pour le peuple, et l’enseignement de dirige les
aspects pratiques de la vie quotidienne : le culte, les règles de conduite,
les exemples à suivre ou à proscrire. Cet ensemble comprend cinq livres :
la Genèse
l’Exode
le Lévitique
les Nombres
le Deutéronome
C’est la révélation de
Dieu qui s’opère, en se tournant vers l’avenir : le prophète est appelé
par Dieu, pour parler en son nom au peuple, s’opposant parfois au pouvoir
politique. Un sous-classement a été effectué selon la longueur des rouleaux des
textes entre les « premiers prophètes » et les « derniers
prophètes » :
Les premiers
prophètes :
le livre de Josué
le livre des Juges
premier livre de Samuel
deuxième livre de Samuel
premier livre des Rois
deuxième livre des Rois
Les derniers
prophètes :
Isaïe
Jérémie
Ezéchiel
Osée
Joël
Amos
Abdias
Jonas
Michée
Nahoum
Habaquq
Sophonie
Aggée
Zacharie
Malachie
C’est un recueil assez
hétéroclite, avec des livres historiques, des livres de sagesse, des écrits
narratifs, du lyrisme liturgique.
les Psaumes.
le livre de Job
les Proverbes
le livre de Ruth
le Cantique des Cantiques
Qohélet (ou l’Ecclésiaste)
les Lamentations
le livre d’Esther
Daniel
le livre d’Esdras
le livre de Néhémie
premier livre des
Chroniques
deuxième livre des
Chroniques
Telle était la
présentation de la Bible hébraïque au premier siècle mais les synagogues
grecques disposaient de textes supplémentaires : le Siracide, le livre de
Judith, Tobie, la Sagesse de Salomon, le livre de Baruch.
Il est convenu d’appeler
« Bible grecque » la Bible telle qui a été traduite pour les Juifs de
la Diaspora. Cette Bible comprend les livres de la Bible hébraïque traduits en
grec, avec des variantes, des omissions, des additions et des livres qui
n’entraient pas dans la Bible hébraïque, mais qui étaient utilisés dans les
synagogues de la Diaspora. L’organisation de cette bibliothèque est un peu
différente, elle a été utilisée par les traductions chrétiennes :
C’est l’ensemble des cinq
livres qui composent la Torah :
la Genèse
l’Exode
le Lévitique
les Nombres
le Deutéronome
le livre de Josué
le livre des Juges
le livre de Ruth
premier livre de Samuel
deuxième livre de Samuel
premier livre des Rois
deuxième livre des Rois
premier livre des
Chroniques
deuxième livre des
Chroniques
le livre d’Esdras
le livre de Néhémie
le livre d’Esther (avec
des fragments propres au texte grec)
auxquels s’ajoutent des
livres considérés comme deutérocanoniques car n’entrant pas dans le canon de la
Bible hébraïque :
le livre de Tobie
le livre de Judith
premier livre des
Maccabées
deuxième livre des
Maccabées
les Psaumes
les Proverbes de Salomon
l’Ecclésiaste (Qohélet)
le Cantique des Cantiques
le livre de Job
auxquels s’ajoutent les
textes deutérocanoniques :
la Sagesse de Salomon
l’Ecclésiastique (livre de
Sirac le Sage)
Ils comprennent les douze
petits prophètes :
Osée
Amos
Michée
Joël
Abdias
Jonas
Nahoum
Habaquq
Sophonie
Aggée
Zacharie
Malachie
à côté des autres
prophètes, considérés comme grands en raison de la longueur de leur
livre :
Isaïe (appelé parfois
Esaïe)
Jérémie
Ezéchiel
les Lamentations (dites de
Jérémie)
Daniel
et un prophète deutérocanonique :
Baruch.
C’est un ensemble de cinq
livres, de cinq rouleaux, d’où le nom que les chrétiens lui ont donné :
« Pentateuque ».
La Genèse relate la
préhistoire de l’humanité : création du monde, vie au paradis dans le
Jardin d’Eden, la chute, le déluge, la descendance de Noé, la tour de Babel,
puis ce livre présente l’histoire des Patriarches, les ancêtres du peuple
d’Israël : Abraham, Isaac, Jacob et ses douze fils.
L’Exode présente la sortie
du peuple Égypte, sous la conduite de Moise, et l’alliance de Dieu avec son
peuple au mont Sinaï.
Les Nombres contiennent le
dénombrement du peuple durant le séjour au désert et des récits retraçant la
vie de ce peuple en migration et les prescriptions qui découlent de cette vie
errante.
Le Lévitique, ou livre des
Lévites, rassemble des prescriptions surtout rituelles mais aussi morales.
Le Deutéronome, la
deuxième loi, se présente comme un discours de Moise, avant l’entrée dans la
Terre Promise. Moïse rappelle les prescriptions pour vivre dans l’alliance avec
Dieu
La deuxième partie du
canon Juif s’intitule « les Prophètes », les Neviim ; elle
comprend deux sections : les « premiers prophètes » et les
« derniers prophètes ».
La première section
constitue un ensemble historique, qui débute à l’installation dans le pays de
Canaan, grâce à Josué, et se termine avec la chute de Jérusalem en 586. La
seconde section comprend les textes prophétiques proprement dits : les
discours des prophètes qui reflètent les questions qui se posent à l’époque de
leur prédication.
Le livre de Josué présente
la conquête de la Terre Promise sous la conduite de Josué, successeur de Moise,
puis le partage de l’ensemble du pays de Canaan entre les tribus d’Israël.
Dans le livre des Juges,
des hommes suscités par Dieu vont sauver le peuple des situations de détresse.
Après la mort de Josué, la vie s’est mêlée aux Cananéens, au point que le
peuple abandonne Dieu pour servir les faux dieux. Le peuple connaît des
défaites à cause de sa désobéissance. Dans sa détresse, il crie vers Dieu qui,
ému, lui envoie des Juges pour rétablir les situations compromises, pour
effectuer sa libération.
Les livres de Samuel présentent
les événements qui mènent à l’instauration de la royauté. Samuel, consacré à
Dieu dès son jeune âge, est dépeint comme un Juge, auquel les Israélites
réclament un roi. D’abord, Samuel refuse, puis finit par sacrer roi Saül.
Celui-ci ne suit pas les ordres de Dieu. Aussi sera-t-il rejeté au profit de
David qui reçoit l’onction royale. A travers le règne de David, l’historien
montre que le projet de Dieu se réalise, et à mesure que l’on approche de
Salomon, l’histoire apparaît comme une chronique écrite par un contemporain.
Les livres des Rois
rapportent l’histoire des rois, de la mort de David jusqu’à l’exil à Babylone.
Le règne de Salomon témoigne de sa sagesse, il organise le royaume, il édifie
le Temple, mais bientôt le climat change, Salomon se laisse entraîner vers des
cultes païens, ce qui entraîne un schisme religieux et politique après sa mort.
La succession des rois s’interrompt pour laisser place au courant prophétique.
Les prophètes interviennent dans la vie pour rappeler la fidélité à Dieu. Mais
leur parole n’est guère entendue, et c’est la déportation en Babylonie.
Les « derniers
prophètes » se considèrent comme les dépositaires du patrimoine du peuple
en face de Dieu. Le prophète est, avant tout, un prédicateur et non un
écrivain : il est appelé par Dieu et devient son « parleur »,
son porte-parole, le contenu de son message passe par une prédication, plus que
dans une prédiction.
L’ordre dans lequel la
Bible présente les livres prophétiques tient à la longueur des textes, les plus
longs apparaissant en premier. De plus, cet ordre n’est pas chronologique.
Le livre d’Isaïe n’est dû
qu’en partie à ce prophète dont le ministère s’est exercé dans la seconde
moitié du huitième siècle. Il importe de distinguer les chapitres 1 à 39 des
autres, en effet, les chapitres 40 à 55 sont nettement postérieurs (on les
attribue au « Second Isaïe »), les chapitres 56 à 66 le sont
davantage (« Trito-Isaïe »). La première partie du livre porte la
marque du prophète qui intervient pour annoncer la destruction presque totale
du peuple, au coeur endurci. Il veut éclairer le peuple du dessein divin qui va
conduire le royaume vers la déportation, en raison de son infidélité à la Loi.
A la fin de l’exil se fait entendre un autre prophète, le « Second Isaïe » :
la mission du prophète est de consoler le peuple, en annonçant la fin du
châtiment : on appelle ce témoignage « livre de la Consolation ». Le
Trito-Isaïe a été composé à un moment où le Temple est reconstruit, mais les
promesses du temps de l’exil n’ont pas été réalisées, le peuple est divisé en
deux, ceux qui n’ont pas connu la déportation et qui, demeurant dans la Terre,
ont accepté des cultes étrangers (les Samaritains) et ceux qui sont revenus de
la déportation, comme les « humbles » serviteurs de Dieu. C’est dans
ce climat troublé que Dieu fait entendre sa voix, par la menace et par la
promesse.
Le livre de Jérémie recèle
les prophéties prononcées avant la déportation, il annonce la ruine d’un monde
et la naissance d’une communauté renouvelée, Dieu purifiera le coeur d’Israël.
Le livre d’Ezéchiel
retrace la prédication de ce prophète aux déportés en 596. Il ne faut plus
rêver d’une puissance politique, mais former le peuple des « saints de
Dieu ».
Forts courts, les livres
des Douze petits prophètes ont été réunis en un rouleau pour des raisons
pratiques.
Osée est le prophète de
l’amour de Dieu, amour bafoué par le peuple, mais amour qui reste vivant et qui
demande une réponse de la part de son peuple.
Le livre de Joël affirme
que l’homme doit se dépouiller pour préparer le « Jour du Seigneur »,
tous ceux qui invoqueront le nom de Dieu seront sauvés.
Amos prophétise la chute
d’Israël, il annonce l’imminence du jugement de Dieu. Dieu va visiter son
peuple, et cette inspection apportera le châtiment.
Le livre d’Abdias est
court, vingt-et-un versets. Edom, frère ennemi du peuple d’Israël, s’effondrera
à cause de sa trahison, et toutes les nations connaîtront l’effondrement.
Le livre de Jonas est une
légende. C’est l’histoire du prophète qui refuse d’obéir à l’ordre donné par
Dieu. Puis il prêche la conversion à Ninive et la ville change de conduite, si
bien que Dieu renonce à la détruire, ce qui entraîne la colère du prophète.
Michée présente un procès
entre Dieu et son peuple. Dieu réclame justice, son châtiment sera à la mesure
de la révolte du peuple contre le Seigneur qui avait fait alliance avec lui.
Nahoum célèbre la chute de
Ninive, son châtiment est exemplaire. Les nations sont des instruments dans les
mains de Dieu, qui ne les préserve pas de la chute, quand il veut relever son
peuple.
Habaquq montre que la
fidélité de l’homme permet de comprendre la fidélité de Dieu qui est réelle
malgré les apparences.
Sophonie prêche sur le
thème du « Jour du Seigneur », un jour de bouleversement, qui
atteindra tous les hommes. Pourtant, il ne s’agit pas d’une fin du monde, mais
de la transformation du peuple qui sera délivré de son péché pour inaugurer une
vie nouvelle.
Aggée interprète les
signes des temps : les mauvaises récoltes sont la punition de Dieu sur
ceux qui sont revenus d’exil sans retrouver un zèle religieux. Il faut
reconstruire le Temple pour que la bénédiction se répande sur le peuple.
Zacharie souligne l’amour
dont Dieu fait preuve à l’égard de son peuple. Il entrevoit un Messie qui
apportera le salut à son peuple, et à toutes les nations. Dieu sauvera son
peuple en le rassemblant, puis il intégrera au peuple les nations païennes qui
adopteront la Loi.
Malachie place chacun de
ses auditeurs devant ses responsabilités envers le Seigneur et envers les autres
hommes.
Après la Loi et les livres
prophétiques, la Bible hébraïque présente une troisième collection de livres
hétéroclites : aucun titre caractéristique n’a été attribué à cette
collection, on l’appelle simplement « les autres écrits ».
Le livre des Psaumes est
un recueil de cent cinquante chants liturgiques, avec accompagnement
d’instruments à corde. Ce livre est rédigé en vers, chacun d’eux se composant
de deux membres (ou trois) soulignant le rythme à partir de l’accent tonique, comme
dans la poésie anglo-saxonne.
Le livre de Job traite du
problème du gouvernement du monde par Dieu, et particulièrement de la
souffrance du juste. Il n’apporte pas de solution au problème du mal, mais il
se présente comme une tentative de l’homme qui veut se situer face à Dieu.
Le livre des Proverbes
rassemble des sentences qui rappellent la littérature sapientielle de Égypte et
de Babylone.
Le Cantique des cantiques
est un recueil de poèmes d’amour. Alors que la Bible démythifie tout érotisme,
ce chant d’amour, sexuel et sacré, décrit l’activité amoureuse comme bonne dans
l’oeuvre de Dieu.
Le livre de Ruth évoque
l’histoire d’une ancêtre du roi David, une étrangère au peuple d’Israël qui
abandonne son peuple et ses dieux pour s’agréger au peuple.
Qohélet, appelé
l’Ecclésiaste, s’appuie sur la constatation de la vanité des choses : tout
se dirige vers la mort. Celui qui prend la parole dans l’assemblée (traduction
littérale du terme Qohélet) n’est pas un sceptique : il croit en Dieu, il
partage la foi d’Israël, il accepte la Parole de Dieu : le juste peut
échapper au Jugement de Dieu en suivant la Loi, mais il n’y a pas d’espérance
d’un au-delà de la mort.
Les Lamentations,
attribuées faussement à Jérémie, constituent un chant de confiance à Dieu qui
pourra prendre en pitié son peuple châtié.
Le livre d’Esther raconte
l’histoire d’une Juive choisie pour épouse par le roi Assuérus et qui réussit à
empêcher l’extermination de ses compatriotes voulue par le vizir Aman.
Le livre de Daniel
souligne l’importance de demeurer fidèle malgré l’épreuve car la puissance de
Dieu l’emporte toujours.
Les derniers écrits de la
Bible sont attribués à un chroniste. Les livres d’Esdras et de Néhémie veulent
justifier les fondements de la vie après le retour de la captivité, ces
fondements étant le respect de la Loi, les institutions centralisées autour du
culte à Jérusalem, et l’espérance de la restauration davidique.
Les livres des Chroniques
veulent réinterpréter toute l’histoire au point de vue sacerdotal et
liturgique.
A tous ces livres qui
constituent le canon de la Bible, il faut ajouter des livres contenus dans le
canon de la Bible d’Alexandrie, qui ne sont connus qu’en grec. On les appelle
« apocryphes ».
Les livres des Maccabées
présentent la rébellion des frères Maccabées contre le roi Antiochus Epiphane.
Le livre de Judith retrace
la légende d’une juive qui aurait sauvé son peuple en tuant le général assyrien
Holopherne.
Le livre de Tobie insiste
sur la valeur des oeuvres de bienfaisance à l’égard des malades et des morts.
Le livre de Sirac
rassemble des sentences sur des sujets très divers : c’est un livre de
sagesse qui doit amener la conversion des païens.
Le livre de Baruch,
secrétaire de Jérémie, est un poème sapientiel invitant à la pénitence et qui
s’inspire des Proverbes.
Le livre de la Sagesse,
attribué à Salomon, reprend la doctrine de sagesse de la Bible en lui donnant
un sens nouveau, en raison du milieu hellénisé dans lequel ce livre est écrit.
Le christianisme distingue
deux parties dans la Bible : l’Ancien et le Nouveau Testament qu’il a
ajouté à la Bible juive. Le Nouveau Testament a été écrit après la résurrection
de Jésus, après que ses premiers disciples aient commencé leur
prédication : ces écrits vont proposer la foi des disciples qui proclament
une ‘bonne nouvelle’, un ‘évangile’ (translittération du grec : bonne
nouvelle) qui a traversé leur vie. Mais de l’annonce orale à la rédaction
écrite, un temps assez long s’est écoulé, celui de la naissance et de la vie de
l’Eglise primitive.
Avant toute rédaction, il
y a la vie de l’Eglise : elle a donné le jour à ces écrits, en méditant
les actions et les paroles de Jésus. Il n’est pas possible d’atteindre Jésus
directement, il faut passer par le témoignage de l’Eglise et de sa foi.
L’évangile que les apôtres prêchaient n’était pas un livre, mais un témoignage
qu’ils rendaient à la manière dont Jésus avait vécu.
Jésus n’a rien écrit. Ses
disciples se sont contentés de l’écouter comme un prophète, et plus qu’un
prophète, puisque ses disciples ont acquis la conviction qu’il était la Parole
même de Dieu. Pour comprendre cette Parole de Dieu, ils ont eu recours aux
Écritures du peuple juif, dans lesquelles ils ont glané les extraits qui leur
semblaient s’appliquer directement à Jésus.
La Bible des premiers
chrétiens était une collection de morceaux choisis de l’Ancien Testament. Mais,
dans le même temps, la prédication annonçait Jésus de Nazareth. Des récits
concernant Jésus, son enseignement, ses miracles, se sont ainsi formés ;
et le but de ces récits était toujours de susciter un désir chez les auditeurs,
celui de mieux connaître cet homme hors du commun.
Les éléments des récits
évangéliques se sont constitués progressivement au cours des premières
prédications, au milieu des foules, juives ou païennes.
Les hommes, qui
entendaient cette prédication, se convertissaient et se regroupaient en
communautés, principalement dans les villes que visitaient les apôtres. Il
fallait rester en lien avec ces communautés pour les aider dans leur découverte
du Christ et les orienter dans leur vie chrétienne : les apôtres,
principalement Paul, leur écrivent des lettres afin de les soutenir et de les
conforter dans leur foi. Les lettres de Paul sont les premiers écrits du
Nouveau Testament. Mais Paul n’est pas le seul à expédier des lettres :
Jacques, chef de la communauté de Jérusalem, Pierre et Jude envoient aussi des
lettres aux communautés...
Mais déjà les apôtres
commencent à disparaître : Jacques a été lapidé à Jérusalem, Pierre et
Paul ont connu le martyre. Il ne faudrait pas que l’enseignement des apôtres
soit perdu après leur disparition : il faut garder ce que les chrétiens
savent de Jésus, les traditions qui circulent à son propos oralement, ou sous
forme de petits billets relatant tel ou tel récit. Quatre auteurs vont
travailler à partir des données qui avaient pris des formes diverses selon les
communautés : ils recueillent et mettent par écrit, selon une perspective
théologique ou historique qui leur est particulière, les enseignements transmis
à propos de Jésus. Évangile, qui était une Bonne Nouvelle proclamée aux hommes,
va se fixer en des évangiles des textes issus des communautés, des textes qui
répondront aux besoins des communautés dans lesquelles ils ont été élaborés.
Évangile traversera les
siècles en quatre livrets. Trois sont relativement similaires : ils sont
dits « synoptiques », du nom d’un ouvrage paru à la fin du
dix-huitième siècle « la Synopse » qui permet la lecture simultanée
des évangiles de Matthieu, Marc et Luc, sur trois colonnes parallèles. Le
quatrième évangile, celui de Jean, présente des originalités qui le mettent à
part et qui le situent dans une « école johannique ». Celle-ci a
permis de classer dans le Nouveau testament des lettres attribuées à Jean, ainsi
qu’un texte apocalyptique, qui clôt le canon néotestamentaire.
Dans la littérature
chrétienne, vingt-sept livres occupent une place privilégiée, car ils
constituent la norme de la foi reçue des apôtres : ces livres forment le
Nouveau Testament. Ils ont tous été écrits en grec : quatre évangiles, les
Actes des apôtres, treize lettres attribuées à Paul, trois à Jean, deux à
Pierre, une à Jacques, une à Jude, une lettre aux Hébreux, et l’Apocalypse.
L’autorité des textes
évangéliques ne vient pas du fait qu’on les attribue aux apôtres ou à des
disciples proches, mais au fait qu’ils retracent la vie du Seigneur, selon la
tradition orale. Mais des écrits biographiques concernant Jésus proliférèrent
rapidement ; leur contenu relevait parfois de la plus haute fantaisie...
C’est la raison pour laquelle, dès le milieu de ce deuxième siècle, le besoin
d’une norme reconnue se fait ressentir dans l’Eglise. Celle-ci s’orienta vers
la collection des quatre évangiles qui s’étaient imposés en raison du
témoignage qu’ils rendaient au Christ.
Après l’événement de la
Pentecôte, qui suit la mort et la résurrection de Jésus de Nazareth, ses
disciples, continuant à participer à la vie cultuelle juive, conservent et
transmettent oralement le souvenir de la vie et de l’enseignement du maître. Le
message qu’ils propagent rapidement dans l’est du bassin méditerranéen présente
Jésus comme le Christ, c’est-à-dire le Messie, l’Oint annoncé par les prophètes
et spécialement par l’auteur du troisième Isaïe.
C’est autour de la mort de
Jésus et de la foi en la résurrection du Christ fils de Dieu que s’articule,
dans le prolongement de la pensée juive, la nouvelle doctrine. À mesure qu’on
s’écarte de Jérusalem dans l’espace et qu’on s’éloigne de la mort de Jésus dans
le temps, les membres des premières communautés chargés de la catéchèse
éprouvent le besoin d’aider leur mémoire en coulant leurs souvenirs et leurs
enseignements dans le moule des genres littéraires de la tradition orale.
Certains aide-mémoire sont parfois déjà mis par écrit. Il se forme ainsi
lentement un ensemble mouvant de textes et de souvenirs centrés sur la mort et
la résurrection du « Seigneur ».
Au tout début du troisième siècle,
les chrétiens distinguèrent dans la Bible un Nouveau Testament et, par voie de
conséquence, un Ancien Testament. Ce n’est qu’au deuxième siècle que l’on
aboutit, en effet, à une collection complète que l’on appela « Nouveau
Testament » ; jusque-là, on ne possédait pas d’ensemble
constitué ; il n’y avait que de simples groupements de documents tels que
les Évangiles ou les lettres de Paul. La manifestation d’une unité littéraire
nommée « Nouveau Testament » désignait de soi, comme son complément
obligé, cette autre unité que l’on appela « Ancien Testament ».
Les quatre évangiles et
les autres textes du Nouveau Testament, qui furent considérés comme exprimant
la véritable foi, constituent le canon des Écritures et jouirent de la
vénération des fidèles et des copistes. D’autres écrits, qui remontaient à
l’époque ancienne ne furent pas reconnus comme établissant la règle de foi, ils
furent écartés plus ou moins rapidement, selon qu’ils bénéficiaient de l’estime
générale ou non. En tout cas, ils furent interdits de lecture publique lors des
assemblées. On les appela « apocryphes », c’est-à-dire cachés, parce
qu’ils véhiculaient des idées et des doctrines considérées comme étrangères à
l’Eglise, même si, pour certains, la lecture en était recommandée en privé,
pour le bien spirituel des croyants. Si, finalement, on retient seulement quatre
de ces recueils, c’est en fonction d’un besoin essentiel de l’ensemble des
communautés : garder une certaine unité de pensée. Ce sont les Évangiles
(transcription d’un mot grec signifiant bonne nouvelle, annonce favorable) de
Matthieu, Marc, Luc et Jean.
Marc vise à montrer que
Jésus est le Christ, c’est-à-dire le Messie, même s’il n’est pas celui que les
juifs attendaient, et ce Jésus est aussi le Fils de Dieu, scandale pour les
juifs et folie pour les païens.
Matthieu affirme que la
Loi de Moïse a trouvé son accomplissement en Jésus : son évangile est
considéré comme celui de l’Eglise, qui a mené à sa fin le peuple
d’Israël : l’Eglise est le véritable peuple de Dieu.
Luc s’attarde sur les
manifestations de la tendresse de Dieu, il souligne comment la foi des
disciples peut éclairer les entreprises de la vie quotidienne de l’Eglise
affrontée au monde.
L’évangile selon Jean se
présente comme une méditation des paroles et des gestes de Jésus : plutôt
que de retenir une multiplicité de faits, l’auteur en retient un petit nombre
qu’il exploite pour manifester la progression qui existe dans la vie de Jésus
jusqu’à l’heure qui sera la sienne, celle de son exaltation dans la gloire,
mais aussi dans l’humiliation et la détresse de la croix.
Écrit par Luc, le livre
des Actes des Apôtres présente une fresque des origines de l’Eglise, depuis
Jérusalem jusqu’à Rome. C’est le premier travail de l’évangélisation : le
but de la prédication des apôtres c’est la conversion des auditeurs au Dieu qui
a ressuscité Jésus d’entre les morts.
Les lettres attribuées à
Paul sont classées par ordre de grandeur décroissante, les lettres aux
communautés chrétiennes précédant les billets adressés à des individus :
une lettre aux Romains, deux lettres aux Corinthiens, une lettre aux Galates,
une aux Éphésiens, une aux Philippiens, une aux Colossiens, deux aux
Thessaloniciens, et trois lettres pastorales : deux adressées à Timothée,
une à Tite, un court billet destiné à Philémon. Toutefois, afin de mieux
comprendre la pensée de Paul, il convient de les resituer dans l’histoire de
l’Eglise du premier siècle.
Dans ses lettres aux
Thessaloniciens, Paul exprime sa joie de les voir répondre à la Bonne Nouvelle
du salut. Il déploie la foi reçue du Christ et des apôtres pour entretenir ces
chrétiens dans l’espérance de la venue du Royaume : le souci de tout
chrétien est de veiller dans l’attente du Jour du Seigneur.
Dans ses lettres aux
Corinthiens, Paul invente une morale chrétienne, une manière de vivre qui corresponde
à Évangile pour lequel il lutte. A partir des faits qui agitaient Corinthe, le
scandale des oppositions entre les riches et les pauvres, le scandale des
dissensions entre les chrétiens, Paul fait réfléchir sur ce qui fait le coeur
de la foi : Jésus Christ, mort et ressuscité, sur qui les disciples
doivent engager toute leur vie.
La lettre de Paul aux
Galates est une circulaire qu’il adresse aux chrétiens séduits par des
prédicateurs judaïsants et observant dès lors les préceptes de la Loi, il leur
rappelle que le baptême suffit pour donner le salut et que les pratiques juives
sont abolies.
Dans sa lettre aux
Romains, Paul reprend le message qu’il adressait aux Galates. Tous les hommes,
juifs ou païens, sont unis dans une même solidarité, celle du péché, mais cette
solidarité en appelle une autre : tous les hommes sont solidaires dans le
salut apporté par Jésus-Christ. La conséquence, c’est que les chrétiens doivent
vivre comme des enfants de Dieu.
Dans sa lettre à ses
Philippiens, Paul se livre en dévoilant la grande amitié qui le lie à cette
communauté. Proche d’eux, il l’est, car il vit avec eux dans la communion
fraternelle avec le Christ.
Dans sa lettre aux
Colossiens, Paul affirme que Évangile exprime le mystère de Jésus-Christ qui
est la tête, le chef de l’Eglise. Par le travail que les chrétiens effectuent
dans ce monde, c’est au Royaume de Dieu qu’ils travaillent.
En envoyant sa lettre aux
Colossiens, Paul adresse aussi un billet à un chrétien de Colosses, Philémon.
Paul y exprime, d’une manière nouvelle pour l’époque, la qualité des relations
qui doivent exister entre un maître et un esclave chrétiens.
En écrivant aux Éphésiens,
Paul s’adresse aux chrétiens d’Asie Mineure : il fait découvrir la
grandeur du plan de Dieu sur le monde, réunir l’ensemble de l’humanité sous le
Christ : par lui que peut se faire l’union entre les juifs et les païens
dans une même foi au salut apporté par la résurrection du Christ.
Trois lettres personnelles
à des compagnons de Paul achèvent le corpus paulinien. Ces lettres sont le
testament spirituel par lequel Paul faisait ses ultimes recommandations aux
pasteurs de l’Eglise, Timothée et Tite. Sa principale préoccupation, c’est son
désir de les voir garder intact le dépôt de la foi.
La lettre aux Hébreux
démontre la continuité qui existe entre l’Ancien et le Nouveau Testament.
L’auteur, qui n’est pas Paul, mais sans doute un de ses disciples, esquisse une
théologie du sacerdoce, montrant que le seul prêtre de la Nouvelle Alliance est
Jésus-Christ. Dès l’époque d’Origène (185-252), ce sermon fut rattaché au
corpus paulinien, même si l’on percevait déjà que cet écrit ne ressemblait
guère aux lettres de Paul.
Très rapidement, des
écrits furent réunis aux autres lettres du Nouveau Testament. Ce sont les
lettres « catholiques », c’est-à-dire « ayant une dimension
universelle », et non pas seulement destinées à une communauté... Ces
lettres sont au nombre de sept : une attribuée à Jacques, deux à Pierre,
trois à Jean et une à Jude. Seules, la première lettre de Pierre et la première
lettre de Jean entrèrent rapidement dans le canon officiel des Églises, les
cinq autres n’y entrant qu’au cinquième ou au sixième siècle, c’est la raison
pour laquelle elles sont parfois appelées deutérocanoniques
La lettre de Jacques veut
donner un enseignement moral qui ressemble à la morale grecque de l’époque,
rappelant les exigences évangéliques du Sermon sur la Montagne.
La première lettre de
Pierre est une homélie sur le baptême, dans laquelle on peut retrouver la
catéchèse de l’Eglise primitive.
La deuxième lettre
attribuée à Pierre attaque les faux docteurs qui font apparaître la foi comme
une fable et invite les chrétiens à garder la foi reçue des véritables
prophètes inspirés par l’Esprit et à demeurer fidèles à leur vocation, même si le
retour du Christ tarde.
La lettre de Jude utilise
des textes juifs contemporains, afin de mettre en garde les chrétiens contre la
menace des faux docteurs qui peuvent séduire l’Eglise.
La première lettre de Jean
présente une exhortation pour que les chrétiens demeurent fidèles à la foi
reçue : Dieu a aimé les hommes en premier, c’est par l’amour que les
chrétiens manifestent qu’ils entrent en communion avec Dieu.
La deuxième lettre de Jean
insiste sur la nécessité de l’attachement à la foi et à la vie fraternelle qui
permettront de se préserver de l’enseignement dangereux des faux docteurs.
La troisième lettre de
Jean indique que l’amour chrétien trouve son origine dans la vérité révélée en
Jésus-Christ.
Le terme d’apocalypse est
une transcription d’un mot grec, qui signifie : lever le voile, dévoiler
ce qui était caché. A une Eglise enracinée dans les réalités humaines, l’auteur
propose un examen de conscience à partir des réalités. Cette Eglise est affrontée aux problèmes de son époque,
rompant avec le monde juif qui n’a pas reconnu le Christ Sauveur, mais aussi
rencontrant un monde païen qui la persécute. Dieu interviendra pour renverser
les puissances qui s’opposent à la foi, il jugera et condamnera les
persécuteurs de l’Eglise.
Comme l’Ancien Testament,
le Nouveau Testament est divisé en ouvrages différents : évangiles, actes
des apôtres, lettres des apôtres, apocalypse. Et, afin de pouvoir repérer très
facilement un passage à l’intérieur de ces livres, l’ensemble du texte a été
subdivisé en chapitres, eux-mêmes divisés en versets : ainsi chaque phrase
est numérotée. Cette classification est une découverte tardive dans l’histoire
de la littérature.
C’est pour se retrouver
facilement dans la Bible qu’Etienne Langton eut l’idée de diviser chaque livre
en chapitres numérotés : cette première classification fut faite en 1226.
En 1551, l’imprimeur Robert Estienne, voyageant en diligence entre Lyon et
Paris, subdivisa les chapitres en versets.
Cette subdivision n’apporte
pas d’éléments permettant de mieux comprendre le texte, mais, elle a l’immense
avantage d’être pratique, c’est la raison pour laquelle toutes les bibles l’ont
rapidement adoptée...
La Bible constitue un
immense trésor de pensée et d’action, elle propose aux croyants certaines
affirmations.
L’affirmation de l’unité
absolue de Dieu constitue le noyau central. L’idée d’unité est un concept
élaboré de l’esprit humain : il se distingue des autres par son
abstraction la plus complète. Il parait étrange que ce soit un peuple, sans
instruction ni culture, qui soit à l’origine de cette découverte de l’unicité
de Dieu. Plusieurs hypothèses ont été avancées pour justifier ce mystère.
Certains pensent que le monothéisme
ne serait qu’une excroissance des polythéismes : les peuples entourant
Israël étaient polythéistes mais connaissaient un Dieu supérieur dirigeant le
monde. Israël n’aurait eu qu’à adopter la pensée religieuse de Babylone et de
l’Égypte pour se forger son idée de l’unité divine.
Une autre hypothèse fait
de l’unicité le résultat d’une conception nationale de la religion. Le Dieu
d’Israël n’aurait été qu’un Dieu parmi les autres : la religion se serait
particularisée pour devenir le culte du Dieu plus grand que les autres, puis
celui du Dieu unique de tous les hommes dont il est le créateur.
Le judaïsme récuse ces
hypothèses pour affirmer l’unité absolue de Dieu en dehors de tout lien avec
l’univers matériel. Dieu est esprit : personne ne peut le voir, même s’il
se révèle aux hommes dans sa création.
Le Dieu d’Israël est
transcendant et souverain : ce sont ses deux caractères. Dieu est son nom,
qui est transcrit en hébreu YHWH, mais il est lu Adonaï, le Seigneur, afin de
préserver à ce nom son caractère sacré. Celui-ci ne pouvait être prononcé
qu’une fois par an, à Jérusalem, le jour du grand Pardon ; mais, depuis la
destruction du Temple, la prononciation s’est perdue...
La notion la plus
caractéristique de la Bible est celle de l’alliance, lieu de la rencontre de
Dieu avec l’homme. Elle s’exprime sous la forme d’un contrat, d’un engagement
entre deux personnes. Il y a alliance quand il s’agit de renouer ou d’asseoir
une relation entre deux personnes ou deux groupes après une période
d’hostilité. Parler d’alliance, c’est soupçonner qu’on peut la rompre ou
qu’elle a été rompue, c’est poser la possibilité d’un renouvellement de
l’accord entre les deux parties.
Il est impossible
d’attribuer une date historique à la conclusion de l’alliance entre Dieu et son
peuple, car l’alliance se répète et doit se renouveler dans l’histoire du
peuple, même si celui-ci se réfère toujours à une alliance unique. La Bible
présente une pluralité d’alliances bâties sur le modèle d’une alliance unique.
Le Dieu qui se révèle est
un Dieu qui se donne à connaître aux hommes et qui se livre à eux pour qu’ils
le fassent connaître. Son destin se trouve remis entre les mains des
croyants : il se fait connaître, mais aussitôt il se retire, c’est à
l’homme qu’il revient de faire connaître Dieu, en rappelant ses actions de
salut.
Le propre de la tradition
n’est pas dans un code législatif, mais dans la lecture de l’histoire comme
dessein de Dieu. Si les actions mises en rapport avec l’accomplissement des
commandements ne sont plus les mêmes, leur rattachement à l’alliance
perdure : la foi en l’alliance est immuable, bien que les manifestations
extérieures changent. La spécificité de l’alliance est de demeurer identique,
dans la succession des événements comme dans la suite des générations. Ce qui
fait la grandeur de Dieu, c’est la relation qu’il établit entre lui et
l’homme : l’éternel est entré dans le temps en devenant le partenaire de
l’homme.
Si le judaïsme affirme la
sainteté de Dieu, il affirme dans le même temps la culpabilité de
l’homme : cette dernière implique que la notion d’alliance soit comprise
comme la prescription d’une Loi à laquelle le peuple doit se soumettre.
Dans la connaissance de
l’alliance avec Dieu, l’homme ne cesse de se reconnaître pécheur, devant la
sainteté absolue de Dieu. Devant les choses de ce monde, le fidèle fait
l’expérience de l’échec chaque fois qu’il ne reconnaît pas l’ordre voulu par
Dieu dans sa création. De même, dans ses relations avec les autres, il fait
l’expérience de sa culpabilité, de son indignité en face des autres, en face
surtout de l’Autre qu’est Dieu.
La grandeur de Dieu, c’est
d’avoir créé un être tel qu’il pouvait le remettre en question, le contester et
même le nier (cette négation étant la forme suprême du péché) ; mais
aussi, après avoir contesté et nié Dieu, l’homme est capable de le reconnaître
comme celui qui fonde son autonomie, sa liberté.
La loi est l’objet dont le
fidèle a soif : la sainteté de Dieu est le modèle que doit atteindre
l’homme. Toute la Torah ne cesse de reprendre l’impératif : Soyez saints ! qui exprime le désir
de Dieu pour le peuple avec qui il a conclu une alliance. Pour le fidèle, la
sainteté ne peut être atteinte que par la pratique des commandements, qui traduisent
dans le monde la volonté d’amour de Dieu.
Toute l’histoire biblique
peut se résumer dans quelques personnages qui ont laissé une trace déterminante
au coeur de chaque croyant.
A l’origine de l’histoire
religieuse de l’humanité se trouve la migration d’une tribu sumérienne,
conduite par un patriarche nommé Abram, qui a quitté la Mésopotamie pour venir
s’installer au pays de Canaan. Ce qui a le plus marqué la conscience de ce
peuple, c’est l’histoire de sa libération. Après un séjour de plusieurs siècles
en Égypte, les descendants d’Abraham subissent l’esclavage, et quittent ce pays
de servitude sous la conduite de Moïse, qui sera leur législateur et qui les
conduira jusqu’en Canaan. Installés dans ce pays, les Israélites se donnent des
chefs militaires, appelés les juges, puis des rois, comme David et Salomon, qui
réussissent à établir l’unité entre les douze tribus que constituent les
descendants des patriarches. Mais après la mort de Salomon, le pays se trouve
déchiré en deux petits états qui ne pourront pas rivaliser en face des grands
empires : ce fut le temps de la captivité à Babylone, au cours de laquelle
des prophètes se lèvent pour rappeler la fidélité à la religion des pères.
Malgré le retour de déportation, jamais le peuple n’a pu connaître une
restauration comparable aux règnes de David et de Salomon : la domination
étrangère se fait toujours sentir avec plus ou moins de force. Ce sont les
Perses, puis les Grecs, puis les Romains qui exercent leur influence politique
et culturelle sur le peuple d’Israël.
L’histoire d’Abraham est
racontée dans la Genèse. Toute l’histoire d’Abraham sera une marche spirituelle
à la découverte du Dieu unique, au cours de la migration qui le conduisit d’Ur
en Chaldée, à proximité du Golfe Persique, pour s’installer dans le pays choisi
par Dieu pour ce qui allait devenir son peuple, au pays dans la région
d’Hébron, près de la Mer Morte.
Le père d’Abraham, Térah,
était un descendant du fils aîné de Noé, Sem, d’où le nom de Sémites. Térah
était originaire d’Ur, et c’est lui qui entreprit la grande migration, à la
suite de la chute de la ville d’Ur entre les mains des Élamites. Il prit la
tête d’un groupe de réfugiés. Térah mourut à Harran, la position de chef de
tribu revint à son fils aîné, Abram. Celui-ci avait des idées différentes de
celles de son père. Si Térah adorait plusieurs dieux, il n’est était pas de
même pour son fils qui brisa avec l’idolâtrie, en s’installant au pays de
Canaan et en se mettant au service du dieu local El. Puisque ce dieu lui avait
donné un pays, Abram pensait qu’il serait capable de résoudre son problème
crucial : sa femme était stérile. C’est le point de départ de la foi
d’Abram en ce Dieu unique. Le Dieu d’Abram est personnel, il a des relations
d’intimité avec son fidèle à qui il donne un nouveau nom : Abraham, père
d’une multitude. Pourtant, Dieu n’est pas nommé, on le désigne en indiquant le
nom de ceux qui le vénèrent : le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu
de Jacob... Ce Dieu n’est pas semblable aux dieux fabriqués de mains d’hommes.
Il refuse les sacrifices humains et n’accepte pas que son fidèle lui immole son
fils.
A la mort d’Abraham, Isaac
devint le chef de la tribu, sa personnalité est moins marquante que celle de
son père, Dieu lui renouvela son alliance. Après Isaac, ce fut son fils Jacob
qui hérita de la promesse. Il dut s’expatrier pour avoir extorqué la
bénédiction paternelle à son aîné Ésaü. Après avoir vécu auprès de son oncle
Laban et épousé Léa puis Rachel, Jacob décide de rentrer au pays de ses pères.
Avant de franchir les frontières du pays, il dut lutter contre un ange. C’est
alors que Jacob reçut un nouveau nom, celui d’Israël, dont l’étymologie
signifie : il a été fort contre Dieu. Ce nom d’Israël devait remplacer
celui d’Hébreux par lequel étaient désignés les descendants d’Abraham.
Jacob-Israël eut douze
fils qui furent les ancêtres des douze tribus d’Israël. Avec l’un des plus
jeunes, Joseph, le destin de la tribu des descendants d’Abraham prend une
dimension nouvelle en entrant dans l’histoire de l’Égypte. Joseph, vendu par
ses frères, passe de la servitude à la position de vice-roi d’Égypte, grâce à
son talent d’interprétation des songes. L’Égypte était sous la domination des
Hyksos d’origine sémite, ce qui lui permit de faire carrière à la cour. Joseph
jugule une famine qui s’abattait grâce aux réserves qu’il avait faites. Chassée
de Canaan par cette famine, sa famille vient le rejoindre.
Vers 1580 avant Jésus-Christ,
la monarchie des Hyksos fut renversée, ce qui entraîna un changement de
situation pour les Israélites soupçonnés de sympathie pour le précédent régime,
en raison de leurs affinités raciales. Les descendants de Jacob furent réduits
en servitude, puis d’esclavage, sous les règnes des pharaons Thoutmès III et
Aménophis IV (entre 1485 et 1421). Des mesures impitoyables furent prises à
l’encontre des Israélites : « Tout garçon nouveau-né, jetez-le au
Fleuve ».
Un enfant Israélite fut
sauvé des eaux par une princesse égyptienne, qui lui donna le nom de Moïse. Par
ce concours de circonstances, il échappait à la condition de l’ensemble du
peuple ; ayant reçu une instruction royale, il est fonctionnaire de la
cour. Son éducation n’a pas supprimé les liens qui l’unissaient au peuple
opprimé. Un jour, il doit tuer un Égyptien qui frappait un esclave. Lorsque le
Pharaon apprend ce fait, Moïse est contraint à l’exil, il s’enfuit dans le
désert de Madian : là, il se montre comme le défenseur des faibles, en l’occurrence
des filles du prêtre de Madian contre des bergers. Il devient berger pour le
compte de Jéthro dont il épouse une des filles.
Il réfléchissait tandis
qu’il parcourait les étendues du Sinaï, il pouvait comprendre le mystère qu’il
n’avait pas saisi lors de sa jeunesse. Alors qu’il faisait paître le troupeau
de son beau-père, il parvient au mont Horeb, là il eut une vision sous la forme
d’un buisson qui brûlait sans se consumer. Dieu lui révèle son nom, YHWH, et
lui donne l’ordre de libérer le peuple de la servitude et de le conduire vers
un bon pays.
Après bien des
vicissitudes, Moïse conduit son peuple hors d’Égypte, en lui faisant traverser
la Mer des Roseaux, tandis que les Égyptiens, lancés à sa poursuite, se
noyaient. La fête de la Pâque fut instituée par ceux qui avaient fui, en
souvenir du passage du Dieu qui avait libéré son peuple : l’exode restera
comme le moment fondamental où Dieu se manifeste comme sauveur.
Moïse conduit Israël au
Sinaï. Il donne au peuple une constitution, une Loi, la Torah, traduction de
l’alliance de Dieu avec son peuple. Cette alliance est conclue de manière
solennelle, avec une manifestation de Dieu, une théophanie : Dieu va
prononcer les Dix Paroles, le Décalogue, fondement de l’alliance du Sinaï. Ces
« dix Paroles », dix commandements indiquent comment ne pas connaître
à nouveau l’esclavage et comment marcher sur les chemins de la liberté, en
devenant le peuple de Dieu.
C’est moi le
Seigneur ton Dieu qui t’ai fait sortir du pays d’Égypte, de la maison de
servitude.
Tu n’auras pas
d’autres dieux face à moi. Tu ne te feras pas d’idole, ni rien qui ait la forme
de ce qui se trouve au ciel là-haut, sur terre ici-bas ou dans les eaux sous la
terre.
Tu ne
prononceras pas à tort le nom du Seigneur ton Dieu, car le Seigneur n’acquitte
pas celui qui prononce son nom à tort.
Qu’on garde le
jour du sabbat en le tenant pour sacré comme le Seigneur ton Dieu te l’a
ordonné.
Honore ton père
et ta mère, comme le Seigneur ton Dieu te l’a ordonné, afin que tes jours se
prolongent et que tu sois heureux sur la terre que te donne le Seigneur ton
Dieu.
Tu ne commettras
pas de meurtre.
Tu ne commettras
pas d’adultère.
Tu ne commettras
pas de rapt.
Tu ne
témoigneras pas faussement contre ton prochain.
Tu n’auras pas
de visées ni sur la femme de ton prochain, ni sur son serviteur, ni sur sa
servante, son boeuf ou son âne, ni sur rien qui appartienne à ton prochain.
Il existe de nombreuses
prescriptions et interdictions qui ne sont pas rapportées dans le Décalogue, la
synagogue ancienne a tiré de la Torah six cent treize préceptes (deux cent
quarante-huit commandements et trois cent soixante-cinq interdictions). Et
c’est à Moïse que la tradition biblique rapportait les différentes lois et
coutumes qui pouvaient permettre au peuple de vivre.
Après son séjour au Sinaï,
le peuple reprend sa marche vers Canaan ; la pérégrination va durer
quarante ans, pour permettre à la génération qui avait connu la servitude de
disparaître ; un peuple nouveau va entrer en possession de la Terre que Dieu
avait promise aux patriarches. Cette marche ne se fera pas sans incidents, car
le peuple obéit difficilement à la volonté de Dieu.
Après ces années d’exode,
Moïse monte sur le mont Nebo d’où il lui est possible de contempler le pays de
Canaan, dans lequel il n’entrera pas. C’est Josué, que Moïse avait désigné
comme son successeur qui conduira la conquête du pays.
Le livre de Josué donne
l’impression d’une conquête rapide et facile. Toutefois, les éléments de
l’histoire donnent à penser que les tribus ne se sont infiltrées en Canaan que
lentement : la conquête a été longue. Ce qui importe au rédacteur
biblique, c’est de souligner qu’elle s’est faite sous la conduite de Dieu,
providence pour son peuple. Chaque tribu, issue des fils de Jacob, vit de
manière indépendante sur le sol qu’elle occupe en abandonnant la vie nomade
pour se sédentariser. La constitution politique était assez faible. Un point
les unissait : leur histoire commune, fondée sur la reconnaissance du même
Dieu qui avait libéré le peuple de la servitude d’Égypte.
Chaque village formait une
communauté indépendante, dirigée par les anciens, qui réglaient les problèmes.
Parfois, une personnalité remarquable peut faire respecter son autorité sur une
région plus vaste, en rappelant la fidélité à Dieu au moment où les Israélites
se tourneraient vers les dieux locaux : ce sont les Juges, qui se
présentent comme des libérateurs face au péril qui venait aussi bien de
l’extérieur (les ennemis d’Israël) que de l’intérieur (le culte des divinités
étrangères).
Le livre des Juges
présente l’Histoire selon un schéma cyclique : les fils d’Israël font ce
qui déplaît à Dieu, alors sa colère s’enflamme contre eux, Israël tombe en
décadence, dans sa misère, il crie vers Dieu, qui lui envoie un sauveur, un
Juge, mais, à la mort de ce Juge, les fils d’Israël retombent dans leur faute.
Si ce livre mentionne douze Juges, il faut adjoindre Samuel, qui dénoua la
série des crises nationales, en instituant la royauté.
Samuel, consacré à Dieu
dès avant sa naissance, considéré comme juge par l’ensemble du peuple, sera un
prophète, un homme à qui Dieu parle et un homme qui parle au nom de Dieu.
Devenu vieux, les anciens lui demandent d’établir sur le peuple un roi. Peu
enthousiasmé, il propose une constitution démocratique, avec un roi dont il
trace le portrait en termes peu flatteurs. Puis, malgré ses réticences, et sur
les conseils de Dieu, il finit par accéder à leur demande : Samuel
convoque le peuple et fait établir Saül roi par tirage au sort.
Désormais, et pendant
quatre siècles, l’histoire d’Israël sera guidée par des rois.
Après la mort de Saül,
dont le règne fut bref et tragique, les tribus viennent trouver David à Hébron
pour lui offrir le trône. David s’empare de la place forte de Jérusalem dont il
fait son lieu de résidence et sa capitale, alors que cette ville n’avait encore
joué aucun rôle dans l’histoire. Dans cette ville, David organise le culte et
il crée un début d’organisation administrative centralisée. La fin du règne ne
sera pas brillante, car David utilise à son profit le pouvoir que Dieu lui a
confié, il se sert de sa puissance pour lui-même au lieu de s’en servir pour le
bien du peuple.
Sa politique de
centralisation civile et religieuse sera poursuivie par son fils Salomon, qui fit
construire un Temple splendide. Profitant de l’affaiblissement de ses voisins,
l’Égypte et l’Assyrie, Salomon fit régner la paix durable sur Israël, dotant le
pays d’une civilisation exceptionnelle, il établit avec ses voisins de
relations commerciales et culturelles. Mais ses mariages avec des étrangères
conduisirent une dégradation du culte de Dieu.
La conséquence fut la
destruction de l’unité religieuse qui sera suivie par la perte de l’unité
nationale. Alors, les deux états d’Israël, au Nord, comprenant dix tribus, et
de Juda, au Sud, regroupant les deux autres tribus restées fidèles à la
dynastie davidique, menèrent une existence séparée. Les trois siècles qui
suivirent la mort de Salomon sont marqués par la décadence des deux royaumes et
par la chute de leurs capitales aux mains des Babyloniens.
C’est dans ce contexte
troublé politiquement et religieusement que se sont levés des prophètes :
ceux-ci ont rappelé au peuple les exigences de l’Alliance avec Dieu.
L’histoire du peuple prend
du relief par la présence de prophètes. Tout d’abord, il importe de revenir sur
le terme de prophète.
Le mot hébreu, nabi,
signifie : l’homme qui parle. En passant dans la langue grecque il a pris
le sens de : l’homme qui dit une chose avant qu’elle n’arrive, l’homme qui
prédit. Ce sens a prévalu dans la tradition occidentale.
Le souci des prophètes
sera de ramener au coeur de la pensée du peuple le fait que Dieu est le seul et
unique Dieu. Pour ce faire, ils approfondissent la doctrine de l’alliance, qui
unit l’homme à Dieu et Dieu à l’homme comme deux partenaires. L’homme est
incapable de se transformer lui-même, Dieu doit entreprendre la transformation
du coeur de l’homme. Dieu changera le coeur de l’homme et réalisera l’obéissance
à sa Loi.
Les prophètes prêchent
aussi l’espérance pour les exilés, la conversion de ceux-ci en vue d’un retour
à Jérusalem, pour la reconstruction du Temple et la constitution d’un peuple
nouveau.
La Nouvelle Alliance que
Dieu va établir après avoir pardonné la rupture de l’ancienne n’est pas
différente de celle transmise par Moïse, mais elle ne va plus consister en des
prescriptions extérieures à l’homme, elle s’inscrira au plus intime de la
personne.
La Loi qui sera donnée,
comme signe de la nouvelle alliance, ne sera pas une nouvelle Loi, mais la Loi
renouvelée : le Décalogue demeure. Ce qui est nouveau, c’est la manière de
considérer la Loi, qui s’exprime dans une relation de réciprocité et
d’amour : « Je deviendrai Dieu pour eux, et eux, ils deviendront un
peuple pour moi ». Cette alliance reposera sur le pardon, avant d’être
exprimée en termes de changement de coeur.
Tout le prophétisme est
une longue protestation contre l’oubli du Dieu unique. Les prophètes rappellent
sans cesse la Loi que Dieu a donnée à son peuple : elle est la
constitution du peuple, puisqu’elle renferme non seulement sa doctrine
religieuse, mais aussi sa doctrine politique et sociale.
L’annonce des « jours
du Messie » est une des idées forces du prophétisme. La nouvelle alliance
est une préparation qui vise, à plus ou moins longue échéance, l’instauration
du Royaume de Dieu sur la terre, royaume qui prendra la succession davidique.
Pour le judaïsme, le
Royaume de Dieu sera inauguré par le Messie, ce personnage qui ouvrira une
époque de justice et de paix sur la terre : les nations qui lui
résisteront seront réduites à néant, le règne de Dieu s’établira sur tout
l’univers.
Les prophètes ont parlé
pour leurs contemporains, leur message était relatif aux problèmes qui se
posaient à leur époque. Mais, dans leur vision du monde, ils englobaient le
passé et l’avenir. Leur idée était que le dessein de Dieu se développe dans le
courant de l’histoire : les promesses faites jadis se réalisent progressivement,
dans l’attente de leur plein achèvement au jour de Dieu. Leur conception de
l’histoire n’était pas cyclique, elle visait une fin : les hommes marchent
vers un but fixé dès l’origine par Dieu, vers une fin dernière, qui est l’objet
de l’espérance croyante.
Contrairement à une
opinion répandue, l’objet de la promesse de Dieu n’est pas la venue d’un
sauveur particulier, le Messie, mais l’avènement du Royaume de Dieu. Dieu,
créateur et maître du monde, n’a choisi Israël qu’en vue du salut des peuples,
ses fidèles connaîtront le bonheur. Pourtant, le jour de Dieu auquel les
fidèles aspirent ne sera pas un jour de consolation, mais un jour de
colère : le péché des hommes implique une sanction. Dieu rémunère les
hommes selon leur conduite dans le monde. Lors de son jour, il sera exalté et
tout orgueil humain sera abattu.
La déception fut grande
après l’exil... Toutefois l’attente du Jour de Dieu ne s’acheva pas avec cette
déception. Les promesses que Dieu avaient faites par la bouche des prophètes constituaient
une certitude que rien ne pouvait ébranler. Si le salut tarde, c’est que la
conversion du peuple est insuffisante, qu’elle manque de profondeur.
Les prophètes
post-exiliques vont mettre l’accent sur l’aspect spirituel de cette venue du
Royaume. On imagine l’existence nouvelle comme un prolongement de l’existence
présente, avec le triomphe du peuple fidèle.
L’idée d’une restauration
de la dynastie reprend ses droits pour le monde actuel : l’Élu de Dieu, le
Fils de Dieu, le Serviteur du Seigneur inaugurera l’avènement du Royaume, le
Messie appartient à ce monde, même si ses qualités sont exceptionnelles, et
s’il gouverne le peuple avec justice et droiture, avec sagesse et
puissance : il rétablira le trône de David. Mais son rôle ne s’achève pas dans
cette restauration, il fera advenir le Royaume sur terre. Il va accomplir le
rétablissement de l’alliance entre Dieu et son peuple. Le domaine politique est
lié à la pensée religieuse des prophètes.
Par l’annonce de la
naissance d’un enfant, les prophètes manifestent que le Messie, sera l’homme
d’une alliance nouvelle. Il occupera la place du roi, car il sera capable de
faire comprendre que le seul roi possible pour Israël, c’est Dieu lui-même.
Le Messie libérateur
surgira de la famille de David. La dynastie établie à Jérusalem qui est non
seulement la capitale de Juda, le centre de l’empire de David et de Salomon,
mais aussi et surtout le centre du monde vers lequel convergent toutes les
nations.
L’école prophétique
reprendra cette annonce messianique : Dieu vient sauver son peuple.
L’image du roi-messie va se transformer pour exprimer la sollicitude de
Dieu : le roi-messie prendra la figure du Serviteur de Dieu, parfaitement
juste, dont la mort apportera la réconciliation avec Dieu.
L’annonce de ce messie-serviteur,
qui ne se manifestera pas aux hommes sous des aspects les contraignant à la
conversion et reste ouverte sur l’avenir.
Les réalisations qui ont
pu être accomplies dans la suite des temps, ont toujours été partielles, elles
n’ont jamais épuisé la mission universelle dont était investi le Serviteur de
Dieu. La tradition chrétienne a identifié ce dernier à Jésus et à son oeuvre de
réconciliation avec Dieu.
Le livre de Daniel est
unique en son genre dans la tradition, son genre littéraire le situe comme un
écrit apocalyptique. Après l’exil à Babylone, la réflexion des prophètes a été
marquée par le souci du jugement que Dieu peut opérer. Les hommes cherchent à
comprendre quel sera l’avenir que Dieu ouvre à l’homme, quel sera le jugement
qu’il va exercer sur toute l’humanité.
On se tourne vers la fin
des temps, vers l’eschatologie. Pour exprimer l’action future de Dieu, les
prophètes se situent dans un contexte de révélation, c’est le sens premier du
terme d’origine grecque : apocalypse.
Le « Fils de
l’homme » est un titre qui vient d’une des visions du prophète
Daniel : Je regardais dans les visions de la nuit, et voici qu’avec les
nuées du ciel venait comme un Fils d’homme. Et il lui fut donné souveraineté,
gloire et royauté : les gens de tous peuples, nations et langues le
servaient.
L’expression de
« Fils d’homme » a un sens faible, elle désigne un être humain dans
sa simplicité, elle devient alors synonyme de l’homme, soulignant la précarité
de la condition humaine vouée à la mort. Mais cette expression, dans la
littérature apocalyptique, prend un sens plus fort, elle désigne un personnage
céleste qui apparaîtra à la fin des temps et qui jugera tous les hommes.
Ce personnage céleste a
des prérogatives divines : il séjourne auprès de Dieu et n’a plus rien de
commun avec la condition mortelle des hommes. Après son jugement à la fin des
temps, pourra rétablir le Royaume de Dieu. Les commentaires du livre de Daniel
lui ont attribué des caractéristiques de Messie royal et de Serviteur de Dieu.
La tradition chrétienne
reprendra ce titre de Fils de l’homme pour l’appliquer à Jésus.
Toutes ces figures de la
Bible (Abraham, Moïse, les rois David et Salomon, les prophètes, le Messie, le
Serviteur de Dieu, le Fils de l’homme) sont comme autant de symboles pour
exprimer ce que doit être l’attitude de tout croyant devant Dieu.
Ces figures permettent aux
croyants de comprendre l’évolution des desseins de Dieu tout au long de
l’histoire. Dieu se donne à connaître comme agissant en vue du bonheur de
l’homme dans la terre qu’il avait promis de donner en héritage aux patriarches,
en vue du bonheur de l’homme après sa destinée terrestre.