L’évangile de la Samaritaine

 

 

 

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L’évangile de la Samaritaine

 

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L’histoire se situe aux environs de l’an 30 de notre ère, vers l’an 15 du règne de Tibère César ; dans la province romaine de Palestine, conquise par Pompée.

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Au temps de Jésus, le pays d’Israël comptait trois régions superposées. Il y avait la Judée au sud, la Samarie au-dessus et la Galilée au nord. Le chemin le plus simple pour aller de la Judée en Galilée, était de traverser la Samarie. Mais les Juifs pieux, évitaient la Samarie qu'ils considéraient comme impure.

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Ils passaient par l'est en traversant le Jourdain. Ils montaient vers le nord, retraversaient le Jourdain et se retrouvaient en Galilée. Ce n'était pas le chemin normal, mais ils évitaient ainsi la Samarie.

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La région de la Samarie, dont le nom vient de sa capitale fondée par le roi Omri (886-875 avant Jésus-Christ), correspond à l'ancien royaume du Nord, le royaume d'Israël.

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Les Assyriens s'en emparent en 722 avant Jésus-Christ ; ils déportent une partie des habitants du royaume et y installent des colons.

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Le terme « Samaritains » désigne les descendants de ceux qui sont restés en Samarie et de ceux que les Assyriens ont amenés, certains étaient sans aucun doute le produit de mariages mixtes. Plus tard, le nom prit une connotation plus religieuse que raciale ou politique.

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La population est alors mêlée : les Samaritains ont conservé la foi des ancêtres (le Pentateuque) mais ne reconnaissent pas les autres traditions juives, ils intégrèrent dans leur culte des éléments païens, ils rejettent le reste des Écritures hébraïques, à l’exception peut-être du livre de Josué.

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Cependant, le fait qu’ils acceptent le Pentateuque amène les Samaritains à croire qu’un prophète plus grand que Moïse viendrait (au premier siècle, ils attendaient la venue de Christ le Messie, et certains le reconnurent. Plus tard, grâce à la prédication des premiers chrétiens, de nombreux Samaritains embrassèrent le christianisme avec joie).

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Les choix des Samaritains amenèrent la formation d’un schisme. Ils construisirent un lieu de culte sur le Mont Garizim, rival du Temple de Jérusalem.

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Quand Jésus apprit que les Pharisiens avaient entendu dire qu'il faisait plus de disciples et en baptisait plus que Jean - bien qu'à vrai dire Jésus lui-même ne baptisât pas, mais ses disciples -, il quitta la Judée et s'en retourna en Galilée.

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Depuis la rencontre de Jésus avec Jean sur le bord du Jourdain, des rumeurs circulaient : les disciples de Jean quittaient ce dernier pour rejoindre Jésus ; Jean les y poussait même, répétant sans cesse qu'il n'était pas, lui, celui qu'on attendait, mais qu'il lui préparait seulement la route.

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On essaya même de dresser les deux hommes l'un contre l'autre, en faisant le décompte de leurs disciples respectifs !

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Or il lui fallait traverser la Samarie. Il arrive donc à une ville de Samarie appelée Sychar, près de la terre que Jacob avait donnée à son fils Joseph. Là se trouvait le puits de Jacob. Jésus, fatigué par la marche, se tenait donc assis près du puits.

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Jésus décide de quitter la Judée, pour regagner la Galilée. Le chemin le plus court lui fait traverser la Samarie. Vers midi, avec ses disciples, il arrive à Sychar, (ou Sichem, aujourd’hui Naplouse, en territoire palestinien de Cisjordanie).

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A l'époque du Nouveau Testament, les Samaritains faisaient figure, pour les Juifs, d'étrangers, d'hérétiques, d'impurs. Quand Jésus commence son ministère, la brèche entre les deux peuples n’est pas réparée, même si le temple de Garizim a été détruit environ un siècle et demi auparavant. Les Samaritains adorent toujours au mont Garizim et les Juifs ont peu de respect pour eux.

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Jésus ne va pas se laisser pas ébranler par les querelles du passé. Même si la plupart des Juifs évitaient la Samarie, il la traverse avec ses disciples.

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Fatigué, il s'est assis au bord du puits près de la ville Sychar, non loin de l'endroit où Jacob avait campé jadis et fait creuser un puits qui porte encore son nom.

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Le puits, dans la Bible, c'est le lieu de la vie, le lieu de la rencontre, le lieu où s'échangent les nouvelles. Ce puits était situé à environ huit cents mètres à l'extérieur du village, près de l'endroit où se rencontrent les deux routes commerciales.

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Les voyageurs fatigués venant de tout Israël connaissaient ce puits où ils pouvaient se rafraîchir, avec une eau à environ quarante-cinq mètres de profondeur. Dans ce pays montagneux, les hommes colmataient de manière étanche les poches d'eau naturelles qui se formaient entre les rochers. Ces poches drainaient les eaux de pluies des alentours et constituaient de véritables réservoirs d'eau potable pour les hommes et le bétail.

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Ce puits offre de l’eau dans une région rocheuse et sèche. Il est seul à permettre la vie autour de lui. Il fait partie de la route des puits nécessairement suivie par les Patriarches. Ce lieu est honoré depuis des millénaires à cause du souvenir de ceux-ci.

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Au dessus du puits se dressent deux montagnes : le mont Ebal et le mont Garizim. Elles encadrent le passage stratégique qui conduit de la plaine côtière aux routes qui traversent la Terre promise.

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C'est donc aussi une sorte de retour aux sources, un genre de pèlerinage qui amène Jésus au puits du Patriarche Jacob et à s'y arrêter quelques heures pour se reposer du soleil et des longues marches.

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C'était environ la sixième heure. Une femme de Samarie vient pour puiser de l'eau.

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Soudain vers la sixième heure, alors que le soleil est à son zénith, une femme de Samarie, vient avec une cruche sur l'épaule pour remonter de l'eau avec la poulie du puits. C’est une scène qui paraît ne rien avoir d’extraordinaire, et qui pourrait se passer chaque jour. Rien ne saurait présager une rencontre qui va provoquer un chambardement dans la vie d’une communauté.

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Alors que la Samaritaine approchait du puits, un homme étrange était déjà assis là. Il semblait être un étranger, un voyageur. Il était différent des autres hommes. Et la Samaritaine avait connu beaucoup d'hommes…

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Les Samaritains connaissaient les signes distinctifs qui ornaient les habits des juifs et elle comprit qu'elle n'avait rien à craindre de cet étranger dans cet endroit isolé puisqu'ils ne leur adressaient même pas la parole. La femme sera donc très étonnée lorsque le visiteur lui demandera à boire…

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Jésus lui dit : Donne-moi à boire. Ses disciples en effet s'en étaient allés à la ville pour acheter de quoi manger. La femme samaritaine lui dit : Comment ! toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? (Les Juifs en effet n'ont pas de relations avec les Samaritains.)

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Dans un premier temps, Jésus est pour elle quelqu’un dont elle perçoit surtout l’humanité : un homme fatigué, assoiffé, originaire du peuple juif, frère ennemi du sien, mais un homme séduisant pour elle que les autres femmes du village devaient considérer comme une prostituée, en tout cas elle était mise à l’écart.

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Elle venait seule au puits pendant la journée, les autres femmes n'auraient pas fait cela, elles puisaient l'eau en compagnie d'autres femmes tôt le matin, ou vers le soir. De plus, la localisation près du puits prend toute sa signification.

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Le puits dans le monde oriental est le lieu de la vie, du quotidien, le passage obligé pour qui veut survivre. C’est aussi là que se nouent souvent les histoires d’amour, car les jeunes gens y rencontrent les jeunes femmes.

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Jésus demande de l'eau à une Samaritaine reconnue comme une prostituée. Il ne la condamne pas du regard. Il lui demanda de l'aider. Jésus parle en termes de « faim et de soif ». Pour la femme, c'est une présentation désarmante et spontanée.

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Bien sûr, parler à une étrangère en public, et pour un juif, boire de l'eau de son récipient païen, tout cela était choquant pour l'époque. Les Juifs, en effet, n'ont pas de relations avec les Samaritains.

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La femme est interloquée. Elle fait seulement la remarque que Jésus n'avait pas de récipient pour puiser de l'eau. C'était la coutume des voyageurs d'avoir un récipient en cuir qu'ils pouvaient transporter dans leurs bagages. Mais elle lui répond aussitôt : toi qui es Juif, tu me demandes à boire à moi qui suis une femme samaritaine ? Comment oses-tu donc me le demander ?

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En effet, il y a là trois choses surprenantes : qu'un juif parle avec une samaritaine ; qu'un homme parle avec une femme en public ; qu'un juif boive à une coupe samaritaine ! A cette époque, c'était une chose dont on n'entendait pas parler. Qu'un homme s'adresse à une femme dans ces circonstances et qu'il demande à boire était encore plus inouïe ? Les rabbis enseignaient que c'était un péché de toucher un ustensile qu'un samaritain a touché.

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Jésus lui répondit : Si tu savais le don de Dieu et qui est celui qui te dit : Donne-moi à boire, c'est toi qui l'aurais prié et il t'aurait donné de l'eau vive. Elle lui dit : Seigneur, tu n'as rien pour puiser, et le puits est profond. D'où l'as-tu donc, l'eau vive ? Serais-tu plus grand que notre père Jacob, qui nous a donné ce puits et y a bu lui-même, ainsi que ses fils et ses bêtes ? Jésus lui répondit : Quiconque boit de cette eau aura soif à nouveau ; mais qui boira de l'eau que je lui donnerai n'aura plus jamais soif ; l'eau que je lui donnerai deviendra en lui source d'eau jaillissant en vie éternelle.

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Jésus avait commencé de la manière la plus simple : il a demandé à boire à cette femme. Assoiffé, il n'avait rien pour puiser, mais la femme avait ce qu'il fallait. Il avait un besoin, et voyant qu'elle pouvait y répondre, il lui a demandé son aide. Elle s’est étonnée qu'un Juif fasse une telle demande, puisque la plupart des Juifs considéraient qu’une telle action entraînait une impureté rituelle.

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Jésus dit qu'il peut lui offrir quelque chose de meilleur que de l'eau, si elle en veut. Il était prêt à lui demander de l'eau à boire, mais était-elle prête à lui demander quelque chose de meilleur ?

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Jésus utilise un jeu de mots : il parle d’eau vive, ce qui indique généralement une eau qui bouge ou qui coule. La femme savait très bien que la seule eau, à Sychar, se trouvait dans ce puits et qu'il n'y avait aucune eau courante dans les environs. Alors, elle demande à Jésus de s'expliquer. Il répond qu'il s'agit d'une eau qui la mènerait à la vie éternelle.  Boirait-elle des eaux juives ?

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La femme lui dit : Seigneur, donne-moi cette eau, afin que je n'aie plus soif et ne vienne plus ici pour puiser. Il lui dit : Va, appelle ton mari et reviens ici. La femme lui répondit : Je n'ai pas de mari. Jésus lui dit : Tu as bien fait de dire : Je n'ai pas de mari, car tu as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari ; en cela tu dis vrai. La femme lui dit : Seigneur, je vois que tu es un prophète...

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La femme a écouté les paroles de Jésus et elle remarque qu'elle n'a pas affaire à un juif ordinaire. C'est pourquoi elle l'appelle : Seigneur. D’abord le doute s’est introduit en elle : Serais-tu plus grand que notre père Jacob ?

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La Samaritaine disposait de l’accès à l’eau du puits, mais elle se tourne vers lui pour lui demander de l’abreuver… C’est un renversement de situation qui exprime un cheminement de foi. Alors, elle peut reconnaître en lui un prophète, c’est-à-dire quelqu’un qui, sans la condamner, révèle sa situation personnelle : Tu as bien fait de dire : Je n'ai pas de mari, car tu as eu cinq maris et celui que tu as maintenant n'est pas ton mari…

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Si Jésus connaissait les faits sur son état matrimonial inhabituel, alors il connaissait d’autres vérités aussi. Il devait connaître la foule de problèmes qui étaient les siens.

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Son premier problème résidait dans le fait qu’elle était Samaritaine. N'importe quel Juif considérait la religion de la Samaritaine comme imparfaite, elle était une hérétique. Son deuxième problème se trouvait dans son statut de femme. La culture de l’époque ne considérait pas les femmes comme égales aux hommes. Son troisième problème était sa moralité personnelle. Elle était non seulement une femme, faisait partie d'un groupe religieux méprisé, mais en plus elle était une femme déchue.

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Elle savait qui elle était. Ses cinq anciens maris et son concubin actuel avaient fait d'elle une marginale. Elle n'était pas traitée avec respect et ne s'attendait plus à l'être. Mais elle avait de l'expérience, suffisamment pour jauger les hommes. Cependant elle lui a d’abord montré qu'elle avait de l'instruction et qu'elle classait Jacob comme père en ses croyances qui serait à l’origine de ce puits.

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Jésus plonge alors un regard sur cette femme pour faire le bilan de sa vie très agitée : elle semble avoir vécu de nombreuses aventures, décès et déceptions sentimentales… Il entre directement dans sa vie en lui lançant un appel et un défi. Il envahit toute son existence. Elle est alors toute bouleversée : comment un étranger qu'elle jamais rencontré peut connaître le difficile cheminement de son existence ? Alors elle déclare reconnaître en lui un prophète.

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Jésus confronte cette femme avec l'aspect le plus personnel, le plus intime, de sa vie. En fait, il lui demande de faire quelque chose qu'elle ne pouvait pas faire. Il savait qu'il était impossible qu'elle réponde à sa demande. La demande de Jésus : appelle ton mari fait apparaître l'orientation de son existence : cette femme est placée en face d'elle même.

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D'une certaine façon, Jésus semble manquer de sensibilité. Pourquoi remuer le passé ? Veut-il la mettre dans l'embarras Mais le fait de lui dire d'aller chercher son mari, la dérange. Ne voulant pas entrer dans les détails, elle dit simplement, qu’elle n'a pas de mari. C'était vrai ! Mais ce n'était pas tout. Elle cachait la vérité, mais elle ne savait pas que Jésus la connaissait ! C'est une véritable gifle que cette femme a dû ressentir !

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En fait, Jésus met en lumière la poursuite incessante de cette femme du bonheur : elle n'a connu que des relations manquées, à chaque fois elle a été déçue. Elle ne veut même pas courir le risque d'un nouveau mariage, elle vit donc avec un homme sans être mariée. Elle avait eu cinq maris, et l'homme avec lequel elle vivait n'était pas son mari.

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En répondant qu’elle n'a pas de mari, elle fait une réponse courageuse, une confession intime et personnelle faite à un étranger. Elle ne voulait pas parler de « maris ». Elle aurait préféré parler d'eau, ou de l'histoire, ou de l'origine du puits de Jacob.

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Mais Jésus ne la laissa pas se détourner vers des banalités. Sans doute, avait-elle la tête baissée en faisant face à la cruelle réalité de sa vie. Elle était brisée, chargée de péchés et perdue. Elle avait besoin de bien davantage que l'eau du puits. Après sa confession, Jésus continua et lui dit ce qu'aucun autre étranger n'aurait pu savoir sur sa vie.

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Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer. Jésus lui dit : Crois-moi, femme, l'heure vient où ce n'est ni sur cette montagne ni à Jérusalem que vous adorerez le Père. Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l'heure vient - et c'est maintenant - où les véritables adorateurs adoreront le Père dans l'esprit et la vérité, car tels sont les adorateurs que cherche le Père. Dieu est esprit, et ceux qui adorent, c'est dans l'esprit et la vérité qu'ils doivent adorer. La femme lui dit : Je sais que le Messie doit venir, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout. Jésus lui dit : Je le suis, moi qui te parle.

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Comme elle découvre qu’elle a la chance inespérée de pouvoir parler à un vrai prophète, elle en profite pour lui poser la grande question qui la préoccupe depuis son enfance : Nos pères ont adoré sur cette montagne et vous, vous dites : C'est à Jérusalem qu'est le lieu où il faut adorer. La Samaritaine était en attente de salut.

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Jésus va aider sa foi chancelante. Jésus toucha la partie la plus vulnérable de la vie de la Samaritaine. Tout à son mérite, elle ne répondit pas à Jésus que cela ne Le regardait pas. Elle ne lui mentit pas non plus. Elle pensait peut-être qu'elle pouvait changer de sujet de conversation. Voulant désespérément fuir la réalité révélée par Jésus, elle voulait peut-être attirer Jésus dans une discussion sur les différences d'opinions entre Juifs et Samaritains.

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Elle est convaincue qu'elle a à faire à un prophète. Comme elle est Samaritaine et lui, juif, elle veut engager un débat théologique : où faut-il adorer Dieu ? Sa religion, c’était le culte samaritain dans lequel elle a été élevée, qu’elle n’avait pas choisi, même si elle y attache une certaine importante : Nos pères ont adoré sur cette montagne…

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L'adoration véritable ne dépend pas d'un endroit, d’un lieu, d'un moment ou d'un groupe ethnique, mais elle dépend de l’attitude envers Dieu. Des réalités physiques, montagne ou temple, ne peuvent pas être comparées avec la réalité de Dieu. Jésus révélait une vérité spirituelle profonde à cette étrangère, mais cette femme ne savait pas tout à fait ce qu'elle devait faire avec cette révélation, et elle dit : Je sais que le Messie doit venir, celui qu'on appelle Christ. Quand il viendra, il nous expliquera tout. Elle reconnaît que le Messie devait venir et qu'il expliquerait toutes choses au sujet de Dieu.

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Si la femme essaya de changer de sujet, Jésus, cependant, ne tomba pas dans le piège. Finalement, Il se présente à elle comme le Messie. Dans l'Evangile de Jean, Jésus n'avait pas encore révélé cela à quiconque. La première personne à qui il le révéla fut la Samaritaine.

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Là-dessus arrivèrent ses disciples, et ils s'étonnaient qu'il parlât à une femme. Pourtant pas un ne dit : Que cherches-tu ? Ou : De quoi lui parles-tu ?

La discussion fut interrompue par l'arrivée des disciples, tout stupéfaits de découvrir Jésus parlant avec une femme, et qui, plus est, une Samaritaine ! Cependant, personne ne lui fit de remarque.

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La femme alors laissa là sa cruche, courut à la ville et dit aux gens : Venez voir un homme qui m'a dit tout ce que j'ai fait. Ne serait-il pas le Christ ? Ils sortirent de la ville et ils se dirigeaient vers lui.

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Profitant de cette diversion, la Samaritaine, abandonnant sa cruche, se met à courir en direction du village en racontant à qui voulait l'entendre ce qui venait de lui arriver. Elle venait de rencontrer l'homme qui transformait sa vie, dans la personne de cet étranger qui lui avait parlé près du puits à tous ceux qu'elle connaissait. Puisqu’elle n’a plus rien à cacher, plus rien à justifier, elle se met à vouloir partager la vérité. Ce qu'elle venait de vivre était trop intense, pour qu'elle ne le garde que pour elle seule. Ayant eu le privilège d’entendre de la bouche de Jésus la reconnaissance de son identité de messie, elle est devenue missionnaire, confessant avec son peuple que Jésus est vraiment le Sauveur du monde.

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Entre-temps, les disciples le priaient, en disant : Rabbi, mange. Mais il leur dit : J'ai à manger un aliment que vous ne connaissez pas. Les disciples se disaient entre eux : Quelqu'un lui aurait-il apporté à manger ? Jésus leur dit : Ma nourriture est de faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin. Ne dites-vous pas : Encore quatre mois et vient la moisson ? Eh bien ! je vous dis : Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson. Déjà le moissonneur reçoit son salaire et récolte du fruit pour la vie éternelle, en sorte que le semeur se réjouit avec le moissonneur. Car ici se vérifie le dicton : autre est le semeur, autre le moissonneur : je vous ai envoyés moissonner là où vous ne vous êtes pas fatigués ; d'autres se sont fatigués et vous, vous héritez de leurs fatigues.

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Jésus avait demandé à la Samaritaine de lui donner à boire avant de lui révéler l'existence d'une eau qui jaillit pour la vie éternelle. Et alors que ses disciples reviennent avec leurs provisions de bouche et invitent leur maître à partager leur repas, Jésus ne le fait pas. Il profite de l'occasion pour leur révéler l'existence d'une nourriture qu'ils ne connaissent pas encore, mais qui est pour lui la vraie nourriture. Cette nourriture n'est pas matérielle. Jésus explique qu’elle consiste à «faire la volonté de celui qui m'a envoyé et de mener son oeuvre à bonne fin ». Durant l'exercice de son ministère, Jésus se conformera au désir de son Père, c’est ce qui donnera toute sa fécondité à son action.

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C'est cette fécondité de vie qu'il évoque en parlant de semeur, de moissonneur et de moisson. « Levez les yeux et regardez les champs, ils sont blancs pour la moisson ». Son action en Samarie porte déjà des fruits de conversion. Le temps de la moisson est venu, cela grâce à ceux qui ont pris de la peine : Jésus, mais aussi les prophètes et les justes d’Israël avant lui.

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Les disciples sont invités à lever les yeux, à comprendre ce qui arrive et comment il leur est donné de moissonner avec facilité. Mais ils seront appelés aussi à prendre leur part, en sorte qu’ils peineront pour d’autres moissonneurs qui récolteront le fruit de leurs peines. Le temps en question, c’est celui de l’Église, où le Christ ramène Israël à Dieu mais aussi toutes les nations, qui le reconnaîtront comme le « Sauveur du monde ».

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Un bon nombre de Samaritains de cette ville crurent en lui à cause de la parole de la femme, qui attestait : Il m'a dit tout ce que j'ai fait. Quand donc ils furent arrivés près de lui, les Samaritains le prièrent de demeurer chez eux. Il y demeura deux jours et ils furent bien plus nombreux à croire, à cause de sa parole, et ils disaient à la femme : Ce n'est plus sur tes dires que nous croyons ; nous l'avons nous-mêmes entendu et nous savons que c'est vraiment lui le sauveur du monde.

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Avec enthousiasme, la Samaritaine avait raconté à ses concitoyens ce qu'elle avait vécu. L'ayant entendue, les habitants de Sychar sortirent de la ville et vinrent à la rencontre de Jésus. Si les concitoyens de cette femme sont touchés par son témoignage, ce n’est pas uniquement parce qu’elle leur dit ce que tout le monde savait déjà, mais c’est à cause de la joie qui rayonne de cette confession.

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Elle les a convaincus d'aller s'en rendre compte par eux-mêmes et plusieurs d'entre eux ont cru, non seulement à cause de son témoignage, mais aussi parce qu'ils ont eux-mêmes écouté Jésus parler. Jésus les enseignera pendant deux jours durant et, au moment du départ, ces Samaritains séparatistes, hérétiques, païens, méprisés des juifs orthodoxes de Judée, vont proclamer leur foi en Jésus en disant : « C’est vraiment lui le Sauveur du monde ».