La doctrine chrétienne
La foi
chrétienne se spécifie en affirmant que, vrai homme, Jésus est en même temps
vrai Dieu. Jésus est Dieu incarné, Dieu en « position » de Fils. Le
chrétien confesse que Dieu est Père, Fils et Saint Esprit. La Foi chrétienne,
reçue des Apôtres, n'est ni monothéiste, ni polythéiste, elle est trinitaire.
Distinguant les chrétiens de ceux qui ne le sont pas, le dogme trinitaire les
unit, malgré ce qui peut les séparer.
Jésus est à
l'origine du rassemblement de ses disciples appelés pour la première fois à
Antioche « chrétiens ». L'Eglise est la communion de ceux qui croient
en lui et ont reçu le baptême. Dans les premiers temps de l'Église, au moment
des apôtres et des premiers disciples qui avaient connu Jésus, la profession
de foi était toute simple. Pour être baptisé, pour faire partie de la
communauté chrétienne, il suffisait de dire : « Je crois que Jésus est
le Seigneur ».
En lisant
l’évangile, on découvre une parole de quelqu’un qui est présenté comme un
mauvais serviteur, cette parole devrait inquiéter les chrétiens qui se
contentent toujours du minimum : « J’ai eu peur et je suis allé
enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient »
(Mt 25, 25). Le chrétien doit prendre le contre-pied de cette attitude
minimaliste d’enfouissement du trésor de la foi. Il faut de l’audace pour faire
du « dépôt de la foi » reçu des disciples, des apôtres, des premières
communautés chrétiennes, de la Tradition toute entière, une semence qui porte
du fruit. Il s’agit de faire un effort intellectuel pour faire exprimer dans un
discours rationnel la relation personnelle avec Dieu. C’est ce qu’on appelle la
« théologie ».
Selon son
étymologie, la théologie est un discours sur Dieu. Il est possible de qualifier
de « théologique » ce qui dit quelque chose à son sujet. Par exemple,
quand le personnage de Meursault dans L'Étranger d'Albert Camus refuse
la visite de l'aumônier de prison, au nom de son athéisme, il développe un propos
théologique. Camus fait là œuvre de théologien. On peut être théologien sans
croire en Dieu, sans croire qu'il existe et agit dans la vie. La foi n'est pas
« prérequise » pour étudier la théologie !
La
théologie n’est donc pas un instrument idéologique au service d’une religion
pour donner des certitudes aveugles ; elle dévoile la profondeur des
mystères de la foi. Celui qui recherche une liste de vérités à croire, qui le
mettrait à l’abri du doute ne sera jamais un théologien. Il ne faut pas se
mettre en quête de réponses mais avant tout il faut se poser des questions
nouvelles, des interrogations de plus en plus profondes sur sa foi. Mais chacun
sait que tout discours sur Dieu est nécessairement incomplet et inadéquat.
Dieu demeure toujours autre. Il ne se laisse jamais réduire à ce que nous en
disons. Il n'est pas prisonnier d'une manière de le croire et de le penser.
Néanmoins, il faut apporter des réponses aux questions des hommes, en veillant
à ce qu’elle soient en harmonie avec ce qui se trouve dans l’Ecriture et dans
le « Credo ». Les chrétiens ont dû rapidement, rendre compte de leur
foi et de l'espérance qui les habitait ; ils ont rédigé des témoignages sous
forme de lettres, d'évangiles… Pour dire l'essentiel de ce qu'ils croyaient,
ils ont élaboré des confessions de foi.
Puisque les
nouveaux chrétiens (ceux de la deuxième et de la troisième génération) ne
l'avaient pas connu directement, il a fallu dire qui était Jésus, en présentant
sa vie, sa mort et sa résurrection. Comme les fidèles affirmaient qu'il est
Seigneur, c'est-à-dire Dieu, il fallait préciser qu'il était le Fils de Dieu et
donc expliquer qui était le Père. Et comme Jésus avait envoyé son Esprit sur
les apôtres, il a fallu expliquer aussi qui était l'Esprit Saint et quel était
son rôle dans Église et dans la vie des communautés chrétiennes.
Et puis,
toujours dans le même mouvement, les chrétiens ont développé tel ou tel point
qu'il fallait clarifier, soit dans le dialogue ou la confrontation avec le
monde ambiant (juif, latin, hellénistique...), soit à l'intérieur de l'Eglise,
dans le cadre des débats internes. C'est ainsi qu'ont été élaborés des « dogmes
», c'est-à-dire des balises, des points de repères, des propositions qui
cherchent à exprimer ce que l'on croyait ou ce que l'on ne croyait pas.
Un dogme au
sens courant est une croyance admise par un groupe ou une organisation comme
indiscutable, sans référence à une preuve, une analyse critique ou des faits
établis. Les dogmes religieux sont des
principes de base auquel tout fidèle doit adhérer, comme étant les repères de
la foi. Le dogme est une vérité révélée dans la Bible ou exprimée dans la
tradition chrétienne. Cette vérité est enseignée par l’Église : il ne
s’agit donc pas d’une opinion que les fidèles pourraient se forger, mais d’un énoncé de la foi qui ne
peut être remis en cause. Il est défini par un concile (depuis le quatrième siècle), ou par un pape (depuis le dix-neuvième siècle).
Il clôt une réflexion sur une question donnée, ou sur des hérésies conçues
comme erreur de la foi. L'Église ne crée pas de dogmes, elle en
énonce.
Le
catholique est tenu de croire explicitement les articles de foi que son Eglise
déclare fondamentaux. Ainsi, tous ceux sont tenus d'apprendre, de savoir et de
professer, au moins quant à la substance, le Symbole des apôtres,
les commandements de Dieu et de l'Église, les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption,
le nombre, la nature et les effets des sacrements, surtout du Baptême, de la
Pénitence et de l'Eucharistie. Pour les articles moins accessibles aux fidèles,
il leur suffit de les croire implicitement, c’est-à-dire de ne pas les
repousser quand ils leur seront présentés.
Finalement,
les dogmes sont des précisions de la confession de foi, du Symbole des
apôtres. Celui-ci contient tous les dogmes : la Trinité, la Création, le Péché
originel, l'Incarnation, la Rédemption, la présence réelle de Jésus dans
l'Eucharistie… Le Symbole des apôtres est un sommaire, un condensé de la foi de
Église.
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Sa forme
actuelle ne remonte pas au-delà du quatrième siècle. Mais son expression est
certainement plus ancienne. A la fin du quatrième siècle, Rufin composa un
Commentaire sur ce Symbole, dans lequel il en expliquait l'origine : les
apôtres, ayant reçu l'Esprit-Saint au jour de la Pentecôte, décidèrent, avant
de partir en mission, de se mettre d'accord sur un bref résumé de la foi
chrétienne. Ce résumé serait la base de leur enseignement ultérieur.
Il est
pratiquement certain que les énoncés du Symbole remontent à l'âge apostolique,
même si la forme ne s'est développée que graduellement. L'histoire de la
composition de ce texte doit être relié très étroitement à la liturgie
baptismale, au cours de laquelle on interrogeait le nouveau chrétien :
« Croyez-vous en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la
terre ? Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est
né de la Vierge Marie, a souffert la passion, a été enseveli, est ressuscité
d'entre les morts et qui est assis à la droite du Père ? Croyez-vous en
l'Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, au
pardon des péchés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle
? » Par sa réponse affirmative à chacune de ces interrogations, celui qui
allait être baptisé montrait son engagement dans la vie de l’Église.
La
transmission de la foi repose sur la mémoire vivante de l'Eglise, transmise de
génération en génération. Il ne s'agit pas d'une philosophie, mais d'une foi
qui illumine le cœur. C’est ce qui a été manifesté, lors de la séance
d’ouverture du premier concile de Nicée, en 325. Au milieu de l’assemblée des
évêques, qui devaient définir la foi de l’Eglise, se trouvaient des philosophes
païens venus en curieux assister aux débats épiscopaux. L’un de ces
philosophes intervenait régulièrement dans les discussions et embarrassait les
évêques par la subtilité de ses arguments. Soudain, un simple laïc, vieux et
illettré, se leva pour prendre la parole ; même si sur son corps chacun
pouvait voir qu’il avait souffert des persécutions, on s’étonnait de son
geste : les philosophes se moquèrent de lui et les évêques craignaient de
paraître encore plus ridicules, en laissant parler cet homme ignorant :
« Au nom de Jésus-Christ, philosophe, écoute-moi. Il n'y a qu'un Dieu
créateur des cieux et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.
Il a tout fait par la vertu de son Verbe et tout affermi par la sanctification
de son Esprit. Ce Verbe, nous l'appelons le Fils de Dieu. Pris de pitié pour
l'égarement des hommes, il est né d'une Vierge, il a vécu parmi les hommes, il
a souffert la mort pour les en délivrer. Il viendra un jour pour être le juge
de toutes nos actions. Nous croyons simplement toutes ces choses. N'entreprends
point inutilement de combattre des vérités qui ne peuvent être comprises que
par la Foi ; n'essaie point en vain de t'informer de la manière dont elles
purent être accomplies. Réponds-moi seulement si tu crois ». L’ambiance
de l’assemblée changea totalement : les pères conciliaires découvraient
que la mémoire vivante de la foi se trouvait inscrite au cœur des fidèles,
tandis que le philosophe provocateur était amené à embrasser la foi, en
disant : « Suivez l'exemple de ce vieillard. Une inspiration divine
m'a poussé à embrasser la foi de Jésus-Christ ». Ainsi commençait le
concile de Nicée.
Cela montre
que depuis la prédication apostolique, les baptisés avaient toujours confessé
leur foi de manière plus ou moins formalisée. Le Symbole des Apôtres devait
exister de manière orale ; s’il avait été écrit, il aurait été inclus dans
le recueil des Ecritures. Les deux premiers conciles oecuméniques de Nicée et
de Constantinople ont fixé par écrit la mémoire de l'Eglise qui étaient
inscrite depuis les Apôtres dans le cœur des baptisés. Ainsi, les Pères
conciliaires proclamèrent la doctrine sous la forme d'un texte affirmant la
consubstantialité (la même nature) du Père et du Fils. Les Pères de Constantinople
se contentèrent de faire quelques additions aux énoncés de Nicée, à partir
d’éléments qui se trouvaient dans le Symbole des apôtres. Ils développèrent en
outre l'article concernant l'Esprit, en le nommant Seigneur et en déclarant
qu'il est source de vie, qu'il procède du Père (Église d'Occident ajoutera : et
du Fils), qu'il reçoit le même culte que le Père et le Fils, qu'il est Dieu en
un mot.
Ainsi, le
Credo des conciles qui est une expression communautaire vise surtout à expurger
l’Église, à faire sortir ceux qui sont hérétiques. Si le Symbole des apôtres
visait à « l'engagement » du fidèle, le Credo de Nicée-Constantinople
vise plutôt au « dégagement » des non-fidèles...
Nous croyons en
un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de
toutes les choses visibles et invisibles. Nous croyons en
un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous
les siècles, Dieu venu de Dieu, lumière issu de la lumière, vrai Dieu issu
du vrai Dieu, engendré et non créé, d'une même substance que le Père et par
qui tout a été fait ; qui pour nous les hommes et pour notre salut, est
descendu des cieux et s'est incarné par le Saint- Esprit dans la vierge Marie
et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, il a
souffert et il a été mis au tombeau ; il est ressuscité des morts le
troisième jour, conformément aux Écritures; il est monté aux cieux où il
siège à la droite du Père. De là, il reviendra dans la gloire pour juger les
vivants et les morts, et son règne n'aura pas de fin. Nous croyons en
l'Esprit-Saint, qui règne et qui donne la vie, qui procède du Père, qui a
parlé par les Prophètes, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié ;
nous croyons l'Église une, sainte, universelle et apostolique. Nous
confessons un seul baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons la
résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.
|
Les deux symboles expriment, quoique de manière voilée, l’ensemble
des dogmes de l’Eglise. Ils seront développés au fil des conciles qui suivront
à savoir les vingt-et-un conciles oecuméniques de l'Église catholique romaine.
Seuls les quatre premiers sont reconnus par les églises protestantes, et les
huit premiers conciles par les églises orthodoxes. Ils développent des vérités
de foi contenues dans la Révélation pour les proposer par le Magistère de
l’Église à l’adhésion des fidèles dans le langage d’une période donnée. Cela
donne naissance aux différentes dogmes de l’Eglise, qui sont appelés
« articles de foi » dans les églises issues de la Réforme.
La succession des conciles a élaboré
la dogmatique catholique, sachant que l'Église chrétienne des premiers siècles
s'étendait à l'ensemble du monde connu. Le
Magistère de l'Église, quand il définit des dogmes, oblige le peuple chrétien à
une adhésion de foi : les dogmes sont des lumières sur le chemin de la
foi. Dans l'usage actuel, le dogme est une proposition qui est objet
de foi, une proposition que l'Église enseigne formellement comme révélée par
Dieu, de sorte que sa négation constitue une hérésie.
Concile de Nicée
I
19 juin - 25 août 325 |
L'Église enseigne également comme des
dogmes des vérités qui n'ont pas toujours été enseignées explicitement ni
considérées comme contenues dans la Révélation… Le chrétien doit adhérer à ces
propositions pour être sauvé.
En 325, le Concile de Nicée I
définissait que le Fils était « vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non
créé, consubstantiel au Père ».
En 381, le Concile de Constantinople I
définissait le « Saint-Esprit consubstantiel au Père ». Ainsi se
trouvait exprimée la profession de foi, connue sous le nom de « Credo de
Nicée-Constantinople ». Se trouvait également défini le dogme de la
Trinité.
En 431, le Concile d'Éphèse déclarait
que Marie, Mère de Jésus, était en même temps Mère de Dieu.
En 451, le Concile de Chalcédoine
définissait « la double nature de Jésus » c'est-à-dire que les deux
natures, divine et humaine, se trouvaient en sa seule personne.
En 786, le Concile de Nicée II
reconnaissait la légitimité du culte des icônes.
Si l’on
recherche l’unité des chrétiens, les dogmes proclamés par l’Eglise catholique
seule depuis les scissions (orthodoxie et réforme) sont perçus comme un
problème. En cas de réalisation de l’unité qui est le but du dialogue
œcuménique, les autres chrétiens devront-ils accepter les dogmes romains ?
La question ne se pose pas seulement par rapport au passé : l’engagement
de l’Eglise catholique dans la recherche de l’unité l’empêchera-t-elle de
proclamer de nouveaux dogmes ? En cas de réalisation de l’unité, qui
pourrait engager la foi de tous les chrétiens concernés, afin que l’unité se
situe au niveau de la foi, et de manière stable ?
En 1854, le pape Pie IX proclamait le
dogme de l’Immaculée Conception de Marie, qui signifie que la mère de Jésus,
fut conçue sans le péché. « Nous définissons la doctrine qui affirme la
bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par une
grâce et un privilège particuliers du Dieu tout-puissant, compte tenu des
mérites du Christ, Sauveur du genre humain, préservée indemne de toute tâche
de culpabilité originelle. Nous tenons cette doctrine pour révélée par Dieu ;
elle doit pour cela être crue avec fermeté et constance par tous les fidèles »
(Bulle Ineffabilis Deus de Pie IX, 8 décembre 1854). Les Eglises de la Réforme
considèrent Marie comme l'instrument privilégié choisi par Dieu pour donner
naissance au Sauveur. Elles découvrent en elle un modèle d'humilité, de foi et
d'obéissance, un exemple à suivre. Là s'arrête l'honneur qu'elles lui rendent.
L'Eglise Catholique, au contraire, a donné naissance à des dogmes mariaux
chargés de justifier le culte qu'elle lui rend.
En 1870, le Concile Vatican I
(interrompu par la guerre de 1870) définissait l’infaillibilité pontificale.
« Le pontife romain, lorsqu'il parle "ex cathedra", c'est-à-dire
lorsque, remplissant la charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens,
il définit, en vertu de son autorité apostolique suprême, qu'une doctrine sur
la foi ou les moeurs doit être tenue par l'Eglise universelle, jouit, par une
assistance divine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette
infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Eglise fût pourvue en
définissant la doctrine de la foi et des moeurs. Par conséquent, de telles
définitions du pontife romain sont par elles-mêmes, et non par le consentement
de l'Eglise, irréformables » (Vatican I, Constitution Apostolique Pastor
Aeternus, ch. 4). « Si quelqu'un s'enhardit à s'opposer à cette
définition qui est la nôtre, ce que Dieu veuille préserver, qu'il soit
anathème! » (Vatican I, Canon du même décret).
En 1950, le pape Pie XII définissait
le dogme de l’Assomption, qui signifie que la mère de Jésus est montée au ciel
avec son corps, suivant en cela l'apocryphe La Mort de Marie. L'Assomption
de la Vierge est une participation à la Résurrection de son Fils et une anticipation
de la résurrection des chrétiens : « Dans ton enfantement tu as gardé la
virginité, dans ta dormition tu n'as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu
as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes
prières, délivreras nos âmes de la mort » (Liturgie byzantine). Ce
concept de l’Assomption est connu également des Églises orthodoxes sous le nom
de Dormition sans bénéficier d'une définition dogmatique.
Au cours de son histoire, l'Eglise
catholique a développé un ensemble de « dogmes », qui sont des
principes de sa foi. Ils ne peuvent être mis en discussion, et les théologiens
qui en doutent sont excommuniés ou suspendus. Un cas récent est celui de Hans
Kung, théologien catholique, professeur de théologie à l'université de
Tübingen : ayant mis en doute le dogme de l'infaillibilité du pape, il fut
« suspendu a divinis », c'est à dire qu'il n'a plus le droit de
s'appeler « théologien catholique » et donc d’enseigner la théologie.
L'Eglise Catholique a élevé au rang de
dogmes beaucoup d'affirmations qui n'avaient pas de fondement dans la Bible.
Dans le tableau chronologique qui suit, il est possible de voir l’évolution de
l’enseignement des doctrines catholiques. Il n'est pas mauvais de montrer que
depuis la prédication du Christ la doctrine a évolué.
La prière pour les morts débute vers
l’an --------------------------------------- 210
On commence à brûler des cierges vers -----------------------------------------
320
Le culte des saints et des anges s'établit vers ---------------------------------
375
Le dogme de la trinité naît en ----------------------------------------------------
381
La messe en latin date de --------------------------------------------------------
394
Le culte de Marie se développe vers --------------------------------------------
430
L'idée de la sainte vierge, mère de Dieu apparaît en ---------------------------
481
Le purgatoire est découvert en -------------------------------------------------
593
Le Pape Boniface (111) reçoit le titre d'évêque Universel en ------------------
606
Le culte des images et des reliques est imposé en ------------------------------788
Le culte de saint Joseph débute vers ------------------------------------------
900
La canonisation des saints en ----------------------------------------------------
993
Le célibat obligatoire des prêtres ----------------------------------------------
1074
L'infaillibilité de l'église est instituée en --------------------------------------1076
L'usage du chapelet s'introduit en ----------------------------------------------1100
La doctrine des 7 sacrements est enseignée en -------------------------------
1140
La vente des indulgences date de -----------------------------------------------
1190
Le dogme de la transsubstantiation date de
----------------------------------- 1215
La confession auriculaire est imposée en ---------------------------------------
1215
La fête-Dieu date de -------------------------------------------------------------1264
L'année sainte est instauré en --------------------------------------------------1300
L'Ave Maria date de --------------------------------------------------------------1316
La procession de Saint Sacrement de ----------
--------------------------------1439
La doctrine du purgatoire n'est officiellement reconnue qu'en ---------------1439
Le concile de Trente proclame la doctrine des 7 sacrements en --------------1547
Le catholique se définit par
l'adhésion à ces dogmes et doctrines dont l'articulation est codifié à partir
des trois mystères chrétiens : la
Trinité, l'Incarnation et la Rédemption. La Trinité peut être définie de la
manière suivante : Dieu est une seule essence en trois personnes : le
Père, le Fils et le Saint-Esprit. L'Incarnation est le fait que Dieu s'est
fait homme en la personne de Jésus. La Rédemption repose sur le sacrifice du
Christ qui rachète le péché des hommes et leur permet d'accéder à la vie
éternelle.
Les protestants sont les chrétiens qui
ont quitté le corps de l'Eglise catholique, à la suite de la Réforme initiée
par Luther en 1517. Il existe aujourd'hui des dizaines d'Eglises protestantes,
qu'elles soient luthérienne, calviniste, anglicane, baptiste, évangélique... La
règle principale des protestants (leur dogme) est le : Sola Scriptura, par les
seules Ecritures ; Sola Gracia, par la seule Grâce de Dieu ; Sola Fide, par la
seule Foi. Les protestants ne reconnaissent donc pas l'autorité de Rome, les
commandements de l'Eglise ne pouvant être comparés aux commandements de Dieu.
Ils prêchent le retour aux seules sources de la Foi : les Ecritures. Les
protestants sont christocentriques et rejettent le culte des Saints et celui
de la Vierge, le Christ étant seul médiateur entre Dieu et les hommes alors que
les catholiques vénèrent les saintes et les saints c'est-à-dire les baptisés
que Dieu a admis au paradis. Calvin accepte les dogmes des premiers conciles
(Nicée, Constantinople, le premier d'Ephèse, Chalcédoine) tenus pour condamner
les erreurs des hérétiques, parce qu’ils n’enseignent rien d’autre que
l’Ecriture : « Car ces conciles ne contiennent rien qu'une pure et naturelle
interprétation de l'Ecriture, que les saints Pères par bonne prudence ont
accommodée pour renverser les ennemis de la chrétienté ».
Le dogme catholique affirme que ceux
qui sont morts dans la foi doivent être purifiées dans un lieu intermédiaire
appelé « purgatoire », avant d'accéder à la béatitude éternelle.
Cette purification a une valeur expiatoire. Selon les Protestants, cette
doctrine qui affirme la nécessité d'une expiation de la part du croyant nie la
perfection de l'oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ. « Tout péché, même
véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin de purification,
soit ici-bas, soit après la mort, dans l'état qu'on appelle Purgatoire »
(Catéchisme de l'Eglise Catholique,
1472). La tradition catholique affirme aussi l'existence de limbes. Les
« limbes des enfants », dont l'existence est une construction des
théologiens, sont le séjour des enfants morts sans baptême. Sans être soumis à
des peines, ils sont privés de la béatitude auprès de Dieu. La croyance aux
limbes n’est pas un dogme de foi, c’est une explication des théologiens du
Moyen-Âge pour ceux qui voulaient savoir ce qu’il advient aux petits enfants
non baptisés. Le Catéchisme de l’Église catholique n’en parle plus.
Comment définir le christianisme ?
On pourrait dire que le christianisme est une doctrine et que le chrétien est
celui qui adopte cette façon de penser. On pourrait dire aussi que le christianisme
est une pratique et que le chrétien est quelqu'un qui va au culte ou celui qui
est au service des autres. De fait, le christianisme est une vie.
Le message chrétien, même s'il est
adressé à l'homme, est un message qui parle de Dieu, qui entreprend d'agir
pour l'homme et avec l'homme. Le message chrétien apprend à cet homme quelque
chose de Dieu, non pas d'un Dieu lointain, comme pourrait l'être celui des différentes
philosophies, mais d'un Dieu qui s'est fait proche des hommes, au long d'une
histoire. Il est le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et de Jacob, le Dieu qui
s'est révélé à Moïse au Sinaï, il est le Dieu de Jésus-Christ, comme il est,
par ailleurs, le Dieu de Mahomet. La conception de Dieu, dans le christianisme,
conception qu'il partage, à certains égards, avec le judaïsme et l'islam, est
celle d'un Dieu qui agit, qui a un souci personnel de l'homme, d'un Dieu qui
s'engage, dans une alliance, avec des hommes concrets.
Ce message parle premièrement de Dieu
et de ce qu'il fait, et il acquiert la spécificité chrétienne pour autant que
se trouve soulignée l'action de ce Dieu en faveur de l'individu singulier
qu'est Jésus-Christ. Cette action continue de se poursuivre en faveur du groupe
instauré par lui, pour prolonger et parachever l'oeuvre qu'il a entreprise. Ce
groupe, l'Eglise, fondée sur les apôtres, reconnaît l'action de Dieu, dans la
mouvance de l'Esprit-Saint. Dès lors, il ne peut s'agir d'une action
impersonnelle de Dieu, et le message chrétien n'est donc pas un message général
sur l'amour, sur la vie, sur la liberté... Il ne manque pas de philosophies
pour enseigner l'amour, le sens de la vie, la valeur de la liberté...
Le propre du langage chrétien, c'est
d'être référé à Jésus de Nazareth, qui a été crucifié et qui est ressuscité.
En dehors de cette affirmation de la mort et de la résurrection de
Jésus-Christ, le message chrétien perd toute sa signification, toute sa portée.
Une étude sur la vie de Jésus, en tant que personnage historique, dont il ne
reste d'ailleurs guère de traces en dehors des écrits du Nouveau Testament, ne
saurait être chrétienne ; de même, une description unilatérale de ce que
pourrait être la vie de la deuxième personne de la Trinité, indépendamment de
l'existence concrète de Jésus de Nazareth, ne saurait recouvrir la spécificité
chrétienne, mais tomberait ipso facto dans la pure spéculation gnostique.
Être chrétien, se reconnaître
d'Eglise, c'est accentuer l'aspect de la mort et de la résurrection du Christ
Jésus. Et de plus, l'accent peut être mis sur la mort elle-même de ce Jésus,
cette mise à mort n'est pas insignifiante, c'est une mort qui passe par la
souffrance d'être réprouvé de tous, une mort qui passe par le supplice de la
croix, avec toute l'abjection de cette forme d'exécution capitale... La
victoire du Christ sur la mort, c'est la victoire sur cette abjection, sur ce rejet
de la société, sur l'infamie, sur la méchanceté, sur l'ignominie, sur la
déréliction même et l'abandon de tous. A la limite, il serait permis de penser
que la croix est la manifestation même de ce que d'aucuns appelleraient
« l'essence du christianisme ». Ce n'est pas pour rien que, lorsqu'un
archéologue rencontre une croix, il lui est possible d'affirmer, avec une
certitude absolue, qu'il traverse une civilisation chrétienne. Ce signe de la
croix est vraisemblablement un des critères les plus spécifiques de la foi
chrétienne, telle qu'elle a été reçue des apôtres et transmise par leurs
successeurs.
Sur cette base du message repose la
construction de l'Eglise, qui rassemble en communauté ceux qui croient au message
que Jésus apporte. Aussi l'Eglise doit-elle être une réalisation socialement
repérable, puisqu'elle est composée d'hommes qui tentent de témoigner d'une
réalité qui les dépasse, qui les transcende, mais qui se manifeste au coeur
même de leur rassemblement de foi. La forme concrète de l'Eglise dépend
grandement du milieu socioculturel dans lequel elle se trouve implantée, c'est
la raison pour laquelle il a été possible de noter que les divisions dans
l'Eglise se sont manifestées par le biais des conditionnements politiques.
Le christianisme a pris des formes
diverses, au cours de l'histoire, et il existe désormais dans les
déterminations concrètes du catholicisme, de l'orthodoxie et du
protestantisme. A elles trois, ces expressions religieuses forment le
christianisme, mais il ne peut plus être pensable d'étudier le christianisme
comme une entité isolable de ses déterminations. Il n'est pas possible
d'étudier le christianisme en dehors de ses expressions historiques, sinon en
mentionnant simplement les grandes lignes du message que Jésus de Nazareth a pu
livrer à ceux qui sont devenus ses disciples. Ceux-ci l'ont transmis aux
générations ultérieures sous la forme des Évangiles et des lettres qu'ils ont
adressées aux différentes communautés. Le message chrétien trouve son condensé
dans la confession de foi du « Symbole des Apôtres » ; tous les
chrétiens partagent la même foi qui est annoncée dans ce Symbole, devenu signe
de reconnaissance mutuelle.
Il faut tenir compte des déterminations socioculturelles, dans les différentes Églises, pour découvrir le christianisme ; vouloir chercher le christianisme ou l'essence de la foi chrétienne en dehors de toute considération historique amènerait à un syncrétisme de mauvais aloi qui n'aurait alors plus rien à voir avec la vérité du message chrétien, lequel ne peut s'exprimer que dans la pluralité, dans la diversité de perception du même message d'un Dieu unique qui se révèle dans la Trinité, du Père du Fils et de l'Esprit-Saint.