Le prophète Elie

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Le prophète Elie

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Dans la Bible, le prophète est celui qui parle devant le peuple, celui qui interprète pour les autres la parole qu’il a reçue de Dieu. Ce sens est bien différent de celui du devin : celui qui prédit l'avenir. La fonction du prophète n’est pas de prédire l’avenir, mais de transmettre la parole de Dieu pour remettre le peuple sur le chemin de l’Alliance.

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Un prophète témoigne de ce qu'il a vu. Il a fait une expérience spirituelle, qui le pousse au témoignage, à la prédication. Il parle de son propre chef, sans avoir la caution d'une institution.

Il ne témoigne pas de ses croyances, mais de son « voir ». Le verbe voir en hébreu, ne s'applique pas à la vue de l'œil mais à la perception de l'intelligence. La vérité qui se révèle au prophète est celle de Dieu sans la moindre démonstration.

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Elie, le Tishbite, de la population de Galaad (région située à l’est du Jourdain, entre le lac de Tibériade et la mer Morte), dit à Akhab (roi du Nord et adorateur du dieu Baal, idole au pays des Cananéens) : « Par la vie du Seigneur, le Dieu d'Israël au service duquel je suis : il n'y aura ces années-ci ni rosée ni pluie sinon à ma parole. » (1 R. 17, 1). C'est par cette première intervention, abrupte, audacieuse, sûre d'elle-même, que le prophète Élie s'insère dans l'histoire des rois d'Israël. Qui est cet homme étrange ?

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Il est connu par la Bible, par les livres des rois (1 R. 17 – 2 R. 2), dans ce qu’il est convenu d’appeler le « cycle d’Elie ». Il s'appelait Ėliyyahou, nom qui signifiait : Yahvé est mon Dieu. Ce nom devint sa devise et son programme, car toute sa vie il voulut être le témoin et le champion du seul vrai Dieu, le Dieu de l'Alliance. Il mène un combat violent pour restaurer l'Alliance entre Dieu et son peuple.

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La parole du Seigneur fut adressée à Elie : « Va-t'en d'ici, dirige-toi vers l'orient et cache-toi dans le ravin de Kerith qui est à l'est du Jourdain. Ainsi tu pourras boire au torrent, et j'ai ordonné aux corbeaux de te ravitailler là-bas. »

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Il partit et agit selon la parole du Seigneur ; il s'en alla habiter dans le ravin de Kerith qui est à l'est du Jourdain. Les corbeaux lui apportaient du pain et de la viande le matin, du pain et de la viande le soir ; et il buvait au torrent. Au bout d'un certain temps, le torrent fut à sec, car il n'y avait pas eu de pluie sur le pays.

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Trois années de sécheresse suivent cette parole prophétique.

Pour ses adeptes, Baal est le dieu de la pluie, donc de la fécondité et de la vie. Pourtant, c'est Elie, au nom de Dieu, qui est le plus puissant. Elie apporte ainsi une première preuve que le vrai Dieu est le Dieu d'Israël.

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L’unité religieuse et politique du royaume de Salomon ne survécut pas à la mort de celui-ci (928 av. JC) ; le pays est divisé en deux royaumes, Israël au nord avec Samarie comme capitale et Juda au sud avec Jérusalem.

Roi de Samarie Achab régna de 874 à 852 av. JC et épousa Jézabel, fille du puissant roi phénicien de Sidon Ethbaal. Celle-ci introduisit à la cour les cultes païens de Baal et d’Astarté, et fit tuer les prêtres de Yahvé.

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Sans pluie ni rosée, ce fut la sécheresse ! La sécheresse installée, ce fut la famine…

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La parole du Seigneur lui fut adressée : « Lève-toi, va à Sarepta qui appartient à Sidon, tu y habiteras ; j'ai ordonné là-bas à une femme, à une veuve, de te ravitailler ». Il se leva, partit pour Sarepta et parvint à l'entrée de la ville.

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Il y avait là une femme, une veuve, qui ramassait du bois. Il l'appela et dit : « Va me chercher, je t'en prie, un peu d'eau dans la cruche pour que je boive !  » Elle alla en chercher. Il l'appela et dit : « Va me chercher, je t'en prie, un morceau de pain dans ta main ! »

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Elle répondit : « Par la vie du Seigneur, ton Dieu ! Je n'ai rien de prêt, j'ai tout juste une poignée de farine dans la cruche et un petit peu d'huile dans la jarre ; quand j'aurai ramassé quelques morceaux de bois, je rentrerai et je préparerai ces aliments pour moi et pour mon fils ; nous les mangerons et puis nous mourrons ».

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Elie lui dit : « Ne crains pas ! Rentre et fais ce que tu as dit ; seulement, avec ce que tu as, fais-moi d'abord une petite galette et tu me l'apporteras ; tu en feras ensuite pour toi et pour ton fils. Car ainsi parle le Seigneur, le Dieu d'Israël : Cruche de farine ne se videra jarre d'huile ne désemplira jusqu'au jour où le Seigneur donnera la pluie à la surface du sol ».

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Elle s'en alla et fit comme Elie avait dit ; elle mangea, elle, lui et sa famille pendant des jours. La cruche de farine ne tarit pas, et la jarre d'huile ne désemplit pas, selon la parole que le Seigneur avait dite par l'intermédiaire d'Elie.

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Voici ce qui arriva après ces événements : le fils de cette femme, la propriétaire de la maison, tomba malade. Sa maladie fut si violente qu'il ne resta plus de souffle en lui.

La femme dit à Elie : « Qu'y a-t-il entre moi et toi, homme de Dieu? Tu es venu chez moi pour rappeler ma faute et faire mourir mon fils. »

 

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Il lui répondit : « Donne-moi ton fils ! » Il le prit des bras de la femme, le porta dans la chambre haute où il logeait, et le coucha sur son lit.

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Puis il invoqua le Seigneur en disant : « Seigneur, mon Dieu, veux-tu du mal même à cette veuve chez qui je suis venu en émigré, au point que tu fasses mourir son fils ? »

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Elie s'étendit trois fois sur l'enfant et invoqua le Seigneur en disant : « Seigneur, mon Dieu, que le souffle de cet enfant revienne en lui ! »

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Le Seigneur entendit la voix d'Elie, et le souffle de l'enfant revint en lui, il fut vivant.

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Elie prit l'enfant, le descendit de la chambre haute dans la maison, et le donna à sa mère ; Elie dit : « Regarde ! Ton fils est vivant. »

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La femme dit à Elie : « Oui, maintenant, je sais que tu es un homme de Dieu, et que la parole du Seigneur est vraiment dans ta bouche. »

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De tous les rois impies d'Israël, le pire a été Achab. La Bible dit de lui. Achab a épousé Jézabel avant tout pour des bénéfiques politiques, et a construit un Temple dédié à la divinité cananéenne Baal, propageant cette forme d'idolâtrie parmi le peuple juif.

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Fidèle de Baal, elle massacre les prophètes du Dieu des Juifs, et tente de convertir son époux à sa religion païenne. L'idolâtrie se répandit dans tous le pays et bientôt tout le peuple adorait ce faux dieu à qui l'ont vouait un culte atroce, allant même jusqu’au sacrifice des enfants. 

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Elie souhaitait que le peuple juif se repente. A cet effet, il mit au point avec les prêtres de Baal une opération à grand spectacle afin de démontrer de manière flagrante que l'idolâtrie était un mensonge.

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Il lança un défi aux prêtres de Baal : Chacun des deux camps présentera à sa divinité un taureau en sacrifice, et celle qui enverra, à la vue du peuple, un feu du ciel pour consumer l'offrande sera acceptée comme le vrai Dieu.
Les prêtres de Baal relevèrent le défi. Ils déposèrent leur taureau sur l'autel, et ils supplièrent Baal en poussant des cris en direction du ciel.

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Mais après s'être épuisés pendant presque une journée, rien n'arriva. Elie se moqua d'eux. Vers la fin de la journée, Elie donna ses ordres pour la préparation de son offrande. Il la fit tremper dans l'eau afin de la rendre encore moins facile à enflammer. Il fit construire, tout autour de l'autel, une tranchée remplie d'eau. Puis il prononça une prière.

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Alors, un feu jaillit du ciel, consuma le sacrifice, et absorba l'eau dans le fossé. La foule acclama : « Dieu, c'est Lui qui est Dieu, Dieu, c'est Lui qui est Dieu ! »

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Les prêtres de Baal furent mis à mort

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Akhab parla à Jézabel de tout ce qu'avait fait Elie, et de tous ceux qu'il avait tués par l'épée, tous les prophètes.

 

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Jézabel envoya un messager à Elie pour lui dire : « Que les dieux me fassent ceci et cela si demain, à la même heure, je n'ai pas fait de ta vie ce que tu as fait de la leur ! »

Voyant cela, Elie se leva et partit pour sauver sa vie; il arriva à Béer-Shéva qui appartient à Juda et y laissa son serviteur.

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Y étant parvenu, il s'assit sous un genêt isolé. Il demanda la mort et dit : « Je n'en peux plus ! Maintenant, Seigneur, prends ma vie, car je ne vaux pas mieux que mes pères. » Puis il se coucha et s'endormit sous un genêt isolé. Mais voici qu'un ange le toucha et dit : « Lève-toi et mange ! »

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Il regarda : à son chevet, il y avait une galette cuite sur des pierres chauffées, et une cruche d'eau ; il mangea, il but, puis se recoucha.

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L'ange du Seigneur revint, le toucha et dit : « Lève-toi et mange, autrement le chemin serait trop long pour toi. » Elie se leva, il mangea et but puis, fortifié par cette nourriture, il marcha quarante jours et quarante nuits jusqu'à la montagne de Dieu, l'Horeb.

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Il arriva là, à la caverne, et y passa la nuit. - La parole du Seigneur lui fut adressée : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? » Il répondit : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l'épée; je suis resté moi seul, et l'on cherche à m'enlever la vie. »

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Le Seigneur dit : « Sors et tiens-toi sur la montagne, devant le Seigneur ; voici, le Seigneur va passer. » Il y eut devant le Seigneur un vent fort et puissant qui érodait les montagnes et fracassait les rochers ; le Seigneur n'était pas dans le vent.

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Après le vent, il y eut un tremblement de terre ; le Seigneur n'était pas dans le tremblement de terre. Après le tremblement de terre, il y eut un feu ; le Seigneur n'était pas dans le feu.

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Et après le feu le bruissement d'un souffle ténu (comme au jardin de la Genèse). Alors, en l'entendant, Elie se voila le visage avec son manteau ; il sortit et se tint à l'entrée de la caverne. Une voix s'adressa à lui : « Pourquoi es-tu ici, Elie ? »

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Il répondit : « Je suis passionné pour le Seigneur, le Dieu des puissances : les fils d'Israël ont abandonné ton alliance, ils ont démoli tes autels et tué tes prophètes par l'épée ; je suis resté moi seul, et l'on cherche à m'enlever la vie. » Le Seigneur lui dit : « Va, reprends ton chemin en direction du désert de Damas. Quand tu seras arrivé, tu oindras Hazaël comme roi sur Aram. Et tu oindras Jéhu, fils de Nimshi, comme roi sur Israël ; et tu oindras Elisée, fils de Shafath, d'Avel-Mehola, comme prophète à ta place. »

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C’est sur ce même mont Horeb, aussi nommé Sinaï, que Moïse avait rencontré Dieu, dans l’épisode du buisson ardent,

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et qu’il avait reçu la Loi de Dieu. Elie sera donc présenté comme le nouveau Moïse, par la tradition juive ; il sera celui qui donnera de nouveaux rois et de nouveaux prophètes au peuple de Dieu.

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Il partit de là et trouva Elisée, fils de Shafath, qui labourait ; il avait à labourer douze arpents, et il en était au douzième. Elie passa près de lui et jeta son manteau sur lui.

 

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Le prophète Elisée, dont le nom signifie "Dieu est salut", était fils d'un riche cultivateur de la vallée du Jourdain. Elie l'institua comme son disciple et héritier de son charisme prophétique.

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Elisée immola deux boeufs et se servit de leur attelage pour les brûler en sacrifice au Seigneur. Puis, renonçant à tout et sans aller dire adieu aux siens, il suivit Elie et se fit son serviteur dévoué.

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A la fin de sa vie, Elie sera emporté mystérieusement vers le ciel

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Elie et Elisée quittaient Guilgal. Elie dit à Elisée : « Reste ici. »…  Elisée répondit : « Par la vie du Seigneur et par ta propre vie, je ne te quitterai pas ! » Arrivé au Jourdain, Elie enleva son manteau, le roula et en frappa les eaux, qui se séparèrent. Ils passèrent tous deux à pied sec. (Cela ne manque pas d’évoquer le passage de la Mer Rouge avec Moïse, et le passage du Jourdain, par le peuple conduit par Josué)…

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Comme ils passaient, Elie dit à Elisée : « Demande ce que je dois faire pour toi avant d'être enlevé loin de toi ! » Elisée répondit : « Que vienne sur moi, je t'en prie, une double part de ton esprit ! » Il dit : « Tu demandes une chose difficile. Si tu me vois pendant que je serai enlevé loin de toi, alors il en sera ainsi pour toi, sinon cela ne sera pas. »

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Tandis qu'ils poursuivaient leur route tout en parlant, voici qu'un char de feu et des chevaux de feu les séparèrent l'un de l'autre ; Elie monta au ciel dans la tempête. Quant à Elisée, il voyait et criait : « Mon père ! Mon père ! Chars et cavalerie d'Israël ! » Puis il cessa de le voir.

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Il saisit alors ses vêtements et les déchira en deux. Il ramassa le manteau qui était tombé des épaules d'Elie, revint vers le Jourdain et s'arrêta sur la rive. Il enleva le manteau qui était tombé des épaules d'Elie et en frappa les eaux en disant : « Où est le Seigneur, le Dieu d'Elie ? » Lui aussi frappa les eaux : elles se séparèrent et Elisée passa.

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Dans cette icône, le prophète Élie se présente dans un cercle de feu, avec un carrosse tiré par quatre chevaux, tandis qu'en bas à droite, Élisée reçoit le manteau du prophète.  En bas à gauche, est représentée la vision de l'ange que le prophète voit apparaître dans le désert. Au centre la traversée du Jourdain, grâce au miracle d’Élie qui sépare les eaux en frappant le fleuve de son manteau. 

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Elie est très vénéré dans la tradition juive, il est celui qui doit revenir pour annoncer la venue du Messie. Il est évoqué à chaque repas pascal, il préside également à toute circoncision : c’est lui qui attestera que cet enfant est le Messie attendu.

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Il est vénéré également dans la tradition chrétienne ; certains textes laissent à penser qu’il est déjà revenu en la personne de Jean-Baptiste pour révéler la présence du Messie, le Christ, au milieu des hommes.

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Avec Moïse, Élie est présent à la Transfiguration de Jésus comme pour confirmer aux disciples que le Christ devra passer par la souffrance avant d’être glorifié, mais aussi pour signifier que, comme ces deux témoins de l’Ancien Testament, il passera les frontières de la mort de manière exceptionnelle.

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Moïse et Elie ont rencontré Dieu sur la montagne du Sinaï, ils lui ont parlé.

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Comme Moïse, Jésus sera le libérateur du peuple, en lui donnant une nouvelle Loi, celle de l’amour.

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Élie a été prophète de la miséricorde et de la magnanimité de Dieu. Jésus oriente toute son œuvre vers la révélation de la miséricorde du Père pour tous les hommes.

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La mort et la résurrection de Jésus s’inscrivent dans un ensemble. On ne peut évoquer sa mort — comme Moïse et Élie le font — sans, du même coup, pressentir sa gloire.

 © Michel Ségard, 2006