La doctrine chrétienne

 

La foi chrétienne se spécifie en affirmant que, vrai homme, Jésus est en même temps vrai Dieu. Jésus est Dieu incarné, Dieu en « position » de Fils. Le chrétien confesse que Dieu est Père, Fils et Saint Esprit. La Foi chrétienne, reçue des Apôtres, n'est ni monothéiste, ni poly­théiste, elle est trinitaire. Distinguant les chrétiens de ceux qui ne le sont pas, le dogme trinitaire les unit, malgré ce qui peut les sé­parer.

Jésus est à l'origine du rassemblement de ses disciples appe­lés pour la première fois à Antioche « chrétiens ». L'Eglise est la communion de ceux qui croient en lui et ont reçu le baptême. Dans les premiers temps de l'Église, au moment des apôtres et des premiers disciples qui avaient connu Jésus, la pro­fession de foi était toute simple. Pour être baptisé, pour faire partie de la communauté chrétienne, il suffi­sait de dire : « Je crois que Jé­sus est le Sei­gneur ».

En lisant l’évangile, on découvre une parole de quelqu’un qui est pré­senté comme un mauvais serviteur, cette parole devrait inquiéter les chrétiens qui se contentent toujours du minimum : « J’ai eu peur et je suis allé enfouir ton talent dans la terre. Le voici. Tu as ce qui t’appartient » (Mt 25, 25). Le chrétien doit prendre le contre-pied de cette atti­tude minimaliste d’enfouissement du trésor de la foi. Il faut de l’audace pour faire du « dépôt de la foi » reçu des disciples, des apôtres, des premières communautés chrétiennes, de la Tradition toute entière, une semence qui porte du fruit. Il s’agit de faire un effort intellectuel pour faire exprimer dans un discours rationnel la relation personnelle avec Dieu. C’est ce qu’on appelle la « théologie ».

Selon son étymologie, la théologie est un discours sur Dieu. Il est possible de qualifier de « théologique » ce qui dit quelque chose à son sujet. Par exemple, quand le person­nage de Meursault dans L'Étran­ger d'Albert Camus refuse la visite de l'aumônier de prison, au nom de son athéisme, il développe un pro­pos théologique. Camus fait là œuvre de théologien. On peut être théologien sans croire en Dieu, sans croire qu'il existe et agit dans la vie. La foi n'est pas « prére­quise » pour étudier la théologie !

La théologie n’est donc pas un instrument idéo­logique au service d’une religion pour donner des certitudes aveu­gles ; elle dévoile la profon­deur des mystères de la foi. Celui qui re­cherche une liste de vérités à croire, qui le mettrait à l’abri du doute ne sera jamais un théologien. Il ne faut pas se mettre en quête de réponses mais avant tout il faut se poser des ques­tions nouvelles, des interrogations de plus en plus profondes sur sa foi. Mais chacun sait que tout dis­cours sur Dieu est nécessai­re­ment incomplet et inadéquat. Dieu de­meure toujours autre. Il ne se laisse jamais réduire à ce que nous en disons. Il n'est pas pri­son­nier d'une manière de le croire et de le penser. Néanmoins, il faut apporter des réponses aux questions des hommes, en veillant à ce qu’elle soient en harmonie avec ce qui se trouve dans l’Ecriture et dans le « Credo ». Les chrétiens ont dû rapidement, ren­dre compte de leur foi et de l'espérance qui les habitait ; ils ont ré­digé des té­moignages sous forme de lettres, d'évangiles… Pour dire l'essentiel de ce qu'ils croyaient, ils ont éla­boré des confessions de foi.

Puisque les nouveaux chrétiens (ceux de la deuxième et de la troi­sième génération) ne l'avaient pas connu directement, il a fallu dire qui était Jésus, en présentant sa vie, sa mort et sa résurrection. Comme les fidèles affirmaient qu'il est Seigneur, c'est-à-dire Dieu, il fallait préciser qu'il était le Fils de Dieu et donc expliquer qui était le Père. Et comme Jésus avait envoyé son Esprit sur les apôtres, il a fallu ex­pliquer aussi qui était l'Esprit Saint et quel était son rôle dans Église et dans la vie des communautés chrétiennes.

Et puis, toujours dans le même mouvement, les chrétiens ont déve­loppé tel ou tel point qu'il fallait clarifier, soit dans le dialogue ou la confrontation avec le monde ambiant (juif, latin, hellénistique...), soit à l'intérieur de l'Eglise, dans le cadre des débats internes. C'est ainsi qu'ont été élaborés des « dogmes », c'est-à-dire des balises, des points de repères, des propositions qui cherchent à exprimer ce que l'on croyait ou ce que l'on ne croyait pas.

Un dogme au sens courant est une croyance admise par un groupe ou une organisation comme indiscutable, sans référence à une preuve, une analyse critique ou des faits établis. Les dogmes religieux sont des principes de base auquel tout fidèle doit adhérer, comme étant les repères de la foi. Le dogme est une vérité révélée dans la Bible ou exprimée dans la tradition chrétienne. Cette vérité est enseignée par l’Église : il ne s’agit donc pas d’une opinion que les fidèles pourraient se forger, mais d’un énoncé de la foi qui ne peut être remis en cause. Il est défini par un concile (depuis le quatrième siècle), ou par un pape (depuis le dix-neuvième siècle). Il clôt une réflexion sur une question donnée, ou sur des hérésies conçues comme erreur de la foi. L'Église ne crée pas de dogmes, elle en énonce.

Le catholique est tenu de croire explicitement les articles de foi que son Eglise déclare fondamentaux. Ainsi, tous ceux sont tenus d'ap­prendre, de savoir et de pro­fesser, au moins quant à la substance, le Symbole des apôtres, les com­mandements de Dieu et de l'Église, les mystères de la Trinité, de l'Incarnation et de la Rédemption, le nom­bre, la nature et les effets des sacrements, surtout du Baptême, de la Pénitence et de l'Eucharistie. Pour les articles moins accessibles aux fidèles, il leur suffit de les croire implicitement, c’est-à-dire de ne pas les repousser quand ils leur seront présentés.

Finalement, les dogmes sont des précisions de la confes­sion de foi, du Symbole des apôtres. Celui-ci contient tous les dogmes : la Trinité, la Création, le Péché originel, l'Incarnation, la Rédemption, la présence réelle de Jésus dans l'Eucharistie… Le Symbole des apôtres est un sommaire, un condensé de la foi de Église.

Je crois en Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre

Et en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur

qui a été conçu du Saint-Esprit, est né de la Vierge Marie

a souffert sous Ponce Pilate, a été crucifié, est mort et a été enseveli.

Le troisième jour, est ressuscité des morts, est monté aux cieux

est assis à la droite de Dieu le Père tout-puissant

d'où il viendra juger les vivants et les morts 

Je crois en l'Esprit Saint, à la sainte Église catholique,

à la communion des saints, à la rémission des péchés,

à la résurrection de la chair, à la vie éternelle. AMEN.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Sa forme actuelle ne remonte pas au-delà du quatrième siècle. Mais son expression est certainement plus ancienne. A la fin du quatrième siècle, Rufin composa un Commentaire sur ce Symbole, dans lequel il en expliquait l'origine : les apôtres, ayant reçu l'Esprit-Saint au jour de la Pentecôte, décidèrent, avant de partir en mission, de se mettre d'accord sur un bref résumé de la foi chrétienne. Ce résumé serait la base de leur enseignement ultérieur.

Il est pratiquement certain que les énoncés du Symbole remontent à l'âge apostolique, même si la forme ne s'est développée que graduel­lement. L'histoire de la composition de ce texte doit être relié très étroitement à la liturgie baptismale, au cours de laquelle on interro­geait le nouveau chrétien : « Croyez-vous en Dieu, le Père tout-puis­sant, créateur du ciel et de la terre ? Croyez-vous en Jésus-Christ, son Fils unique, notre Seigneur, qui est né de la Vierge Marie, a souf­fert la passion, a été enseveli, est ressuscité d'entre les morts et qui est assis à la droite du Père ? Croyez-vous en l'Esprit-Saint, à la sainte Église catholique, à la communion des saints, au pardon des pé­chés, à la résurrection de la chair et à la vie éternelle ? » Par sa ré­ponse affirmative à chacune de ces interrogations, celui qui allait être baptisé montrait son engagement dans la vie de l’Église.

La transmission de la foi repose sur la mémoire vivante de l'Eglise, transmise de génération en génération. Il ne s'agit pas d'une philoso­phie, mais d'une foi qui illumine le cœur. C’est ce qui a été manifesté, lors de la séance d’ouverture du premier concile de Nicée, en 325. Au milieu de l’assemblée des évêques, qui devaient définir la foi de l’Eglise, se trouvaient des philosophes païens venus en curieux assis­ter aux débats épiscopaux. L’un de ces philosophes intervenait régu­lièrement dans les discussions et embarrassait les évêques par la subtilité de ses arguments. Soudain, un simple laïc, vieux et illettré, se leva pour prendre la parole ; même si sur son corps chacun pouvait voir qu’il avait souffert des persécutions, on s’étonnait de son geste : les philosophes se moquèrent de lui et les évêques craignaient de paraître encore plus ridicules, en laissant parler cet homme ignorant : « Au nom de Jésus-Christ, philo­sophe, écoute-moi. Il n'y a qu'un Dieu créateur des cieux et de la terre, de toutes les choses visibles et in­visibles. Il a tout fait par la vertu de son Verbe et tout affermi par la sanctification de son Es­prit. Ce Verbe, nous l'appelons le Fils de Dieu. Pris de pitié pour l'égarement des hommes, il est né d'une Vierge, il a vécu parmi les hommes, il a souffert la mort pour les en délivrer. Il viendra un jour pour être le juge de toutes nos actions. Nous croyons simplement toutes ces choses. N'entreprends point inutilement de combattre des vérités qui ne peuvent être comprises que par la Foi ; n'essaie point en vain de t'informer de la manière dont elles purent être ac­complies. Réponds-moi seulement si tu crois ». L’ambiance de l’assemblée changea totalement : les pères conciliaires découvraient que la mémoire vivante de la foi se trouvait inscrite au cœur des fi­dèles, tandis que le philosophe provocateur était amené à embrasser la foi, en disant : « Suivez l'exemple de ce vieillard. Une inspiration divine m'a poussé à embrasser la foi de Jé­sus-Christ ». Ainsi com­mençait le concile de Nicée.

Cela montre que depuis la prédication apostolique, les baptisés avaient toujours confessé leur foi de manière plus ou moins forma­li­sée. Le Symbole des Apôtres devait exister de manière orale ; s’il avait été écrit, il aurait été inclus dans le recueil des Ecritures. Les deux premiers conciles oecuméniques de Nicée et de Constantinople ont fixé par écrit la mémoire de l'Eglise qui étaient inscrite de­puis les Apôtres dans le cœur des baptisés. Ainsi, les Pères conciliaires proclamèrent la doctrine sous la forme d'un texte affirmant la consubstantialité (la même nature) du Père et du Fils. Les Pères de Cons­tantinople se contentèrent de faire quelques additions aux énon­cés de Nicée, à partir d’éléments qui se trouvaient dans le Symbole des apôtres. Ils dévelop­pèrent en outre l'article concernant l'Esprit, en le nommant Seigneur et en déclarant qu'il est source de vie, qu'il procède du Père (Église d'Occident ajoutera : et du Fils), qu'il reçoit le même culte que le Père et le Fils, qu'il est Dieu en un mot.

Ainsi, le Credo des conciles qui est une expression communautaire vise surtout à expurger l’Église, à faire sortir ceux qui sont héréti­ques. Si le Symbole des apôtres visait à « l'engagement » du fidèle, le Credo de Nicée-Constantinople vise plutôt au « dégagement » des non-fidèles...

 

Nous croyons en un seul Dieu, le Père tout-puissant, créateur du ciel et de la terre, de toutes les choses visibles et invisibles.

Nous croyons en un seul Seigneur, Jésus-Christ, le Fils unique de Dieu, né du Père avant tous les siècles, Dieu venu de Dieu, lu­mière issu de la lumière, vrai Dieu issu du vrai Dieu, engendré et non créé, d'une même substance que le Père et par qui tout a été fait ; qui pour nous les hommes et pour notre salut, est descendu des cieux et s'est incarné par le Saint- Esprit dans la vierge Ma­rie et a été fait homme. Il a été crucifié pour nous sous Ponce-Pilate, il a souffert et il a été mis au tombeau ; il est ressuscité des morts le troisième jour, conformément aux Écritures; il est monté aux cieux où il siège à la droite du Père. De là, il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n'aura pas de fin.

Nous croyons en l'Esprit-Saint, qui règne et qui donne la vie, qui procède du Père, qui a parlé par les Prophètes, qui avec le Père et le Fils est adoré et glorifié ; nous croyons l'Église une, sainte, universelle et apostolique. Nous confessons un seul baptême pour la rémission des péchés ; nous attendons la résurrection des morts et la vie du monde à venir. Amen.

Le Symbole de Nicée est donné ici dans sa forme orientale.

 

Les deux symboles expriment, quoique de manière voilée, l’ensemble des dogmes de l’Eglise. Ils seront développés au fil des conciles qui suivront à savoir les vingt-et-un conciles oecuméni­ques de l'Église ca­tholique romaine. Seuls les quatre premiers sont reconnus par les églises protestantes, et les huit premiers conciles par les églises or­thodoxes. Ils développent des vérités de foi conte­nues dans la Révé­lation pour les proposer par le Magistère de l’Église à l’adhésion des fidèles dans le langage d’une période donnée. Cela donne naissance aux différentes dogmes de l’Eglise, qui sont appelés « articles de foi » dans les églises issues de la Réforme.

La succession des conciles a élaboré la dogmatique catholique, sa­chant que l'Église chrétienne des premiers siècles s'étendait à l'en­semble du monde connu. Le Magistère de l'Église, quand il définit des dogmes, oblige le peuple chrétien à une adhésion de foi : les dogmes sont des lumières sur le chemin de la foi. Dans l'usage ac­tuel, le dogme est une proposition qui est objet de foi, une proposi­tion que l'Église enseigne formellement comme révélée par Dieu, de sorte que sa négation constitue une hérésie.

 

Concile de Nicée I                                      19 juin - 25 août 325
Concile de Constantinople I                          mai - 30 juillet 381
Concile d'Ephèse                                         22 juin - septembre 431
Concile de Chalcédoine                                 8 octobre - novembre 451
Concile de Constantinople II                        4 mai - 2 juin 553
Concile de Constantinople III                      7 novembre 680 - 16 septembre 681
Concile de Nicée II                                     24 septembre - 23 octobre 787
Concile de Constantinople IV                        5 octobre 869 - 28 février 870
Concile de Latran I                                      1123
Concile de Latran II                                    8 avril 1139
Concile de Latran III                                  5 mars - 19 mars 1179
Concile de Latran IV                                   11 novembre - 30 novembre 1215
Concile de Lyon I                                        28 juin - 17 juillet 1245
Concile de Lyon II                                      7 mai - 17 juillet 1274
Concile de Vienne                                        16 octobre 1311 - 6 mai 1312
Concile de Constance                                   5 novembre 1414 - 22 avril 1418
Concile de Bâle - Ferrare - Florence - Rome                                                                                              8 janvier 1438 - 7 août 1445
Concile de Latran V                                     3 mai 1512 - 16 mars 1517
Concile de Trente                                       13 décembre 1545 - 4 décembre 1563
Concile de Vatican I                                    8 décembre 1869 - 20 octobre 1870
Concile de Vatican II                                  11 octobre 1962 - 8 décembre 1965

 

L'Église enseigne égale­ment comme des dogmes des vérités qui n'ont pas toujours été en­seignées explicitement ni considérées comme contenues dans la Ré­vélation… Le chrétien doit adhérer à ces propo­sitions pour être sauvé.

En 325, le Concile de Nicée I définissait que le Fils était « vrai Dieu de vrai Dieu, engendré et non créé, consubstantiel au Père ».

En 381, le Concile de Constantinople I définissait le « Saint-Esprit consubstantiel au Père ». Ainsi se trouvait exprimée la profession de foi, connue sous le nom de « Credo de Nicée-Constantinople ». Se trouvait également défini le dogme de la Trinité.

En 431, le Concile d'Éphèse déclarait que Marie, Mère de Jésus, était en même temps Mère de Dieu.

En 451, le Concile de Chalcédoine définissait « la double nature de Jésus » c'est-à-dire que les deux natures, divine et humaine, se trouvaient en sa seule personne.

En 786, le Concile de Nicée II reconnaissait la légitimité du culte des icônes.

Si l’on recherche l’unité des chrétiens, les dogmes proclamés par l’Eglise catholique seule depuis les scissions (orthodoxie et réforme) sont perçus comme un problème. En cas de réalisation de l’unité qui est le but du dialogue œcuménique, les autres chrétiens devront-ils accepter les dogmes ro­mains ? La question ne se pose pas seulement par rapport au passé : l’engagement de l’Eglise catholique dans la re­cherche de l’unité l’empêchera-t-elle de proclamer de nouveaux dog­mes ? En cas de réalisation de l’unité, qui pourrait engager la foi de tous les chré­tiens concernés, afin que l’unité se situe au niveau de la foi, et de ma­nière stable ?

En 1854, le pape Pie IX proclamait le dogme de l’Immaculée Concep­tion de Marie, qui signifie que la mère de Jésus, fut conçue sans le péché. « Nous définissons la doctrine qui af­firme la bienheureuse Vierge Marie, dès le premier instant de sa conception, par une grâce et un privilège particuliers du Dieu tout-puissant, compte tenu des mérites du Christ, Sauveur du genre hu­main, préservée indemne de toute tâche de culpabilité originelle. Nous tenons cette doctrine pour révélée par Dieu ; elle doit pour cela être crue avec fermeté et cons­tance par tous les fidèles » (Bulle Ineffabilis Deus de Pie IX, 8 dé­cembre 1854). Les Eglises de la Ré­forme considèrent Marie comme l'instrument privilégié choisi par Dieu pour donner naissance au Sau­veur. Elles découvrent en elle un modèle d'humilité, de foi et d'obéis­sance, un exemple à suivre. Là s'arrête l'honneur qu'elles lui rendent. L'Eglise Catholique, au contraire, a donné naissance à des dogmes ma­riaux chargés de justi­fier le culte qu'elle lui rend.

En 1870, le Concile Vatican I (interrompu par la guerre de 1870) dé­finissait l’infaillibilité pontificale. « Le pontife romain, lorsqu'il parle "ex cathedra", c'est-à-dire lorsque, remplissant la charge de pasteur et de docteur de tous les chrétiens, il définit, en vertu de son auto­rité apostolique suprême, qu'une doctrine sur la foi ou les moeurs doit être tenue par l'Eglise universelle, jouit, par une assistance di­vine à lui promise en la personne de saint Pierre, de cette infaillibilité dont le divin Rédempteur a voulu que son Eglise fût pourvue en défi­nissant la doctrine de la foi et des moeurs. Par conséquent, de telles définitions du pontife romain sont par elles-mêmes, et non par le consentement de l'Eglise, irréformables » (Vatican I, Constitution Apostolique Pastor Aeternus, ch. 4). « Si quelqu'un s'enhardit à s'op­poser à cette définition qui est la nôtre, ce que Dieu veuille pré­ser­ver, qu'il soit anathème! » (Vatican I, Canon du même décret).

En 1950, le pape Pie XII définissait le dogme de l’Assomption, qui si­gnifie que la mère de Jésus est montée au ciel avec son corps, suivant en cela l'apocryphe La Mort de Marie. L'Assomp­tion de la Vierge est une participation à la Résur­rection de son Fils et une anti­cipation de la résurrection des chrétiens : « Dans ton enfan­tement tu as gardé la virginité, dans ta dormition tu n'as pas quitté le monde, ô Mère de Dieu : tu as rejoint la source de la Vie, toi qui conçus le Dieu vivant et qui, par tes priè­res, délivreras nos âmes de la mort » (Liturgie byzan­tine). Ce concept de l’Assomption est connu également des Églises or­thodoxes sous le nom de Dormition sans bénéficier d'une définition dog­mati­que.

Au cours de son histoire, l'Eglise catholique a développé un ensemble de « dogmes », qui sont des principes de sa foi. Ils ne peu­vent être mis en discussion, et les théologiens qui en doutent sont excommuniés ou suspendus. Un cas récent est celui de Hans Kung, théologien ca­tholique, professeur de théologie à l'université de Tübingen : ayant mis en doute le dogme de l'infaillibi­lité du pape, il fut « suspendu a divinis », c'est à dire qu'il n'a plus le droit de s'appeler « théologien catholique » et donc d’enseigner la théologie.

L'Eglise Catholique a élevé au rang de dogmes beaucoup d'affirma­tions qui n'avaient pas de fondement dans la Bible. Dans le tableau chronologique qui suit, il est possible de voir l’évolution de l’enseignement des doctrines catholiques. Il n'est pas mauvais de montrer que depuis la prédication du Christ la doctrine a évolué.

 

La prière pour les morts débute vers l’an --------------------------------------- 210
On commence à brûler des cierges vers ----------------------------------------- 320
Le culte des saints et des anges s'établit vers --------------------------------- 375
Le dogme de la trinité naît en ---------------------------------------------------- 381
La messe en latin date de -------------------------------------------------------- 394
Le culte de Marie se développe vers -------------------------------------------- 430
L'idée de la sainte vierge, mère de Dieu apparaît en --------------------------- 481
Le purgatoire est découvert en ------------------------------------------------- 593
Le Pape Boniface (111) reçoit le titre d'évêque Universel en ------------------ 606
Le culte des images et des reliques est imposé en ------------------------------788
Le culte de saint Joseph débute vers  ------------------------------------------ 900
La canonisation des saints en ---------------------------------------------------- 993
Le célibat obligatoire des prêtres ---------------------------------------------- 1074
L'infaillibilité de l'église est instituée en --------------------------------------1076
L'usage du chapelet s'introduit en ----------------------------------------------1100
La doctrine des 7 sacrements est enseignée en ------------------------------- 1140
La vente des indulgences date de ----------------------------------------------- 1190
Le dogme de la transsubstantiation date de  ----------------------------------- 1215
La confession auriculaire est imposée en --------------------------------------- 1215
La fête-Dieu date de -------------------------------------------------------------1264
L'année sainte est instauré en --------------------------------------------------1300
L'Ave Maria date de --------------------------------------------------------------1316
La procession de Saint Sacrement de ---------- --------------------------------1439
La doctrine du purgatoire n'est officiellement reconnue qu'en ---------------1439
Le concile de Trente proclame la doctrine des 7 sacrements en --------------1547

Le catholique se définit par l'adhésion à ces dogmes et doc­trines dont l'articulation est codifié à partir des  trois mys­tères chrétiens : la Trinité, l'Incarnation et la Rédemption. La Tri­nité peut être défi­nie de la manière suivante : Dieu est une seule es­sence en trois per­sonnes : le Père, le Fils et le Saint-Esprit. L'Incar­nation est le fait que Dieu s'est fait homme en la personne de Jésus. La Rédemption repose sur le sacrifice du Christ qui rachète le péché des hommes et leur permet d'accéder à la vie éternelle.

Les protestants sont les chrétiens qui ont quitté le corps de l'Eglise catholique, à la suite de la Réforme initiée par Luther en 1517. Il existe aujourd'hui des dizaines d'Eglises protestantes, qu'elles soient luthérienne, calviniste, anglicane, baptiste, évangélique... La règle principale des protestants (leur dogme) est le : Sola Scriptura, par les seules Ecritures ; Sola Gracia, par la seule Grâce de Dieu ; Sola Fide, par la seule Foi. Les protestants ne reconnaissent donc pas l'autorité de Rome, les commandements de l'Eglise ne pouvant être comparés aux commandements de Dieu. Ils prêchent le retour aux seules sources de la Foi : les Ecritures. Les protestants sont christo­centriques et rejettent le culte des Saints et celui de la Vierge, le Christ étant seul médiateur entre Dieu et les hommes alors que les catholiques vénèrent les saintes et les saints c'est-à-dire les bapti­sés que Dieu a admis au paradis. Calvin accepte les dogmes des pre­miers conciles (Nicée, Constantinople, le premier d'Ephèse, Chalcé­doine) tenus pour condamner les erreurs des hérétiques, parce qu’ils n’enseignent rien d’autre que l’Ecriture : « Car ces conciles ne contiennent rien qu'une pure et na­turelle inter­prétation de l'Ecri­ture, que les saints Pères par bonne prudence ont accommodée pour renverser les ennemis de la chré­tienté ».

Le dogme catholique affirme que ceux qui sont morts dans la foi doi­vent être purifiées dans un lieu intermédiaire appelé « purgatoire », avant d'accéder à la béatitude éternelle. Cette purification a une valeur expiatoire. Selon les Protestants, cette doctrine qui affirme la nécessité d'une ex­piation de la part du croyant nie la perfection de l'oeuvre rédemptrice de Jésus-Christ. « Tout péché, même véniel, entraîne un attachement malsain aux créatures, qui a besoin de puri­fication, soit ici-bas, soit après la mort, dans l'état qu'on appelle Purgatoire » (Catéchisme de l'Eglise Catholique,  1472). La tradition catholique affirme aussi l'existence de limbes. Les « limbes des en­fants », dont l'existence est une construction des théologiens, sont le séjour des enfants morts sans baptême. Sans être soumis à des pei­nes, ils sont privés de la béatitude auprès de Dieu. La croyance aux limbes n’est pas un dogme de foi, c’est une explication des théolo­giens du Moyen-Âge pour ceux qui voulaient savoir ce qu’il ad­vient aux petits en­fants non baptisés. Le Catéchisme de l’Église ca­tholique n’en parle plus.

Comment définir le christianisme ? On pourrait dire que le christia­nisme est une doctrine et que le chrétien est celui qui adopte cette façon de penser. On pourrait dire aussi que le christia­nisme est une pratique et que le chrétien est quelqu'un qui va au culte ou celui qui est au service des autres. De fait, le christianisme est une vie.

Le message chrétien, même s'il est adressé à l'homme, est un mes­sage qui parle de Dieu, qui entreprend d'agir pour l'homme et avec l'homme. Le message chrétien apprend à cet homme quelque chose de Dieu, non pas d'un Dieu lointain, comme pourrait l'être celui des dif­férentes philosophies, mais d'un Dieu qui s'est fait proche des hom­mes, au long d'une histoire. Il est le Dieu d'Abraham, le Dieu d'Isaac et de Jacob, le Dieu qui s'est révélé à Moïse au Sinaï, il est le Dieu de Jésus-Christ, comme il est, par ailleurs, le Dieu de Mahomet. La conception de Dieu, dans le christianisme, conception qu'il partage, à certains égards, avec le judaïsme et l'islam, est celle d'un Dieu qui agit, qui a un souci personnel de l'homme, d'un Dieu qui s'engage, dans une alliance, avec des hommes concrets.

Ce message parle premièrement de Dieu et de ce qu'il fait, et il ac­quiert la spécificité chrétienne pour autant que se trouve soulignée l'action de ce Dieu en faveur de l'individu singu­lier qu'est Jésus-Christ. Cette action continue de se poursuivre en faveur du groupe instauré par lui, pour prolonger et parachever l'oeuvre qu'il a entre­prise. Ce groupe, l'Eglise, fondée sur les apôtres, reconnaît l'action de Dieu, dans la mouvance de l'Esprit-Saint. Dès lors, il ne peut s'agir d'une action impersonnelle de Dieu, et le message chrétien n'est donc pas un message général sur l'amour, sur la vie, sur la liberté... Il ne manque pas de philosophies pour enseigner l'amour, le sens de la vie, la valeur de la liberté...

Le propre du langage chrétien, c'est d'être référé à Jé­sus de Naza­reth, qui a été crucifié et qui est ressuscité. En dehors de cette af­firmation de la mort et de la résurrection de Jésus-Christ, le mes­sage chrétien perd toute sa signification, toute sa por­tée. Une étude sur la vie de Jésus, en tant que personnage histori­que, dont il ne reste d'ailleurs guère de traces en dehors des écrits du Nouveau Testament, ne saurait être chrétienne ; de même, une description unilatérale de ce que pourrait être la vie de la deuxième personne de la Trinité, indépendamment de l'existence concrète de Jésus de Na­zareth, ne saurait recouvrir la spécificité chrétienne, mais tomberait ipso facto dans la pure spéculation gnostique.

Être chrétien, se reconnaître d'Eglise, c'est accentuer l'aspect de la mort et de la résurrection du Christ Jésus. Et de plus, l'accent peut être mis sur la mort elle-même de ce Jésus, cette mise à mort n'est pas insignifiante, c'est une mort qui passe par la souffrance d'être réprouvé de tous, une mort qui passe par le supplice de la croix, avec toute l'abjection de cette forme d'exécution capi­tale... La victoire du Christ sur la mort, c'est la victoire sur cette abjection, sur ce rejet de la société, sur l'infamie, sur la mé­chanceté, sur l'ignominie, sur la déréliction même et l'abandon de tous. A la limite, il serait permis de penser que la croix est la mani­festation même de ce que d'aucuns appelleraient « l'essence du christianisme ». Ce n'est pas pour rien que, lorsqu'un archéologue rencontre une croix, il lui est possible d'affirmer, avec une certitude absolue, qu'il traverse une civilisation chrétienne. Ce signe de la croix est vraisemblablement un des critères les plus spécifiques de la foi chrétienne, telle qu'elle a été reçue des apôtres et transmise par leurs successeurs.

Sur cette base du message repose la construction de l'Eglise, qui rassemble en communauté ceux qui croient au mes­sage que Jésus ap­porte. Aussi l'Eglise doit-elle être une réalisation socialement repé­rable, puisqu'elle est composée d'hommes qui ten­tent de témoigner d'une réalité qui les dépasse, qui les transcende, mais qui se mani­feste au coeur même de leur rassemblement de foi. La forme concrète de l'Eglise dépend grandement du milieu so­cioculturel dans lequel elle se trouve implantée, c'est la raison pour laquelle il a été possible de noter que les divisions dans l'Eglise se sont manifestées par le biais des conditionnements politiques.

Le christianisme a pris des formes diverses, au cours de l'histoire, et il existe désormais dans les déterminations concrètes du catholi­cisme, de l'orthodoxie et du protestantisme. A elles trois, ces ex­pressions religieuses forment le christianisme, mais il ne peut plus être pensable d'étudier le christianisme comme une entité isolable de ses déterminations. Il n'est pas possible d'étudier le christia­nisme en dehors de ses expressions historiques, sinon en mentionnant simplement les grandes lignes du message que Jésus de Nazareth a pu livrer à ceux qui sont devenus ses disciples. Ceux-ci l'ont transmis aux générations ultérieures sous la forme des Évangiles et des let­tres qu'ils ont adressées aux différentes communautés. Le message chrétien trouve son condensé dans la confession de foi du « Symbole des Apôtres » ; tous les chrétiens partagent la même foi qui est an­noncée dans ce Symbole, devenu signe de reconnaissance mutuelle.

Il faut tenir compte des déterminations socioculturelles, dans les différentes Églises, pour découvrir le christianisme ; vouloir cher­cher le christianisme ou l'essence de la foi chrétienne en dehors de toute considération historique amènerait à un syncrétisme de mau­vais aloi qui n'aurait alors plus rien à voir avec la vérité du message chrétien, lequel ne peut s'exprimer que dans la pluralité, dans la di­versité de perception du même message d'un Dieu unique qui se ré­vèle dans la Trinité, du Père du Fils et de l'Esprit-Saint.