Sous le Figuier Avec Nathanaël




Il peut apparaître quelque peu étrange que ce site Internet de formation religieuse et de pastorale catéchétique, relié à l’Institution libre de Marcq en Baroeul, usuellement appelée "Collège de Marcq" se soit doté d’un tel nom. Le climat de la région Nord ne permet guère l’exploitation de figuiers, et il ne manque pas d’autres essences dans la végétation locale.

C’est en raison même de sa visée initiale que ce nom a été choisi. Il faut en préciser quelque peu les motifs.

Tout d’abord, ce site veut se situer dans la longue tradition des études bibliques qui sont les fondations sur lesquelles repose toute formation authentique chrétienne. Il suffit d’ouvrir la Bible pour découvrir que les arbres ont toujours tenu une place prépondérante dans les textes des auteurs bibliques, sans doute pour la simple raison qu’ils vivaient dans des régions particulièrement arides du Moyen-Orient, et que la présence d’arbres signifiait à leurs yeux la présence de la vie, comme l’oasis au milieu du désert. De plus, l’arbre, plongeant ses racines dans la terre, élevait ses branches vers le ciel ; et en cela il devenait en quelque sorte le symbole de l’homme (et du peuple tout entier) qui voulait s’élever jusqu’au domaine céleste et divin…

Le premier livre de la Bible, la Genèse, s’ouvre sur un jardin planté d’arbres aux fruits les plus savoureux qui devaient permettre à l’homme de se rassasier ; et parmi ces arbres, l’arbre de la connaissance du bien et du mal, indice que la vie de l’homme sera toujours placée sous le signe du choix : deux voies lui seront ouvertes, entre la vie et la mort, entre la bénédiction et la malédiction.

C’est aussi sous un arbre que le vieux patriarche Abraham reçut la visite de trois anges venus lui annoncer la naissance prochaine d’un fils, Isaac. De cet homme et de son épouse Sara, tous deux marqués par l’âge et la stérilité, souches infécondes qui permettront quand même la naissance d’un surgeon, rassemblant en sa personne toute l’espérance humaine.

Et les exemples sont nombreux dans la presque totalité des livres saints, à tel point que l’homme heureux est comparé, dans le premier psaume, comme un arbre planté aux bords des eaux, arbre dont le feuillage ne se flétrit pas et qui donne du fruit en chaque saison. L’homme heureux lui est comparable, parce qu’il met sa foi, sa confiance dans le Seigneur ; ses actions seront les fruits qui permettent de reconnaître l’action de Dieu en lui.

Celui qui met sa confiance en Dieu possède l’assurance de résister à toute forme de détresse et de rester en vie aux heures les plus sombres de son histoire. Il vit de la sève qui monte de ses racines et pour cela, il a besoin de la terre et de l’eau. Ce qui est étonnant, c’est que Dieu est représenté par la source d’eau qui nourrit l’arbre ! Dieu est ici en bas, dans le ruisseau, dans la source. Il n’est pas perdu dans les hauteurs célestes, il est celui qui vient irriguer le sol sur lequel s’enracine l’arbre, et par le fait même l’homme.

La tradition a fait du figuier l’arbre par excellence de la connaissance et de la recherche de Dieu. Cela est dû au fait qu’il étendait très largement ses branches et permettait à l’homme de se reposer à l’ombre et d’y étudier les textes de l’Écriture, le soleil ne pouvant être accablant pour lui. L’homme heureux, c’est celui qui prend son plaisir dans la méditation et la pratique des commandements de Dieu, en se mettant à l’ombre de la Parole de Dieu qui étend ses branches pour le protéger de toutes les atteintes et agressions extérieures.

L’expérience prouve à chaque homme que les réalités du monde sont bien décevantes et souvent productrices de sécheresse. Mais celui qui met sa confiance en Dieu, en scrutant ses commandements, en étudiant sa Loi, et en l’aimant, ne se sent jamais abandonné. Il garde toujours sa jeunesse, son espérance et sa fraîcheur.

C’est encore la Bonne Nouvelle pour aujourd’hui : "  Béni soit l’homme qui compte sur le Seigneur : malgré la chaleur et la sécheresse, il ne cessera de porter du fruit ! " 

Sous le figuier avec Nathanaël.

C’est aussi sous un figuier que se trouvait Nathanaël, avant qu’il ne soit rejoint par Jésus, selon ce que rapporte l’Evangile selon saint Jean. Nathanaël (" Dieu a donné ") est nommé Barthélémy par les autres évangélistes et dans les Actes des apôtres. Dans la liste des douze disciples, son nom est chaque fois associé à celui de Philippe qui l’a conduit à Jésus.

Il est probable que Nathanaël devait lire et méditer les textes de l’Ecriture. La littérature rabbinique signale ce fait que sous le figuier on trouve un lieu ombragé, discret, propice à la prière. Nathanaël avait sans doute reçu le baptême de Jean-Baptiste. Et depuis cet engagement, il attendait la venue du Messie annoncé. Sous le figuier, il méditait. Et c’est à ce moment que Philippe accourt pour lui annoncer ce qu’il considère déjà comme une Bonne Nouvelle : Nous avons trouvé celui que nous attendions. Il fait naturellement référence aux textes biblique, tout en ajoutant une précision historique et géographique actuelle, en ce sens que le Messie attendu serait le fils de Joseph de Nazareth, un village totalement inconnu des textes sacrés et qui ne peut que susciter la déception chez un homme qui ne peut imaginer qu’un Messie glorieux, venant de la ville royale de Jérusalem. Nathanaël ne peut qu’être sceptique à l’annonce d’une telle précision, et Philippe ne trouve rien d’autre à suggérer que de venir à la rencontre de ce Jésus : Viens et vois !

Nathanaël se lève, perplexe mais intrigué, et va à Jésus. Jésus va transformer cet homme sceptique, en l’accueillant de manière étonnante. Il connaît les préjugés de Nathanaël, ses combats intérieurs, ses interrogations, mais il sait qu’il est ouvert à la vérité, qu’il cherche encore. Et tel qu’il est, Jésus va en faire un disciple. Nathanaël est ébranlé par l’autorité qui se dégage de la personne de Jésus, qui le voyait en profondeur sous le figuier. Cela suffira à Nathanaël pour reconnaître en Jésus le Messie, et pour affirmer la divinité de ce Jésus qui lui fera découvrir des choses bien plus grandes encore…

Si nous ne savons pas exactement ce que faisait ou pensait Nathanaël sous le figuier, il semble pourtant certain que l’évangéliste ne mentionnerait pas cet épisode si celui-ci ne devait marquer un moment important, décisif dans la vie de celui qui allait devenir disciple de Jésus. C’était un moment capital de son existence.

Comme la vie de Nathanaël, notre existence est faite de moments de tentation, de perplexité, d’inquiétude, de relâchement… Et c’est alors qu’il est bon de nous retrouver avec Nathanaël et comme lui " sous le figuier " pour nous reposer certes, mais aussi pour entendre la voix de Celui qui intervient dans notre vie pour nous provoquer et nous inviter à marcher à sa suite, pour découvrir mieux encore que tout ce que nous pouvions espérer.

C’est là sans doute que nous pouvons découvrir l’exigence de la Nouvelle Évangélisation, à l’aube du troisième millénaire. Comme Nathanaël, nous sommes invités d’abord à nous retrouver nous-mêmes, sous ce figuier, et à prendre un nouveau départ.

Père Michel Ségard  

Aumônier au Collège de Marcq