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Le Coran et la Bible

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Le Coran et la Bible, textes fondateurs de religions monothéistes, méritent d'être étudiés en regard. Il n'est pas possible de comprendre le Coran dans ses subtilités sans répondre à certaines questions. Comment et dans quel contexte est apparu l'islam ? Comment se sont constitués la Bible et le Coran ? Qu’en est-il de l’interprétation des textes dans les différentes religions ? S'agit-il du même monothéisme dans le Coran et dans la Bible ? Quelles sont les grandes figures communes ? Qu'en est-il des questions de la prophétie, de la rétribution et de l'alliance ?

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Tout ce qu’un chrétien peut dire ne sera pas recevable par un musulman puisque celui-ci ne dira jamais : « le Coran dit que », ou bien « le message coranique dit que », mais « Dieu dit dans le Coran… ».

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Cette remarque préalable est nécessaire, afin d’essayer de découvrir les rapports entre la Bible et le Coran. Mais, avant tout, il faudrait se poser la question de savoir si chrétiens et musulmans croient au même Dieu.

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Ceux qui préconisent le dialogue entre musulmans, juifs et chrétiens soulignent que les trois religions ont les mêmes racines : toutes révèrent Abraham comme leur ancêtre.

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Le Coran, comme la Bible, raconte l’histoire d’Adam, ainsi que celle de Moïse,

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il parle de Jésus, de Marie et de Jean-Baptiste. Pourtant, malgré les similitudes, les personnes et les événements n’ont ni le même contenu, ni le même sens.

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Les chrétiens et les juifs n’ont habituellement jamais lu le Coran, ni même des passages du Coran pour 80 % d’entre eux. Ceux qui ont eu l’occasion de parcourir telle ou telle sourate ou section du texte coranique avouent avoir éprouvé beaucoup de difficultés dans la lecture du texte en raison des entrelacements des genres littéraires.

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Ils reconnaissent également avoir été gênés par les passages appelant à la lutte contre les infidèles, par la mention de sanctions ou par le dispositif d’obligations et d’interdits.

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Ces différentes questions sont la trame des préjugés dont le Coran est l’objet dans les consciences individuelles ou collectives de nombreux chrétiens. Pour les comprendre, il faudrait en analyser les causes profondes. Et, pour être équitable, il conviendrait de faire une recherche dans les représentations que les musulmans se font de la Bible en général et des Évangiles en particulier ? Aux origines, on trouve des préjugés comme le poids des mentalités et des disparités culturelles, sociales et religieuses… Dans l’opinion française, les représentations dont l’islam est l’objet sont marquées par les événements nationaux ou internationaux.

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Environ 50 % des Français estiment que l’islam « est trop différent et rend l’intégration des musulmans impossible, même à long terme », et près de 60 % pensent que la religion musulmane « ne permet pas l’exercice de la démocratie ». Cette enquête confirme la mauvaise perception que les Français ont en général de l’islam.

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Pour beaucoup de chrétiens, y compris  parmi ceux qui ont une culture religieuse ou théologique, la lecture du Coran est perturbée par une multitude de préjugés. Le contenu du message coranique, s’il ne fait pas l’objet d’une présentation avisée, amène chez les chrétiens des réactions de perplexité.

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Il est vrai que le christianisme et l’islam connaissent des différences, qui ne sont pas minimes. Les deux traditions ne sont pas équivalentes : les échelles des valeurs ne sont pas identiques, les institutions n’ont pas les mêmes fonctionnements, les rites et les symboles n’ont pas les mêmes ancrages, les croyances n’ont pas les mêmes interprétations.

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La Bible et le Coran sont considérés comme deux livres saints par les religions juive, chrétienne et musulmane. Les juifs parlent de la « sainte Torah » chrétiens disent « la sainte Bible », et les musulmans « le saint Coran ». Que signifie le qualificatif « saint » ? Le terme n’est pas à prendre au sens moral, comme on le dirait pour un homme pieux et juste, un saint homme, non, le mot « saint » a un sens précis dans les langues sémitiques, l’hébreu pour la Bible, l’arabe pour le Coran. « Saint » en hébreu se dit « Qadosh », en arabe « Moquaddass », ce qui signifie « séparé, ce qui est distinct de ». Ainsi donc, si la Bible et le Coran, sont considérés comme saints, c’est qu’ils sont différents des autres livres. Ils sont différents parce qu’ils sont censés exprimer une révélation divine, ils sont saints parce qu’ils sont révélés.

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Ces livres intéressent les trois religions. La Bible est l'ensemble des textes sacrés du judaïsme et du christianisme, même si c’est de manière différente, le Coran est le livre sacré des musulmans, il contient la révélation à Mahomet de la parole d'Allah, Dieu unique.

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L'origine du nom « Bible » est grecque, « ta biblia » signifie « les livres », la Bible, au singulier et avec une majuscule, est donc le livre qui contient « ces livres sacrés ». Le singulier majuscule désigne l'ensemble textuel, alors que le mot « bible » avec une minuscule désigne l'ouvrage, le volume dans sa matérialité. Les chrétiens distinguent l'Ancien Testament et le Nouveau Testament.

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L'Ancien Testament seul est le texte des juifs, c'est leur Bible, alors que celle des chrétiens comprend les deux Testaments. Cela fait déjà apparaître deux « Bibles », celle des Juifs et celle des chrétiens plus volumineuse. La liste des livres pour les deux Testaments a longtemps varié avant d'être fixée et de constituer ce qu'on appelle le « canon », la liste officielle.

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L'Ancien Testament constitue, pour faire bref, la Bible hébraïque. Le canon juif, c'est à dire la liste officielle des livres de leur Bible, est fixé lors de la réunion de Jamna vers 90 de notre ère, à savoir quelque temps après la destruction du Temple de Jérusalem par les Romains en 70.

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Les rabbins réunis à Jamna n'ont conservé que les livres écrits en hébreu et répartis dans trois sous-ensembles intitulés la Loi, les Prophètes et les Ecrits, soit un ensemble de trente-neuf livres. Les autres livres écrits en grec, en araméen… ont été rejetés, comme apocryphes. La Torah est le cœur de la révélation faite à Moïse, c'est le « contrat » passé entre Dieu et Israël, définissant les obligations réciproques, alors que les Prophètes ne sont des rappels, des actualisations, et les Écrits, soit des compléments, soit des louanges de cette Alliance entre Dieu et son peuple.

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La Bible chrétienne comprend les deux Testaments : l'Ancien et le Nouveau. Le Nouveau Testament qui constitue la spécificité de la Bible des chrétiens se compose de vingt-sept livres écrits d'abord en grec, puis traduits en latin au cinquième siècle. Les plus importants textes du Nouveau Testament sont les Évangiles écrits après la mort de Jésus. Ce sont des témoignages sur la vie et l'enseignement de Jésus-Christ. D'autres textes complètent le Nouveau Testament : les Actes des apôtres sont le récit et l'action des apôtres entre 30 et 60 après Jésus, les lettres des apôtres sont des messages envoyés aux premières communautés chrétiennes pour les conseiller et l'Apocalypse offre une vision de la fin du monde. Le canon chrétien du Nouveau Testament se fixe progressivement entre la fin du deuxième siècle et le quatrième siècle. De nombreux textes ont été rejetés et forment les apocryphes du Nouveau testament.

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painting of Saint Jerome receiving help with his translation

Il y a, on le voit, une diversité de Bibles, il faut donc toujours préciser de quelle Bible l'on parle et non pas déclarer : « La Bible » dit telle ou telle chose ! Quelle Bible, celle des Juifs, celles des chrétiens, ou encore la Bible apocryphe ? A la variété des Bibles, correspond également la variété des langues d'écriture, l'hébreu, l'araméen, le grec pour ne citer que les plus courantes. Les orthodoxes ont conservé le grec, les catholiques utilisent une traduction latine, une traduction due à Saint Jérôme vers 400. Les protestants utilisent des versions issues de la réforme au seizième siècle. Il n'y a donc pas une langue sacrée privilégiée.

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Que les chrétiens et les juifs n'aient pas altéré leurs Écritures est une évidence d'ordre historique et scientifique. De nombreux manuscrits d'anciennes copies de la Bible furent découverts tout au long des années, et s'avérèrent conformes au texte en notre possession. Ces manuscrits et d'autres comme les Manuscrits de la Mer Morte et les milliers de copies complètes ou partielles des anciennes Bibles prouvent au-delà de tout doute que la Bible ne pouvait être altérée ou corrompue, comme peuvent le prétendre les musulmans.

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Telle est la situation pour ce qui concerne le texte biblique, qu'en est-il pour le Coran ? Les musulmans, qui sont aussi monothéistes, n'ont pas le même livre saint. Le Coran est leur livre sacré, qu’ils regardent comme la parole infaillible du Tout-Puissant. « Coran » est un mot arabe qui signifie « récitation ». Le terme a été appliqué par Mahomet à chaque fragment du livre ; puis il fut utilisé pour désigner la totalité du livre.

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Le Coran contient la révélation à Mahomet de la parole d'Allah, Dieu unique. Il est écrit dans une prose arabe poétique, et il contient le code religieux, social, civil, commercial et militaire de l'islam. Il comprend aussi un grand nombre de récits relatés dans les Écritures juives et chrétiennes et dans les apocryphes. Il a été rédigé en 632 après la mort du Prophète. Il se compose de cent quatorze sourates, divisées en versets, et classées par ordre de longueur décroissante, à l'exception de la première qui porte le nom de Fatiha.

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Une sourate ne constitue pas un texte homogène, ce qui est déroutant pour un esprit cartésien. Chacune est un ensemble composite où brutalement, d'un verset à l'autre, on change parfois de sujet, ce qui pose le problème de sa composition. Chaque sourate a un titre, mais ce dernier n'a qu'un rapport partiel avec le contenu du chapitre, ce titre n'est qu'un simple repérage. Cette absence d'ordre apparent rend difficile la lecture suivie du Coran.

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Le Coran comporte douze genres littéraires. Ce sont : des dialogues entre Dieu, le Prophète et les hommes ; des oracles ; la mention d’événements contemporains de la vie du Prophète ; des anamnèses de faits, en rapport plus ou moins direct avec des données bibliques ou des apocryphes judéo-chrétiens ; une herméneutique (interprétation) de ces faits suivant un principe coranique ; la promulgation de prescriptions divines relatives à des valeurs propres à la communauté musulmane ; des annonces eschatologiques relatives au jugement et à la miséricorde de Dieu ; des hymnes ; des confessions de foi ; des récits paraboliques ; des sections sapientielles ; des exhortations... Ces genres littéraires ne sont pas disposés de manière systématique, mais se trouvent en perpétuelle interpénétration. C’est ce qui fait la complexité et la singularité du texte coranique.

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Le Coran est complété par un autre ensemble de textes. Il s'agit de la Sunna qui comprend les enseignements et les actes du prophète. C'est à partir du Coran et de la Sunna, qu'a été élaborée la Loi islamique qui contient des règles portant sur des aspects de la vie familiale et sociale des musulmans.

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Le Coran est le même pour tous les musulmans, ainsi il y a un seul Coran face à une diversité de Bibles. Le Coran tel qu’il se présente aujourd’hui est appelé « Coran d'Othman », il fut rassemblé longtemps après la mort de Mahomet. Des parties notables du Coran primitif ont dû se perdre après que plusieurs « récitateurs » du Coran soient morts ou tués dans les combats.

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Des Bibles, un Coran, voilà pour l'aspect matériel des choses ! Qui a écrit la Bible ? Qui a écrit le Coran ? Il s’agit là de questions qui, en dépit des quelques indications qui précèdent, sont vastes et complexes. Il n’est possible d’y répondre que très sommairement.

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Qui a écrit le Coran ? Ce n'est pas Mahomet, il ne savait ni lire ni écrire selon la tradition. L'islam affirme que Mahomet reçoit une révélation et la transmet. Il n'est que l'instrument, l'auteur, la source, c'est Dieu ! Il faut faire une distinction entre la révélation et la rédaction proprement dite du texte coranique tel qu'il nous est parvenu. A l'époque de Mahomet, la civilisation arabe est une civilisation de l'oralité, on se méfie de l'écrit. Les révélations sont faites à Mahomet qui les transmet à des proches ou les dicte à des secrétaires qui les inscrivent sur des supports fragiles : omoplates de chameaux, morceaux de cuirs ou tessons de poterie. Ce besoin de mise par écrit se manifeste surtout à Médine, après 622. L'essentiel n'était pas l'écrit, la révélation était retenue par cœur par les compagnons du Prophète dans un ordre incertain, que nous ne connaissons plus.

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En ce qui concerne l'Ancien Testament, autrefois, la réponse à la question de l'auteur était très simple : l’auteur était Dieu lui-même ! Puis en affinant un peu, les spécialistes ont distingué un certain nombre d'auteurs inspirés par Dieu : Samuel pour le Livre des Juges, Josué pour le livre du même nom et enfin, Moïse pour l'ensemble de la Torah - ou Pentateuque. Le premier penseur à introduire le doute fut Spinoza, philosophe juif du dix-septième siècle. Comment Moïse pourrait-il être l'auteur d'un texte qui raconte sa mort ? Ce souci de rationalité va mener progressivement à l'exégèse historico-critique. On arrive à penser que la Bible est un produit de l'histoire, et qu’elle aurait été écrite par des hommes témoins d'une époque. De plus, la recherche a montré que des textes de l'Ancien Testament ont plusieurs auteurs, qui ont cherché à exprimer le point de vue de leur communauté, de leur groupe social… Ces auteurs, pour la plupart anonymes, étaient des écrivains que l'on qualifierait de politiquement engagés. Ainsi la majorité des livres de l'Ancien Testament ont eu plusieurs auteurs, cela se voit aux nombreuses strates de rédaction qui apparaissent lors d'une étude critique.

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En ce qui concerne le Nouveau Testament, il est un fait certain : Jésus n'a rien écrit. Les textes néotestamentaires sont le produit des disciples, des premiers chrétiens. Ces vingt-sept livres ont de nombreux auteurs dont certains sont connus, c'est le cas de Paul, de Luc, le premier a écrit de nombreuses lettres, le second, un évangile et les Actes des apôtres. Pour ces livres du Nouveau Testament, nous avons la même situation que pour l'Ancien, à savoir qu’ils ont plusieurs auteurs qui, sur un temps plus ou moins long, ont écrit et remanié ces textes. Le Nouveau Testament a eu un grand nombre de rédacteurs dont un petit nombre seulement est connu. Ces auteurs sont les témoins de leurs communautés.

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A la mort du Prophète, il n'y a donc pas un livre qui s'appellerait « le Coran », mais une révélation aux contours assez imprécis, avec une certaine diversité de contenu ; en effet, chaque compagnon enseigne le texte qu'il connaît, et ce qu'il connaît diffère parfois d'un souvenir à l'autre. C’est pourquoi les premiers écrits sont rudimentaires, partiels et souvent divergents. Les premiers successeurs de Mahomet, les califes, éprouvent le besoin de mettre de l'ordre dans cette révélation. La tradition prétend que c'est le troisième calife, Othman qui a établi une première « vulgate » du texte coranique, même si ce n’est qu’au dixième siècle qu’est défini un texte unique, comprenant des modalités de récitation. On entreprit également la collecte des traditions orales rapportant les actes et les propos du Prophète et de ses compagnons, ce sont les hadîths. Chaque hadîth transcrit devait comporter la liste des transmetteurs, remontant jusqu’aux premiers témoins. Indéniablement, des choix ont été faits très rapidement, des versets ont disparu, des classements différents sont intervenus. Un pouvoir politique, comme celui des califes n'intervient jamais de manière neutre et désintéressée ! Pour tout musulman, l’accès au savoir passe par l’étude du Coran, source unique de la connaissance.

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Peut-on dire, avec précaution évidemment, que Mahomet est derrière l'essentiel du texte du Coran, un peu plus que Jésus ne l'est derrière les évangiles ? En tout cas, l'un et l'autre ne sont pas les rédacteurs des textes.

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L'ordre des textes des Bibles actuelles n'est pas l'ordre de leur rédaction. L'essentiel de la Bible juive, de l'Ancien Testament, est écrit pour l’essentiel aux sixième-cinquième siècles avant l’ère chrétienne, sachant que l'ensemble des traditions court sur une période allant du dixième siècle au premier siècle avant Jésus-Christ.

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Ces textes ont donc été rédigés sur un temps long pendant lequel les conditions culturelles, les interrogations et réponses humaines ont évolué considérablement. L'idée de résurrection par exemple se développe en cours de période rédactionnelle. Les plus vieux textes de l'Ancien Testament figurent aussi dans les textes retrouvés près de la Mer Morte et qu’on appelle les « rouleaux de Qumran ».

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Quant au Nouveau Testament, on sait qu’après la mort et la résurrection de Jésus, ses apôtres et leurs disciples composèrent, pour les besoins de la catéchèse aux nouveaux chrétiens des récits de la vie de Jésus, à partir de leurs souvenirs, de ce qu’ils ont vécu avec Jésus durant sa vie terrestre et après sa résurrection. Ces évangiles ne seront appelés que beaucoup plus tard « Écritures », cependant que la conviction se faisait jour que Jésus est la Parole incarnée de Dieu, le Parole de Dieu accomplissant la Loi et les Prophètes.

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Les dernières fixations du texte coranique sont effectuées en 934 (322 de l'ère hégirienne). A cette date ont été codifiées quelques variantes de lecture. Il a fallu seulement trois siècles pour stabiliser le texte coranique et obtenir le livre que nous avons aujourd'hui, mais en fait, une ou deux générations après Mahomet, le texte est prêt pour l'essentiel… Pour résumer brièvement, la Bible juive est écrite entre le dixième et le premier siècles, entre 50 et 125 après Jésus-Christ pour le Nouveau Testament, et fin septième siècle pour le Coran.

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Que disent la Bible et le Coran ? A propos de Dieu…

Chrétiens, juifs et musulmans croient en un seul Dieu, créateur du ciel et de la terre, et de chaque être humain, qui a révélé sa volonté dans un livre saint. Au jour du jugement, à la fin des temps, Dieu appellera chacun à lui rendre des comptes.

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Selon le Coran, Allah est le créateur de l’univers et de chaque homme, mais il est transcendant, c’est-à-dire séparé de la création. Il n’y a aucun lien entre le créateur et la création. Dans le Coran, Allah, n'est pas un nom propre contrairement à ce que l'on lit parfois, ce mot signifie seulement dieu. Le Coran donne des qualificatifs, mais jamais le nom propre de Dieu, déclaré ineffable. Pour la Bible, Dieu a créé l’homme à son image et l’a fait son partenaire. Il a révélé sa nature dans sa création. Jésus est le pont qui relie Dieu à l’homme.

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Selon le Coran, Allah n’a pas d’enfants. Jésus ne peut pas être adoré comme Dieu. Croire à la Trinité, c’est être polythéiste. Adorer plus d’un seul dieu est le pire des péchés pour l’islam ; il n’y a pas pire péché pour l’islam ; il ne peut pas être pardonné, puisqu’il n’y a qu’un seul Dieu. Pour les chrétiens, Jésus-Christ est le Fils unique de Dieu. Il est venu sur terre comme être humain tout en étant Dieu. Le Père, le Fils et l’Esprit sont un seul Dieu trinitaire.

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Selon l’Islam, Allah n’est donc pas le père de Jésus. Il est le Dieu omnipotent et miséricordieux. Le Coran accuse les chrétiens d’adorer trois dieux : Dieu, Jésus et Marie. Les chrétiens affirment que Dieu est le Père de Jésus-Christ et le Père de ses enfants. La Trinité est composée du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Marie était un simple être humain et n’a pas de place dans la Trinité.

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En ce qui concerne Jésus…

Le Coran et la Bible chrétienne s’accordent pour dire que Jésus a été envoyé par Dieu à Israël. Les deux l’appellent « Christ ». Il est né de la Vierge Marie. Sa naissance a été mystérieuse, à ce propos, l'évangile et le Coran ont le même discours : Jésus est né de la Vierge Marie, par l'action de l'Esprit Saint, c'est-à-dire de Dieu. Jésus a appelé les Israélites à la foi, il est monté au ciel et il reviendra sur terre à la fin des temps.

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Mais, pour le Coran, Jésus a été créé par Allah, par sa parole, et implanté en Marie par la puissance de Dieu. Il n’est qu’un être humain. Selon les chrétiens, Jésus a été conçu par le Saint-Esprit en Marie. Il était, en une seule personne, un véritable être humain et vrai Dieu en même temps.

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Pour les fidèles musulmans, Jésus a été un des plus importants prophètes de l’histoire, mais Mahomet est le dernier prophète, le « sceau des prophètes ». La venue de Mahomet est déjà annoncée dans l’Ancien Testament par Moïse et Isaïe. Dans le Nouveau Testament, Jésus lui-même annoncerait Mahomet.

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Selon les chrétiens, Jésus est venu dans le monde comme le Sauveur et le Rédempteur annoncé dans l’Ancien Testament. Comme Fils de Dieu, il est supérieur aux autres prophètes, et il a annoncé la venue du Saint-Esprit comme conseiller et défenseur. Mahomet n’est pas annoncé dans la Bible et ne remplit pas les conditions bibliques exigées pour être prophète de Dieu.

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Alors que dans l'évangile, Jésus annonce à plusieurs reprises sa mort prochaine et sa résurrection, dans le Coran, il échappe à la mort. Le Coran n’est pas clair sur la fin de la vie de Jésus. Sans doute Allah l’a-t-il emmené au ciel face à ses ennemis. Après cela, quelqu’un d’autre a été crucifié à la place de Jésus. Dieu ne pouvait laisser mourir cet être d'exception. Jésus n’a pas été crucifié et donc il n’est pas ressuscité. La crucifixion aurait été un échec humiliant pour Jésus. Même s’il était mort sur la croix, il n’aurait pas pu apporter la rédemption à l’humanité. Telle n’est pas la conception chrétienne qui affirme que Jésus est mort sur la croix selon la volonté de son Père, il a été mis au tombeau et il est ressuscité des morts le troisième jour. C’est ainsi qu’il a remporté la victoire sur le péché et la mort; c’est lui, représentant de l’humanité, qui a opéré la rédemption.

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Pour ce qui est relatif au péché, à la foi et au pardon…

Le Coran et la Bible soulignent que la volonté de Dieu est que les hommes croient en lui et vivent selon ses commandements. Celui qui transgresse ceux-ci ne peut en être pardonné que par la miséricorde de Dieu. Le Coran comme la Bible promettent la vie éternelle à ceux qui croient. Dieu est le créateur, de l'univers et de l'homme à qui il donne une loi. Ce point commun, d'apparence banal, a besoin d'être rappelé, tous les livres sacrés des différentes religions ne l'affirment pas, c'est le cas du bouddhisme par exemple.

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Selon le Coran, Adam a péché au paradis en mangeant le fruit défendu, mais l’homme n’a pas été coupé de la communion avec Allah par cette transgression. Il n’y a ni chute, ni péché originel pour l’islam. Pour la Bible, Adam a transgressé le commandement de Dieu en mangeant le fruit défendu. Ce faisant, il a fait venir sur les hommes le péché, la mort et la séparation d’avec Dieu. La réconciliation avec Dieu n’est possible que par la mort de Jésus.

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Selon le Coran, l’homme est toujours capable de choisir entre faire le bien ou faire le mal. Il peut plaire à Allah en obéissant à ses commandements et en accomplissant de bonnes actions. S’il transgresse les commandements, cela n’affecte pas vraiment Allah, puisque c’est d’abord contre lui-même que l’homme pèche. Pour la Bible, la nature de l’homme est corrompue après la chute. Il est incapable de faire quoi que ce soit pour expier ses fautes. Chaque péché est toujours dirigé contre Dieu.

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Pour l’Islam, la foi, c’est croire qu’Allah existe, lui être reconnaissant et obéir à ses commandements. Pour le christianisme, la foi consiste à reconnaître son état de péché et à accepter la rédemption en Jésus-Christ et vivre selon les commandements de Dieu par la puissance du Saint-Esprit.

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Le pécheur musulman qui se repent espère obtenir le pardon d’Allah. Le Coran loue souvent la miséricorde d’Allah, mais le pécheur ne sait pas s’il recevra ou non le pardon. Il n’est pas certain, dans la vie présente, d’aller au paradis après sa mort. Allah est trop omnipotent pour que l’homme puisse déterminer avec certitude son comportement envers les hommes. Le pécheur chrétien qui se repent a la certitude que Dieu lui accorde son pardon, puisque Dieu, dans sa Parole, a promis de le faire. Quiconque se réclame de la mort de Jésus et accepte son pardon a l’assurance de la vie éternelle.

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Pour ce qui est de la Parole de Dieu et de l’Esprit-Saint

Musulmans et chrétiens croient que la Parole de Dieu est révélée dans son livre sacré. La Parole de Dieu nous dit comment Dieu est intervenu dans l’histoire des hommes. Elle indique à l’homme comment orienter sa vie et sa foi. La révélation de Dieu aux hommes s’est faite sous l’action de l’Esprit.

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Le Coran est la parole d’Allah, pure et inaltérée, copie authentique de la révélation. Selon les musulmans, à la différence du Coran, la Bible aurait été corrompue au fil du temps. Suggérer cela est contraire à la raison et aux découvertes historiques. Ni les chrétiens ni les juifs ne peuvent être accusés d'avoir altéré leurs Écritures. Ils n'auraient rien eu à gagner à le faire et n'auraient pas versé leur sang pour défendre la Bible. Dans l'Apocalypse, Dieu promet un châtiment à qui ajouterait ou retrancherait à la parole de Dieu. Les juifs étaient mis en garde contre un tel acte répréhensible Le Coran rectifie l’Ancien et le Nouveau Testaments là où ils diffèrent de lui.

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Pour les chrétiens, comme pour les juifs, la Bible est la Parole de Dieu. Le Saint-Esprit a présidé à sa rédaction. La Bible ne peut pas faire l’objet de corrections. Elle reste la Parole de Dieu immuable pour l’éternité.

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Le Coran a été directement révélé à Mahomet par l’ange Gabriel. La personnalité de Mahomet lui-même n’a eu aucun rôle, ce qui garantit l’authenticité du Coran. Dans la tradition des religions bibliques, diverses personnes ont été inspirées par le Saint-Esprit, de sorte que la Bible reflète leurs caractères particuliers. La personnalité des auteurs bibliques est évidente dans chacun des livres.

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Selon le Coran, l’Esprit de Dieu était à l’œuvre dans la révélation des Ecritures qui ont été communiquées à des individus choisis au cours de l’histoire. Certains individus, comme Jésus, ont été remplis de la puissance de l’Esprit. Pour les chrétiens, la personne de l’Esprit-Saint est Dieu lui-même, et fait partie de la Trinité. C’est à la Pentecôte qu’il est venu. Il confère des dons spirituels aux croyants et produit du fruit en eux.

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Au-delà d'un semblable monothéisme de principe, commun à la Bible et au Coran, où juifs, chrétiens et musulmans se retrouvent, une divergence s'installe fortement entre le Nouveau Testament et le Coran. La conception de Dieu est totalement différente. Le Coran rejette l'incarnation : « A Dieu ne plaise d'avoir un enfant », « Il n'engendre pas et n'est pas engendré ». Un homme même crée miraculeusement par Dieu ne peut être Dieu. Le Coran s'oppose donc à toute la théologie chrétienne de la rédemption : Dieu qui par amour livre son fils afin de racheter les hommes du péché. Attention, la Trinité n'est pas, comme telle, présente dans le texte biblique du Nouveau Testament, elle n' y est qu'en germe, c'est la théologie chrétienne qui progressivement la mettra au point dans les premiers siècles lors des grands conciles.

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A aucun moment, quand le Coran se réfère à des textes de la Bible hébraïque ou à ceux de la Bible chrétienne, il ne les cite intégralement, dans leur forme originelle. Il est possible de conclure qu’il n’y a pas de véritable parenté entre la Bible et le Coran, en tout cas il n’y a pas d’équivalence entre références bibliques et références coraniques, que ce soit dans leur présentation, leur contenu, leur enchaînement ou l’interprétation. Et c’est précisément par l’interprétation des textes qu’il faut estimer et critiquer les religions monothéistes.

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Le sens est-il donné directement par la révélation, ou bien doit-on et alors comment peut-on interpréter le texte révélé, comment lui donner un sens pour tous les hommes ? Plusieurs attitudes, tant face à la Bible qu'au Coran, doivent être prises en compte. Le fondamentalisme doit être distingué d'une autre notion souvent utilisée, l'intégrisme. Il convient de peser le sens des mots : le fondamentalisme est une méthode qui postule le retour au texte et au texte seul.  

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Les fondamentalistes interprètent littéralement la Bible ou le Coran, ils prennent chacune de leurs affirmations comme ses fondements absolus, sans se préoccuper de ce qui se cache derrière les mots. Les fondamentalistes considèrent que ce qui écrit dans la Bible ou le Coran s'est véritablement passé. Cela permet de faire dire à la Bible ou au Coran ce qu’ils ne disent pas. Certaines phrases extraites de leur contexte peuvent être en effet très violentes. Cela conduit à une lecture rassurante, puisqu’il n'y a aucune remise en question. Selon cette acception, il existe un fondamentalisme chrétiens, musulman, etc.

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Le terme « intégrisme » a été forgé au quinzième siècle. Il désignait alors un parti catholique espagnol qui insistait sur le maintien de l’intégrité absolue des dogmes et des pratiques. Le mot « intégrisme » s'applique alors à tout rejet des nouveautés en matière religieuse, tout rejet d'adaptation à la modernité. L'intégrisme est une attitude figée dans un passé idéalisé, le rêve d'un âge d'or. Ce mouvement touche toutes les religions, le catholicisme sans doute, mais aussi le judaïsme et l'islam.

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L'islam n'est travaillé par les courants fondamentalistes que depuis le vingtième siècle, notamment en raison de la décolonisation de certains pays qui n’arrivent pas à se situer correctement sur un plan politique et social. Les fondamentalistes prennent pour parole éternelle des textes de circonstance.

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Par exemple, dans le monde de l’islam, lorsqu’un problème social, politique, psychologique ou identitaire surgit, on ouvre le Coran, on prend un verset isolé de son contexte et on le monte en épingle. De cette manière, l’intégrisme est plutôt un phénomène « socio-politico-économique » qu’une vision cultuelle ou spirituelle.

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Comment la majorité des croyants comprend-elle la révélation ? Telle est la question qu'il faut se poser de l'intérieur de chaque religion. Révéler signifie « lever le voile sur quelque chose de caché », seul Dieu, dans les trois religions monothéistes, peut prendre cette initiative, mais comment et dans quelles conditions ?

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Dans la Bible pour les Juifs, Dieu cherche à communiquer avec les hommes par son Esprit Saint, son « Souffle ». Dieu révèle et se révèle, il donne son nom, le fameux « tétragramme ». A Moïse, Dieu dicte ses décisions, sa Loi, puis son message est adressé à des prophètes, des hommes particuliers qui parlent en son nom et à sa place. Les mots du texte sont-ils d'origine divine, ou bien est-ce l'esprit du message qui est divin ? Il y a des théologiens juifs pour soutenir les deux considérations. La plupart du temps la révélation est comprise comme l'incarnation de la parole divine en langage humain limité. Tout se trouve dans le texte, aucun mot, aucun détail n'est inutile

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Pour les chrétiens, si en liturgie la formule « la Bible est la Parole de Dieu » est toujours acceptée, la réflexion critique dirait plutôt, que la Bible est une parole d'hommes inspirés par Dieu. Celui-ci respecte la liberté du prophète inspiré, lequel écrit avec les mots de son temps et de sa culture. Pour prendre une image, Dieu serait le directeur de collection de l'ouvrage « Bible » où chaque écrivain rédige sa partie en harmonie avec les autres. Cette conception de la révélation autorise l'exégèse, une lecture qui échappe au fondamentalisme.

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Pour les musulmans, le Coran est le seul message de Dieu aux hommes. Le monothéisme est le même depuis Adam, mais il doit être redéfini face aux dérives des hommes. On traduit souvent Coran par récitation, proclamation. Ce texte serait la parole même de Dieu dictée à Mahomet par l'intermédiaire de l'ange Gabriel : le Coran est « parole de Dieu » au sens fort, c'est à dire Dieu comme parole. Le Coran est pour l'islam, l'équivalent de Jésus-Christ dans le christianisme.

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Cette conception sacralise le Coran, mais désacralise le texte biblique, tout comme elle désacralise l'homme Mahomet qui n’est qu’un mortel, un prophète. Un musulman n'applique pas la méthode exégétique à son texte, un exemplaire du Coran ne peut être manipulé qu'en état de pureté rituelle : « Seuls ceux qui sont purs peuvent le toucher », même si l'original, qui est auprès de Dieu, ne peut être perçu que par Dieu et ses anges. Alors le Coran, en tant que texte lu par les hommes est-il authentique ?

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La question est de savoir s’il faut prendre la parole de Dieu à la lettre ou ne retenir que l'idée inspirée et écrite avec les mots d'une culture, selon des genres littéraires. Comment comprendre les contradictions des textes ? Quelle est la réponse des religions ?

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Pour les juifs et pour les chrétiens, si Dieu a créé l'homme, il l'a créé comme un être doué de raison : ne pas se servir de sa raison c'est offenser Dieu. La raison humaine doit être mise au service de la compréhension des textes révélés. Le texte biblique est écrit dans une culture humaine avec ses mots, ses images, sa conception du temps, sa langue et ses concepts, c'est-à-dire ses limites. Ainsi compris, chacun doit pouvoir distinguer dans le texte ce qui est écrit pour les circonstances de l'époque de rédaction, et ce qui peut-être de portée universelle.

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Pour comparer les deux religions, on doit utiliser à la fois la Bible et le Coran tels qu'ils sont et regarder les dogmes qui ont été créés au fil des siècles par l'Eglise. Il n’y a pas de "Credo" autre que la "shahâda" dans l’Islam. L’expression "Allâhu Akbar" (Dieu est plus grand) est souvent perçue par les chrétiens comme l’affirmation d’un Dieu qui domine tous les hommes. Dans l’esprit de beaucoup de chrétiens, Dieu, dans l’Islam, même s’il est le même que le Dieu des chrétiens, ne peut pas être approché, ni même réellement aimé par un musulman.

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Selon les musulmans, le prophète Mahomet s’inscrit dans la lignée des prophètes bibliques : il vient révéler parfaitement ce qu’avaient commencé à révéler les autres. Les croyants, qu’ils soient chrétiens ou juifs, ont déformé les Ecritures et se sont éloignés du chemin qui mène vers Dieu. C’est pourquoi Dieu, par l’intermédiaire de l’ange Gabriel, a chargé Mahomet de réciter aux hommes sa Parole, le Coran (littéralement : la récitation).

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Le Coran comporte cent quatorze chapitres appelés "sourates". Chaque chapitre a un nom, tiré d’un des premiers mots de la sourate, laquelle est divisée en versets (entre 5 et 286). La première al-fâtiha ("l’ouverture") en comporte 7, c’est la plus récitée. Presque tous les musulmans la connaissent par cœur et la récitent plusieurs fois par jour. Elles sont ensuite classées approximativement de la plus grande à la plus petite.

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Pour la plupart des musulmans, le Coran est littéralement Parole de Dieu. Mahomet n’est pas intervenu dans son élaboration, il n’en a été que le transmetteur "matériel" durant les vingt-trois années entre la première révélation (610) et sa mort (632). D’après la tradition il ne savait ni lire, ni écrire. Chaque mot, chaque lettre du Coran vient de Dieu lui-même.

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Zone de Texte: Jésus vu par un musulman

Parallèle Pater / Fatiha

I. Notre Père qui êtes aux cieux, que votre nom soit sanctifié ! 
Louange à Dieu, Seigneur des mondes, 

2. Que Votre règne arrive ! 
Le Tout-miséricorde, le Miséricordieux, 

3. Que Votre volonté soit faite sur la terre comme au ciel !
Roi du jour du Jugement ! 

4. Donnez-nous aujourd'hui notre pain de chaque jour,
Ô Toi que nous adorons, 
c'est Toi dont nous implorons le secours. 

5. Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, 
Guide-nous dans la Voie droite, 

6. Ne nous induisez pas en tentation, 
La Voie de ceux sur qui Tu répands Ta Grâce, 

7. Et délivrez-nous du mal. 
Non pas (la Voie) de ceux sur qui est Ton courroux, ni de ceux qui s'égarent. 

Amen! / Amine! 
(Traduction libre d'A. Hampâté Bâ)
 
(Non seulement la Fatiha « ouvre » le Coran, mais elle sacralise, ouvre et clôture toute cérémonie musulmane, ainsi que les actes importants de la vie. Le Notre Père est la prière que Jésus a enseigné à ses disciples, elle est récitée par les chrétiens quotidiennement et représente l’achèvement [dans le sens de perfection] de la prière du chrétien.)

Du coup, le Coran prend une valeur exceptionnelle parce qu’il révèle Dieu, pas simplement par son contenu, mais aussi par sa forme. Se mettre à l’écoute du Coran, ce n’est pas seulement comprendre ce que veut Dieu ; c’est se mettre en présence de Dieu lui-même.

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Si bien que lorsque le musulman veut rendre Dieu présent dans sa vie, le moyen privilégié par lequel il peut le faire est de réciter le Coran, tel qu’il a été reçu et récité par Mahomet : en arabe. Si le Coran a été dicté en arabe, c'est que l'arabe est la "langue de Dieu" et si on essaie de traduire l’arabe, comme une autre langue, on va interpréter et déformer la « perfection » du texte. C’est pourquoi tous les musulmans lisent le Coran en arabe pendant les prières, alors que les Arabes ne représentent que 16% des musulmans du monde.

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Certains musulmans considèrent néanmoins que le Coran a été inspiré par Dieu au Prophète Mahomet, mais que le prophète l’a aussi marqué de son empreinte humaine. Son statut s’approcherait alors davantage de la manière dont les chrétiens perçoivent la révélation biblique.

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La structure du texte coranique est toutefois différente de celle des ancien et nouveau testaments de la Bible chrétienne. Toutefois, le texte coranique est distinct dans son contenu, et comprend une distinction entre la Torah et l’Évangile originaux et ce que ceux-ci sont devenus, du fait des hommes.

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Le Coran parle des révélations antérieures. Les prophètes et messagers reconnus dans la Torah et l’Évangile sont eux mêmes reconnus dans le Coran. On y retrouve aussi bien Abraham (Ibrahim), Noé (Nouh), Moïse (Moussa), Jacob (Yaâcoub), Joseph (Youssouf), David (Daoud), Jésus (Aïssa), Jean Baptiste (Yahya). S’il est affirmé qu’Abraham était musulman, cela signifie simplement que le message porté par le prophète Mahomet ne fait que s’inscrire dans la continuité d’un message antérieur à lui, et qui a pris son point de départ dans le pacte transhistorique que Dieu a établi avec Adam.

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La figure de Jésus est centrale dans le christianisme. Les Chrétiens et les Musulmans aiment et respectent Jésus, fils de Marie. La question de la nature de Jésus est ce qui sépare les musulmans des Chrétiens. Mais combien de chrétiens savent que dans l'Islam aussi Jésus occupe un rang tout à fait à part ? Jésus est mentionné dans une quinzaine de sourates. Au total, on peut citer plus d'une centaine de versets qui lui sont consacrés. Jésus est le "sceau des saints" par rapport à Mahomet qui reçoit dans le Coran le titre de "sceau des prophètes". Mais au-delà de cette convergence, le Coran et la Bible ne nous présentent pas le même portait de Jésus. Au contraire, c'est la personne du Christ qui a contribué à développer la polémique au sein du dialogue islamo-chrétien.

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Dans les récits prophétiques du Coran, Jésus (Aïssa) occupe une place essentielle, bien que le texte coranique ne soit pas christocentrique. Issu d’une femme véridique (sainte), sa naissance, ses actes et sa fin sur terre sont des miracles de Dieu. Qui est donc Marie - Mariam - dans le Coran ? Le terme utilisé est celui de Siddiq, qui désigne le plus haut degré dans la piété, et ceux qui sont le plus proches de Dieu (tout comme la sainteté dans le christianisme).

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Marie, la véridique (al siddiqa), représente le summum de la pureté et de la piété. Sa vie représente un miracle. Dieu lui annonce, par un ange qu’elle est élue entre toutes les femmes. L’enfantement de Jésus est en lui-même un miracle, et un signe pour les humains. Ce qui est impossible à nos yeux, et selon notre perception des lois de la nature est possible à Dieu.

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Marie, retirée dans le temple, reçoit la visite de "l'Esprit de Dieu". Cet homme est identifié par la tradition musulmane comme étant "l'Archange Gabriel". Il lui annonce la naissance miraculeuse de Jésus, miraculeuse, parce que Marie a voué sa virginité à Dieu et qu'elle entend la garder.

85

Selon l'Islam l'ange Gabriel est l'ange de la révélation c'est lui qui a fait descendre le Coran sur Mahomet. Dans le Christianisme l'ange Gabriel annonce à Marie qu'elle allait être enceinte.

86

Mahomet et Marie étaient les deux porteurs du message divin et de sa parole : Mahomet était le porteur du Coran, Marie était la porteuse non de l'Evangile mais de Jésus. Le Coran est la parole de Dieu pour les musulmans de même que Jésus l'est pour les chrétiens. Jésus est la parole de Dieu faite chair. Il faut rappeler que le Coran aussi attribue à Jésus ce même titre de parole de Dieu.

87

Le Coran et Jésus représentent les deux messages de Dieu. Mahomet et Marie se présentent dans le l'Islam et dans le Christianisme comme les deux porteurs du message divin : le Coran et Jésus.

88

Jésus est prophète (nabi), et envoyé (rasoul). Comme tout prophète, il a une mission à remplir auprès du peuple d'Israël, une idée qui est en plein accord avec la conception coranique selon laquelle chaque prophète est adressé à un peuple particulier.

89

La place que Jésus occupe parmi tous les prophètes est éminente, la tradition musulmane distingue six grands prophètes : Adam, Noé, Abraham, Moïse, Jésus, et Mahomet. Les trois derniers Moïse, Jésus et Mahomet ont eu en commun d'avoir apporté chacun d'eux une loi qui fut consignée par écrit dans un livre.

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Comme Moïse a reçu la Torah, Jésus lui a reçu l'Evangile, qui contient une lumière capable de diriger et d'instruire tous ceux qui craignent Dieu (les chrétiens).

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jesus

La conception biblique présente Jésus comme un prophète d'un rang élevé, seulement elle interprète ce rôle dans un sens autre. Jésus, tel qu'il est présenté dans la Bible, est plus qu'un prophète, ou qu'un porte-parole de Dieu. L'Evangile de Jean, ainsi que l'auteur de l'épître aux Hébreux l'ont qualifié comme Parole de Dieu.

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Certains termes appliqués à Jésus dans le christianisme occupent une valeur capitale, ainsi : Jésus, fils de Dieu. Il faut préciser que derrière cette affirmation il ne se cache aucune atteinte à l'unité de Dieu. Il est très important de comprendre que quand les chrétiens l'affirment, cela ne veut dans aucun cas dire que Dieu est son géniteur, physique ou sexuel. Dieu est esprit, pour les musulmans et aussi pour les chrétiens. Cette affirmation est à prendre plutôt dans un sens purement spirituel. La filiation divine de Jésus, selon la Bible, est totalement distincte de celle que le Coran enseigne. Alors que le Coran parle d'un enfantement charnel (père, mère, fils), la Bible parle d'un engendrement spirituel qui unit le fils au père.

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Le Coran ne considère pas l'homme comme étant créé à l'image de Dieu. Dieu est si grand qu'il est inconcevable qu'il puisse s'incarner dans un homme. Cette optique s'oppose sur le fond à la conception chrétienne. Si l'Evangile apparaît comme une bonne nouvelle, c'est qu'il affirme que Dieu, après avoir envoyé des messagers, est venu habiter parmi les hommes. Dieu ne vient pas pour condamner les hommes, mais pour les sauver. On ne peut comprendre l'abaissement de Dieu que si on est convaincu de son amour pour nous. Durant son ministère, Jésus s'est montré comme étant le prophète par excellence, le prophète qui a fait connaître Dieu aux hommes. Non pas parce qu'il dit, mais par ce qu'il est.

94

La révélation fondamentale que Jésus a faite, c'est que Dieu est un père pour nous, un père qui aime ses enfants et qui veut les sauver. Jésus est le fils de Dieu dans le sens où il est l'image parfaite qui révèle Dieu dans sa personne.

95

 

Cependant le Coran affirme de manière claire que Jésus ne peut être en aucun cas associé à Dieu, car c’était un homme, même s’il était doué de charismes exceptionnels. Le point le plus sensible du débat islamo-chrétien est celui de la divinité de Jésus. Une divinité que les chrétiens considèrent comme le point culminant de la révélation biblique et que les musulmans rejettent en la considérant comme l'une des plus graves atteintes à l'unicité de Dieu. Malgré sa grande vénération pour le fils de Marie, le Coran entend bien qu'on ne lui attribue d'aucune manière la divinité.

96

La conception coranique de la trinité parait comme une conception de triade, triade composée d'Allah (Dieu), de Marie (l'épouse) et de Jésus, leur fils. C'est cette trinité qui est condamnée par le Coran. Le monothéisme trinitaire enseigné par la Bible s'oppose au trithéisme dénoncé par le Coran. Jésus est la seconde personne de la trinité, non pas un Dieu parmi trois dieux comme l'affirme le Coran.

97

Le monothéisme coranique est un monothéisme radicalisé, excluant tout mystère intérieur à Dieu. Les musulmans adorent certes un Dieu Unique, mais ce Dieu est Un, seulement Un, c'est-à-dire solitaire, souverain, inaccessible, tout-autre, étranger au Dieu Amour. L'insistance est mise sur la toute-puissance divine, sur la transcendance de Dieu. Si Dieu reste aussi lointain, il ne saurait évidemment rien partager avec ses créatures. D'ailleurs, le Coran ne reprend pas ce passage essentiel de l'Ancien Testament selon lequel Dieu a créé l'homme à son image et à sa ressemblance, mais il précise : "Dieu, rien ne Lui est semblable".

98

En adorant un Dieu trinitaire, les chrétiens se rendent coupables, aux yeux du Coran, de donner des "associés" au Dieu unique. C'est l'associationnisme, le pire des péchés puisqu'il est le seul irrémissible. Dans la foi islamique, la transcendance est telle qu'elle rend impensable l'Incarnation, d'autant que cette dernière est comprise comme une filiation biologique, les musulmans ignorant la génération par l'Esprit. C'est d'ailleurs pourquoi l'islam ne connaît pas la virginité consacrée, fait du mariage et de la procréation un devoir de religion et considère souvent le célibat subi somme une malédiction divine.

99

L'islam ignore le péché originel (Adam a commis une faute mais il s'est aussitôt repenti et tout est rentré dans l'ordre), la Rédemption est donc sans objet. Pour les musulmans, l'Incarnation n'a aucune raison d'être puisqu'elle manifeste le désir de Dieu de racheter l'humanité de son péché originel.

100

Jésus est un homme comme tous les autres, même s’il a développé des pouvoirs extraordinaires ; son nom coranique, Issa, ne veut pas dire "Dieu sauve", comme l'enseigne l'Evangile de Saint Matthieu. Issa, qui ne serait qu'un dérivé d'Esaü, ne se traduit pas. Sachant l'importance du nom dans les langues sémitiques, qui indique l'être, la vocation de son titulaire, comment ne pas en déduire que le Jésus musulman n'est pas le Jésus chrétien ?

101

En fait, si Issa a bénéficié d'une conception hors-normes et d'autres privilèges (faculté d'accomplir des prodiges, faits qui sont empruntés aux évangiles apocryphes), c'est pour les besoins de sa mission prophétique : celle-ci a consisté à apporter un Livre (l'Injîl : l'Evangile) et surtout à annoncer la venue de Mahomet que les musulmans croient découvrir sous le nom de Paraclet. Selon la tradition, Issa reviendra à la fin des temps mais ce sera pour confirmer l'islam comme "vraie religion".

102

Les chrétiens sont parfois impressionnés par la place que tient Jésus dans le Coran. Mais ce n’est pas celui auquel ils ont donné leur foi. Le Jésus du Coran répète ce qu’avaient annoncé les prophètes antérieurs, en effet, tous les prophètes ont le même savoir et proclament le même message, qui est l’islam. Tous sont musulmans. Jésus est envoyé pour prêcher l’unicité de Dieu. Il n’est pas le fils de Dieu, mais une simple créature. Il n’est pas un médiateur, parce que l’islam ignore la médiation. Comme il est pour l’islam inconcevable qu’un envoyé de Dieu soit vaincu, Jésus n’est pas mort sur la croix. Un sosie lui a été substitué.

103

Etant seulement homme, il n'a pas pu ressusciter trois jours après sa mort. Au demeurant, si la foi islamique exclut la nécessité d'une Rédemption, elle ne peut pas accepter la Passion et la Mort de Jésus sur la croix. Dieu tout-puissant ne peut pas avoir sacrifié ainsi son "Envoyé".

104

Les musulmans ont une foi très forte dans le monde invisible. Le Coran parle des anges et des jinns, sorte d’êtres spirituels, parmi lesquels il y a des croyants et des incroyants. Parmi les anges, deux ont une importance particulière : l’ange Gabriel, le messager de Dieu, et Satan, l’esprit du mal qui égare les hommes et les détourne du droit chemin. Comme les chrétiens, les musulmans affirment que l’homme, durant sa vie, doit mener une lutte contre le mal qui le pousse à renier Dieu et à se mettre en avant. Cette force ne vient pas de Dieu, mais de ceux qui ont refusé Dieu dont Satan est la figure symbolique.

105

La prédication sur le dernier jour a été un des premiers thèmes abordés par le Prophète. La résurrection des morts est affirmée de manière très claire dans le Coran. Les hommes paraîtront devant Dieu pour la reddition des comptes. Ce "jugement dernier" se fera suivant les actes de chacun : pas un atome de bien ou de mal n'y échappera. Après le jugement, les injustes seront conduits en enfer et les bons au paradis ; le coran décrit, selon un mode imagé, ces "deux demeures" éternelles en transposant dans l'au-delà les joies et les peines suprêmes du monde et de la civilisation du temps du Prophète.

106

On se moque parfois du paradis musulman. C’est à tort. Certes, il n’est pas comme le paradis juif et chrétien une vision de Dieu et une participation à la vie divine. Dans l’au-delà, Dieu reste séparé et inaccessible. Mais l’homme y trouve avec le pardon et la paix la satisfaction. La Bible fait parcourir à l’homme un itinéraire qui commence dans un jardin, l’Eden, et finit dans une ville, la Jérusalem céleste. Dans le Coran, il revient au jardin. Les mythologies antiques nous offrent les mêmes images de banquets idéaux où circulent les coupes, les éphèbes, les jeunes vierges, dans un même climat de satisfaction de tous les désirs.

107

Juifs et chrétiens, peuvent-ils reconnaître la Bible dans le Coran ? La réponse est non. Quels sont les rapports de filiation entre la Bible et le Coran ? Aucun, assurent les musulmans. Mahomet était illettré. S’il y a des coïncidences, c’est bien naturel, puisque le même message a été adressé à tous les « envoyés » et s’il y a des divergences, c’est parce que juifs et chrétiens l’ont tronqué et faussé. Cela, les chrétiens ne peuvent le croire. Mahomet avait une certaine connaissance de la Bible. Médine était pleine de juifs et de chrétiens de diverses sectes. Pour un familier de la Bible, les figures bibliques citées dans le Coran paraissent à la fois identifiables et déformées.

108

L’islam est étranger à l’idée d’une révélation progressive. Le message divin est infusé dès le premier homme, dès Adam, le premier prophète. Simplement les hommes oublient le message et la répétition du même devient nécessaire. Mahomet est le dernier envoyé et le définitif réformateur.

109

Le Dieu Un, qui réclame la soumission, est un Dieu séparé. L’appeler Père est un anthropomorphisme sacrilège. Dieu a condescendu à faire descendre une loi sacrée. Il demande l’obéissance. Il ne s’engage pas dans une relation. Le Dieu musulman est impassible absolument et lui prêter de l’amour serait suspect.