Le livre de Judith

 

 

 

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Le Livre de Judith

le Salut de Dieu apporté par une femme

 

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Pour entrer dans la compréhension du livre de Judith, un rappel sur les différents livres de la Bible s’avère nécessaire. La Bible est le livre sacré du judaïsme et du christianisme.

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Le terme Bible vient, par le latin, du grec biblia, ou « livres », diminutif de byblos, mot signifiant papyrus ou papier, qui était exporté du port phénicien de Byblos.

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La Bible du judaïsme et celle du christianisme diffèrent sur plusieurs points. Ce que les chrétiens nomment la Bible n’est pas tout à fait la même chose que pour les Juifs.

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La Bible juive est un ensemble de trente-neuf livres écrits à l’origine en hébreu à l’exception de quelques passages en araméen.

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La Bible chrétienne renferme deux grandes sections : l’Ancien Testament et le Nouveau Testament. Chacune des sections contient plusieurs livres eux-mêmes subdivisés en chapitres et en versets.

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L’Ancien Testament est écrit en hébreu. Il est présenté sous deux formes différentes par le catholicisme et le protestantisme. La version utilisée par les catholiques est la Bible du judaïsme complétée de sept autres livres et adjonctions ; certains des livres supplémentaires furent écrits initialement en grec comme le Nouveau Testament. On appelle couramment ces livres « deutérocanoniques ». L'Ancien Testament se compose de trente-neuf livres pour les protestants et de quarante-six pour les catholiques.

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Les sept livres en plus sont appelés « deutérocanoniques » (deuxième canon), parce qu'ils ont été reconnus par l'Eglise catholique après le premier canon définissant la liste officielle des livres de l'Ancien Testament (en 90 de l’ère chrétienne). Le deuxième canon est intervenu au Concile de Trente (1545-1563). Il faut également préciser que les catholiques ont inclus, des passages supplémentaires à l'intérieur des livres d'Esther et de Daniel. Quant au Nouveau Testament, il se compose de vingt-sept écrits.

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Le judaïsme quant à lui ne reconnaît pas non plus ces livres deutérocanoniques, qui forment un groupe de sept livres : Ben Sirac (Siracide ou Ecclésiastique ), Tobie, Sagesse, Judith, premier et deuxième livre des Macchabées, Baruch, ainsi que les « versions longues » de Daniel et Esther que les protestants appellent parfois péjorativement « apocryphes ».

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La Bible du judaïsme comporte trois parties distinctes : la Torah, ou Loi, également appelée Livres de Moïse ; les Neviim, ou Prophètes, divisé en Prophètes anciens et Prophètes modernes ; et les Ketubim, ou Écrits, qui contient les psaumes, les livres sapientaux et autres textes divers.

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Dans le judaïsme, on ne dit pas « la Bible ». On parle plutôt de la TANAK. Ce mot n’existe pas en fait. Il est formé, lié pas des « a », par les trois premières lettres de chacune des parties de la Bible juive : T, N, K.

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Le « T » est la première lettre du mot Torah (la Torah, c’est le Pentateuque, les cinq premiers livres de la Bible).

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Le « N » est la première lettre du mot Neviim qui signifie prophètes.

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Le « K » est la première lettre du mot Ketubim qui signifie écrits sacrés et qui couvre tous les autres écrits de la Bible sauf, bien sûr, les écrits grecs et le Nouveau Testament.

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Le livre de Judith est difficile à dater et semé de contradictions. Il rapporte l'histoire d'une femme qui a délivré le peuple juif lors d'une guerre où il était menacé d'extermination. C'est une histoire fascinante qui montre comment des êtres humains peuvent intervenir pour sauver d'une situation désespérée. Son but est alors d'encourager ses compatriotes à tenir bon dans l'adversité et à rester envers et contre tout fidèles à Dieu.

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L'auteur inconnu aurait composé ce récit édifiant à la fin du second ou au début du premier siècle avant l’ère chrétienne. L'original presque a été certainement écrit dans l'hébreu, mais rapidement traduit en grec. Ce livre a probablement comme origine un fait réel qui pourrait se placer sous la domination perse (538-333), sur lequel le rédacteur a brodé librement.

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Le livre de Judith prend cependant d'étonnantes libertés avec l'histoire et la géographie, non pas parce qu’il présente une mauvaise géographie ou se trompe dans les faits historiques, mais parce qu’il est une histoire pieuse, sans prétention historique ou géographique. Il n’est pas difficile de démontrer que cette histoire est une fiction.

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Dès le premier verset on nous parle de Nabuchodonosor, roi des Assyriens, alors qu’il était roi de Babylone et qu’il a écrasé l’Assyrie. « C'était la douzième année du règne de Nabuchodonosor, qui régna sur les Assyriens à Ninive, la grande ville, aux jours d'Arphaxad, qui régna sur les Mèdes à Ecbatane » (1, 1). A chaque instant de l’histoire, on rencontre des anachronismes.

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Mais, il est clair que l’auteur veut nous rappeler une vérité permanente de l’histoire : Dieu est en lutte contre les pouvoirs oppresseurs et il mène toujours à bien son propre plan. D'autre part, les événements rapportés supposent que les Juifs sont déjà revenus de l'exil ; or c'est ce même Nabuchodonosor qui les avait fait déporter.

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La ville de Béthulie, autour de laquelle tourne toute l'action du récit, n'est mentionnée nulle part ailleurs et que les indications topographiques ne correspondent à aucune localité connue en Palestine. Derrière cette fiction, l'auteur cache intentionnellement des allusions à une situation plus récente, probablement la difficile période de la révolte juive contre le roi syrien Antiochus IV Épiphane (175-164 avant J.-C.).

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L'étonnante histoire relatée dans ce Livre se déroule à un moment où le Proche-Orient est dévasté par une guerre menée par l'empire assyrien. Les armées du général Holopherne prennent rapidement le dessus et ravagent l'une après l'autre les villes du pays.

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Lorsqu'elles paraissent devant Jérusalem, les Juifs s'enferment dans leurs murs, et le siège de la ville commence. Les assiégés n'ont aucune chance. La population terrifiée se met à prier Yahvé.

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Le nom de Judith signifie « la juive ». Son histoire se situe au moment du retour du peuple après la captivité à Babylone. C’est une femme dont la réputation de beauté est exceptionnelle ;

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elle est choisie par Dieu pour sauver son peuple d'une invasion par le général Holopherne, général assyrien qui met le siège devant Béthulie, une ville d'Israël. Il affame et assoiffe les habitants Bientôt, eau et vivres viennent à manquer.

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Les habitants de la ville et leurs chefs s'enfoncent dans la dépression. Désespérés, ceux-ci sont prêts à se rendre, Se rendre, c'est ouvrir la porte à l'ennemi. Il faut résister. Mais le siège est terrible. Alors ils mettent Dieu au pied du mur, alors ils marchandent avec Dieu : « Donnons cinq jours à Dieu » (7, 30).

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Judith, femme belle, riche, veuve depuis plus de trois ans, mais surtout vertueuse, vivant dans le jeûne, le sac et la louange, est informée de la situation. Alors elle se fâche. Peut-on défier Dieu ! Les propos de ses concitoyens la choquent. Dans sa foi au Dieu Unique, elle est convaincue que Dieu agira

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Le campement des forces de Holopherne autour de la ville promet un avenir sombre. La marche des armées ennemies les mènerait finalement à Jérusalem, où le temple lui-même serait menacé et, probablement, détruit. Au retour d’Exil, le peuple de Dieu avait restauré le temple, rétabli le culte à Dieu et repeuplé le pays… 

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« Les fils d'Israël… apprirent tout ce qu'Holopherne… avait fait aux nations et la manière dont il avait pillé leurs sanctuaires et les avait livrés à la destruction. Ils furent extrêmement effrayés à cause de lui et angoissés pour Jérusalem et pour le temple de leur Dieu. Car récemment ils étaient remontés de leur captivité…, et l'autel et la maison de Dieu avaient été consacrés après leur profanation » (Jud. 4, 1-3). Tous les hommes d'Israël crièrent vers Dieu avec une grande ardeur et ils jeûnèrent avec une grande ardeur (4, 9). Si Dieu l’avait libéré de l’esclavage, il ne pouvait permettre que « la terre promise » fût usurpée.

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Pendant ce temps, le rédacteur fait entendre au général assyrien le récit de l’histoire du peuple d’Israël : « Ce peuple est un descendant des Chaldéens. Ils séjournèrent d'abord en Mésopotamie, parce qu'ils ne voulaient pas suivre les dieux de leurs pères… Leur Dieu leur dit de sortir du lieu de leur séjour et d'aller dans la terre de Canaan. Ils y habitèrent…

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Ils descendirent en Égypte, car une famine avait recouvert la face de la terre de Canaan, et ils séjournèrent là-bas si bien… qu'ils devinrent là une grande multitude... Le roi d'Égypte se dressa contre eux… il les humilia et les transforma en esclaves. Ils crièrent vers leur Dieu, qui frappa toute la terre d'Égypte de coups sans remède et les Égyptiens les chassèrent hors de leur présence. Dieu dessécha la mer Rouge devant eux et les conduisit sur la route…

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Après avoir traversé le Jourdain, ils prirent possession de toute la région... Tant qu'ils ne péchèrent pas devant leur Dieu, le bonheur était avec eux… Mais quand ils s'éloignèrent de la voie qu'il leur avait établie, ils furent très gravement exterminés dans de nombreuses guerres et furent emmenés en captivité dans une terre étrangère…

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Et maintenant, après être revenus vers leur Dieu, ils sont remontés de la dispersion où ils avaient été dispersés, ils ont occupé Jérusalem où est leur sanctuaire et ils se sont établis dans la région montagneuse, car elle était déserte » (5, 6-18).

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Judith convoque les anciens de sa ville pour leur dévoiler son plan : « Écoutez-moi : je ferai une action qui parviendra aux fils de notre race jusqu'à des générations de générations. Vous vous tiendrez à la porte cette nuit ; je sortirai avec ma suivante et avant les jours où vous avez parlé de livrer la ville à nos ennemis, le Seigneur visitera Israël par mon entremise (8, 32-33).

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Elle présente aux chefs du peuple une autre proposition qui n’est pas un palliatif, mais une ferme décision pour attaquer le mal à la racine : « Mais nous, nous ne connaissons pas d’autre Dieu que Lui. Aussi pouvons-nous espérer qu’il ne nous regardera pas avec dédain et ne se détournera pas de notre race. Si en effet on s’empare de nous, comme vous l’envisagez, toute la Judée aussi sera prise et nos lieux saints pillés. Notre sang devra alors répondre de leur profanation. » (8, 20-21).

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Elle prévoit les conséquences des événements, elle voit au-delà de ses intérêts : l’extermination des habitants de sa ville permettra à l’ennemi de prendre possession de tout le pays de Juda. Céder, même un peu, c’est laisser le champ libre à l’ennemi. Elle élabore donc un projet qui évitera l’esclavage. Elle prend des risques… mais elle a pleine confiance dans le Seigneur. Elle ne révèle pas son plan. Elle demande simplement qu’on la laisse agir en toute liberté : « Ne cherchez pas à connaître ce que je vais faire. Je ne vous le dirai pas avant de l’avoir exécuté. » (Jdt. 8,34).

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Quand ses hôtes l'ont quittée, Judith se met à prier « le Dieu des humbles, le secours des petits, le défenseur des faibles, le protecteur des abandonnés, le sauveur des désespérés... » (9, 11).

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Inspirée par Dieu, Judith entreprend alors son opération de sauvetage. Elle revêt ses habits de fête et sort de la ville, elle se présente à l'entrée du camp assyrien. Ne s'attendant pas à cette apparition, les soldats assyriens ne se méfient pas et tombent sous le charme.

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Ils l'introduisent dans leur camp et la présentent à leur chef qui est séduit par sa beauté. La prenant pour une courtisane, le général en chef Holopherne lui-même ne peut résister, et tombe inévitablement amoureux. Judith sait que la victoire n’est pas dans ses mains mais dans celles de Dieu qui veut sauver son peuple. 

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Holopherne invite Judith à assister à un banquet. Au cours du dîner, il lui fait des propositions galantes. Ils conviennent de se retrouver dans l'intimité. Le repas fini, Holopherne, qui s'était enivré, tomba dans un sommeil profond. Ses serviteurs le portèrent sur son lit et se retirèrent, laissant près de lui Judith, seule avec sa servante.

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Judith invoque le Seigneur en silence, puis, saisissant avec fermeté le sabre d'Holopherne, l'en frappe deux fois au cou et lui tranche la tête.

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Le général meurt instantanément.

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Elle la met ensuite dans un sac que portait sa servante.

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Judith demande aux soldats assyriens l'autorisation de passage, en prétextant de devoir dire une prière.

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Ne sachant rien du meurtre, les soldats la laissent passer. Judith regagne rapidement la ville.

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Judith montra la tête d'Holopherne aux habitants. « Tout le peuple fut absolument stupéfait ; s'étant inclinés, ils adorèrent Dieu et dirent unanimement : Tu es béni, ô notre Dieu, toi qui as anéanti aujourd'hui les ennemis de ton peuple.

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Ozias lui dit : Bénie sois-tu, ma fille, par le Dieu très haut, plus que toutes les femmes qui sont sur la terre, et béni soit le Seigneur Dieu, lui qui a créé les cieux et la terre, lui qui t'a conduite pour blesser à la tête le chef de nos ennemis. En effet, ton espérance ne quittera pas le coeur des hommes qui se souviendront de la vigueur de Dieu pour toujours.

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Que Dieu fasse que tu sois exaltée perpétuellement et visitée par ses bienfaits, parce que tu n'as pas épargné ta vie à cause de l'humiliation de notre race, mais tu t'es opposée à notre chute en marchant droit au but devant notre Dieu. Et tout le peuple dit : Ainsi soit-il. Ainsi soit-il » (13, 17-20).

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Elle ordonne aux hommes de suspendre la tête d'Holopherne au rempart et les exhorte à se précipiter sur les ennemis.

 

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Au matin, c'est la panique dans le camp assyrien qui découvre la tête de son chef suspendue. Les Assyriens s'enfuient, poursuivis par les assiégés de Béthulie qui les taillent en pièces. Le camp est pillé. La victoire du peuple est totale.

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Les habitants, après leur victoire, rendirent au Seigneur de solennelles actions de grâces. Ce jour-là, le royaume d'Israël est débarrassé de l'armée d'Holopherne pour toujours, et de la menace assyrienne pour longtemps.

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Judith chantera elle-même un cantique de victoire (16, 1-17), qui ressemble trait pour trait au Magnificat de la Vierge. Elle vécut honorée par tout le peuple d'Israël, et mourut à l'âge de 150 ans.