La conception catholique de l'Eglise

 

En employant pour signifier leur rassemblement le terme du grec profane « église », les premiers chrétiens ont aussi voulu dépasser la dimension de l'assemblée populaire, pour indiquer que leur rassem­blement était celui du peuple de Dieu convoqué pour célébrer le culte divin. Le même mot désigne aussi bien une église locale que l'ensem­ble de la chrétienté, ce qui se présente comme l'Eglise universelle.

Le catholicisme souligne premièrement la visibilité de l'Eglise, visibi­lité qui repose sur le corps social qu'est l'ensemble des hommes ras­semblés par leur foi en Jésus-Christ, Sauveur. A la suite du deuxième concile oecuménique du Vatican (1962-1965), le catholicisme s'est affranchi de la hantise de la pri­mauté par rapport aux autres confes­sions chrétiennes, comme il s'est affranchi de la hantise de la pri­mauté de l'évêque de Rome sur les autres évêques. Le nombre d'Égli­ses chrétiennes historiquement apparues rend impossible la revendi­cation d'absolu par l'une d'entre elles, et particulièrement par l'Eglise catholique romaine, en ce sens qu'elle prétendrait être la seule véri­tablement universelle, mais aussi la seule voie d'accès au salut pour les hommes. L'Eglise catholique devient une des for­mes de l'uni­que Eglise de Jésus-Christ. C'est là une réforme impor­tante, voire une révolution, dans la conception du catholicisme.

La particularité d'une Eglise ne peut couvrir l'universalité de l'unique Eglise, tout au plus peut-elle signifier un caractère de visibilité, qui est une nécessité pour les croyants. Le Christ n'a pas confié son message dans un livre, où il aurait donné lui-même les instructions né­cessaires au salut. Son message, il l'a confié à des hommes, risquant alors qu'il soit mal compris par les uns, trahi par d'autres. Confié à des hommes, ce message a été codifié au cours des siècles, afin d'as­surer sa permanence dans une reconnais­sance mu­tuelle des croyants. Cette codification se trouve dans les symboles de la foi : Symbole des Apôtres et Symbole de Ni­cée-Constantinople (325-381). Ce ne sont pas d'abord des règles dogmatiques de la foi, mais plutôt des opérateurs de recon­naissance entre croyants. Il est remarquable que ces sym­boles demeurent dans les confessions chrétiennes, alors même qu'elles peuvent interpréter différemment tel ou tel énoncé. Aussi certains pour­ront-ils être surpris d'entendre, au cours d'un culte réformé, la pro­clamation de la foi : « Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique », les protestants parlant alors de la catholicité de l'Eglise, dans une acception différente de l'Eglise ca­tholique, qui se spécifie immédiatement dans son rapport à Rome.

La seconde distinction du catholicisme réside dans l'importance ac­cordée à la Tradition. Sans dire que cette dernière occupe une place aussi capi­tale que la Bible, il faut convenir que l'Eglise catholique, no­tamment depuis le concile de Trente (1545-1563), reconnaît comme seconde source de la révélation les traditions dont l'histoire est remplie, comme les textes des Pères de l'Eglise ancienne et les dé­clarations des conciles. Seulement, il ne saurait être ques­tion de faire de ces traditions quelque chose de figé ou de mécani­que. Il faut les considérer comme le développement de l'événement. D'ailleurs, on peut distinguer deux formes à la conception de la tradition. Premiè­rement, la tradition apostolique est divine, en ce que les apôtres sont les organes transmetteurs de l'Es­prit qui leur fait découvrir la pro­fondeur du mes­sage. Deuxièmement, par suite de la disparition des apôtres, s'installe la tradition ecclésiastique : celle-ci est un proces­sus hu­main, bien que pas simplement humain, en ce sens que ce sont des hommes qui transmettent l'héritage du Christ et des apôtres, mais qu'ils ne le font pas indépendamment de l'action de l'Esprit-Saint. La tradition, dans le sens que peut lui don­ner le catho­licisme, vient au secours de l'Écriture pour lui donner un principe d'interpré­tation, un éclairage qui ne se trouve pas immédia­tement dans Écri­ture. Il ne s'agit pas pour la tradition de supplanter le mes­sage, mais de lui don­ner une intelligibilité adaptée à une époque de l'histoire et reconnue à travers toutes les Églises rattachées à Rome. D'ail­leurs, l'Eglise catholique pourrait se définir comme une tradition vi­vante : elle a la mission de trans­mettre ce qui a été confié aux apô­tres, il ne s'agit pas pour elle de se fixer dans une forme unique de la tradition, en ex­cluant les apports plus récents du dogme ou de la réflexion théologique.

C'est au sujet de la tradition que s'est déclenchée, après le concile Vatican II, une crise à l'intérieur de l'Eglise, le tra­ditio­nalisme cris­tallisé autour de Monseigneur Lefebvre ; à toutes les époques, et particulièrement après les conciles, des hommes ont pro­clamé leur attachement aux traditions plus anciennes et manifesté leur scepti­cisme devant les innovations. Marcel Le­feb­vre, depuis l'achèvement du concile n'a cessé de re­vendi­quer le droit de faire l'expérience de la tradition. Seulement, sa conception de la tradition, dans l'Eglise, s'arrête à une certaine épo­que : il ne voulait pas reconnaître comme faisant intégralement partie de la tradition les dernières décisions conciliaires. Il est légitime de poursuivre les règles admises autre­fois, mais la tradition de l'Eglise est une tradition vivante, elle n'est ja­mais achevée. Aussi ne convient-il pas d'exclure les déclarations les plus récentes de l'Eglise en son magis­tère.

La tradition ne peut pas s'ossifier dans des formules du passé, cer­tainement saintes et d'une vénérable antiquité, mais qui interdisent tout effort pour une adaptation aux exigences de l'évangéli­sation du monde. L'aggiornamento réclamé avec une insistance pro­phétique par Jean XXIII, ne va à l'en­contre ni de la foi ni de la tradition ; ce n'est pas une tentative dé­sordonnée, une « mise au goût du jour » de l'Évangile et du dogme. C'est une bouffée d'air pur, apportée à une Eglise qui se sclérosait et qui était déphasée par rapport au monde, enfermée dans des sché­mas hérités d'un monde socioculturel ancien : « L'Eglise, déclarait Jean XXIII, ne doit pas se replier sur elle-même, mais aller de l'avant ». Cela ne peut se faire que dans un lan­gage pouvant être compris par les hommes de l’époque contem­poraine.

L'Eglise de Rome est re­connue depuis les pre­miers siècles comme l'Eglise mère de toutes les Églises, mais ce sta­tut n'implique pas une suprématie tyrannique : être mère des Églises signifie être au ser­vice de toutes les Églises qui rassemblent l'uni­que peuple de Dieu. C'est une des redé­couver­tes du dernier concile que d'avoir restauré cet aspect de ser­vice dans le catholi­cisme, oubliant la tentation de suprématie absolue, qui avait été le fait des générations antérieures.

Selon la tradition, le pape, évêque de Rome, jouit d'une si­tuation par­ticulière ; si la succession apostolique est la permanence du service confié aux apô­tres, un service a été réservé à Pierre, qui a terminé sa vie, par le martyre, à Rome. Les écrits du Nouveau Testa­ment souli­gnent une certaine primauté de Pierre, dans le collège des apôtres. Un changement de nom est même lié à la voca­tion de Pierre : Simon, le pêcheur, sera appelé Pierre, en araméen Cé­phas, c'est-à-dire Roc. Ce nom est resté, surclas­sant celui de Simon ; dans la mentalité sémi­tique, le chan­gement de nom marque un changement de personnalité ; en donnant à Simon, dont le caractère était spontané, impétueux, le nom de Pierre, Jésus lui crée une per­sonnalité nouvelle, à lui qui était si peu, par na­ture, un roc. La tradi­tion fait appel à un texte évan­géli­que pour justifier la pri­mauté de Pierre : dans l'évangile se­lon Mat­thieu, Pierre reçoit une promesse de Jésus : « Et moi, je te le dé­clare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux. (Mt. 16, 18-19). La question importante est de savoir si cette pro­messe vise seule­ment Pierre ou si elle vise également ses succes­seurs. Pierre ne sem­ble pas avoir emporté dans la tombe ses privilè­ges, car l'Eglise aurait res­senti sa mort comme un événe­ment capital, alors que sa mort ne semble pas avoir marqué un chan­gement de structure dans la vie de l'Eglise. Bien que la plupart des écrits néo­testamentaires aient été rédigés après sa mort, aucun n'en fait men­tion. Aussi les catholiques pen­sent-ils que la promesse de Jésus à Pierre a une valeur et une portée pour toute l'histoire de l'Eglise.

Ce serait faire un ana­chro­nisme que de chercher dans l’Écriture une jus­tification à la com­préhension actuelle de la primauté de l'évê­que de Rome. Bien que contestée encore par de nombreux chrétiens, la pa­pauté, en tant qu'elle manifeste la succession de Pierre, occupe une place privilégiée dans la conception que les catho­liques romains se font de l'Eglise. La tradi­tion affirme que Pierre est venu à Rome et que c'est sur sa tombe qu'a été édifiée la basilique Saint-Pierre. Les fouilles, entreprises sous Pie XII, au cours de la seconde guerre mondiale, ont confirmé que Pierre a subi le martyre sous la persécu­tion de Néron, aux alen­tours de l'an­née 67 et qu'il a été enseveli à proximité du lieu de son supplice, sur la colline du Vatican. Et, le 26 juin 1968, Paul VI affir­mait : « Les reliques de saint Pierre ont été identifiées d'une façon que nous pouvons considérer comme convain­cante ». La présence de nombreuses tombes, tassées autour d'une même tombe, permet de penser que les chrétiens de Rome voulaient rece­voir leur sépulture dans la proximité de celui qui avait été leur premier pasteur. La construction d'une ba­silique, sous Constan­tin, confirme l’hypo­thèse de la présence du tombeau de Pierre. La na­ture et la position de ce terrain où fut édifiée la basilique apparaissent comme un choix contraire au bon sens, ce qui mar­que l'importance que les communautés ro­maines ont accordée à ce lieu.

En dehors de Rome, les Églises catholiques ont reconnu que le privi­lège confié à Pierre s'était transmis à ses successeurs ; mais, dès les premiers siècles, les Églises d'Afrique et d'Orient ne donnaient pas le même sens ; l'autorité de Rome n'était pas considérée comme iso­lée de l'autorité des autres sièges apos­toliques. Le dogme de la pri­mauté de l'Eglise romaine a été affirmé par le deuxième concile de Lyon, où l'Eglise d'Orient ne fut pas vérita­blement représentée : « La sainte Eglise romaine possède aussi la primauté et autorité sou­ve­raine et entière sur l'ensemble de l'Eglise catholique. Elle recon­naît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du pou­voir, du Seigneur lui-même, en la per­sonne du bienheureux Pierre... A elle sont soumises toutes les Églises dont les pré­lats lui rendent obéissance et révérence » (6 juillet 1274). Le concile de Flo­rence, où l'Eglise grecque participa active­ment, dé­finit, par un dé­cret la primauté du pape sur toute l'Eglise et l'ordre des sièges pa­triarcaux : « Nous définissons aussi que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre ; que ce pontife ro­main est le successeur du bien­heureux Pierre... En outre, nous déclarons de nou­veau l'ordre des au­tres vénéra­bles patriarches, transmis dans les ca­nons : le patriarche de Constan­tinople est le deuxième après le très saint pontife romain, celui d'Alexandrie le troisième, celui d'Antio­che le quatrième, celui de Jé­rusalem le cin­quième, tous leurs privilè­ges et droits étant évi­dem­ment saufs » (6 juillet 1439).

Le premier concile du Vatican définit, en des termes comparables, l'institution de la primauté apostolique du siège romain : « Nous en­seignons donc et déclarons, suivant les témoignages de Évan­gile que la primauté de juridiction sur toute l'Eglise de Dieu a été promise et donnée immédiatement et directe­ment au bienheureux apôtre Pierre par le Christ notre Seigneur… C'est pourquoi, nous attachant fidèle­ment à la tradition reçue dès l'origine de la foi chrétienne… nous en­sei­gnons et définissons comme un dogme révélé de Dieu : le pontife ro­main, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens,… jouit… de cette in­faillibilité dont le divin rédempteur a voulu que fut pourvue son Eglise lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs » (18 juillet 1870). En fait, les papes n’ont guère utilisé cette sorte de pri­vilège. La seule occasion où un pape a fait usage de l’infaillibilité fut la définition so­lennelle du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, par Pie XII, en 1950. II ne le fit d’ailleurs pas sans avoir consulté tous les évêques et obtenu leur adhésion quasi unanime. Signe que l’assistance divine qui garantit l’exercice de l’enseignement pontifical ne place pas le pape au-dessus de l’Eglise : c’est au nom de toute l’Eglise qu’il parle, dans la solidarité avec les autres évêques.

La lumière portée sur le pape et son infaillibilité a mis les évêques quelque peu dans l'ombre. A la fin du dix-neuvième siècle, et pendant près d'un siècle, les évêques n'avaient guère leur mot à dire sur la marche des affaires de l'Eglise. D'ailleurs, juste après Vatican I, le schisme des «  Vieux catholiques » a mis en re­lief le fait que les évê­ques n'avaient qu'un rôle très limité, en face du pouvoir presque in­conditionnel du pape. Vatican II allait rétablir la si­tuation : les évê­ques forment autour du pape et avec lui un groupe solidaire dans l'administration et la charge pastorale.

La grande innovation de Vatican II a été le renversement de pers­pective dans la compréhension de l'Eglise. Jusqu'à ce Concile, l'Eglise était considérée comme une pyramide : le pape au sommet, puis les évêques soumis au pape, puis les prêtres soumis à leur évê­que, et en­fin les fidèles qui devaient être soumis à tous. Le deuxième concile du Vatican a remis l'Eglise sur ses pieds : l'Eglise est d'abord une insti­tution de service, le pape n'étant que le premier des serviteurs de Dieu. Ce qui compte, c'est la dimension de peuple de Dieu. Elle n'est pas sim­plement constituée par le pape, les évêques et les curés... Elle est une communion des baptisés, et la hié­rarchie est au service de tout le peuple de Dieu, et non pas l'inverse.

« Un pape, pour quoi faire ? ». Cette question peut paraître incongrue aux catholiques fervents mais elle se pose sérieusement dans les mentalités. Le nom de « pape » dérive de « papa » (titre d’honneur si­gnifiant : père) ; ce titre était donné, jusqu’au septième siècle, à tous les évêques, même si, à partir du sixième siècle, il tendait à être ré­servé spécialement à l’évêque de Rome, qui est aussi alors dé­signé sous les noms de « vicaire du Christ » et de « souverain pon­tife ». Le terme de « papauté » apparaît à la fin du onzième siècle, en même temps que l’usage du terme « curie » pour désigner l’administration centrale et romaine de l’Eglise catholique.

Il est bon de rappeler que ce ne sont pas les apôtres qui ont choisi Pierre pour être leur chef et le successeur du Christ : c’est Jésus lui-même qui a institué Pierre comme la pierre sur laquelle il pourrait édifier son Eglise. On ne connaît pas les noms des succes­seurs immé­diats de Pierre, bien que la tradition ait suppléé à la ca­rence des do­cuments authentiques pour éta­blir la suc­cession aposto­lique de Rome : il n’est donc pas possible de savoir comment le suc­cesseur de Pierre a pu être choisi... En ce do­maine, l’Eglise a aussi tâ­tonné au cours des siècles pour parvenir au mode de désignation ac­tuel.

Aux premiers siècles, l’élection de l’évêque de Rome se déroulait de la même manière que le choix des autres évêques, par le suffrage du peuple rassemblé autour de ses prêtres. Un tel mode de dé­signation ne devait pas tarder à dégénérer, puisque les chré­tiens supportaient un candidat et n’hésitaient pas à en venir aux mains pour imposer leur choix devant ceux qui en suppor­taient un autre. Il fallut même que l’administration impériale intervienne dans une élection, si bien que l’empereur ne résistait pas à la tentation d’imposer son candidat. Cer­tains papes demandèrent l’appui des empereurs ou des rois chrétiens pour veiller à l’élection de leur successeur. La pa­pauté n’allait pas tarder à tomber entre les mains des grandes famil­les de l’époque... Une réforme s’imposait : en 1059, Nicolas II promulguait une loi nou­velle, réser­vant aux seuls cardinaux le pouvoir d’élire le pape. L’élection des pa­pes ne de­vait plus être l’affaire des laïcs. Malgré les réformes relati­ves à la modalité du scrutin depuis cette décision, le principe du monopole des cardinaux n’a jamais été modifié, bien que certains pères conciliaires, à Vati­can II, l’aient trouvé anachronique et au­raient préféré une désignation du pape par les représentants du col­lège épiscopal ; Paul VI, d’abord favorable à une telle proposition a finalement préféré ne pas dénaturer l’élection tradi­tionnelle, arguant du fait que Pierre n’avait pas été choisi par les apô­tres, mais par le Christ, et qu’un tel mode de désignation n’aurait fait que copier les scrutins humains, faisant du pape le délégué de ses pairs. En droit, l’évêque de Rome est élu par le clergé romain, représenté par les car­dinaux : la majorité des deux tiers est requise pour que l’élection soit validée. Mais il fallut attendre Pie X, en janvier 1904, pour que le droit de veto accordé aux puissances civiles soit aboli. Les élections se font dans le secret du conclave, terme qui signifie : « sous clé ». Cette forme d’élection remonte à 1271 : dix-sept cardinaux ne parve­naient pas à s’entendre pour élire un nouveau pape. Devant la longueur des délibérations, le peuple mit ces cardinaux au pain et à l’eau, pour leur apprendre un peu de sagesse : cette méthode, qui forçait quel­que peu la main des cardi­naux, fut approuvée par le nouvel élu, Gré­goire X, qui l’érigea en règle pour l’avenir.

Quand les cardinaux se rassemblent pour élire un succes­seur au trône de Pierre, ils sont isolés du monde exté­rieur ... Tous les accès aux locaux où ils sont enfermés sont scellés... et les locaux eux-mê­mes sont jugés inconfortables par les cardinaux, si bien que la tradi­tion inaugurée à Viterbe demeure vivante. L’élu n’est pas nécessaire­ment un Italien, bien que, souvent, dans le cours de l’histoire, ce soit des Italiens qui ont eu le plus fréquem­ment accès au trône de Pierre. Sur les 265 papes jusqu’à Jean-Paul II inclus, 211 furent Ita­liens, dont 98 Romains, 2 sont d’origine inconnue et 52 furent étran­gers à l’Italie, à commencer par Pierre, qui était Palestinien. Tout ca­tholi­que, de sexe masculin, est éligible : et il est arrivé que des laïcs, tels que Benoît VIII ou Jean XIX aient été élus; dans le cas où l’élu se­rait laïc ou simple prêtre, il devrait se faire ordonner évêque avant un délai de trois mois pour accéder à la charge pontificale.

Lorsque la majorité est acquise, le cardinal doyen ou ca­merlingue de l’Eglise, qui assure l’intérim entre deux pontificats, demande au nou­vel élu s’il accepte son élection : « Ac­ceptez-vous votre élection, faite selon les règles canoniques, au sou­verain pontificat ? » L’élu qui accepte est immédiatement considéré comme le pape, et sa juridic­tion s’étend, à l’instant tous les catholiques : chaque cardinal vient faire obédience au nouvel élu qui choisit le nom par le­quel il veut être appelé. Après cette obédience, le nom du nouveau pape est annoncé aux fidèles assemblés sur la place Saint-Pierre et au monde entier, par l’intermédiaire de la télévision : le pape donne alors sa première bénédiction « urbi et orbi », à la ville de Rome et au monde.

Pendant près d’un millénaire, jusqu’à Paul VI, le nouveau pon­tificat était marqué par le rite du couronnement : le pape était couronné d’une tiare à triple couronne, signifiant qu’il était le père des princes et des rois, le guide visible du monde et le vicaire du Christ dans l’ensemble de l’Eglise : la papauté était considérée comme un pouvoir temporel qui pouvait s’exercer en tous les domai­nes. Paul VI recom­manda de renoncer à cette pratique ana­chronique. Jean-Paul I et Jean-Paul II ont poursuivi cette évolution, en abolissant la cérémonie du couronnement par une intronisation li­turgique, avec la remise du « pallium », bande de laine blanche marquée de croix noires, dont la signification est la juridiction archi­épiscopale. Au lendemain de cette célébration, purement liturgique, le nouveau pape prend officielle­ment possession de son diocèse de Rome, en visitant la cathédrale romaine de saint Jean de Latran, en présence du clergé et des fidè­les de la cité romaine, réunie dans leur église-cathédrale.

Ordre      Année            Nom & Origine

 

   1                33            Pierre (st) Galiléen

   2                67            Lin (st)

   3                76            Clet (st) Romain

   4                88            Clément I (st) Romain

   5                97            Evariste (st) Grec

   6              105            Alexandre I Romain

   7              115            Sixte I (st) Romain

   8              125            Télesphore (st) Grec

   9              136            Hygin (st) Grec

 10              140            Pie I (st) Italien

 11              155            Anicet (st) Syrien

 12              166            Soter (st) Campanien

 13              175            Eleuthère (st) Grec

 14              189            Victor I (st) Africain

 15              199            Zéphyrin (st) Romain

 16              217            Calixte I (st) Romain

 17              222            Urbain I (st) Romain

                   217-235    Hippolyte (st), antipape Romain

 18              230            Pontien (st) Romain

 19              235            Anthère (st) Grec

 20              236            Fabien (st) Romain

 21              251            Corneille (st) Romain

                   251            Novatien, antipape

 22              253            Lucius I (st) Romain

 23              254            Etienne I (st) Romain

 24              257            Sixte II (st) Grec

 25              259            Denys (st)

 26              269            Félix I (st) Romain

 27              275            Eutychien (st)

 28              263            Caïus (st) Dalmate

 29              296            Marcelin (st) Romain

 30              308            Marcel I (st) Romain

 31              309            Eusèbe (st) Grec

 32              311            Miltiade (st) Africain

 33              314            Sylvestre I (st) Romain

 34              336            Marc (st) Romain

 35              337            Jules I (st) Romain

 36              352            Libère (st) Romain

                   355-365    Félix II, antipape

 37              366            Damase I (st) Espagnol

                   366-367    Ursinus, antipape

 38              384            Sirice (st) Romain

 39              399            Anastase I (st) Romain

 40              401            Innocent I (st) Albanais

 41              417            Zosime (st) Grec

 42              418            Boniface I (st) Romain

                   418-419    Eulalius, antipape

 43              422            Célestin I (st) Campanien

 44              432            Sixte III (st) Italien

 45              440            Léon I le grand (st) Italien

 46              461            Hilaire (st) Sarde

 47              468            Simplice (st) Italien

 48              483            Félix III (st) Romain

 49              492            Gélase I (st) Africain

 50              496            Anastase II Romain

 51              498            Symmaque (st) Sarde

                   498-505    Laurent, antipape

 52              514            Hormisdas (st) Italien

 53              523            Jean I (st) Italien

 54              526            Félix IV (st) Italien

 55              530            Boniface II Romain

                   530            Dioscore, antipape

 56              533            Jean II Romain

 57              535            Agapet I (st) Romain

 58              536            Silvère Italien

 59              537            Vigile Romain

 60              556            Pélage I Romain

 61              561            Jean III Italien

 62              575            Benoît I Romain

 63              579            Pélage II Romain

 64              590            Grégoire I le Grand Romain

 65              604            Sabinien Italien

 66              607            Boniface III Romain

 67              608            Boniface IV (st) Italien

 68              615            Dieudonné I (st) Romain

 69              619            Boniface V Italien

 70              625            Honorius I Campanien

 71              640            Séverin Romain

 72              640            Jean IV Dalmate

 73              642            Théodore I Grec

 74              649            Martin I (st) Italien

 75              654            Eugène I (st) Romain

 76              657            Vitalien (st) Italien

 77              672            Adéodat Romain

 78              676            Donus Romain

 79              678            Agathon (st) Italien

 80              682            Léon II (st) Italien

 81              684            Benoît II (st) Romain

 82              685            Jean V Syrien

 83              686            Conon Italien

                   687            Théodore et Pascal, antipapes

 84              687            Serge I (st) Syrien

 85              701            Jean VI Grec

 86              705            Jean VII Grec

 87              708            Sisinnius Syrien

 88              708            Constantin Syrien

 89              715            Grégoire II (st) Romain

 90              731            Grégoire III (st) Syrien

 91              741            Zacharie (st) Grec

 92              752            Etienne Italien

          celui-ci, étant mort avant sa consécration qui marquait le début du pontificat officiel, n’est pas enregistré dans la suite des papes.

 93              752            Etienne II Romain

 94              757            Paul I (st) Romain

                   767-769     Constantin, antipape

                   768            Philippe, antipape

 95              768            Etienne III (st) Italien

 96              772            Adrien I Romain

 97              795            Léon III (st) Romain

 98              816            Etienne IV Romain

 99              817            Pascal I (st) Romain

100             824            Eugène II Romain

101             827            Valentin Romain

102             827            Grégoire IV Romain

                   844            Jean, antipape

103             844            Serge II Romain

104             847            Léon I V (st) Romain

105             855            Benoît III Romain

                   855            Anastase, antipape

106             858            Nicolas I (st) Romain

107             867            Adrien II Romain

108             872            Jean VIII Romain

109             882            Marin I Italien

110             884            Adrien III (st) Romain

111             885            Etienne V Romain

112             891            Formose Italien

113             896            Boniface VI Italien

114             896            Etienne VI Romain

115             897            Romain Italien

116             897            Théodore II Romain

117             898            Jean IX Italien

118             900            Benoît IV Romain

119             903            Léon V Italien

                   903-904    Christophore, antipape

120             904            Serge III Romain

121             911            Anastase III Romain

122             913            Landon Italien

123             914            Jean X Italien

124             928            Léon VI Italien

125             928            Etienne VII Romain

126             931            Jean XI Romain

127             936            Léon VII Romain

128             939            Etienne VIII Romain

129             942            Marin II Romain

130             946            Agapet II Italien

131             955            Jean XII Romain

132             963            Léon VIII laïc Romain

133             964            Benoît V Romain

134             965            Jean XIII Romain

135             973            Benoît VI Romain

                   974            Boniface VII, antipape

136             974            Benoît VII Romain

137             983            Jean XIV Italien

                  984              Boniface VII, de nouveau, antipape

138             985            Jean XV Romain

139             996            Grégoire V Saxon

                   997            Jean XVI, antipape

140             999            Sylvestre II Français

141           1003            Jean XVII Romain

142           1004            Jean XVIII Romain

143           1009            Serge IV Romain

144           1012            Benoît VIII Italien

                 1012            Grégoire, antipape

145           1024            Jean XIX laïc Italien

146           1032            Benoît IX Italien

                 célèbre pour ses dérèglements, il sera déposé

147           1045            Sylvestre III Romain

148           1045            Benoît IX, de nouveau déposé

149           1045            Grégoire VI Romain

150           1046            Clément II Saxon

151           1047            Benoît IX, pour la troisième fois

152           1048            Damase II Bavarois

153           1049            Léon IX (st) Français

154           1055            Victor II Allemand

155           1057            Etienne IX Français

                 1058            Benoît X, antipape

156           1059            Nicolas II Français

157           1061            Alexandre III Italien

                 1061-1072   Honorius II, antipape

158           1073            Grégoire VII (st) Italien

                 1080-1100   Clément III, antipape

159           1086            Victor III Italien

160           1088            Urbain II Français

161           1099            Pascal II Italien

                 1100            Théodoric, antipape

                 1102            Albert, antipape

                 1105-1111   Sylvestre IV, antipape

162           1118            Gélase II Italien

                 1118-1121   Grégoire VIII, antipape

163           1119            Calixte II Français

164           1124            Honorius II Italien

                 1124           Célestin II Romain

165           1130            Innocent II Italien

                 1130-1138   Anaclet II, antipape

                 1138            Victor IV, Grégoire, antipapes

166           1143            Célestin II Italien

167           1144            Lucius II Italien

168           1145            Eugène III Italien

169           1153            Anastase IV Romain

170           1154            Adrien IV Anglais

171           1159            Alexandre III Italien

                 1159-1164   Victor IV, antipape

                 1164-1168   Pascal III, antipape

                 1168-1178   Calixte III, antipape

                 1179-1180   Innocent III, antipape

172           1181            Lucius III Italien

173           1185            Urbain III Italien

174           1187            Grégoire VIII Italien

175           1187            Clément III Romain

176           1191            Célestin III Romain

177           1198            Innocent III Romain

178           1216            Honorius III Romain

179           1227            Grégoire IX Italien

180           1241            Célestin IV Italien

181           1243            Innocent IV Italien

182           1254            Alexandre IV Italien

183           1261            Urbain IV Français

184           1265            Clément IV Français

185           1271            Grégoire X Italien

186           1276            Innocent V Italien

187           1276            Adrien V Italien

188           1276            Jean XXI Portugais

189           1277            Nicolas III Romain

190           1281            Martin IV Français

191           1285            Honorius IV Romain

192           1288            Nicolas IV Italien

193           1294            Célestin V (st) Italien

194           1294            Boniface VII Italien

195           1303            Benoît XI Italien

196           1305            Clément V Français

197           1316            Jean XXII Français

                 1328-1330   Nicolas V, antipape

198           1334            Benoît XII Français

199           1342            Clément VI Français

200           1352            Innocent VI Français

201           1362            Urbain V Français

202           1370            Grégoire XI Français

203           1378            Urbain VI Italien

204           1389            Boniface IX Italien

205           1404            Innocent VII Italien

206           1406            Grégoire XII Italien

                 1378-1394   Clément VII, antipape

                 1394-1423   Benoît XIII, antipape

                 1409-1410   Alexandre V, antipape

                 1410-1415   Jean XXIII, antipape

207           1417            Martin V Romain

208           1431            Eugène IV Italien

                 1439-1449   Félix V, antipape

209           1447            Nicolas V Italien

210           1455            Calixte III Espagnol

211           1458            Pie II Italien

212           1464            Paul II Italien

213           1471            Sixte IV Italien

214           1484            Innocent VIII Italien

215           1492            Alexandre VI Espagnol

216           1503            Pie III Italien

217           1503            Jules II Italien

218           1513            Léon X Italien

219           1522            Adrien VI Hollandais

220           1523            Clément VII Italien

221           1534            Paul III Romain

222           1550            Jules III Romain

223           1555            Marcel II Italien

224           1555            Paul IV Italien

225           1559            Pie IV Italien

226           1566            Pie V (st) Italien

227           1572            Grégoire XIII Italien

228           1585            Sixte-Quint Italien

229           1590            Urbain VII Romain

230           1590            Grégoire XIV Italien

231           1591            Innocent IX Italien

232           1592            Clément VIII Italien

233           1605            Léon XI Italien

234           1605            Paul V Romain

235           1621            Grégoire V Italien

236           1623            Urbain VIII Romain

237           1644            Innocent X Romain

238           1655            Alexandre VII Italien

239           1667            Clément IX Italien

240           1670            Clément X Romain

241           1676            Innocent XI Italien

242           1689            Alexandre XIII Italien

243           1691            Innocent XII Italien

244           1700            Clément XI Italien

245           1721            Innocent XIII Romain

246           1724            Benoît XIII Italien

247           1730            Clément XII Italien

248           1740            Benoît XIV Italien

249           1758            Clément XIII Italien

250           1769            Clément XIV Italien

251           1775            Pie VI Italien

252           1800            Pie VII Italien

253           1823            Léon XII Italien

254           1829            Pie VIII Italien

255           1831            Grégoire XVI Italien

256           1846            Pie IX Italien (bx)

257           1878            Léon XIII Italien

258           1903            Pie X (st) Italien

259           1914            Benoît XV Italien

260           1922            Pie XI Italien

261           1939            Pie XII Romain

262           1958            Jean XXIII Italien (bx)

263           1963            Paul VI Italien

264           1978            Jean-Paul I Italien

265           1978            Jean-Paul II Polonais

266           2005           Benoît XVI Allemand


Jusqu’à une époque récente, les cardinaux étaient consi­dérés comme des « princes de l’Eglise », et les souverains du monde les appelaient par­fois leurs « cousins ». Depuis Paul VI, ils ont perdu leur prestige mondain. C’est à Rome, dans les premiers siècles que la fonction car­dinalice a pris naissance. Le titre de « cardinal » était alors attribué aux prêtres ou diacres, chargés de conseiller un évêque dans l’administration d’une église locale importante. Plus tard, vers le hui­tième siècle, les évê­ques des diocèses voisins de Rome, appelés « dio­cèses suburbicai­res », reçurent le titre cardinalice. Plus tard encore, ce titre fut attribué à des évêques ou à des prélats, qui aidaient le pape dans son gouvernement : pour ce faire, ils quittaient leur dio­cèse pour travailler à l’administration centrale de l’Eglise. Le pape Sixte-Quint établit, en 1586, une législation à propos des cardinaux : il les établissait comme les séna­teurs de l’ancienne Rome, il prenait également exemple sur le conseil des vieillards qui aidaient Moïse, au temps de l’exode. Pour cette rai­son, il fixa à soixante-dix leur nom­bre. Mais, dans le même temps, ces cardinaux devenaient de vérita­bles princes, qui n’avaient plus grand-chose à voir avec la charge des clercs : que l’on songe au cardinal Mazarin... Le cardinalat ne gar­dait pratiquement aucun lien avec l’idéal de la pauvreté évangélique. Une réforme deve­nait nécessaire : elle s’est faite par étapes. D’abord Pie XII entreprit d’enlever à l’Italie le privilège presque exclusif du car­dinalat. Son successeur, Jean XXIII, décidait de ne plus limiter le Sacré-Collège au nombre de soixante-dix ; sous son pontificat, le collège des cardi­naux devait atteindre quatre-vingt dix membres, tous évê­ques. Mais c’est Paul VI qui entreprit la plus grande réforme du Sa­cré-Collège. En février 1965, il y admet des patriarches orien­taux ; en juin 1967, le Collège regroupe cent dix-huit membres ; en novem­bre 1970, il fixe la limite d’âge des car­dinaux électeurs du pape à quatre-vingts ans ; en mars 1973, il élar­gissait la possibilité de par­ticiper au conclave et donc d’élire son suc­cesseur à des évêques et des patriar­ches qui n’étaient pas membres du Collège cardinalice.

Le Vatican n'est pas un Etat comme les autres, en raison de sa taille : quarante-quatre hectares à peine. Pourtant, il reste un Etat, même s'il est le plus petit du monde, il est reconnu par les nations, alors que, géographiquement, il ne représente qu'un quartier de la ville de Rome. C'est un Etat symbolique, si l'on considère sa superficie ou sa puissance mili­taire, mais c'est un Etat écouté dans le concert des na­tions, en raison de la personnalité morale de son chef et de l'autorité spirituelle qui lui est reconnue par plus de sept cents millions de fi­dèles. Le Vatican est représenté auprès des différentes nations par des nonces ou des délégués apostoliques, chargés d’entretenir des relations officielles avec les gouvernements des pays dans lesquels ils sont en mission. Le « Saint-Siège », autre nom donné à l'Etat du Va­tican, dispose d'observateurs auprès des instances internationales, comme l'Organisation des Nations Unies ou le Conseil de l'Europe...

Le Vatican compte à peine qu'un millier d'habitants, dont la moitié seulement jouissent de la citoyenneté ; il s'agit de cardinaux, de prê­tres, de diplomates et des gardes suisses qui assurent la police et l'armée de cet Etat. Le Vatican émet sa propre monnaie, en euros. Le chef de cet Etat n'est autre que le pape, la forme de son gouverne­ment est celle d'une monarchie élective à vie. Le pape dispose de tous les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : il existe au Vati­can un tribunal de première instance, une cour d'appel et une cour de cassation qui exercent leurs fonctions au nom du pape. Enfin, depuis 1954, cet Etat est placé sous la protection de la Convention de La Haye, en cas de conflit armé, d'autant plus que les corps militaires n'existent plus - mise à part la garde suisse - depuis 1970.

Le gouvernement du pape repose sur la Curie, qui regroupe des orga­nismes dont les institutions remontent à plusieurs siècles.

La Secrétairerie d'Etat occupe une place importante, elle fait penser au cabinet privé d'un chef d'Etat. Le cardinal secrétaire d'Etat est le premier collabora­teur du pape, il est chargé des relations du Saint-Siège avec les gouvernements avec lesquels le Vatican entretient des relations diplomati­ques.

Les congrégations sont des commissions stables qui, sous la direction d'un cardi­nal, sont chargées d'étudier les affaires de l'Eglise, dans leur diversité.

La congrégation pour la doctrine de la foi a pris le relais de la congrégation de l'Inquisition, instituée en 1542 pour lutter contre les hérésies qui menaçaient l'Eglise à la Renaissance, devenue le Saint-Office, elle est chargée d'examiner les questions relatives à la foi et à la morale.

La congrégation pour les Eglises orientales est chargée des questions relatives aux chrétiens d’Orient, soit environ onze millions de fi­dèles, dont près de la moi­tié sont persécutés par les autorités civiles de leur pays respectif.

La congrégation pour les évêques est chargée de tout ce qui peut concerner les trois mille sept cents évêques, répartis en deux mille trois cent quatre-vingts diocèses, à l'exception de ceux qui sont soumis à la juridiction de la congrégation pour les Eglises orientales ; c'est cette congrégation qui est chargée de la créa­tion de nouveaux diocèses ou de la désignation des nouveaux évêques, en négo­ciant ses décisions avec les pouvoirs civils.

La congrégation pour les sacrements et le culte est chargée de la discipline en matière de sacrements, en particulier des conditions de validité du mariage ou des ordinations sacerdotales.

La congrégation pour les causes des saints est chargée de l'examen des diffé­rentes causes des serviteurs de Dieu, dont elle entreprend le procès canonique, fondé sur l'examen de leurs écrits ou de leurs enseignements, de leurs vertus ou des miracles qu'ils ont pu accomplir, après leur mort, en réponse à leur invocation par des fidèles ; après le procès canonique, un rapport est adressé au pape qui procède lui-même à la canonisation solennelle de tel ou tel serviteur de Dieu.

La congrégation pour le clergé s'occupe de la vie et du ministère des deux cent soixante mille prêtres séculiers répartis dans le monde, elle est également char­gée de ce qui peut concerner la vie matérielle des prêtres et l'administration des biens temporels de l'Eglise universelle.

La congrégation pour les religieux et les instituts séculiers a une juridiction to­tale sur tous les religieux, qu'ils soient ou ne soient pas prêtres, et sur toutes les religieuses de rite latin : elle est chargée de promouvoir le renouveau de la vie religieuse dans le monde présent.

La congrégation pour l'éducation catholique est subdivisée en plusieurs bureaux pour régler les affaires qui concernent l'éducation chrétienne, comme la forma­tion des prêtres, les universités et instituts d'enseignement supérieur catholi­que, les écoles non universitaires quel que soit le niveau de l'enseignement qui y est dispensé ; sa juridiction ne s'étend pas cependant aux affaires orientales, qui sont soumises à la congrégation pour les Eglises orientales.

La congrégation pour l’évangélisation des peuples exerce sa juridiction sur tous les pays considérés comme « pays de mission » : tout en respectant le souci pre­mier de l'évangélisation de ces peuples, elle est chargée de veiller, avec une par­ticulière attention, à la promotion du clergé autochtone, sont elle doit susciter la vocation et veiller à l'expansion, par respect pour les Eglises locales.

Ces congrégations, appelées également « dicastères », sont animées d'un souci de service de l'Eglise. Le gouvernement de l'Eglise repose aussi sur différents secrétariats.

Jean XXIII a ouvert la voie à un nouveau type de dialogue en­tre la papauté et l'Eglise. En annonçant l'ouverture du Concile Vatican II, il créa le Secrétariat pour l'unité des chrétiens afin d'établir des rela­tions nouvelles et fraternelles avec les chrétiens qui ne sont pas de confession catholique.

Paul VI créa un Secrétariat pour les non-chrétiens chargé de nouer des relations avec les croyants qui n'appartiennent pas au christianisme, pour permet­tre aux chrétiens de les connaître et de les estimer et pour que les non-chrétiens puis­sent connaître et apprécier la foi chrétienne dans toutes ses dimensions.

Après avoir renoué les contacts avec les non-catholiques, et ouvert le dialogue avec les non-chrétiens, Paul VI souhaita ouvrir le dialogue avec les incroyants : le Secrétariat pour les non-croyants trouvait là son acte de naissance ; sa mission est d'étudier le phénomène de l'athéisme et d'entreprendre des relations avec (et non pas contre) les incroyants, en s'appuyant sur les Eglises locales, af­fron­tées directement au phénomène de l'incroyance.

Le Conseil pontifical pour les laïcs est créé pour le service et la promotion de l'apostolat des laïcs chrétiens, qui peuvent jouer un rôle important dans la mis­sion évangélisatrice de l'Eglise dans les différentes communautés au sein des­quelles ils vivent chaque jour.

La Commission pontificale « Justice et paix » veut favoriser partout dans le monde la justice ; elle se doit de veiller à la promotion et à l'essor des nations pauvres et d'inciter les nations à vivre dans la justice sociale, en travaillant au développement des peuples et en faisant respecter les droits de l'homme.

L’organisme « Cor unum » est à lui seul tout un programme : il lui revient d'appor­ter les secours d'urgence aux victimes des catastrophes et de travailler au dé­veloppement des peuples.

Le tribunal de la signature apostolique veille à la parfaite administration de la justice dans toute l'Eglise et à la régularisation des concordats qui peuvent être conclus entre les nations et le Saint-Siège ; il étend sa compétence sur les dif­férents contentieux qui peuvent naître des actes de l'administration ecclésiasti­que.

La rote romaine est une véritable cour d'appel qui examine les causes déjà ju­gées par les tribunaux ecclésiastiques ordinaires, en particulier les causes de nullité de mariage, celles qui font qu'un mariage sacramentel n'a pas réuni toutes les conditions nécessaires à sa validité.

La pénitencerie apostolique est chargée d'assurer toujours la paix des conscien­ces, même en cas de vacance du siège apostolique : elle peut examiner les affai­res de conscience, même celles qui ne relèvent pas directement du sacrement de la réconciliation.

Ces organismes du gouvernement de l'Eglise doivent avoir pour règle de conduite de toujours remplir leur service quali­fié, de manière pro­fitable aux différents épisco­pats du monde, dans leur ministère au­près des hommes qu'ils ren­contrent.

Appelée à travailler à l'évangélisation, l'Eglise est aussi une institu­tion humaine ; dans ce monde, la puissance de l'argent est souvent souveraine. Si le Christ n'avait pas une pierre où re­poser la tête, il semble que ce ne soit pas le cas de l'Eglise ; beau­coup pen­sent que le Vatican est une puissance financière. La richesse de l'Eglise apparaît comme un mythe : le Vatican n'est qu'un petit Etat parmi les puissan­ces mondiales, mais cet Etat a hérité de l'histoire des biens immobi­liers et des ri­chesses enfermées dans ses mu­sées. Ces ri­chesses sont sans prix mais il est impossible de les monnayer, elles font partie du patrimoine, et leur entretien est oné­reux. D'autre part, il semble que l'argent afflue, du monde entier vers le Vatican ; mais cet argent est immédiatement mis au service de l'Eglise universelle. Une partie est destinée à subve­nir aux besoins les plus urgents des jeunes Eglises, fondées dans les pays en voie de développement et qui ne peuvent survivre que par les allocations du Vatican... Une autre partie de cet argent sert à subvenir à la mar­che des services centraux de l'Eglise... Le budget de l'Eglise est déficitaire.

En France, la réputation de l'Eglise d'être riche est aussi illusoire. Certes, l'Eglise de France dispose de biens immobiliers : évêchés, séminaires, presbytères, couvents... tout un étalage de biens qui semblent être importants. Depuis la sé­paration de l'Eglise et de l'Etat, la plupart des églises et des presby­tères sont la propriété des communes. Les autres établissements, affectés aux besoins de l'ad­ministration ou de l'évangélisation, ne sont pas rentables : en France, l'Eglise est loin d'être riche, une bonne partie du clergé n'a que le minimum pour vivre. Malgré cela, l'Eglise de France demeure géné­reuse, avec le souci de partager avec les jeunes Eglises.

Selon la conception catholique, le diocèse constitue la communauté de base. Le diocèse regroupe, sur un terri­toire assez vaste, une partie du peuple chrétien confié à un évêque. En France, les diocèses cor­respondent, en gros, aux départements… Loin d'être un préfet ou un administrateur, l'évêque apparaît comme le chef d'une équipe, qui se doit de permettre à tous ses collaborateurs de pouvoir travailler en­semble à l'évangélisa­tion. Il est parfois aidé d'un évêque coadjuteur ayant droit de succession ou d'un ou de plusieurs évêques auxiliaires, qui n'ont pas le droit de succession ; ses collaborateurs immédiats, les vicaires généraux ou vicaires épiscopaux, forment, sous sa direc­tion, le conseil épiscopal qui examine régulièrement les besoins du diocèse ; il dispose également d'un conseil presbytéral, composé uni­quement de prêtres, et d'un conseil pastoral, composé de clercs mais aussi de religieux et de laïcs.

Le diocèse est subdivisé en unités plus restreintes. L'archi­diaconé ou l'archiprêtré correspond à la délimitation administrative de l'arron­dissement, le doyenné correspond au canton, la paroisse correspond à la commune ou à un grand quartier d'une com­mune, pour les villes im­portantes. La pa­roisse est la cellule de base de la communauté, puis­que sa mission est de rassembler les catholiques habitant sur un même ter­ritoire, sans ternir compte des milieux socioculturels : la paroisse est confiée soit à un prêtre seul, le curé, soit à une équipe de prêtres, l'équipe sacerdotale.

Si l'évêque est l'unique responsable du peuple de Dieu résidant sur un territoire délimité, le diocèse, il n'en demeure pas moins lié aux au­tres évêques d'une même nation, afin de former avec eux des confé­rences épiscopales. En France, chaque année, début Novembre, les évêques prennent le chemin de Lourdes pour une semaine de travail en commun. Les Commissions épiscopales travaillent les nombreux dossiers que la Conférence doit examiner. Ces commissions sont au nombre de quinze : Famille et communautés chrétiennes, Monde ou­vrier, Monde rural, Milieux indépendants, En­fance et jeunesse, Monde scolaire et universitaire, Migrations, Clergé et séminaires, Etat religieux, Liturgie et pastorale sacramen­telle, Commission so­ciale, Opinion publique, Enseignement religieux, Missions à l'exté­rieur, Unité des chrétiens. Il existe, en outre, six comités épisco­paux : les Finances, la Mission de France, la Mission ouvrière, les Re­lations avec le Judaïsme, les Relations entre la France et l'Amérique latine, le Comité de la Mer. Un Secrétariat Général de l'épiscopat as­sure la coordination de tous les travaux et le fonction­nement normal de toute la structure.

Au niveau international, le concile oecuménique est le rassemblement de tous les évêques du monde, en une assemblée délibérante autour du pape, le chef du collège épiscopal. Ce rassemblement a pour objet de résoudre les grands problèmes qui peuvent se poser à l'Eglise ca­tholique aux grands moments de son histoire. Les difficultés d'orga­nisation et de convocation de tous les évêques en conciles ne peuvent rendre ceux-ci que très excep­tionnels. C'est pour répondre à un sou­hait des évêques qu'a été créé le Synode épiscopal qui signifie l'es­prit collégial qui anime tous les évêques : cette assemblée apparaît comme le carrefour des diffé­rentes expériences des Eglises locales qui donne à chacune d'elle sa dimension de catholicité.

Il existe aussi des Eglises locales qui ne relèvent pas directement de la juridiction du pape : ce sont les Eglises catho­liques orientales, elles sont minoritaires parmi leur soeurs, les Eglises orthodoxes, elles ont gardé avec Rome des liens de solidarité et de commu­nion. Elles cons­tituent une forme particulière de l'Eglise catho­lique, qui pourrait être une voie privilé­giée pour l'oecuménisme, puis­qu'elles forment le lien en­tre l'Eglise d'Occident et les Eglises or­thodoxes d'Orient. Les différences demeurent dans une question de rite. En plus du rite ma­ronite entièrement catholique, on trouve d'au­tres rites proprement orientaux : le rite byzantin (grec, melkites, slaves), le rite arménien, le rite syrien, le rite chaldéen, le rite copte (égyptien et éthiopien). Ces Eglises catholiques orientales occupent une position inconforta­ble entre les deux grandes Eglises, ca­tholique et orthodoxe. Autre­fois considérées comme « traîtres » par l'Orthodoxie et comme « simples appendices » par le Catholi­cisme.

Des Eglises locales d'Orient se sont séparées de Constantinople, bien avant la rupture de Michel Cérulaire, pas seulement pour des ques­tions de discipline ecclésiastique ou de rattachement à Constantino­ple, mais beaucoup plus pour des questions dogmatiques qui mettaient en cause la foi chrétienne. Considérées comme hérétiques ou comme schismatiques, ces Eglises se sont fermées sur elles-mêmes, dans un caractère fortement nationalisant : ce sont les Eglises arménienne, chaldéenne, copte, syrienne. Il est possible de ranger les Eglises orientales séparées sous deux qualifications, les nestoriennes et les monophysites, en raison de leurs origines, au cinquième siècle, dans les discussions à propos de la personne du Christ, prolongeant les querelles provoquées par Arius. Le problème posé était de connaître le sta­tut du Christ et de l'union en lui des deux natures, la nature humaine et la nature divine. Selon qu'en lui est reconnue la nature humaine exclusivement ou la nature divine exclusivement, on tombe dans le nestorianisme ou dans le monophysisme.

Malgré les tragédies qu'a pu connaître l'histoire des Eglises orienta­les, elles ont survécu au prix de persécutions et d'humiliations en tout genre, mais en gardant leur fidélité à la tradi­tion d'origine ab­solument intacte, ce qui leur donne, à l'époque ac­tuelle, un aspect très particulier par rapport à toutes les autres Egli­ses qui ont fait évoluer leurs propres traditions au fil de l'histoire.

Les théologiens sont unanimes, quant à eux, pour affirmer que chaque Eglise chrétienne possède quelque chose d'original qu'elle doit appor­ter dans l'édification commune, et qu'il serait scandaleux d'effacer : la spiri­tualité orthodoxe, l'attachement des protestants à l'Ecriture Sainte, le sens catholique de la tradition chrétienne. Il faut harmoni­ser l'unité et la pluralité ; c'est une rude tâche qui est encore à ac­complir dans la marche vers une seule Eglise, riche de sa diversité, riche de la diversité des dons de Dieu, riche de la diversité des insti­tutions humaines.