La profession de foi d’Israël

אֲרַמִּי אֹבֵד אָבִי    ()arammî )ōbēd )ābî )


Mon père était un Araméen errant...

 

Je déclare aujourd'hui à Yahvé mon Dieu

que je suis arrivé au pays que Yahvé avait juré à nos pères de nous donner.

Mon père était un Araméen errant. Il descendit en Égypte,

et c'est en petit nombre qu'il vint s'y réfugier,

afin d'y devenir une nation grande, puissante et nombreuse.

Les Égyptiens nous maltraitèrent, nous brimèrent

et nous imposèrent une dure servitude.

Nous avons fait appel à Yahvé, le Dieu de nos pères.

Yahvé entendit notre voix,

il vit notre misère, notre peine et notre état d'oppression.

Et Yahvé nous fit sortir Égypte, à main forte et à bras étendu,

par une grande terreur, des signes et des prodiges.

Il nous a conduits ici, et nous a donné ce pays,

pays où ruissellent le lait et le miel.

Voici que j'apporte maintenant les prémices de la terre,

que tu m'as donnée, Yahvé

                               

Deutéronome 26, 3 b + 5 b - 10 a

 

 

Cette profession de foi était prononcée par le cultivateur lorsqu'il apportait les prémices de sa récolte au Temple de Jérusalem. Elle rappelle l'événement central, celui qui a donné au peuple d’Israël son identité. C'est l'histoire d'un exode, le récit d'une libération de la servitude suivie d'une marche à travers le désert, vers une terre de promesse.

Brève histoire du peuple d’Israël

 

L'histoire d'Israël ne peut se comprendre que dans sa religion, et sa religion ne peut se comprendre que dans son histoire, c’est-à-dire dans la marche des événements.

L'histoire commence à Sumer. Les Sumériens peuvent être considé­rés comme les créateurs de la civilisation en Basse-Mésopotamie, bien qu'ils aient constitué, jusqu'au début du vingtième siècle, un peuple pratiquement, ignoré, en tout cas oublié. Il y a six mille ans que les hommes ont créé une première forme de civilisation sur les rives du Tigre et de l'Euphrate, dans la région qui porte, dans les li­vres d'histoire, le nom de "Mésopotamie", c'est-à-dire : de pays "en­tre les deux fleuves". Tout porte à croire que leur civilisation n'a pas été importée d'ailleurs mais qu'elle s'est formée sur place, dans la région de ces hommes qui étaient nommés "les têtes noires", en rai­son vraisemblablement de leur race a peau brune, hommes qui se­raient venus, estime-t-on généralement du nord-est de l'Inde. Ces hommes de Sumer ont formé le premier peuple qui ait laissé des do­cuments écrits. C'est chez eux que les archéologues ont découvert les plus anciens documents écrits que nous possédions de toute l'hu­manité, et ces mêmes archéologues se demandent s'il ne faut pas les considérer comme les inventeurs de l'écriture.

Déjà exercés au travail de l'agriculture, ils ne tardent pas à commer­cer avec leurs voisins moins favorisés. Pour favoriser leurs entrepri­ses commerciales, les Sumériens en sont venus à imaginer d'écrire sur de l'argile.

Les plus anciens documents ont été découverts dans les ruines de la ville d'Uruk : il s'agit de plus de mille tablettes pictographiques, dif­ficiles à déchiffrer mais que l'on suppose être des aide-mémoire ad­ministratifs. Au cours des siècles, ils améliorèrent et perfectionnè­rent leur technique. Ils se limitaient d'abord à traduire des images ou des représentations dans un type d'écriture pictographique ou idéographique. Puis, ils ont cherché à traduire les sons de la langue. Ainsi, dans le courant troisième millénaire, l'écriture s'assouplit pro­gressivement : les signes sont décomposés en petits éléments qui perdent toute ressemblance avec les images primitives. De cette fa­çon naquit l'écriture cunéiforme : elle est constituée d'éléments ayant la forme d'un clou (en latin, cuneus) et elle comprend environ cinq cent cinquante signes formés par l'agencement des quatre élé­ments de base : clou horizontal, clou vertical, clou oblique et double clou. Grâce à cette symbolisation, il devenait possible de fixer par écrit, sur des tablettes d'argile, toutes les créations littéraires qui étaient jusqu'alors transmises par la seule voie orale.

A l'époque où cette région et sa civilisation atteint l'apogée, les Ak­kadiens, des Sémites, commencent à se sédentariser. Vers 2300, un sémite, d'origine humble, renverse le roi sumérien dont il était l'échanson. Il fonde une ville, Agadé, dont il se proclame roi. Sargon venait ainsi d'inaugurer sa grande oeuvre politique : la constitution du premier empire digne de ce nom dans toute l'histoire de l'humanité. Il n'est certes pas le premier aventurier à conquérir un trône, ni le premier à étendre son pouvoir sur des territoires importants, mais il est le premier à fonder une dynastie qui poursuivra son oeuvre pen­dant un siècle.

La légende a fait de lui un enfant naturel, exposé par sa mère sur le fleuve dans une corbeille de roseaux, recueilli et élevé par un jardi­nier au coeur compatissant... Dans les récits épiques, il est présenté au faîte de sa puissance, exerçant sur le monde entier une puissance absolue. Sous sa conduite, les Akkadiens vont achever la conquête de la Babylonie et iront jusqu'à la Syrie et le Liban. Ses fils et petits-fils lui succèdent, poursuivant ses exploits militaires. Mais les suc­cesseurs du petit-fils de Sargon vont laisser l'empire sombrer dans l'anarchie et l'émiettement.

Au moment de la chute de Sumer, se trouvait dans ma place une fa­mille de nomades araméens. Son premier point d'attache avait vrai­semblablement été Harran, et c'est vers cette dernière ville que ce clan repartit, à la suite de Terah, son chef, le père d'Abram. Si Te­rah, comme la plupart des hommes de son temps, était polythéiste, il n'en est pas de même pour son fils, qui brisa avec l'idolâtrie et se mit au service d'un dieu unique, qu'il considérait comme le créateur du ciel et de la terre. A la différence des Sumériens et des Akkadiens, qui avaient aussi certaines tendances monolâtriques, le dieu d'Abram n'est pas une divinité locale ou un dieu qui aurait une supériorité sur les autres divinités des différentes cités : il est le seul et unique Dieu, en dehors de lui, il n'en est point d'autre. Ce n'est pas une divi­nité de la nature, comme Shemesh, dieu du soleil à Babylone, ou comme Sin, dieu lunaire d'Ur et d'Harran. Le Dieu d'Abram est per­sonnel, il a des relations d'intimité avec son fidèle, à qui il donne un nom nouveau : Abraham.

Abraham s'arracha du milieu païen d'Harran et reprit la migration entreprise par son père : il partit vers Canaan et traversa le Jour­dain. C'est là qu'il reçut, ainsi que sa famille, le nom d'Hébreux, car il venait de l'autre côté du fleuve, selon une étymologie populaire. Mais il est également possible de faire dériver ce terme de la tribu no­made des Habiru, qui apparut en Asie occidentale dans le courant du deuxième millénaire. Après un court séjour en Égypte, Abraham s'installa à Hébron, dans la plaine de Mambré. Dieu fit alliance avec lui, avec, comme signe inscrit dans la chair, la circoncision des mâles. Abraham eut deux fils : l'un de sa servante Agar, Ismaël qui est considéré comme le père des musulmans, l'autre de sa femme Sara, Isaac qui poursuivit l'oeuvre de son père. Après Isaac, Jacob son fils hérita de la promesse faite au patriarche Abraham. Après avoir lutté contre un ange durant toute une nuit, Jacob reçut un nouveau nom, celui d'Israël, dont l'étymologie signifie : « il a été fort contre Dieu ». Ce nom d'Israël devait remplacer progressivement celui d'Hébreux, par lequel était désignée la descendance du patriarche Abraham.

Jacob eut douze fils qui furent les ancêtres des douze tribus d'Israël. Un des plus jeunes, Joseph, fut vendu par ses frères à des marchands d'esclaves qui l'emmenèrent en Égypte. Profitant de cir­constances favorables, Joseph accéda à la position de vice-roi de l’Égypte. C'est là que sa famille, chassée d'Hébron par une famine, vint le retrouver. Elle devint un peuple nombreux et puissant Jus­qu'au moment où la politique égyptienne changea et où Israël fut ré­duit en esclavage. C'est toute cette histoire des origines du peuple qui constitue l'antique profession de foi, telle qu'elle est rapportée au livre du Deutéronome…

Au moment critique de son histoire, le peuple qui s'était plus ou moins détourné du Dieu de ses pères, pour ne plus se soucier que de sa propre croissance et de son pouvoir, se retourne vers son Dieu, vers le Dieu de ses pères, qui va le sauver de l'oppression et de la servitude d’Égypte. Le libérateur national fut Moïse, fils adoptif d'une princesse égyptienne, mais fils d'une femme des Hébreux qui, pour le sauver de la condamnation de mort qui pesait sur chaque en­fant mâle naissant parmi les Hébreux, décida de l'exposer sur le fleuve, dans une corbeille de roseaux, espérant qu'il obtiendrait la faveur de la princesse égyptienne qui venait se baigner régulièrement à cet endroit. Moïse n'oublia Jamais ses origines, malgré son éduca­tion à la cour du pharaon, et il prit le parti des siens contre leurs maîtres. Contraint à l'exil pour avoir assassiné un contremaître égyp­tien, Moise se réfugia au pays de Madian. Et, un jour qu'il faisait paî­tre le troupeau de son beau-père dans le désert du Sinaï, Dieu se ré­véla à lui sous le nom de YHWH, en s'identifiant au Dieu d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. Il lui ordonna de retourner en Égypte pour libé­rer le peuple de sa servitude et le conduire en Terre Promise, le pays de Canaan.

Ayant fait sortir Israël du pays d’Égypte, Moïse le conduisit vers le Sinaï, où il lui donna une constitution législative, une Loi, la Torah. Celle-ci est un enseignement qui concerne toute la vie du peuple, tant dans sa religion que dans sa politique, tant dans la vie collective que dans l'existence individuelle. Elle vise à faire d'Israël un peuple saint, c'est-à-dire un peuple consacré à Dieu et donc séparé des au­tres, qui étaient vouées à l'idolâtrie et à des pratiques dégradantes, comme les sacrifices humains.

Pourtant, après l'épisode du Sinaï, le peuple n'était pas encore prêt à entrer dans le pays que Dieu avait promis de donner, car ce peuple était encore empreint d'une mentalité d'esclave. Et, d'autre part, le pays n'était pas prêt à recevoir des hommes libérés : Canaan était encore sous l'influence de l’Égypte. Aussi Israël vécut-il longuement dans le désert, le temps qu'il fallut à la génération sortie d’Égypte pour disparaître. C'était un peuple nouveau qui pouvait entrer dans ce pays, sous la conduite de Josué, le successeur de Moïse. Josué répar­tit les tribus d'Israël sur toute l'étendue du territoire occupé et il organisa la vie politique et religieuse du peuple en une confédération de tribus. Mais, à la mort de Josué, les tribus se divisèrent et l'in­fluence des dieux étrangers se fit sentir. Des chefs, appelés Juges, essayèrent de redresser la situation, ramenant le peuple du culte de YHWH. Samuel, le dernier Juge, avait ainsi solidement établi ce culte à Siloé, abolissant pour un moment le culte de Baal dans le Nord du pays.

Mais le peuple en vint à réclamer un roi, à l'image des rois voisins, c'est-à-dire un homme qui aurait droit de vie et de mort sur ses su­jets. Après avoir longuement hésité, Samuel proposa une constitution démocratique, la première de l'histoire, et un roi Saül. Mais celui-ci ne répondit pas aux espoirs placés en lui. Son successeur, David, inaugura une période de prospérité pour Israël, avec la prise de Jé­rusalem, dont il fit sa capitale, sur les pentes du mont Sion. Salomon, son fils, continua son oeuvre l il centralisa la vie politique et reli­gieuse autour du Temple de Jérusalem dont il commença l'édification pour remplacer tous les sanctuaires du pays. Pourtant, les mariages de Salomon avec des princesses étrangères, commandés par la raison d'État, le conduisirent à permettre le rétablissement des sanctuai­res païens qui contaminèrent la pureté du culte rendu au Dieu unique.

A la fin du règne de Salomon, YHWH était devenu un simple dieu na­tional et non plus le Dieu unique : l'unité des douze tribus s'en res­sentit. Et une rébellion des tribus du Nord, après la mort de Salomon (932), entraîna la division en deux royaumes, celui d'Israël au Nord, regroupant dix tribus dirigées par Jéroboam, et celui de Juda au Sud, avec deux tribus fidèles à la dynastie davidique et dirigées par Roboam, fils de Salomon. Ce schisme politique a des répercussions religieuses. Jéroboam institue des sanctuaires à Dan et à Béthel, en y faisant élever des veaux d'or, qu'il considère non pas comme des idoles, mais comme des images du Dieu unique C'était une façon de se concilier les masses peu éclairées d'origine cananéenne. Seulement, ce royaume sera toujours d'une grande instabilité politique, alors que le royaume de Juda maintiendra la dynastie de David, même si des conflits avec les puissances voisines finissent peu à peu par ruiner son prestige. C'est dans ce cadre troublé que va s'inaugurer le mou­vement prophétique. En Israël, Élie, brûlant d'un zèle jaloux pour YHWH, entreprit de lutter contre la dynastie de Jéroboam et pour le retour au culte du Dieu unique, qui est juste pour toutes les na­tions. La prédication des prophètes, ainsi commencée, devait se continuer sans trêve mais elle ne fut guère entendue. Et l'infidélité à YHWH fut présentée comme la cause de la ruine fatale du royaume : assujetti à l'Assyrie, Israël, sous l'impulsion égyptienne, se révolta. La riposte ne se fait pas attendre : la capitale, Samarie, tombe aux mains de Sargon II (721). Celui-ci déporte la population et la rem­place par des colons étrangers qui, mêlés aux derniers restes d'Israël, formèrent un peuple semi-idolâtre, les Samaritains. Le royaume du Nord quittait la scène de l'histoire. Et le nom d'Israël cesse de s'appliquer à ce royaume pour désigner tous les descendants du patriarche, éparpillés dans le monde.

Dans le royaume de Juda, les premiers successeurs de Salomon consolidèrent la dynastie, en s'appuyant sur le respect dû à la Torah et sur le culte organisé dans le Temple. Il y eut certes des fluctua­tions religieuses, et au milieu du huitième siècle la décadence s'est accentuée. Cependant, la chute de Samarie inquiète les esprits ; aussi le roi Ezéchias entreprend-il une réforme religieuse, en centralisant une fois de plus toute la vie politique et religieuse autour du Temple. Malgré cela, la puissance assyrienne finit par amputer le royaume de Juda ; une apostasie presque générale fait oublier la Torah, et la fi­délité à YHWH ne subsiste que dans des cercles restreints, où l'on conserve les traditions prophétiques. Profitant d'un déclin de l'Assy­rie, un roi de Juda, Josias, entreprend une réforme, en s'appuyant sur la découverte du code d'alliance dans le Temple, en 622.

Un programme religieux inspire son règne : un seul Dieu, YHWH, une seule Loi, la Torah, un seul Temple, Jérusalem. Mais le pouvoir politi­que en Orient change de maître, Babylone prend la place de l'Assy­rie ; Josias en profite pour tenter d'assurer l'indépendance natio­nale. Alors qu'il barrait la route aux troupes égyptiennes, il périt dans la bataille de Meggido, en 609. Sa mort remet en question son oeuvre : à quoi bon être fidèle à Dieu si cela ne sert à rien ? Nabu­chodonosor, reprenant à son compte les ambitions de l'Assyrie, in­vestit Jérusalem une première fois en 598, il déporte le roi, l'aristo­cratie et le clergé. Une révolte, fomentée par les partisans de l’Égypte, entraîne la mise à sac de Jérusalem : toute l'élite de la po­pulation est emmenée en exil en 586. Juda partageait le sort d'Israël : la captivité. Mais les déportés de Juda ne se mêlèrent pas à leurs vainqueurs. Sous l'influence du prophète Jérémie, ces dépor­tés en Babylonie vont être amenés à purifier leurs conceptions reli­gieuses. Le châtiment imposé par Dieu à son peuple commence à faire réfléchir : les menaces des prophètes se sont réalisées, il est temps d'écouter leur voix et de se convertir. Grâce à ce travail intérieur, un peuple nouveau prend naissance : les Juifs qui, partout où ils s'ins­talleront, seront porteurs d'un message nouveau, le judaïsme.

La Perse ayant pris la relève de Babylone, la nation juive bénéficie de la clémence de Cyrus. En 538, il permet aux exilés de rentrer à Jéru­salem. Peu de juifs profitent de cette faveur, préférant rester là où ils s'étaient créé des conditions de vie favorables plutôt que de ren­trer dans un pays qu'ils ne connaissaient plus. Pourtant cinquante mille d'entre eux reviennent à Jérusalem, et, malgré quelques opposi­tions des occupants du pays, la reconstruction du Temple s'achève au printemps 515. Le second Temple n'a pas la splendeur du premier ; de plus, Jérusalem demeure une ville ouverte : les murailles ne sont pas reconstruites. En 458, Esdras revient à Jérusalem avec environ cinq mille personnes : il commence par interdire les mariages mixtes, afin de ne pas souiller la race sainte. C'est de cette époque que date, dans le judaïsme, le refus de tels mariages, bien qu'ils ne soient pas interdits par la Torah et même si une telle mesure n'est pas approu­vée par tous. En 445, Néhémie revient à son tour, avec une escorte, afin de relever les murs de la capitale de Juda. C'est dans ce cadre de restauration nationale que le judaïsme s'organise de façon posi­tive, autour dé la Loi. Certes, l'État de la Judée était un territoire politiquement insignifiant, mais son influence grandit rapidement : l'État théocratique allait donner une nouvelle direction à l'histoire Juive. Les pays dans lesquels les Juifs étaient dispersés, particuliè­rement en Babylonie et en Égypte, renouent avec la communauté de Jérusalem, dans le respect de la Torah et des traditions ancestrales. Des maîtres, docteurs de la Loi, se mettent à enseigner la Torah à tout le peuple ; ils codifient ainsi la vie sociale de toute la commu­nauté Juive, tant dans le territoire de la Judée que dans le reste du monde. Pour cela, ils enseignent dans les synagogues et dans les éco­les pour faire entrer la Loi dans le coeur et dans l'esprit de tout le peuple, afin d'en sanctifier toute l'existence.

La Judée cesse d'être sous la domination perse en 333, lorsque le conquérant Alexandre le Grand pénètre sans difficulté en Asie et oc­cupe la Palestine. Les contacts avec l'hellénisme se multiplient dans ce petit pays aussi bien que dans la Dispersion (Diaspora) juive à tra­vers le monde méditerranéen, si bien qu'en 280 la communauté juive d'Alexandrie jugea nécessaire de donner aux Juifs de langue grecque une traduction des Écritures. Ce fut la version de la Bible hébraïque, connue sous le nom de Bible des Septante, en souvenir des soixante-douze anciens qui travaillèrent à cette traduction. Destinée aux Juifs qui ne parlaient plus lu langue hébraïque, cette Bible servit à faire connaître le judaïsme au monde païen, ce qui lui amena beaucoup de sympathisants (prosélytes) dans toutes les classes sociales. Les suc­cesseurs d'Alexandre que ce soit les Séleucides de Syrie, ou que ce soit les Ptolémées d’Égypte, pratiquent la tolérance à l'égard de la Palestine. L'hellénisation du Judaïsme se fera sans heurt dans le sa­cerdoce et l'aristocratie, mais certains fervents se révoltèrent à la suite de Juda Maccabée, à partir de 167. Cela permettra au Ju­daïsme de se définir dans la distinction de l'hellénisme. Cette crise lui donnera l'occasion d'une purification et l'affermira dans sa voca­tion particulière à l'égard du monde d'alors.

Un siècle plus tard, profitant des troubles dans la succession des Asmonéens, descendants des Maccabées, Rome intervient. Pompée prend en mains les affaires de Judée. C'est à ces circonstances que Hérode le Grand doit sa fortune. En 39, il se rend à Rome pour se faire couronner roi des Juifs. Homme d'état, ce fut aussi un grand bâtisseur : il fait aménager le port de Césarée et se lance dans de grands travaux de construction, particulièrement la restauration du Temple. A sa mort, en l'an 4 avant notre ère, la succession est diffi­cile : Rome intervient et partage son royaume entre ses fils. L'un d'eux qui s'était vu attribuer la province de Judée, Archélaüs, sera exilé par l'empereur en l'an 6, et la Judée sera dès lors gouvernée par des procurateurs romains.

L'agitation politique ne cessera pas, elle dégénère même en véritable révolte, qui conduit à une première guerre juive (66-73), marquée par la destruction du Temple en 70. Ramenant à Rome ses trophées, dont un rouleau de la Torah et la menorah, le chandelier à sept branches du Temple, Titus était, malgré tout, hanté par la crainte d'une nou­velle insurrection. La guerre se ralluma sous Hadrien (132-135). La nation Juive fut écrasée, et Jérusalem, baptisée Aelia Capitolina, fut interdite aux Juifs. Au seul jour anniversaire de la destruction du Temple, ils furent autorisés à venir pleurer près du Mur occidental du Temple, encore resté debout : ce mur fut longtemps appelé « Mur des lamentations ».

Le Judaïsme devenait ainsi une religion en dehors d'une organisation politique : c'en était fait du royaume, de la cité plus ou moins théo­cratique. L'ère de la spiritualisation du judaïsme commençait, et pen­dant les siècles qui suivirent jusqu'à la création de l'État d'Israël, en 1948, le voeu pieux de tout Juif était de fêter la Pâque « l'an pro­chain à Jérusalem ». Devant désormais survivre en dehors de la Pa­lestine, le Judaïsme s'appuiera sur les différents courants de la tra­dition demeurés vivants pendant le premier siècle.