La conception catholique de l'Eglise
En employant pour signifier leur rassemblement le terme du grec profane « église », les premiers chrétiens ont aussi voulu dépasser la dimension de l'assemblée populaire, pour indiquer que leur rassemblement était celui du peuple de Dieu convoqué pour célébrer le culte divin. Le même mot désigne aussi bien une église locale que l'ensemble de la chrétienté, ce qui se présente comme l'Eglise universelle.
Le catholicisme souligne premièrement la visibilité de l'Eglise, visibilité qui repose sur le corps social qu'est l'ensemble des hommes rassemblés par leur foi en Jésus-Christ, Sauveur. A la suite du deuxième concile oecuménique du Vatican (1962-1965), le catholicisme s'est affranchi de la hantise de la primauté par rapport aux autres confessions chrétiennes, comme il s'est affranchi de la hantise de la primauté de l'évêque de Rome sur les autres évêques. Le nombre d'Églises chrétiennes historiquement apparues rend impossible la revendication d'absolu par l'une d'entre elles, et particulièrement par l'Eglise catholique romaine, en ce sens qu'elle prétendrait être la seule véritablement universelle, mais aussi la seule voie d'accès au salut pour les hommes. L'Eglise catholique devient une des formes de l'unique Eglise de Jésus-Christ. C'est là une réforme importante, voire une révolution, dans la conception du catholicisme.
La particularité d'une Eglise ne peut couvrir l'universalité de l'unique Eglise, tout au plus peut-elle signifier un caractère de visibilité, qui est une nécessité pour les croyants. Le Christ n'a pas confié son message dans un livre, où il aurait donné lui-même les instructions nécessaires au salut. Son message, il l'a confié à des hommes, risquant alors qu'il soit mal compris par les uns, trahi par d'autres. Confié à des hommes, ce message a été codifié au cours des siècles, afin d'assurer sa permanence dans une reconnaissance mutuelle des croyants. Cette codification se trouve dans les symboles de la foi : Symbole des Apôtres et Symbole de Nicée-Constantinople (325-381). Ce ne sont pas d'abord des règles dogmatiques de la foi, mais plutôt des opérateurs de reconnaissance entre croyants. Il est remarquable que ces symboles demeurent dans les confessions chrétiennes, alors même qu'elles peuvent interpréter différemment tel ou tel énoncé. Aussi certains pourront-ils être surpris d'entendre, au cours d'un culte réformé, la proclamation de la foi : « Je crois en l'Eglise, une, sainte, catholique et apostolique », les protestants parlant alors de la catholicité de l'Eglise, dans une acception différente de l'Eglise catholique, qui se spécifie immédiatement dans son rapport à Rome.
La seconde distinction du catholicisme réside dans l'importance accordée à la Tradition. Sans dire que cette dernière occupe une place aussi capitale que la Bible, il faut convenir que l'Eglise catholique, notamment depuis le concile de Trente (1545-1563), reconnaît comme seconde source de la révélation les traditions dont l'histoire est remplie, comme les textes des Pères de l'Eglise ancienne et les déclarations des conciles. Seulement, il ne saurait être question de faire de ces traditions quelque chose de figé ou de mécanique. Il faut les considérer comme le développement de l'événement. D'ailleurs, on peut distinguer deux formes à la conception de la tradition. Premièrement, la tradition apostolique est divine, en ce que les apôtres sont les organes transmetteurs de l'Esprit qui leur fait découvrir la profondeur du message. Deuxièmement, par suite de la disparition des apôtres, s'installe la tradition ecclésiastique : celle-ci est un processus humain, bien que pas simplement humain, en ce sens que ce sont des hommes qui transmettent l'héritage du Christ et des apôtres, mais qu'ils ne le font pas indépendamment de l'action de l'Esprit-Saint. La tradition, dans le sens que peut lui donner le catholicisme, vient au secours de l'Écriture pour lui donner un principe d'interprétation, un éclairage qui ne se trouve pas immédiatement dans Écriture. Il ne s'agit pas pour la tradition de supplanter le message, mais de lui donner une intelligibilité adaptée à une époque de l'histoire et reconnue à travers toutes les Églises rattachées à Rome. D'ailleurs, l'Eglise catholique pourrait se définir comme une tradition vivante : elle a la mission de transmettre ce qui a été confié aux apôtres, il ne s'agit pas pour elle de se fixer dans une forme unique de la tradition, en excluant les apports plus récents du dogme ou de la réflexion théologique.
C'est au sujet de la tradition que s'est déclenchée, après le concile Vatican II, une crise à l'intérieur de l'Eglise, le traditionalisme cristallisé autour de Monseigneur Lefebvre ; à toutes les époques, et particulièrement après les conciles, des hommes ont proclamé leur attachement aux traditions plus anciennes et manifesté leur scepticisme devant les innovations. Marcel Lefebvre, depuis l'achèvement du concile n'a cessé de revendiquer le droit de faire l'expérience de la tradition. Seulement, sa conception de la tradition, dans l'Eglise, s'arrête à une certaine époque : il ne voulait pas reconnaître comme faisant intégralement partie de la tradition les dernières décisions conciliaires. Il est légitime de poursuivre les règles admises autrefois, mais la tradition de l'Eglise est une tradition vivante, elle n'est jamais achevée. Aussi ne convient-il pas d'exclure les déclarations les plus récentes de l'Eglise en son magistère.
La tradition ne peut pas s'ossifier dans des formules du passé, certainement saintes et d'une vénérable antiquité, mais qui interdisent tout effort pour une adaptation aux exigences de l'évangélisation du monde. L'aggiornamento réclamé avec une insistance prophétique par Jean XXIII, ne va à l'encontre ni de la foi ni de la tradition ; ce n'est pas une tentative désordonnée, une « mise au goût du jour » de l'Évangile et du dogme. C'est une bouffée d'air pur, apportée à une Eglise qui se sclérosait et qui était déphasée par rapport au monde, enfermée dans des schémas hérités d'un monde socioculturel ancien : « L'Eglise, déclarait Jean XXIII, ne doit pas se replier sur elle-même, mais aller de l'avant ». Cela ne peut se faire que dans un langage pouvant être compris par les hommes de l’époque contemporaine.
L'Eglise de Rome est reconnue depuis les premiers siècles comme l'Eglise mère de toutes les Églises, mais ce statut n'implique pas une suprématie tyrannique : être mère des Églises signifie être au service de toutes les Églises qui rassemblent l'unique peuple de Dieu. C'est une des redécouvertes du dernier concile que d'avoir restauré cet aspect de service dans le catholicisme, oubliant la tentation de suprématie absolue, qui avait été le fait des générations antérieures.
Selon la tradition, le pape, évêque de Rome, jouit d'une situation particulière ; si la succession apostolique est la permanence du service confié aux apôtres, un service a été réservé à Pierre, qui a terminé sa vie, par le martyre, à Rome. Les écrits du Nouveau Testament soulignent une certaine primauté de Pierre, dans le collège des apôtres. Un changement de nom est même lié à la vocation de Pierre : Simon, le pêcheur, sera appelé Pierre, en araméen Céphas, c'est-à-dire Roc. Ce nom est resté, surclassant celui de Simon ; dans la mentalité sémitique, le changement de nom marque un changement de personnalité ; en donnant à Simon, dont le caractère était spontané, impétueux, le nom de Pierre, Jésus lui crée une personnalité nouvelle, à lui qui était si peu, par nature, un roc. La tradition fait appel à un texte évangélique pour justifier la primauté de Pierre : dans l'évangile selon Matthieu, Pierre reçoit une promesse de Jésus : « Et moi, je te le déclare : Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise… Je te donnerai les clefs du Royaume des cieux ; tout ce que tu lieras sur la terre sera lié aux cieux, et tout ce que tu délieras sur la terre sera délié aux cieux. (Mt. 16, 18-19). La question importante est de savoir si cette promesse vise seulement Pierre ou si elle vise également ses successeurs. Pierre ne semble pas avoir emporté dans la tombe ses privilèges, car l'Eglise aurait ressenti sa mort comme un événement capital, alors que sa mort ne semble pas avoir marqué un changement de structure dans la vie de l'Eglise. Bien que la plupart des écrits néotestamentaires aient été rédigés après sa mort, aucun n'en fait mention. Aussi les catholiques pensent-ils que la promesse de Jésus à Pierre a une valeur et une portée pour toute l'histoire de l'Eglise.
Ce serait faire un anachronisme que de chercher dans l’Écriture une justification à la compréhension actuelle de la primauté de l'évêque de Rome. Bien que contestée encore par de nombreux chrétiens, la papauté, en tant qu'elle manifeste la succession de Pierre, occupe une place privilégiée dans la conception que les catholiques romains se font de l'Eglise. La tradition affirme que Pierre est venu à Rome et que c'est sur sa tombe qu'a été édifiée la basilique Saint-Pierre. Les fouilles, entreprises sous Pie XII, au cours de la seconde guerre mondiale, ont confirmé que Pierre a subi le martyre sous la persécution de Néron, aux alentours de l'année 67 et qu'il a été enseveli à proximité du lieu de son supplice, sur la colline du Vatican. Et, le 26 juin 1968, Paul VI affirmait : « Les reliques de saint Pierre ont été identifiées d'une façon que nous pouvons considérer comme convaincante ». La présence de nombreuses tombes, tassées autour d'une même tombe, permet de penser que les chrétiens de Rome voulaient recevoir leur sépulture dans la proximité de celui qui avait été leur premier pasteur. La construction d'une basilique, sous Constantin, confirme l’hypothèse de la présence du tombeau de Pierre. La nature et la position de ce terrain où fut édifiée la basilique apparaissent comme un choix contraire au bon sens, ce qui marque l'importance que les communautés romaines ont accordée à ce lieu.
En dehors de Rome, les Églises catholiques ont reconnu que le privilège confié à Pierre s'était transmis à ses successeurs ; mais, dès les premiers siècles, les Églises d'Afrique et d'Orient ne donnaient pas le même sens ; l'autorité de Rome n'était pas considérée comme isolée de l'autorité des autres sièges apostoliques. Le dogme de la primauté de l'Eglise romaine a été affirmé par le deuxième concile de Lyon, où l'Eglise d'Orient ne fut pas véritablement représentée : « La sainte Eglise romaine possède aussi la primauté et autorité souveraine et entière sur l'ensemble de l'Eglise catholique. Elle reconnaît sincèrement et humblement l'avoir reçue, avec la plénitude du pouvoir, du Seigneur lui-même, en la personne du bienheureux Pierre... A elle sont soumises toutes les Églises dont les prélats lui rendent obéissance et révérence » (6 juillet 1274). Le concile de Florence, où l'Eglise grecque participa activement, définit, par un décret la primauté du pape sur toute l'Eglise et l'ordre des sièges patriarcaux : « Nous définissons aussi que le Saint-Siège apostolique et le pontife romain possèdent la primauté sur toute la terre ; que ce pontife romain est le successeur du bienheureux Pierre... En outre, nous déclarons de nouveau l'ordre des autres vénérables patriarches, transmis dans les canons : le patriarche de Constantinople est le deuxième après le très saint pontife romain, celui d'Alexandrie le troisième, celui d'Antioche le quatrième, celui de Jérusalem le cinquième, tous leurs privilèges et droits étant évidemment saufs » (6 juillet 1439).
Le premier concile du Vatican définit, en des termes comparables, l'institution de la primauté apostolique du siège romain : « Nous enseignons donc et déclarons, suivant les témoignages de Évangile que la primauté de juridiction sur toute l'Eglise de Dieu a été promise et donnée immédiatement et directement au bienheureux apôtre Pierre par le Christ notre Seigneur… C'est pourquoi, nous attachant fidèlement à la tradition reçue dès l'origine de la foi chrétienne… nous enseignons et définissons comme un dogme révélé de Dieu : le pontife romain, lorsqu'il parle ex cathedra, c'est-à-dire lorsque remplissant sa charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens,… jouit… de cette infaillibilité dont le divin rédempteur a voulu que fut pourvue son Eglise lorsqu'elle définit la doctrine sur la foi et les mœurs » (18 juillet 1870). En fait, les papes n’ont guère utilisé cette sorte de privilège. La seule occasion où un pape a fait usage de l’infaillibilité fut la définition solennelle du dogme de l’Assomption de la Vierge Marie, par Pie XII, en 1950. II ne le fit d’ailleurs pas sans avoir consulté tous les évêques et obtenu leur adhésion quasi unanime. Signe que l’assistance divine qui garantit l’exercice de l’enseignement pontifical ne place pas le pape au-dessus de l’Eglise : c’est au nom de toute l’Eglise qu’il parle, dans la solidarité avec les autres évêques.
La lumière portée sur le pape et son infaillibilité a mis les évêques quelque peu dans l'ombre. A la fin du dix-neuvième siècle, et pendant près d'un siècle, les évêques n'avaient guère leur mot à dire sur la marche des affaires de l'Eglise. D'ailleurs, juste après Vatican I, le schisme des « Vieux catholiques » a mis en relief le fait que les évêques n'avaient qu'un rôle très limité, en face du pouvoir presque inconditionnel du pape. Vatican II allait rétablir la situation : les évêques forment autour du pape et avec lui un groupe solidaire dans l'administration et la charge pastorale.
La grande innovation de Vatican II a été le renversement de perspective dans la compréhension de l'Eglise. Jusqu'à ce Concile, l'Eglise était considérée comme une pyramide : le pape au sommet, puis les évêques soumis au pape, puis les prêtres soumis à leur évêque, et enfin les fidèles qui devaient être soumis à tous. Le deuxième concile du Vatican a remis l'Eglise sur ses pieds : l'Eglise est d'abord une institution de service, le pape n'étant que le premier des serviteurs de Dieu. Ce qui compte, c'est la dimension de peuple de Dieu. Elle n'est pas simplement constituée par le pape, les évêques et les curés... Elle est une communion des baptisés, et la hiérarchie est au service de tout le peuple de Dieu, et non pas l'inverse.
« Un pape, pour quoi faire ? ». Cette question peut paraître incongrue aux catholiques fervents mais elle se pose sérieusement dans les mentalités. Le nom de « pape » dérive de « papa » (titre d’honneur signifiant : père) ; ce titre était donné, jusqu’au septième siècle, à tous les évêques, même si, à partir du sixième siècle, il tendait à être réservé spécialement à l’évêque de Rome, qui est aussi alors désigné sous les noms de « vicaire du Christ » et de « souverain pontife ». Le terme de « papauté » apparaît à la fin du onzième siècle, en même temps que l’usage du terme « curie » pour désigner l’administration centrale et romaine de l’Eglise catholique.
Il est bon de rappeler que ce ne sont pas les apôtres qui ont choisi Pierre pour être leur chef et le successeur du Christ : c’est Jésus lui-même qui a institué Pierre comme la pierre sur laquelle il pourrait édifier son Eglise. On ne connaît pas les noms des successeurs immédiats de Pierre, bien que la tradition ait suppléé à la carence des documents authentiques pour établir la succession apostolique de Rome : il n’est donc pas possible de savoir comment le successeur de Pierre a pu être choisi... En ce domaine, l’Eglise a aussi tâtonné au cours des siècles pour parvenir au mode de désignation actuel.
Aux premiers siècles, l’élection de l’évêque de Rome se déroulait de la même manière que le choix des autres évêques, par le suffrage du peuple rassemblé autour de ses prêtres. Un tel mode de désignation ne devait pas tarder à dégénérer, puisque les chrétiens supportaient un candidat et n’hésitaient pas à en venir aux mains pour imposer leur choix devant ceux qui en supportaient un autre. Il fallut même que l’administration impériale intervienne dans une élection, si bien que l’empereur ne résistait pas à la tentation d’imposer son candidat. Certains papes demandèrent l’appui des empereurs ou des rois chrétiens pour veiller à l’élection de leur successeur. La papauté n’allait pas tarder à tomber entre les mains des grandes familles de l’époque... Une réforme s’imposait : en 1059, Nicolas II promulguait une loi nouvelle, réservant aux seuls cardinaux le pouvoir d’élire le pape. L’élection des papes ne devait plus être l’affaire des laïcs. Malgré les réformes relatives à la modalité du scrutin depuis cette décision, le principe du monopole des cardinaux n’a jamais été modifié, bien que certains pères conciliaires, à Vatican II, l’aient trouvé anachronique et auraient préféré une désignation du pape par les représentants du collège épiscopal ; Paul VI, d’abord favorable à une telle proposition a finalement préféré ne pas dénaturer l’élection traditionnelle, arguant du fait que Pierre n’avait pas été choisi par les apôtres, mais par le Christ, et qu’un tel mode de désignation n’aurait fait que copier les scrutins humains, faisant du pape le délégué de ses pairs. En droit, l’évêque de Rome est élu par le clergé romain, représenté par les cardinaux : la majorité des deux tiers est requise pour que l’élection soit validée. Mais il fallut attendre Pie X, en janvier 1904, pour que le droit de veto accordé aux puissances civiles soit aboli. Les élections se font dans le secret du conclave, terme qui signifie : « sous clé ». Cette forme d’élection remonte à 1271 : dix-sept cardinaux ne parvenaient pas à s’entendre pour élire un nouveau pape. Devant la longueur des délibérations, le peuple mit ces cardinaux au pain et à l’eau, pour leur apprendre un peu de sagesse : cette méthode, qui forçait quelque peu la main des cardinaux, fut approuvée par le nouvel élu, Grégoire X, qui l’érigea en règle pour l’avenir.
Quand les cardinaux se rassemblent pour élire un successeur au trône de Pierre, ils sont isolés du monde extérieur ... Tous les accès aux locaux où ils sont enfermés sont scellés... et les locaux eux-mêmes sont jugés inconfortables par les cardinaux, si bien que la tradition inaugurée à Viterbe demeure vivante. L’élu n’est pas nécessairement un Italien, bien que, souvent, dans le cours de l’histoire, ce soit des Italiens qui ont eu le plus fréquemment accès au trône de Pierre. Sur les 265 papes jusqu’à Jean-Paul II inclus, 211 furent Italiens, dont 98 Romains, 2 sont d’origine inconnue et 52 furent étrangers à l’Italie, à commencer par Pierre, qui était Palestinien. Tout catholique, de sexe masculin, est éligible : et il est arrivé que des laïcs, tels que Benoît VIII ou Jean XIX aient été élus; dans le cas où l’élu serait laïc ou simple prêtre, il devrait se faire ordonner évêque avant un délai de trois mois pour accéder à la charge pontificale.
Lorsque la majorité est acquise, le cardinal doyen ou camerlingue de l’Eglise, qui assure l’intérim entre deux pontificats, demande au nouvel élu s’il accepte son élection : « Acceptez-vous votre élection, faite selon les règles canoniques, au souverain pontificat ? » L’élu qui accepte est immédiatement considéré comme le pape, et sa juridiction s’étend, à l’instant tous les catholiques : chaque cardinal vient faire obédience au nouvel élu qui choisit le nom par lequel il veut être appelé. Après cette obédience, le nom du nouveau pape est annoncé aux fidèles assemblés sur la place Saint-Pierre et au monde entier, par l’intermédiaire de la télévision : le pape donne alors sa première bénédiction « urbi et orbi », à la ville de Rome et au monde.
Pendant près d’un millénaire, jusqu’à Paul VI, le nouveau pontificat était marqué par le rite du couronnement : le pape était couronné d’une tiare à triple couronne, signifiant qu’il était le père des princes et des rois, le guide visible du monde et le vicaire du Christ dans l’ensemble de l’Eglise : la papauté était considérée comme un pouvoir temporel qui pouvait s’exercer en tous les domaines. Paul VI recommanda de renoncer à cette pratique anachronique. Jean-Paul I et Jean-Paul II ont poursuivi cette évolution, en abolissant la cérémonie du couronnement par une intronisation liturgique, avec la remise du « pallium », bande de laine blanche marquée de croix noires, dont la signification est la juridiction archiépiscopale. Au lendemain de cette célébration, purement liturgique, le nouveau pape prend officiellement possession de son diocèse de Rome, en visitant la cathédrale romaine de saint Jean de Latran, en présence du clergé et des fidèles de la cité romaine, réunie dans leur église-cathédrale.
Ordre Année Nom & Origine
1 33 Pierre (st) Galiléen 2 67 Lin (st) 3 76 Clet (st) Romain 4 88 Clément I (st) Romain 5 97 Evariste (st) Grec 6 105 Alexandre I Romain 7 115 Sixte I (st) Romain 8 125 Télesphore (st) Grec 9 136 Hygin (st) Grec 10 140 Pie I (st) Italien 11 155 Anicet (st) Syrien 12 166 Soter (st) Campanien 13 175 Eleuthère (st) Grec 14 189 Victor I (st) Africain 15 199 Zéphyrin (st) Romain 16 217 Calixte I (st) Romain 17 222 Urbain I (st) Romain 217-235 Hippolyte (st), antipape Romain 18 230 Pontien (st) Romain 19 235 Anthère (st) Grec 20 236 Fabien (st) Romain 21 251 Corneille (st) Romain 251 Novatien, antipape 22 253 Lucius I (st) Romain 23 254 Etienne I (st) Romain 24 257 Sixte II (st) Grec 25 259 Denys (st) 26 269 Félix I (st) Romain 27 275 Eutychien (st) 28 263 Caïus (st) Dalmate 29 296 Marcelin (st) Romain 30 308 Marcel I (st) Romain 31 309 Eusèbe (st) Grec 32 311 Miltiade (st) Africain 33 314 Sylvestre I (st) Romain 34 336 Marc (st) Romain 35 337 Jules I (st) Romain 36 352 Libère (st) Romain 355-365 Félix II, antipape 37 366 Damase I (st) Espagnol 366-367 Ursinus, antipape 38 384 Sirice (st) Romain 39 399 Anastase I (st) Romain 40 401 Innocent I (st) Albanais 41 417 Zosime (st) Grec 42 418 Boniface I (st) Romain 418-419 Eulalius, antipape 43 422 Célestin I (st) Campanien 44 432 Sixte III (st) Italien 45 440 Léon I le grand (st) Italien 46 461 Hilaire (st) Sarde 47 468 Simplice (st) Italien 48 483 Félix III (st) Romain 49 492 Gélase I (st) Africain 50 496 Anastase II Romain 51 498 Symmaque (st) Sarde 498-505 Laurent, antipape 52 514 Hormisdas (st) Italien 53 523 Jean I (st) Italien 54 526 Félix IV (st) Italien 55 530 Boniface II Romain 530 Dioscore, antipape 56 533 Jean II Romain 57 535 Agapet I (st) Romain 58 536 Silvère Italien 59 537 Vigile Romain 60 556 Pélage I Romain 61 561 Jean III Italien 62 575 Benoît I Romain 63 579 Pélage II Romain 64 590 Grégoire I le Grand Romain 65 604 Sabinien Italien 66 607 Boniface III Romain 67 608 Boniface IV (st) Italien 68 615 Dieudonné I (st) Romain 69 619 Boniface V Italien 70 625 Honorius I Campanien 71 640 Séverin Romain 72 640 Jean IV Dalmate 73 642 Théodore I Grec 74 649 Martin I (st) Italien 75 654 Eugène I (st) Romain 76 657 Vitalien (st) Italien 77 672 Adéodat Romain 78 676 Donus Romain 79 678 Agathon (st) Italien 80 682 Léon II (st) Italien 81 684 Benoît II (st) Romain 82 685 Jean V Syrien 83 686 Conon Italien 687 Théodore et Pascal, antipapes 84 687 Serge I (st) Syrien 85 701 Jean VI Grec 86 705 Jean VII Grec 87 708 Sisinnius Syrien 88 708 Constantin Syrien 89 715 Grégoire II (st) Romain 90 731 Grégoire III (st) Syrien 91 741 Zacharie (st) Grec 92 752 Etienne Italien celui-ci, étant mort avant sa consécration qui marquait le début du pontificat officiel, n’est pas enregistré dans la suite des papes. 93 752 Etienne II Romain 94 757 Paul I (st) Romain 767-769 Constantin, antipape 768 Philippe, antipape 95 768 Etienne III (st) Italien 96 772 Adrien I Romain 97 795 Léon III (st) Romain 98 816 Etienne IV Romain 99 817 Pascal I (st) Romain 100 824 Eugène II Romain 101 827 Valentin Romain 102 827 Grégoire IV Romain 844 Jean, antipape 103 844 Serge II Romain 104 847 Léon I V (st) Romain 105 855 Benoît III Romain 855 Anastase, antipape 106 858 Nicolas I (st) Romain 107 867 Adrien II Romain 108 872 Jean VIII Romain 109 882 Marin I Italien 110 884 Adrien III (st) Romain 111 885 Etienne V Romain 112 891 Formose Italien 113 896 Boniface VI Italien 114 896 Etienne VI Romain 115 897 Romain Italien 116 897 Théodore II Romain 117 898 Jean IX Italien 118 900 Benoît IV Romain 119 903 Léon V Italien 903-904 Christophore, antipape 120 904 Serge III Romain 121 911 Anastase III Romain 122 913 Landon Italien 123 914 Jean X Italien 124 928 Léon VI Italien 125 928 Etienne VII Romain 126 931 Jean XI Romain 127 936 Léon VII Romain 128 939 Etienne VIII Romain 129 942 Marin II Romain 130 946 Agapet II Italien 131 955 Jean XII Romain 132 963 Léon VIII laïc Romain 133 964 Benoît V Romain 134 965 Jean XIII Romain 135 973 Benoît VI Romain 974 Boniface VII, antipape 136 974 Benoît VII Romain 137 983 Jean XIV Italien 984 Boniface VII, de nouveau, antipape 138 985 Jean XV Romain 139 996 Grégoire V Saxon 997 Jean XVI, antipape 140 999 Sylvestre II Français 141 1003 Jean XVII Romain 142 1004 Jean XVIII Romain 143 1009 Serge IV Romain 144 1012 Benoît VIII Italien 1012 Grégoire, antipape 145 1024 Jean XIX laïc Italien 146 1032 Benoît IX Italien célèbre pour ses dérèglements, il sera déposé 147 1045 Sylvestre III Romain 148 1045 Benoît IX, de nouveau déposé 149 1045 Grégoire VI Romain 150 1046 Clément II Saxon 151 1047 Benoît IX, pour la troisième fois 152 1048 Damase II Bavarois 153 1049 Léon IX (st) Français 154 1055 Victor II Allemand 155 1057 Etienne IX Français 1058 Benoît X, antipape 156 1059 Nicolas II Français 157 1061 Alexandre III Italien 1061-1072 Honorius II, antipape 158 1073 Grégoire VII (st) Italien 1080-1100 Clément III, antipape 159 1086 Victor III Italien 160 1088 Urbain II Français 161 1099 Pascal II Italien 1100 Théodoric, antipape 1102 Albert, antipape 1105-1111 Sylvestre IV, antipape 162 1118 Gélase II Italien 1118-1121 Grégoire VIII, antipape 163 1119 Calixte II Français 164 1124 Honorius II Italien 1124 Célestin II Romain 165 1130 Innocent II Italien 1130-1138 Anaclet II, antipape 1138 Victor IV, Grégoire, antipapes 166 1143 Célestin II Italien 167 1144 Lucius II Italien 168 1145 Eugène III Italien 169 1153 Anastase IV Romain 170 1154 Adrien IV Anglais 171 1159 Alexandre III Italien 1159-1164 Victor IV, antipape 1164-1168 Pascal III, antipape 1168-1178 Calixte III, antipape 1179-1180 Innocent III, antipape 172 1181 Lucius III Italien 173 1185 Urbain III Italien 174 1187 Grégoire VIII Italien 175 1187 Clément III Romain 176 1191 Célestin III Romain 177 1198 Innocent III Romain 178 1216 Honorius III Romain 179 1227 Grégoire IX Italien 180 1241 Célestin IV Italien 181 1243 Innocent IV Italien 182 1254 Alexandre IV Italien 183 1261 Urbain IV Français 184 1265 Clément IV Français 185 1271 Grégoire X Italien 186 1276 Innocent V Italien 187 1276 Adrien V Italien 188 1276 Jean XXI Portugais 189 1277 Nicolas III Romain 190 1281 Martin IV Français 191 1285 Honorius IV Romain 192 1288 Nicolas IV Italien 193 1294 Célestin V (st) Italien 194 1294 Boniface VII Italien 195 1303 Benoît XI Italien 196 1305 Clément V Français 197 1316 Jean XXII Français 1328-1330 Nicolas V, antipape 198 1334 Benoît XII Français 199 1342 Clément VI Français 200 1352 Innocent VI Français 201 1362 Urbain V Français 202 1370 Grégoire XI Français 203 1378 Urbain VI Italien 204 1389 Boniface IX Italien 205 1404 Innocent VII Italien 206 1406 Grégoire XII Italien 1378-1394 Clément VII, antipape 1394-1423 Benoît XIII, antipape 1409-1410 Alexandre V, antipape 1410-1415 Jean XXIII, antipape 207 1417 Martin V Romain 208 1431 Eugène IV Italien 1439-1449 Félix V, antipape 209 1447 Nicolas V Italien 210 1455 Calixte III Espagnol 211 1458 Pie II Italien 212 1464 Paul II Italien 213 1471 Sixte IV Italien 214 1484 Innocent VIII Italien 215 1492 Alexandre VI Espagnol 216 1503 Pie III Italien 217 1503 Jules II Italien 218 1513 Léon X Italien 219 1522 Adrien VI Hollandais 220 1523 Clément VII Italien 221 1534 Paul III Romain 222 1550 Jules III Romain 223 1555 Marcel II Italien 224 1555 Paul IV Italien 225 1559 Pie IV Italien 226 1566 Pie V (st) Italien 227 1572 Grégoire XIII Italien 228 1585 Sixte-Quint Italien 229 1590 Urbain VII Romain 230 1590 Grégoire XIV Italien 231 1591 Innocent IX Italien 232 1592 Clément VIII Italien 233 1605 Léon XI Italien 234 1605 Paul V Romain 235 1621 Grégoire V Italien 236 1623 Urbain VIII Romain 237 1644 Innocent X Romain 238 1655 Alexandre VII Italien 239 1667 Clément IX Italien 240 1670 Clément X Romain 241 1676 Innocent XI Italien 242 1689 Alexandre XIII Italien 243 1691 Innocent XII Italien 244 1700 Clément XI Italien 245 1721 Innocent XIII Romain 246 1724 Benoît XIII Italien 247 1730 Clément XII Italien 248 1740 Benoît XIV Italien 249 1758 Clément XIII Italien 250 1769 Clément XIV Italien 251 1775 Pie VI Italien 252 1800 Pie VII Italien 253 1823 Léon XII Italien 254 1829 Pie VIII Italien 255 1831 Grégoire XVI Italien 256 1846 Pie IX Italien (bx) 257 1878 Léon XIII Italien 258 1903 Pie X (st) Italien 259 1914 Benoît XV Italien 260 1922 Pie XI Italien 261 1939 Pie XII Romain 262 1958 Jean XXIII Italien (bx) 263 1963 Paul VI Italien 264 1978 Jean-Paul I Italien 265 1978 Jean-Paul II Polonais 266 2005 Benoît XVI Allemand |
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Jusqu’à une époque récente, les cardinaux étaient considérés comme des « princes de l’Eglise », et les souverains du monde les appelaient parfois leurs « cousins ». Depuis Paul VI, ils ont perdu leur prestige mondain. C’est à Rome, dans les premiers siècles que la fonction cardinalice a pris naissance. Le titre de « cardinal » était alors attribué aux prêtres ou diacres, chargés de conseiller un évêque dans l’administration d’une église locale importante. Plus tard, vers le huitième siècle, les évêques des diocèses voisins de Rome, appelés « diocèses suburbicaires », reçurent le titre cardinalice. Plus tard encore, ce titre fut attribué à des évêques ou à des prélats, qui aidaient le pape dans son gouvernement : pour ce faire, ils quittaient leur diocèse pour travailler à l’administration centrale de l’Eglise. Le pape Sixte-Quint établit, en 1586, une législation à propos des cardinaux : il les établissait comme les sénateurs de l’ancienne Rome, il prenait également exemple sur le conseil des vieillards qui aidaient Moïse, au temps de l’exode. Pour cette raison, il fixa à soixante-dix leur nombre. Mais, dans le même temps, ces cardinaux devenaient de véritables princes, qui n’avaient plus grand-chose à voir avec la charge des clercs : que l’on songe au cardinal Mazarin... Le cardinalat ne gardait pratiquement aucun lien avec l’idéal de la pauvreté évangélique. Une réforme devenait nécessaire : elle s’est faite par étapes. D’abord Pie XII entreprit d’enlever à l’Italie le privilège presque exclusif du cardinalat. Son successeur, Jean XXIII, décidait de ne plus limiter le Sacré-Collège au nombre de soixante-dix ; sous son pontificat, le collège des cardinaux devait atteindre quatre-vingt dix membres, tous évêques. Mais c’est Paul VI qui entreprit la plus grande réforme du Sacré-Collège. En février 1965, il y admet des patriarches orientaux ; en juin 1967, le Collège regroupe cent dix-huit membres ; en novembre 1970, il fixe la limite d’âge des cardinaux électeurs du pape à quatre-vingts ans ; en mars 1973, il élargissait la possibilité de participer au conclave et donc d’élire son successeur à des évêques et des patriarches qui n’étaient pas membres du Collège cardinalice.
Le Vatican n'est pas un Etat comme les autres, en raison de sa taille : quarante-quatre hectares à peine. Pourtant, il reste un Etat, même s'il est le plus petit du monde, il est reconnu par les nations, alors que, géographiquement, il ne représente qu'un quartier de la ville de Rome. C'est un Etat symbolique, si l'on considère sa superficie ou sa puissance militaire, mais c'est un Etat écouté dans le concert des nations, en raison de la personnalité morale de son chef et de l'autorité spirituelle qui lui est reconnue par plus de sept cents millions de fidèles. Le Vatican est représenté auprès des différentes nations par des nonces ou des délégués apostoliques, chargés d’entretenir des relations officielles avec les gouvernements des pays dans lesquels ils sont en mission. Le « Saint-Siège », autre nom donné à l'Etat du Vatican, dispose d'observateurs auprès des instances internationales, comme l'Organisation des Nations Unies ou le Conseil de l'Europe...
Le Vatican compte à peine qu'un millier d'habitants, dont la moitié seulement jouissent de la citoyenneté ; il s'agit de cardinaux, de prêtres, de diplomates et des gardes suisses qui assurent la police et l'armée de cet Etat. Le Vatican émet sa propre monnaie, en euros. Le chef de cet Etat n'est autre que le pape, la forme de son gouvernement est celle d'une monarchie élective à vie. Le pape dispose de tous les pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire : il existe au Vatican un tribunal de première instance, une cour d'appel et une cour de cassation qui exercent leurs fonctions au nom du pape. Enfin, depuis 1954, cet Etat est placé sous la protection de la Convention de La Haye, en cas de conflit armé, d'autant plus que les corps militaires n'existent plus - mise à part la garde suisse - depuis 1970.
Le gouvernement du pape repose sur la Curie, qui regroupe des organismes dont les institutions remontent à plusieurs siècles.
La Secrétairerie d'Etat occupe une place importante, elle fait penser au cabinet privé d'un chef d'Etat. Le cardinal secrétaire d'Etat est le premier collaborateur du pape, il est chargé des relations du Saint-Siège avec les gouvernements avec lesquels le Vatican entretient des relations diplomatiques.
Les congrégations sont des commissions stables qui, sous la direction d'un cardinal, sont chargées d'étudier les affaires de l'Eglise, dans leur diversité.
La congrégation pour la doctrine de la foi a pris le relais de la congrégation de l'Inquisition, instituée en 1542 pour lutter contre les hérésies qui menaçaient l'Eglise à la Renaissance, devenue le Saint-Office, elle est chargée d'examiner les questions relatives à la foi et à la morale.
La congrégation pour les Eglises orientales est chargée des questions relatives aux chrétiens d’Orient, soit environ onze millions de fidèles, dont près de la moitié sont persécutés par les autorités civiles de leur pays respectif.
La congrégation pour les évêques est chargée de tout ce qui peut concerner les trois mille sept cents évêques, répartis en deux mille trois cent quatre-vingts diocèses, à l'exception de ceux qui sont soumis à la juridiction de la congrégation pour les Eglises orientales ; c'est cette congrégation qui est chargée de la création de nouveaux diocèses ou de la désignation des nouveaux évêques, en négociant ses décisions avec les pouvoirs civils.
La congrégation pour les sacrements et le culte est chargée de la discipline en matière de sacrements, en particulier des conditions de validité du mariage ou des ordinations sacerdotales.
La congrégation pour les causes des saints est chargée de l'examen des différentes causes des serviteurs de Dieu, dont elle entreprend le procès canonique, fondé sur l'examen de leurs écrits ou de leurs enseignements, de leurs vertus ou des miracles qu'ils ont pu accomplir, après leur mort, en réponse à leur invocation par des fidèles ; après le procès canonique, un rapport est adressé au pape qui procède lui-même à la canonisation solennelle de tel ou tel serviteur de Dieu.
La congrégation pour le clergé s'occupe de la vie et du ministère des deux cent soixante mille prêtres séculiers répartis dans le monde, elle est également chargée de ce qui peut concerner la vie matérielle des prêtres et l'administration des biens temporels de l'Eglise universelle.
La congrégation pour les religieux et les instituts séculiers a une juridiction totale sur tous les religieux, qu'ils soient ou ne soient pas prêtres, et sur toutes les religieuses de rite latin : elle est chargée de promouvoir le renouveau de la vie religieuse dans le monde présent.
La congrégation pour l'éducation catholique est subdivisée en plusieurs bureaux pour régler les affaires qui concernent l'éducation chrétienne, comme la formation des prêtres, les universités et instituts d'enseignement supérieur catholique, les écoles non universitaires quel que soit le niveau de l'enseignement qui y est dispensé ; sa juridiction ne s'étend pas cependant aux affaires orientales, qui sont soumises à la congrégation pour les Eglises orientales.
La congrégation pour l’évangélisation des peuples exerce sa juridiction sur tous les pays considérés comme « pays de mission » : tout en respectant le souci premier de l'évangélisation de ces peuples, elle est chargée de veiller, avec une particulière attention, à la promotion du clergé autochtone, sont elle doit susciter la vocation et veiller à l'expansion, par respect pour les Eglises locales.
Ces congrégations, appelées également « dicastères », sont animées d'un souci de service de l'Eglise. Le gouvernement de l'Eglise repose aussi sur différents secrétariats.
Jean XXIII a ouvert la voie à un nouveau type de dialogue entre la papauté et l'Eglise. En annonçant l'ouverture du Concile Vatican II, il créa le Secrétariat pour l'unité des chrétiens afin d'établir des relations nouvelles et fraternelles avec les chrétiens qui ne sont pas de confession catholique.
Paul VI créa un Secrétariat pour les non-chrétiens chargé de nouer des relations avec les croyants qui n'appartiennent pas au christianisme, pour permettre aux chrétiens de les connaître et de les estimer et pour que les non-chrétiens puissent connaître et apprécier la foi chrétienne dans toutes ses dimensions.
Après avoir renoué les contacts avec les non-catholiques, et ouvert le dialogue avec les non-chrétiens, Paul VI souhaita ouvrir le dialogue avec les incroyants : le Secrétariat pour les non-croyants trouvait là son acte de naissance ; sa mission est d'étudier le phénomène de l'athéisme et d'entreprendre des relations avec (et non pas contre) les incroyants, en s'appuyant sur les Eglises locales, affrontées directement au phénomène de l'incroyance.
Le Conseil pontifical pour les laïcs est créé pour le service et la promotion de l'apostolat des laïcs chrétiens, qui peuvent jouer un rôle important dans la mission évangélisatrice de l'Eglise dans les différentes communautés au sein desquelles ils vivent chaque jour.
La Commission pontificale « Justice et paix » veut favoriser partout dans le monde la justice ; elle se doit de veiller à la promotion et à l'essor des nations pauvres et d'inciter les nations à vivre dans la justice sociale, en travaillant au développement des peuples et en faisant respecter les droits de l'homme.
L’organisme « Cor unum » est à lui seul tout un programme : il lui revient d'apporter les secours d'urgence aux victimes des catastrophes et de travailler au développement des peuples.
Le tribunal de la signature apostolique veille à la parfaite administration de la justice dans toute l'Eglise et à la régularisation des concordats qui peuvent être conclus entre les nations et le Saint-Siège ; il étend sa compétence sur les différents contentieux qui peuvent naître des actes de l'administration ecclésiastique.
La rote romaine est une véritable cour d'appel qui examine les causes déjà jugées par les tribunaux ecclésiastiques ordinaires, en particulier les causes de nullité de mariage, celles qui font qu'un mariage sacramentel n'a pas réuni toutes les conditions nécessaires à sa validité.
La pénitencerie apostolique est chargée d'assurer toujours la paix des consciences, même en cas de vacance du siège apostolique : elle peut examiner les affaires de conscience, même celles qui ne relèvent pas directement du sacrement de la réconciliation.
Ces organismes du gouvernement de l'Eglise doivent avoir pour règle de conduite de toujours remplir leur service qualifié, de manière profitable aux différents épiscopats du monde, dans leur ministère auprès des hommes qu'ils rencontrent.
Appelée à travailler à l'évangélisation, l'Eglise est aussi une institution humaine ; dans ce monde, la puissance de l'argent est souvent souveraine. Si le Christ n'avait pas une pierre où reposer la tête, il semble que ce ne soit pas le cas de l'Eglise ; beaucoup pensent que le Vatican est une puissance financière. La richesse de l'Eglise apparaît comme un mythe : le Vatican n'est qu'un petit Etat parmi les puissances mondiales, mais cet Etat a hérité de l'histoire des biens immobiliers et des richesses enfermées dans ses musées. Ces richesses sont sans prix mais il est impossible de les monnayer, elles font partie du patrimoine, et leur entretien est onéreux. D'autre part, il semble que l'argent afflue, du monde entier vers le Vatican ; mais cet argent est immédiatement mis au service de l'Eglise universelle. Une partie est destinée à subvenir aux besoins les plus urgents des jeunes Eglises, fondées dans les pays en voie de développement et qui ne peuvent survivre que par les allocations du Vatican... Une autre partie de cet argent sert à subvenir à la marche des services centraux de l'Eglise... Le budget de l'Eglise est déficitaire.
En France, la réputation de l'Eglise d'être riche est aussi illusoire. Certes, l'Eglise de France dispose de biens immobiliers : évêchés, séminaires, presbytères, couvents... tout un étalage de biens qui semblent être importants. Depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, la plupart des églises et des presbytères sont la propriété des communes. Les autres établissements, affectés aux besoins de l'administration ou de l'évangélisation, ne sont pas rentables : en France, l'Eglise est loin d'être riche, une bonne partie du clergé n'a que le minimum pour vivre. Malgré cela, l'Eglise de France demeure généreuse, avec le souci de partager avec les jeunes Eglises.
Selon la conception catholique, le diocèse constitue la communauté de base. Le diocèse regroupe, sur un territoire assez vaste, une partie du peuple chrétien confié à un évêque. En France, les diocèses correspondent, en gros, aux départements… Loin d'être un préfet ou un administrateur, l'évêque apparaît comme le chef d'une équipe, qui se doit de permettre à tous ses collaborateurs de pouvoir travailler ensemble à l'évangélisation. Il est parfois aidé d'un évêque coadjuteur ayant droit de succession ou d'un ou de plusieurs évêques auxiliaires, qui n'ont pas le droit de succession ; ses collaborateurs immédiats, les vicaires généraux ou vicaires épiscopaux, forment, sous sa direction, le conseil épiscopal qui examine régulièrement les besoins du diocèse ; il dispose également d'un conseil presbytéral, composé uniquement de prêtres, et d'un conseil pastoral, composé de clercs mais aussi de religieux et de laïcs.
Le diocèse est subdivisé en unités plus restreintes. L'archidiaconé ou l'archiprêtré correspond à la délimitation administrative de l'arrondissement, le doyenné correspond au canton, la paroisse correspond à la commune ou à un grand quartier d'une commune, pour les villes importantes. La paroisse est la cellule de base de la communauté, puisque sa mission est de rassembler les catholiques habitant sur un même territoire, sans ternir compte des milieux socioculturels : la paroisse est confiée soit à un prêtre seul, le curé, soit à une équipe de prêtres, l'équipe sacerdotale.
Si l'évêque est l'unique responsable du peuple de Dieu résidant sur un territoire délimité, le diocèse, il n'en demeure pas moins lié aux autres évêques d'une même nation, afin de former avec eux des conférences épiscopales. En France, chaque année, début Novembre, les évêques prennent le chemin de Lourdes pour une semaine de travail en commun. Les Commissions épiscopales travaillent les nombreux dossiers que la Conférence doit examiner. Ces commissions sont au nombre de quinze : Famille et communautés chrétiennes, Monde ouvrier, Monde rural, Milieux indépendants, Enfance et jeunesse, Monde scolaire et universitaire, Migrations, Clergé et séminaires, Etat religieux, Liturgie et pastorale sacramentelle, Commission sociale, Opinion publique, Enseignement religieux, Missions à l'extérieur, Unité des chrétiens. Il existe, en outre, six comités épiscopaux : les Finances, la Mission de France, la Mission ouvrière, les Relations avec le Judaïsme, les Relations entre la France et l'Amérique latine, le Comité de la Mer. Un Secrétariat Général de l'épiscopat assure la coordination de tous les travaux et le fonctionnement normal de toute la structure.
Au niveau international, le concile oecuménique est le rassemblement de tous les évêques du monde, en une assemblée délibérante autour du pape, le chef du collège épiscopal. Ce rassemblement a pour objet de résoudre les grands problèmes qui peuvent se poser à l'Eglise catholique aux grands moments de son histoire. Les difficultés d'organisation et de convocation de tous les évêques en conciles ne peuvent rendre ceux-ci que très exceptionnels. C'est pour répondre à un souhait des évêques qu'a été créé le Synode épiscopal qui signifie l'esprit collégial qui anime tous les évêques : cette assemblée apparaît comme le carrefour des différentes expériences des Eglises locales qui donne à chacune d'elle sa dimension de catholicité.
Il existe aussi des Eglises locales qui ne relèvent pas directement de la juridiction du pape : ce sont les Eglises catholiques orientales, elles sont minoritaires parmi leur soeurs, les Eglises orthodoxes, elles ont gardé avec Rome des liens de solidarité et de communion. Elles constituent une forme particulière de l'Eglise catholique, qui pourrait être une voie privilégiée pour l'oecuménisme, puisqu'elles forment le lien entre l'Eglise d'Occident et les Eglises orthodoxes d'Orient. Les différences demeurent dans une question de rite. En plus du rite maronite entièrement catholique, on trouve d'autres rites proprement orientaux : le rite byzantin (grec, melkites, slaves), le rite arménien, le rite syrien, le rite chaldéen, le rite copte (égyptien et éthiopien). Ces Eglises catholiques orientales occupent une position inconfortable entre les deux grandes Eglises, catholique et orthodoxe. Autrefois considérées comme « traîtres » par l'Orthodoxie et comme « simples appendices » par le Catholicisme.
Des Eglises locales d'Orient se sont séparées de Constantinople, bien avant la rupture de Michel Cérulaire, pas seulement pour des questions de discipline ecclésiastique ou de rattachement à Constantinople, mais beaucoup plus pour des questions dogmatiques qui mettaient en cause la foi chrétienne. Considérées comme hérétiques ou comme schismatiques, ces Eglises se sont fermées sur elles-mêmes, dans un caractère fortement nationalisant : ce sont les Eglises arménienne, chaldéenne, copte, syrienne. Il est possible de ranger les Eglises orientales séparées sous deux qualifications, les nestoriennes et les monophysites, en raison de leurs origines, au cinquième siècle, dans les discussions à propos de la personne du Christ, prolongeant les querelles provoquées par Arius. Le problème posé était de connaître le statut du Christ et de l'union en lui des deux natures, la nature humaine et la nature divine. Selon qu'en lui est reconnue la nature humaine exclusivement ou la nature divine exclusivement, on tombe dans le nestorianisme ou dans le monophysisme.
Malgré les tragédies qu'a pu connaître l'histoire des Eglises orientales, elles ont survécu au prix de persécutions et d'humiliations en tout genre, mais en gardant leur fidélité à la tradition d'origine absolument intacte, ce qui leur donne, à l'époque actuelle, un aspect très particulier par rapport à toutes les autres Eglises qui ont fait évoluer leurs propres traditions au fil de l'histoire.
Les théologiens sont unanimes, quant à eux, pour affirmer que chaque Eglise chrétienne possède quelque chose d'original qu'elle doit apporter dans l'édification commune, et qu'il serait scandaleux d'effacer : la spiritualité orthodoxe, l'attachement des protestants à l'Ecriture Sainte, le sens catholique de la tradition chrétienne. Il faut harmoniser l'unité et la pluralité ; c'est une rude tâche qui est encore à accomplir dans la marche vers une seule Eglise, riche de sa diversité, riche de la diversité des dons de Dieu, riche de la diversité des institutions humaines.